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Jeanne Saboureault et l’équipe SWIFT

SOIL SISTERS

En route vers des politiques agricoles transformatrices en matière d’égalité de genre

Jeanne Saboureault et l’équipe SWIFT

SOIL SISTERS

En route vers des politiques agricoles transformatrices en matière d’égalité de genre

Deliverable 5.4 - Octobre 2025

Les points de vue et avis exprimés n’engagent toutefois que leurs auteures et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de la Commission européenne. Ni l’Union européenne ni la Commission européenne ne sauraient en être tenues pour responsables.

Quelques années auparavant, alors qu’elles assistaient à une mise bas, la grand-mère de Carmen lui dit.

Tu sais, Carmen, les femmes ont toujours dû se battre pour leurs droits.

Mars 2023, Espagne. Première réunion du projet SWIFT.

L’idée du projet SWIFT est de permettre aux femmes comme nous, agricultrices en Europe, de témoigner de nos réalités.

Nous n’avons pas attendu que les décideurs et décideuses politiques s’attaquent aux inégalités de genre, nous agissons avec les moyens à notre disposition.

Pourrions-nous mettre par écrit tout ce que nous aimerions voir comme changement ?

Peut-être que cela pourrait même arriver aux oreilles de la Commission Européenne.

Ce serait genial si nous pouvions faire bouger les choses et revendiquer les droits humains, nos droits…

Oui, je pense que nous avons deux trois choses à leur dire.

Après tout, nous travaillons aussi dur que n’importe qui. Si pas plus ! Pourquoi nos droits seraient-ils différents ?

J’apprécie vraiment nos discussions. Ça vous dirait de rester en contact, de voir si on arrive à partager notre quotidien ou essayer de faire bouger les choses ?

Oui, j’adorerais! Je suis un peu isolée à l’école en ce moment. Et toi, Zuzanna, ça te dit ?

À fond! On pourrait appeler le groupe « Soil Sisters » ! non ?

ELISABETH ! ZUZANNA !

Elisabeth rentre chez elle en Autriche après la réunion. Entre montagnes et traditions, elle vit souvent entre deux mondes.

Merci d’être venue me chercher, Maman. Déso, j’ai raté le dernier bus…

C’était pour la bonne cause !

Merci de m’avoir remplacée.

C’était intéressant cette réunion d’agricultrices européennes ?

Oui, j’ai rencontré des personnes incroyables et inspirantes. Ça donne de l’espoir ce genre de réunions. La prochaine fois on ira ensemble.

Elisabeth, tu peux prendre des bouteilles dans la grange ? La voisine nous a déposé des poussins, j’aimerais la remercier.

Dernier jour d’école…

Cher·es élèves!

En tant que directrice de cette école, je vous remercie d’avoir choisi et suivi la formation en sciences agronomiques.

Après ça, c’est l’été le plus important de ma vie, où tout va se décider.

Je dois choisir mon futur, à 18 ans.

À ce soir!

Ça veut dire quoi « être une fille » de toute façon…

Je suis vraiment fière de vous, et de voir que notre école évolue en accueillant de plus en plus de filles sur nos bancs chaque année, 20% !

Dans mon lycée Agricole, je suis toujours une curiosité.

Les filles en cours de mécanique, elle sont juste, genre… pas féminines, avoue. La seule chance qui nous reste c’est «Bauer sucht Frau *» !

T’as vuuuu ?! Je me suis jamais vraiment représenté Elisabeth comme une meuf.

Je vous souhaite une excellente carrière en tant qu’agriculteurs et agricultrices.

Tu vas faire quoi l’année prochaine ? Reprendre la ferme familiale ?

Hmm, non, ce sera pour mon petit frère. Je vais devoir me trouver un mec qui en a une j’imagine. Ça paraît encore le plus facile.

20 % c’est pas très révolutionnaire quand on pense que les femmes c’est la moitié de la population.

Toi Elisabeth, tu as un copain ? Je crois pas t’avoir déjà demandé.

J’espère que je n’aurai pas besoin d’un mari pour pouvoir vivre de mon métier. Haha.

Vous les filles vous n’êtes jamais satisfaites des progrès effectués. Vas-y, j’en ai eu assez d’elle.

Pourquoi on doit toujours parler comme si on avait besoin d’un homme dans une ferme ? On peut faire les choses toutes seules.

Serai-je heureuse comme je suis ?

… vivre ma vie comme je veux et avec qui je veux, dans la ferme et à la campagne en général ?

Elisabeth

Est-ce normal de se sentir étrangère dans un monde qu’on connait par cœur ?

Un lien invisible était en train de se former…

À travers les mots.

L’union fait la force… je suis vraiment contente d’avoir assisté à cette réunion.

travers les épreuves aussi.

À

Je suis impliquée dans notre syndicat depuis des années maintenant. Il a été créé sous la dictature.

Parfois, on se sent seul·e à lutter pour des droits qui nous paraissent si évidents.

L’objectif était de lutter contre les injustices vécues dans les zones rurales de notre région.

Mais plus de 50 ans plus tard, nous vivons toujours ces mêmes inégalités.

Je suis membre du syndicat parce que, en tant que femme travaillant seule sur la ferme, avec le statut d’indépendante ; je pense qu’il est essentiel d’avoir son mot à dire sur la PAC en tant qu’agricultrice.

On continue d’être discriminées, mises sur le côté.

C’est essential pour nous de voir où partent les financements, sur base de quels critères, pour quel type de production et qui sont les personnes derrière ces productions

Salut, comment allez-vous? Merci de dégager du temps si tard, j’étais à une manif cet après-midi

Pensez-vous qu’il soit possible d’augmenter le prix d’achat de mes produits ? avec la sécheresse, j’ai dû acheter plus d’aliments pour mon troupeau, les prairies sont trop sèches

On va y réfléchir, Carmen, on trouvera une solution !

Ah, il est déjà super tard, je vous laisse faire la fermeture, à bientôt !

J’ai aussi envie de changer les choses. Voici une photo de mes cultures de myrtilles en Pologne, avec les travailleuses et travailleurs saisonniers.

Je connais chaque outil, chaque champ, chaque saison, je connais notre ferme par cœur.

J’ai grandi dans une ferme.

Elle a été transmise à mon frère et maintenant je travaille sur la ferme de mon mari.

Je m’occupe de la ferme. …mais aussi de la maison, des enfants...

… qui jouent un rôle énorme dans le fonctionnement de la ferme, et qui pourtant restent invisibles.

Attends mon chat, Maman a mal au dos.

...de mes beauxparents…
…et du travail administratif.

Tu vas t’en sortir pour préparer le marché ?

Je dois absolument livrer la commande du supermarché, je suis de nouveau à la bourre, mais iels ont dit que je pouvais encore passer jusque 20 heures.

Oui, vas-y vite! On n’aura pas le temps demain matin ! Je gère le reste, ta mère est avec les enfants, ne t’en fais pas.

4 moins 3?

Regarde la tarte, si je la coupe en 4 et que tu prends 3 parts, combien en reste-t-il ?

J’te donne la réponse si tu me donnes 3 parts !

Salut !
Salut !

Travailler la terre n’est pas un travail anodin. C’est un métier magnifique.

Je vous prends un gros morceau cette fois. Votre tarte est divine !

Merci!

Goûter aussi cette confiture, et donnez-moi votre avis dimanche prochain. C’est cadeau. Bonne journée !

Mais les femmes qui travaillent la terre doivent aussi être reconnues. Parce qu’elles existent.

Salut mesdames!

Tu songes à t’inscrire au cours de conduite de tracteur ?

Je sais pas. J’y ai pensé mais on a déjà tellement à faire…

Zuz’, j’ai vu ce matin que tu n’avais toujours pas répondu au mail du Centre de Conseil agricole.

Ah oui, j’ai oublié.

Zuz’, je pourrais te remplacer si tu veux y aller, tu sais ?

Voici, belle journée! Bonjour!

Bonjour! Je ne vous ai pas vu la semaine passée ! comment allez-vous ?

On ne peut qu’aller bien quand on voit votre stand !

Merci, chéri. Mais pour être honnête, je sais déjà conduire le petit tracteur qu’on a, c’est pas si mal.

J’ai déjà tant à faire, entre la ferme, l’admin et les tâches domestiques. Je n’ai pas le temps.

Il y a plein de préoccupations d’ordre général dans l’agriculture qui doivent changer, et qui touchent davantage les femmes.

On se revoit la semaine prochaine ? voici un petit cadeau pour vous !

Oh c’est super gentil!

Souvent, les femmes sont considérées comme un critère de diversité, sans tenir compte du fait qu’elles représentent la moitié de la population.

Le travail du soin n’est apprécié nulle part, même en dehors de l’agriculture !

L’égalité des genres concerne aussi les hommes. Ils doivent également être responsabilisés et impliqués.

L’égalité n’est pas la même chose que l’équité !

L’alimentation est un droit humain et un bien commun.
Nous voulons de nouvelles racines pour notre monde.

à nous Je suis membre du syndicat parce que, en tant que femme travaillant seule sur la ferme, avec le statut d’indépendante ; je pense qu’il est essentiel d’avoir son mot à dire sur la PAC en tant qu’agricultrice

On continue d’être discriminées, mises sur le côté de voir financements, pour et qui derrière ces dégager une

À quoi Carmen fait-elle référence lorsqu’elle dit que la politique agricole commune (PAC) discrimine les femmes ?

L’un des principaux facteurs est que les femmes ont tendance à gérer des exploitations agricoles plus petites que les hommes. D’autre part, le budget actuel de la PAC (2023-2027) représente 30 % du budget à long terme de l’UE. Sur ce budget, 70 % financent des paiements directs, calculés en euros par hectare ou par animal. Par conséquent, plus une exploitation est grande, plus elle reçoit de subventions de la PAC. Cela signifie que les femmes bénéficient moins de ce soutien.

Pensez-vous qu’il soit possible d’augmenter le prix d’achat de mes produits ? avec la sécheresse, j’ai dû acheter plus d’aliments pour mon troupeau, les prairies sont trop sèches

Ah, il est déjà super tard, je vous laisse faire la fermeture, à bientôt !

Des mesures qui semblent neutres en apparence peuvent avoir un impact genré.

On va y réfléchir, Carmen, on trouvera une solution !

C’est également le cas lorsque les interventions de la PAC exigent des agriculteur·rices de prouver qu’iels ont suivi une formation agricole ou qu’iels sont chef·fes d’exploitation. En raison des normes de genre, les femmes sont plus susceptibles de poursuivre une carrière dans le secteur des soins que dans l’agriculture et les domaines techniques. Pour les mêmes raisons, les agricultrices représentent en moyenne 30 % du total des chef·fes d’exploitation de l’UE.

Une autre préoccupation provient du fait que l’agriculture européenne dépend fortement de l’exploitation d’une main-d’œuvre gratuite ou bon marché. Le travail des femmes et des travailleur·euses migrant·es est rendu invisible malgré leur rôle central dans le fonctionnement de l’agriculture mondiale et européenne.

La PAC 2023-2027 a introduit la conditionnalité sociale, qui lie les paiements de la PAC à certaines normes du travail de l’UE, une innovation importante qui présente un fort potentiel. Cependant, cela ne va pas assez loin, ni en termes d’étendue, ni en termes de niveau des sanctions prévues. Son effet est limité dans les secteurs où sont présent·es des travailleur·euses migrant·es saisonnier·es, tels que les secteurs des fruits et légumes. En outre, la conditionnalité sociale repose sur des sanctions qui sont souvent insignifiantes par rapport aux profits tirés de la fraude et des violations des droits des travailleur·euses saisonnier·es. Elle manque également d’incitatants visant à garantir des contrats permanents, stables et bien rémunérés, ainsi que des conditions de vie décentes.

Enfin, le modèle des « fermes familiales » transmises par le biais du mariage hétérosexuel peut exclure les personnes LGBTQIA+ de l’héritage agricole et de l’accès à la terre. Les personnes LGBTQIA+ peuvent également être victimes de discrimination en raison de leur identité, ce qui entraîne un taux de pauvreté plus élevé et rend encore plus difficile l’accès au crédit et à la terre. Cette situation, combinée à leur engagement en faveur des valeurs d’équité sociale, peut les pousser à se tourner vers des systèmes agricoles alternatifs. Leur parcours de déconstruction et de reconstruction des identités de genre et agricoles peut également inspirer des systèmes alimentaires plus diversifiés et plus résilients.

Si vous voulez en savoir plus, nous vous invitons à jeter un oeil aux rapports suivants:

Gender and Agriculture: Policy tensions behind the EU gender gap

Uncovering the effects of the Common Agricultural Policy (20232027) on women

How to get the CAP to rhyme with gender equity?

The professional status of rural women in the EU

Cette bande dessinée, illustrée par Jeanne Saboureault, a été réalisée dans le cadre du projet SWIFT (https://swiftproject.eu/). Le scénario a été co-écrit par Jeanne Saboureault, Louise Legein et Jessica Duncan. Il a été révisé par des chercheur·euses du projet SWIFT et les femmes d’ECVC.

Les objectifs du projet sont de lutter contre les inégalités de genre dans l’agriculture et les zones rurales, d’améliorer la représentation des femmes, des personnes LGBTQIA+ et des personnes migrantes dans les politiques de développement agricole et rural, et de démontrer la valeur ajoutée des « innovations menées par les femmes » pour les systèmes alimentaires.

Il implique des chercheur·euses, des agricultrice·x·s, des organisations de la société civile (OSC), qui travaillent toustes ensemble pour atteindre ces objectifs.

L’un des aspects du projet consistait à analyser les politiques agricoles de l’Union européenne (UE) afin d’évaluer dans quelle mesure elles intègrent la dimension de genre dans leurs législations et budgets connexes actuels. Cette analyse a été réalisée à partir d’une étude documentaire et de dialogues politiques entre agricultrices, décideur·euses politiques, chercheur·euses et organisations de la société civile.

Les résultats de ce travail ont alimenté la bande dessinée. L’idée était de montrer que derrière des revendications politiques en apparence froides, il y a de vraies agricultrices, confrontées à une série de défis, qui s’organisent et dont la vie serait facilitée si elles étaient efficacement soutenus par les politiques publiques.

En partageant leurs histoires, nous montrons que les expériences personnelles sont politiques. Et que ce ne sont pas des cas isolés contrairement à ce qu’on pourrait parfois croire. De plus, chacun·e est concerné·e par les politiques publiques et, comme l’a dit Huong, notre collègue d’Oxfam au Vietnam lors de l’atelier SWIFT sur la budgétisation sensible au genre, les citoyen·nes sont des contribuables et ont le droit de contrôler et d’influencer la manière dont les budgets publics sont dépensés. Les politiques et la politique ne doivent pas nécessairement être inaccessibles et floues, elles peuvent appartenir à tout le monde et nous pouvons faire pression pour les rendre plus équitables.

Bien sûr, les décideuses et décideurs politiques ont la responsabilité finale de prendre en compte les réalités des personnes concernées par les politiques qu’iels élaborent.

Enfin, nous tenons à remercier les agricultrices qui ont pris le temps de partager leurs histoires, de donner leur avis sur la bande dessinée, ainsi que les chercheuses et chercheur qui l’ont relue, et bien sûr Jeanne pour sa patience et son engagement.

Le projet SWIFT
Le workshop SWIFT

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