Le DĂ©lit - Édition du 28 février 2024

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Le DĂ©lit est situĂ© en territoire Kanien’kehĂĄ:ka non cĂ©dĂ©.

INSTRUMENTALISATION DE LA RELIGION À DES FINS MILITAIRES

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Mercredi 28 février 2024 | Volume 114 Numéro 7.2 On fait du yoga à deux depuis 1977.

Actualités

Instrumentalisation de la religion Ă  des fins militaires

Un portrait du rÎle de la foi dans le conflit Israël-Hamas .

Le 18 fĂ©vrier dernier, le ministre israĂ©lien Benny Gantz, du cabinet de guerre de Benyamin Netanyahou, a dĂ©clarĂ© que « si d’ici le Ramadan, les otages ne sont pas revenus Ă  la maison, les combats continueront partout, y compris dans la rĂ©gion de Rafah ». Ce message s’inscrit dans le contexte de bombardements massifs de la bande de Gaza par IsraĂ«l depuis le 7 octobre, tuant plus de 30 000 civils jusqu’à aujourd’hui. Environ 1,3 millions de dĂ©placĂ©s gazaouis sont aujourd’hui coincĂ©s Ă  Rafah, ville frontaliĂšre de l’Égypte. Des experts des droits humains condamnent les conditions de vie inquiĂ©tantes et la famine qui touche la population, constituĂ©e en grande partie de femmes et d’enfants. Alors que le Ramadan arrive Ă  grands pas, le gouvernement israĂ©lien compte utiliser cette pĂ©riode religieuse pour faire valoir ses intĂ©rĂȘts, et rĂ©aliser ses objectifs de guerre. Afin de mieux comprendre le rĂŽle que la religion joue au sein du conflit IsraĂ«l-Hamas, Le DĂ©lit s’est entretenu avec Norman Cornett, ancien professeur d’études religieuses Ă  McGill.

Une instrumentalisation du calendrier

Le conflit actuel entre IsraĂ«l et le Hamas s’inscrit dans le contexte de tensions historiques entre IsraĂ«l et les pays arabes voisins, notamment avec la guerre des Six jours en 1967, ou encore la guerre du Kippour en 1973. Ces guerres ont des liens intrinsĂšques avec la religion, puisqu’IsraĂ«l se situe sur le territoire de la Palestine, d’oĂč proviennent les trois principales religions monothĂ©istes : le judaĂŻsme, le christianisme et l’islam. Cornett explique que les calendriers religieux ont jouĂ© un rĂŽle historique dans l’ensemble des conflits militaires impliquant IsraĂ«l et ses voisins. Le professeur donne l’exemple de la guerre du Kippour, qui tient son appellation en raison du moment oĂč cette derniĂšre a Ă©clatĂ© : le 6 octobre 1973, le jour du Yom Kippour, « la fĂȘte la plus saine du calendrier juif ». Le professeur revient par la suite sur l’attaque menĂ©e par le Hamas sur le territoire israĂ©lien en octobre dernier : « Rappelons quelle Ă©tait la date de l’attaque du Hamas. Le 7 octobre 2023 c’était un samedi, donc le shabbat, la journĂ©e la plus vulnĂ©rable dans la semaine juive. »

En plus d’ĂȘtre stratĂ©giques, le professeur considĂšre que ces instrumentalisations des calendriers religieux correspondent Ă  des « armes de destruction psychologique massive. Parce que vous touchez le trĂ©fonds de ce qui est le plus cher en tant que musulman ou en tant que juif ».

La religion comme arme de guerre

Le professeur nous explique que depuis le 7 octobre, Netanyahou n’a cessĂ© d’utiliser la religion pour justifier ses opĂ©rations Ă  Gaza, dĂ©criĂ©es par de nombreux acteurs de la communautĂ© interna-

tionale comme génocidaires et correspondant à des crimes de guerre.

Pour Cornett, « les textes religieux de la Torah, la loi divine juive, sont devenus le leitmotiv de Netanyahou à Gaza ». Netanyahou cite de maniÚre fréquente des textes hébraïques de la Torah dans ses

Un ultimatum : Rafah et le Ramadan.

Le gouvernement israĂ©lien est rendu Ă  un point de non-retour, la crise humanitaire s’accentue et l’offensive imminente contre Rafah inquiĂšte tous les pays occidentaux. Maintenant, le gouvernement israĂ©lien est confrontĂ© Ă  une impasse entre les puis-

« Puiser dans les Ă©critures, qu’elles soient coraniques, ou qu’elles soient hĂ©braĂŻques, cela donne carte blanche pour atteindre n’importe quelles fins militaires et politiques »

discours, dĂ©tournant les narratifs et les valeurs de la religion juive pour lĂ©gitimer ses opĂ©rations militaires. Le professeur ajoute : « Puiser dans les Ă©critures, qu’elles soient coraniques, ou qu’elles soient hĂ©braĂŻques, cela donne carte blanche pour atteindre n’importe quelles fins militaires et politiques. » Cette utilisation de la religion comme justification et sacralisation d’actes de guerre, de meurtres et de violation des droits de l’homme a un prĂ©cĂ©dent, et se retrouve directement dans le concept de guerre sainte. Les croisades avaient dĂ©jĂ  marquĂ© le Moyen- Âge par des dĂ©cennies de violences, et plus rĂ©cemment, les actions

« Si jamais Netanyahou se montrait ouvert Ă  l’idĂ©e d’un apaisement ou d’un État palestinien, il perdrait les ministres de son cabinet »

de groupes terroristes comme Daech se sont aussi inscrites dans cette légitimation de violence et de haine. Pour Cornett, ce que fait Netanyahou actuellement est aussi « devenu une guerre sainte, et fonciÚrement haineuse. »

Cornett explique qu’alors mĂȘme que cette instrumentalisation est basĂ©e sur les textes religieux, elle s’écarte justement de ces derniers : « Aussi bien dans le cas du Hamas que dans le cas de Benjamin Netanyahou, la religion est utilisĂ©e uniquement Ă  des fins politiques. Pour le Hamas, est ce que c’est vraiment l’islam qui compte? Et dans le cas de Netanyahou? Il est juif sioniste, mais est ce qu’il se sert du judaĂŻsme? Est ce que c’est vraiment le judaĂŻsme qu’il veut prĂ©server? »

Alors mĂȘme qu’ils prĂ©tendent servir la religion, ceux qui s’en servent Ă  des fins militaires contredisent directement ses principes. « Dans le cas de la Torah comme dans le cas du Coran, commettre un meurtre, c’est le crime capital. Il y a des consĂ©quences extrĂȘmement graves. » Mais le professeur Cornett explique que c’est une boucle bouclĂ©e : puisque c’est le crime capital, « il faut que ce soit commandĂ© par Dieu, et cela vient donc non seulement justifier la mort, mais mĂȘme la sanctifier, voire la sacraliser. »

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sances occidentales et les nationalistes ultra-religieux du gouvernement d’IsraĂ«l, dont le ministre de la SĂ©curitĂ© nationale Itamar Ben-Gvir, explique le professeur Cornett. Les puissances occidentales se sont montrĂ©es comprĂ©hensives envers IsraĂ«l aprĂšs le 7 octobre, puisque « tout le monde Ă©tait d’accord qu’ils avaient le droit de se dĂ©fendre. Par contre, il [le gouvernement Netanyahou, ndlr] est en train de brĂ»ler cette bonne volontĂ© de la part des ÉtatsUnis, de l’Union europĂ©enne, de la GrandeBretagne, et cela est un grand danger. » Les puissances occidentales ont lancĂ© plusieurs fois des avertissements Ă  IsraĂ«l afin que l’État cesse ses offensives contre Gaza, tandis que les nationalistes ultra-religieux rĂ©clament la poursuite des offensives, prĂ©sentant mĂȘme un plan d’aprĂšs-guerre pour Gaza. Le professeur Cornett explique que les tensions montent au sein du cabinet israĂ©lien : « Netanyahou se trouve tellement coincĂ©. Si jamais il se montrait ouvert Ă  l’idĂ©e d’un apaisement ou d’un État palestinien, il perdrait les ministres de son cabinet, qui sont parmi les nationalistes religieux les plus farouches en IsraĂ«l. » S’ajoutant Ă  cela, il reste encore 129 otages sous l’emprise du Hamas et leurs familles intensifient leurs demandes au gouvernement israĂ©lien. Professeur Cornett inscrit l’ultimatum lancĂ© au Hamas par IsraĂ«l dans cette lignĂ©e : « il [Netanyahou, ndlr] doit satisfaire l’électorat qui est en colĂšre, avec raison, contre lui. Il y a une Ă©pĂ©e Ă  double tranchant et c’est la raison pour laquelle il a lancĂ© les dĂ©fis du Ramadan. » Le 10 mars, premier jour du Ramadan, sera une journĂ©e dĂ©cisive dans le conflit IsraĂ«l-Hamas si le gouvernement israĂ©lien attaque Rafah, oĂč plus d’un million de personnes sont entassĂ©es dans des conditions de vie horribles. x

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INTERNATIONAL

Gaza n’est pas un vase clos

Bombardements au Liban, stabilitĂ© rĂ©gionale, et tensions en Égypte.

Le 19 fĂ©vrier dernier, deux frappes israĂ©liennes ont touchĂ© Ghaziyeh, un village au sud du Liban, Ă  environ 60 km de la frontiĂšre avec IsraĂ«l. Depuis les attaques du 7 octobre, toute l’attention est portĂ©e sur Gaza, et pourtant, les consĂ©quences de ce conflit sont rĂ©gionales : la violence dĂ©passe les frontiĂšres, notamment celle entre IsraĂ«l et le Liban. Depuis cinq mois, IsraĂ«l et le Hezbollah, le principal groupe armĂ© du Liban aujourd’hui considĂ©rĂ© par de nombreux gouvernements comme groupe terroriste, s’échangent des frappes aĂ©riennes, faisant plusieurs centaines de morts dans les deux camps, majoritairement des combattants du cĂŽtĂ© libanais et des soldats du cĂŽtĂ© d’IsraĂ«l.

Le DĂ©lit s’est entretenu avec Ferry de Kerckhove, ancien ambassadeur du Canada en Égypte, et Sami Aoun, politologue et professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’UniversitĂ© de Sherbrooke pour Ă©claircir et contextualiser les dĂ©veloppements rĂ©cents du conflit Ă  Gaza.

Bombardements au Liban

Les frappes israĂ©liennes du 19 fĂ©vrier Ă  Ghaziyeh sont prĂ©cĂ©dĂ©es par une sĂ©rie d’autres attaques. Le 14 fĂ©vrier, une mĂšre et ses deux enfants Ă  Sawwaneh, et cinq membres

clément veysset | Le Délit

conséquence le déplacement de prÚs de 86 000 libanais dans les quatre derniers mois.

Des tensions historiques entre Israël et le Hezbollah

La violence de part et d’autre de la frontiĂšre entre le Hezbollah et IsraĂ«l n’a rien de nouveau. La milice perpĂ©tue des attaques Ă  basse intensitĂ© dans la rĂ©gion tampon, initialement mise en place par les casques bleus de l’ONU autour de la frontiĂšre depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ . C’est en 1982, en rĂ©ponse Ă  l’invasion terrestre de l’armĂ©e israĂ©lienne

« Le Hezbollah donne Ă  l’Iran un mot Ă  dire dans la rĂ©gion, le sort de son statut d’État paria, et l’aide Ă  se situer au sommet d’un nouvel ordre rĂ©gional »

Professeur Sami Aoun

d’une famille Ă  Nabatiyeh ont Ă©tĂ© tuĂ©s par des contre-attaques israĂ©liennes au Liban. Depuis le 7 octobre, environ 268 libanais, en grande partie des membres du Hezbollah, ont Ă©tĂ© tuĂ©s par l’armĂ©e israĂ©lienne. La violence entre IsraĂ«l et le Hezbollah n’est pas restreinte au sud du Liban.

Le 3 janvier 2024, un missile israĂ©lien a frappĂ© un bĂątiment en banlieue de Beyrouth, tuant Saleh Al-Arouri, le numĂ©ro deux du Hamas. Plusieurs analystes concluent qu’à travers ces attaques qui ciblent majoritairement des membres du Hezbollah, l’armĂ©e israĂ©lienne essaie d’élargir l’existante zone militaire tampon Ă  la frontiĂšre en rendant le sud du Liban inhabitable aux civils. Ceci a eu pour

pendant la guerre civile libanaise (1975-1990), que le Hezbollah a Ă©tĂ© créé, et c’est en 2006 qu’IsraĂ«l et la milice se sont affrontĂ©s sur le territoire libanais. De Kerckhove explique : « le Hezbollah est devenu la bĂȘte noire d’IsraĂ«l aprĂšs son retrait de celui-ci du Liban en 2006. » En effet, alors qu’IsraĂ«l Ă©tait entrĂ© au Liban afin d’éradiquer le Hezbollah, cette intervention s’est terminĂ©e en Ă©chec pour IsraĂ«l. Depuis, le Hezbollah sert de levier Ă  l’Iran pour faire pression sur IsraĂ«l.

Le Hezbollah et

l’Iran

Le Hezbollah est « le joyau de l’expansion iranienne et de son renforcement dans la rĂ©gion », et grĂące Ă  son financement par

l’Iran, il «constitue une Ă©norme nuisance pour IsraĂ«l, » explique Aoun. Ce financement se traduit par la loyautĂ© inconditionnelle du Hezbollah envers l’Iran, selon Aoun. En effet, Hassan Nasrallah, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Hezbollah, a admis obĂ©ir au pied de la lettre aux ordres de Khamenei, chef d’État Iranien. Aoun explique : « le Hezbollah donne Ă  l’Iran un mot Ă  dire dans la rĂ©gion, le sort de son statut d’État paria, et l’aide Ă  se situer au sommet d’un nouvel ordre rĂ©gional. » C’est pourquoi l’Iran est prĂ©parĂ© Ă  financer le Hezbollah Ă  un niveau trĂšs Ă©levĂ©.

En plus de son idĂ©ologie islamiste radicale, l’Iran, depuis sa rĂ©volution en 1979, est profondĂ©ment opposĂ© Ă  l’existance d’un Ă©tat israĂ©lien, qu’il perçoit comme un oppresseur Ă©tranger de la population palestinienne. Depuis, les deux s’engagent dans des affrontements par procuration, et la subordination totale du Hezbollah au rĂ©gime iranien profondĂ©ment anti-IsraĂ«l se traduit en un conflit perpĂ©tuel entre IsraĂ«l et le Hezbollah. C’est pourquoi, selon Aoun, « le rĂŽle du Hezbollah est celui de distraction de l’armĂ©e israĂ©lienne, et de soutien au Hamas. Le Hamas et le Hezbollah ont Ă©galement des affinitĂ©s comme groupes islamistes radicaux, bien que le Hamas ne paye pas d’allĂ©geance doctrinale envers l’Iran ».

Aux yeux du gouvernement IsraĂ©lien, le Hamas et le Hezbollah sont Ă©galement Ă©troitement liĂ©s. Le professeur Aoun explique que « pour les israĂ©liens, l’attaque qui a Ă©tĂ© menĂ©e par le Hamas le 7 octobre, Ă©tait

des frontiĂšres libano-israĂ©liennes, de maniĂšre Ă  sĂ©curiser une zone militaire tampon Ă  la frontiĂšre. Bien qu’il soit difficile de prĂ©dire les dĂ©veloppements du conflit sud-libanais, Aoun conclut « qu’IsraĂ«l n’acceptera pas un retour au statu quo [d’avant le 7 octobre, ndlr ] ».

similaire Ă  une attaque qu’ils anticipaient du Hezbollah pour occuper la GalilĂ©e [rĂ©gion du nord d’IsraĂ«l, ndlr ] ». Bien qu’il n’y ait pas de sources confirmant qu’une telle attaque se prĂ©parait, IsraĂ«l craignait en effet une invasion surprise terrestre du Hezbollah comme celle menĂ©e par le Hamas en octobre.

Potentiels développements

Bien que la violence ne soit pas aussi extrĂȘme qu’elle l’a autrefois Ă©tĂ©, la stabilitĂ© du Liban ne tient qu’à un fil selon De Kerckhove : «Netanyahou ne serait pas malheureux que quelques fusĂ©es du Hezbollah viennent causer des dommages en IsraĂ«l. » Il explique que le Liban reste un pays oĂč se situe l’ennemi jurĂ© d’IsraĂ«l, un ennemi qui Ă©prouve une rĂ©ticence Ă  s’impliquer dans le conflit Ă  Gaza Ă  grande Ă©chelle : « le Hezbollah sait trĂšs bien que Netanyahou demande seulement que la milice se lance dans une guerre contre IsraĂ«l, et Ă  ce moment, il [Netanyahou, ndlr ] mettrait toutes ses forces pour dĂ©truire le Hezbollah, et mĂȘme le Liban. » Une escalade des tensions entre le Hezbollah et IsraĂ«l est donc envisageable, selon lui.

Aoun affirme cependant qu’IsraĂ«l n’envisage que deux scĂ©narios d’évolution de ses relations avec le Hezbollah. Un premier serait la continuation de frappes Ă  basse intensitĂ© contre le Hezbollah. Le deuxiĂšme serait la conclusion d’une entente mandatant le recul du Hezbollah de 10 km de la frontiĂšre, le dĂ©mantĂšlement des unitĂ©s combatives de la milice et la dĂ©limitation

La violence Ă  la frontiĂšre, qui pour le moment est constituĂ©e de frappes aĂ©riennes, n’en est pas pour autant extrĂȘme. Le Professeur Aoun note en effet que le Hezbollah a des considĂ©rations pour la population libanaise, et adopte donc un certain pragmatisme dans sa façon de faire. « Il prend en considĂ©ration la communautĂ© chiite dans le sud Liban, et est soucieux de lui faire Ă©viter des tragĂ©dies comme celles de Gaza. » Ce pragmatisme est reflĂ©tĂ© dans l’engagement du Hezbollah, qui ne dĂ©passe pas les 5-6 kilomĂštres de la frontiĂšre du cĂŽtĂ© israelien, tandis qu’IsraĂ«l provoque et frappe Ă  prĂšs de 60 kilomĂštres du cĂŽtĂ© libanais. Aoun souligne aussi la supĂ©rioritĂ© technologique d’IsraĂ«l, qui force le Hezbollah Ă  ĂȘtre plus consciencieux dans son approche afin de limiter les dommages et la rĂ©ponse israĂ©lienne. De Kerckhove confirme Ă©galement que « si le Hezbollah se dĂ©cidait Ă  attaquer IsraĂ«l, ce serait la fin du Liban dĂšs le lendemain ».

De plus, bien que le sud du Liban ait toujours Ă©tĂ© instable, la violence Ă  laquelle on assiste depuis quelques semaines est trĂšs diffĂ©rente de celle qu’on voit depuis des annĂ©es. Le professeur explique : « AprĂšs la guerre de 2006 [entre IsraĂ«l et le Liban, ndlr ], il y a eu quelques morts seulement », mais depuis quelque temps, la violence accroĂźt, et d’autres acteurs s’introduisent, comme le groupe politique Amal.

La stabilitĂ© prĂ©caire du pays est Ă©galement liĂ©e a la politique locale, selon Aoun. « Le gouvernement libanais n’exerce pas sa souverainetĂ© sur le territoire et s’aligne entiĂšrement avec le Hezbollah. » Ce dernier est donc l’interlocuteur rĂ©el de toute tractation diplomatique avec d’autres pays de la rĂ©gion, que ce soit dans la dĂ©marcation des frontiĂšres ou dans la dĂ©fense du pays. Le Professeur souligne le rĂŽle insignifiant de l’armĂ©e, et affirme que « l’État libanais est semi-failli ». Le Hezbollah, en tant qu’interlocuteur international principal, a

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conditionné un cessez-le-feu à la frontiÚre avec un cessez-lefeu à Gaza, « donc la stabilité du Liban à été conditionnée à celle de Gaza ».

Une déstabilisation régionale

Les consĂ©quences du conflit ne sont pas limitĂ©es au territoire libanais. Ferry de Kerckhove affirme que « la guerre contre Gaza est en train de dĂ©solidariser les pays arabes, incluant les pays qui ont signĂ© les Accords d’Abraham ». Ces accords bilatĂ©raux de paix, conclus depuis 2020 entre IsraĂ«l, les Émirats Arabes Unis, le BahreĂŻn, le Soudan et le Maroc, normalisent les relations diplomatiques entre les signataires. Ils continuent d’ĂȘtre nĂ©gociĂ©s avec plusieurs autres pays de la rĂ©gion, notamment l’Arabie Saoudite, et sont donc seulement partiellement nĂ©gociĂ©s. Ces accords marquent un point tournant depuis la ratification de la RĂ©solution de Khartoum en 1967

Campus

par ces pays membres de la Ligue arabe, une rĂ©solution qui refusait la reconnaissance de l’État d’IsraĂ«l. Les accords d’Abraham indiquent donc la volontĂ© de ces quatres pays arabes d’adopter une position plus modĂ©rĂ©e par rapport au conflit israĂ©lo-palestinien et de normaliser leurs relations avec IsraĂ«l.

De Kerckhove explique : « Ces accords sont importants parce que la normalisation des relations diplomatiques entre les pays arabes et IsraĂ«l, se fait pour le profit de la rĂ©gion. Ceci ne rĂšgle pas le conflit avec la Palestine, mais les accords sont fondamentaux sur le plan politique de la rĂ©gion. La coopĂ©ration Ă©conomique entraĂźnĂ©e pourrait enfin changer la teneur gĂ©nĂ©rale de la rĂ©gion. » Cependant, le conflit Ă  Gaza met en pĂ©ril la perdurance de ces accords. Il poursuit : « la plus grande partie de ces accords, entre IsraĂ«l et l’Arabie saoudite, n’ont pas Ă©tĂ© ratifiĂ©s. Les nĂ©gociations allaient bien, jusqu’à l’attaque

du 7 octobre ». Le Prince Khalid Bin Bandar, ambassadeur saoudien au Royaume Uni, a en effet annoncĂ© que la normalisation des relations diplomatiques avec IsraĂ«l ne se ferait pas au dĂ©pend de la population palestinienne, et qu’il serait hors de question que les nĂ©gociations se poursuivent tant qu’un État palestinien n’existait pas.

De Kerckhove ajoute Ă©galement que seule l’Arabie saoudite a suffisamment de poid sur la balance rĂ©gionale pour forcer IsraĂ«l Ă  accepter la crĂ©ation d’un État palestinien. Une entente de paix entre les deux pays renforcerait la lĂ©gitimitĂ© d’un État israĂ©lien aux yeux de la population arabe, et constituerait donc en un obstacle considĂ©rable aux mandat anti-IsraĂ«l du Hamas.

DĂ©veloppements en Égypte

L’historique des mouvements de masse entre la bande de Gaza et le SinaĂŻ, rĂ©gion hautement militarisĂ©e de l’Égypte, a poussĂ© le gouvernement Ă©gyptien Ă  entreprendre la construction de murs

frontaliers, visant Ă  empĂȘcher l’entrĂ©e de rĂ©fugiĂ©s palestiniens. Ferry de Kerckhove explique le raisonnement Ă©gyptien derriĂšre de telles mesures. Selon lui, la rĂ©ticence Ă©gyptienne Ă  accepter les Gazaouis s’explique en trois points. PremiĂšrement, aprĂšs avoir expulsĂ© les derniers Gazaouis de chez eux, les IsraĂ©liens

dĂ©but de la crise au Soudan, et est donc rĂ©ticente Ă  en accepter d’autres venant de Gaza.

« Autrement dit, la tentative de Netanyahu d’expulsion [de tous les Palestiniens actuellement Ă  Rafah, ndlr ] ne passera certainement pas en Égypte, vu son potentiel destructeur pour le pays, » conclut de Kerckhove.

« La tentative de Netanyahu

d’expulsion

ne passera certainement pas en Égypte, vu son potentiel destructeur pour le pays»

Ferry de Kerckhove

vont prendre possession de Gaza de maniĂšre permanente, et les rĂ©fugiĂ©s palestiniens en territoire Ă©gyptien n’auront plus la possibilitĂ© de rentrer chez eux. DeuxiĂšmement, « le Hamas a une idĂ©ologie trĂšs similaire Ă  celle des FrĂšres musulmans, or les FrĂšres musulmans sont ennemis du gouvernement du prĂ©sident Sisi ». TroisiĂšmement, l’Égypte a dĂ©jĂ  accueilli deux millions de rĂ©fugiĂ©s soudanais depuis le

Alors que le gouvernement de Netanyahu a annoncĂ© une attaque terrestre imminente de l’armĂ©e israĂ©lienne Ă  Rafah, ville frontaliĂšre dans laquelle le gouvernement IsraĂ©lien avait poussĂ© les palestiniens du Nord de la bande de Gaza Ă  aller se rĂ©fugier, les tensions restent Ă©levĂ©es entre l’Égypte et IsraĂ«l. x

ysandre Beaulieu

Éditrice ActualitĂ©s

LGrĂšve de la faim pour Gaza Ă  McGill
Pression croissante sur l’administration de l’UniversitĂ©

e lundi 19 fĂ©vrier Ă  minuit, plusieurs Ă©tudiant·e·s de McGill ont entamĂ© une grĂšve de la faim afin d’inciter l’administration de l’universitĂ© Ă  « dĂ©sinvestir et boycotter les entreprises qui contribuent au financement du gĂ©nocide et de l’apartheid » qui prend place sur la bande de Gaza actuellement. Le DĂ©lit s’est entretenu avec les Ă©tudiant·e·s participant Ă  cette action. Nous avons rencontrĂ© Rania, qui poursuit actuellement une grĂšve de la faim Ă  durĂ©e indĂ©finie, et Rox*, qui contribue Ă  l’organisation administrative de l’action Ă©tudiante.

« GrÚve de la faim pour la Palestine »

La grĂšve de la faim n’est pas organisĂ©e par une association Ă©tudiante en particulier, mais plutĂŽt par un groupe d’étudiant·e·s qui se sont organisé·e·s de maniĂšre indĂ©pendante, autour d’un compte Instagram créé pour l’occasion : @mcgillhungerstrike . Rania prĂ©cise la composition de leur groupe : « Actuellement, on a deux personnes, incluant moi, qui font une grĂšve de la faim de maniĂšre indĂ©finie, et d’autres qui la font pendant 24h, ou pendant deux,

trois ou quatre jours de suite. Et puis il y a aussi d’autres personnes qui font partie de l’équipe et s’occupent de l’organisation et des mĂ©dias. »

Rania ajoute nĂ©anmoins que leur Ă©quipe devient « chaque jour de plus en plus grande. Donc ce nombre [douze personnes, ndlr ] va dĂ©finitivement augmenter ». En effet, le mouvement a rapidement eu un Ă©cho significatif sur le campus. Leur compte Instagram culmine aujourd’hui Ă  plus de 700 abonné·e·s, alors que ce dernier a Ă©tĂ© créé « seulement une semaine avant le dĂ©but de la grĂšve », prĂ©cise Rox.

Les demandes

Cette grĂšve de la faim intervient dans le but de presser l’universitĂ© Ă  agir de deux maniĂšres.

« Les demandes sont trĂšs, trĂšs simples. On fait juste reprendre les demandes d’autres groupes Ă©tudiants pro-palestiniens sur le campus de l’universitĂ©. »

La premiĂšre requĂȘte consiste Ă  demander Ă  McGill d’écouter et de se plier aux demandes des Ă©tudiants qui avaient Ă©tĂ© faites au travers du vote favorable de la « Politique contre le gĂ©nocide en

Palestine » par les Ă©tudiants de l’AÉUM, lors du rĂ©fĂ©rendum du semestre d’automne 2023. Cette politique demandait notamment Ă  l’UniversitĂ©, au nom de tous le corps Ă©tudiant du premier cycle, de « condamner la campagne de bombardements gĂ©nocidaires et le siĂšge Ă  l’encontre de la population de Gaza », ainsi que

Une deuxiĂšme demande est de mettre en place un « boycott acadĂ©mique », et de procĂ©der Ă  un arrĂȘt des relations inter-universitaires entre McGill et les universitĂ©s « problĂ©matiques » . Rox prĂ©cise sa pensĂ©e : « Je dis “problĂ©matique”, mais c’est mĂȘme un petit peu rĂ©ducteur
 on s’entend. On parle d’universi -

« S’asseoir en classe, c’est difficile. Je n’arrive pas Ă  me concentrer. Je suis toujours fatiguĂ©e. HonnĂȘtement, juste le fait de bouger, comme la marche jusqu’à mon arrĂȘt de bus, c’est trĂšs difficile »

de « couper immĂ©diatement les liens avec toute entreprise, institution ou personne complice de gĂ©nocide, de colonialisme, d’apartheid ou de nettoyage ethnique Ă  l’encontre des Palestinien·ne·s ».

En revanche, cette politique n’avait pas pu ĂȘtre adoptĂ©e par le conseil exĂ©cutif de l’AÉUM, en raison d’une injonction de la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec, bloquant cette ratification jusqu’au 25 mars 2024.

tĂ©s qui sont en territoire occupĂ©, ce qui brise la quatriĂšme convention de GenĂšve. On ne veut pas que notre argent soit utilisĂ© pour ce type d’investissements ni pour maintenir des liens acadĂ©miques qui normalisent l’apartheid et l’occupation. » AprĂšs cinq jours de grĂšve de la faim – c’est-Ă -dire un arrĂȘt total de l’ingestion de nourriture solide – Rania nous explique les impacts de cette action sur son quotidien. Elle explique : « s’asseoir en classe, c’est

difficile. Je n’arrive pas Ă  me concentrer. Je suis toujours fatiguĂ©e. HonnĂȘtement, juste le fait de bouger, comme la marche jusqu’à mon arrĂȘt de bus, c’est trĂšs difficile. »

La réponse de McGill

Les grĂ©vistes ont communiquĂ© avec l’UniversitĂ©, et ont publiĂ© leurs Ă©changes sur leur page Instagram. Dans les Ă©changes, McGill semble surtout mettre en avant le fait que les grĂ©vistes doivent ĂȘtre prudent·e·s et faire attention Ă  leur santĂ©. Rania considĂšre nĂ©anmoins que McGill fait uniquement cela pour « se protĂ©ger » , et se donner bonne image : « Nous, on aimerait plutĂŽt qu’ils [l’administration, ndlr] adressent la raison qui nous pousse Ă  faire cette action. » Rox ajoute qu’ « il y a une sorte de dissonance. Les gens s’inquiĂštent pour nous, mais on ne voit pas autant d’intĂ©rĂȘt et d’inquiĂ©tude [pour la population de la bande de Gaza, ndlr]. C’est comme si c’était normal lĂ -bas [la souffrance, ndlr], et qu’ici, ça ne devrait pas l’ĂȘtre, alors on remarque un double standard. »

*Nom fictif x

Vincent maraval

Éditeur ActualitĂ©s

actualités le délit · mercredi 28 février2024 · delitfrancais.com 4

« Plus jamais de sƓurs volĂ©es »

Hausse alarmante du nombre de féminicides au Québec en 2024.

La tranquillitĂ© de la petite municipalitĂ© de Saint-Basile-le-Grand a Ă©tĂ© violemment interrompue pendant la nuit du 19 fĂ©vrier dernier, lorsqu’un homme a attaquĂ© sa conjointe avec une arme blanche. Les Ă©vĂ©nements sont survenus aux alentours de 23h30 dans une maison familiale de la rue MĂ©nard. Les deux enfants de la victime, prĂ©sents dans la demeure au moment des faits, se sont empressĂ©s d’appeler les secours. La femme a Ă©tĂ© retrouvĂ©e griĂšvement blessĂ©e et transportĂ©e Ă  l'hĂŽpital, oĂč son dĂ©cĂšs a Ă©tĂ© constatĂ©. L’homme de 53 ans a Ă©tĂ© placĂ© en dĂ©tention, accusĂ© de meurtre au deuxiĂšme degrĂ© de sa conjointe, dont l'identitĂ© est protĂ©gĂ©e par une ordonnance de non-publication.

Cet incident marque le quatriĂšme fĂ©minicide enregistrĂ© en seulement une semaine dans la province quĂ©bĂ©coise. En comparaison, l’annĂ©e 2023 comptabilisant sept cas au total, selon le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Un bilan inquiétant

Le terme « fĂ©minicide » est souvent limitĂ© aux meurtres conjugaux. Pourtant, la violence contre les femmes dĂ©passe les frontiĂšres du foyer conjugal. En effet, la dĂ©finition de fĂ©minicide s’étend Ă  n’importe quel meurtre d’une femme en raison de son sexe. Bien que les meurtres de femmes soient frĂ©quemment perpĂ©trĂ©s par des partenaires conjugaux, ils peuvent aussi ĂȘtre commis par d’autres membres de la famille, des Ă©trangers, voire par des agents de l'État. RĂ©duire le fĂ©minicide Ă  des meurtres conjugaux invisibilise d'autres rĂ©alitĂ©s de violence.

L’annĂ©e 2024 a dĂ©butĂ© avec un fĂ©minicide dans la rĂ©gion de Granby, en Estrie, oĂč ChloĂ© Lauzon-Rivard, jeune femme de 29 ans, a Ă©tĂ© retrouvĂ©e morte dans son appartement. Son conjoint a Ă©tĂ© apprĂ©hendĂ© par la police le 5 janvier, et depuis, a Ă©tĂ© formellement accusĂ© de meurtre au deuxiĂšme degrĂ©. Le suspect avait de nombreux antĂ©cĂ©dents judiciaires, dont des menaces et voies de faits Ă  l’égard d’une ex-conjointe, en 2021.

À cette premiĂšre tragĂ©die, d’autres viennent bientĂŽt s’ajouter. Le 26 janvier, Ă  Pointe-aux-Trembles, le corps sans vie de Narjess Ben Yedder, femme de 32 ans, est dĂ©couvert dans son appartement par les autoritĂ©s policiĂšres.

Elle Ă©tait alors enceinte de huit semaines. Les tentatives de rĂ©animation se sont avĂ©rĂ©es vaines et le dĂ©cĂšs a Ă©tĂ© constatĂ© sur les lieux. C’est le mari de la jeune femme qui, aprĂšs l’avoir poignardĂ©e plus de vingt fois,

Dorion. Fabio Puglisi attaque sa mùre à coups de couteau, avant de s’en prendre à deux voisines. La mùre, ainsi que la voisine de 53 ans, Manon Blanchard, ne survivent pas à leurs blessures. La troisiùme victime,

jade le | Le Délit

aurait contactĂ© les services d’urgence. L’homme de 42 ans est arrĂȘtĂ© le matin-mĂȘme et comparait en soirĂ©e devant le

Nighat Imtiaz, septuagĂ©naire, est transportĂ©e Ă  l’hĂŽpital, oĂč son Ă©tat se stabilise. Puglisi, 44 ans, est accusĂ© de meurtres au

femmes autochtones ont Ă©tĂ© victimes de fĂ©minicides commis par leur conjoint, des tragĂ©dies passĂ©es inaperçues. Ce n’est qu’en septembre que les mĂ©dias relaient l’information. Stephanie Kitchen, rĂ©sidant Ă  Wemindji, aurait Ă©tĂ© tuĂ©e le 24 mars par son conjoint, qui a depuis Ă©tĂ© inculpĂ© de meurtre. À Inukjuak, Raingi Tukai, 38 ans, est portĂ©e disparue au dĂ©but du mois de mai et retrouvĂ©e morte peu de temps aprĂšs. Son partenaire a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans le cadre de l’enquĂȘte. Ces cas tragiques, qui auraient pu ĂȘtre des alertes pour une action prĂ©ventive, ont Ă©tĂ© ignorĂ©s, relĂ©guĂ©s Ă  l'ombre des statistiques officielles. Les rĂ©cents fĂ©minicides enregistrĂ©s au QuĂ©bec, dont le tragique Ă©vĂ©nement survenu Ă  SaintBasile-le-Grand, soulignent une tendance alarmante de violence conjugale contre les femmes. Cependant, ces tragĂ©dies ne capturent qu'une partie du problĂšme ; les donnĂ©es rĂ©vĂšlent une triste rĂ©alitĂ© : les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles d'ĂȘtre tuĂ©es par leur conjoint, et prĂšs de 20 % des victimes de meurtre par des hommes sont autochtones. En effet, les femmes autochtones reprĂ©sentent prĂšs de 36 % des victimes de fĂ©minicides, malgrĂ© le fait qu’elles ne constituent que 5 % de la population, selon le dernier rapport de l'Observatoire canadien du fĂ©minicide pour la justice et la responsabilitĂ© (OCFJR). Ces cas sont largement

« Réduire le féminicide à des meurtres conjugaux invisibilise d'autres réalités de violence »

Palais de justice de MontrĂ©al pour un chef d’accusation de meurtre au deuxiĂšme degrĂ©.

Le bilan s’alourdit le 12 fĂ©vrier, lorsque la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec a dĂ©couvert les corps de JeanGuy Forest, 82 ans, et celui de sa femme, Lorraine Marsolais, 80 ans, dans la maison de retraite l’Épiphanie, au cƓur de la rĂ©gion de LanaudiĂšre. FĂ©minicide prĂ©sumĂ©, le meurtre de Mme Marsolais aurait Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© par son propre conjoint, avant qu’il s’enlĂšve la vie avec une arme Ă  feu.

Seulement trois jours plus tard, soit le 15 février, un drame survient dans un immeuble résidentiel situé à Vaudreuil-

deuxiĂšme degrĂ© et de tentative de meurtre. Le tribunal ordonne son internement dans un hĂŽpital psychiatrique pour une durĂ©e de 30 jours avant sa comparution. En effet, le suspect a de longs antĂ©cĂ©dents de maladie mentale. Il est d’ailleurs jugĂ© non criminellement responsable pour des infractions prĂ©alables en 2012 et 2020 en raison de ses troubles de santĂ© mentale.

Victimes invisibles

Dans le paysage des féminicides, les voix des femmes autochtones restent souvent étouffées. Deux récents drames dans le Nord-du-Québec révÚlent l'ampleur de cette injustice. Au printemps dernier, deux

ainsi la rĂ©alitĂ© terrible de ces pertes et la nĂ©cessitĂ© de lutter sans rĂ©pit contre la violence Ă  l'Ă©gard des femmes autochtones. Sur les pancartes brandies, nous pouvions lire « Plus jamais de sƓurs volĂ©es ». Bien que l'enquĂȘte nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinĂ©es ait menĂ© Ă  plusieurs appels Ă  l'action, les militants considĂšrent que peu de progrĂšs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s. L'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) dĂ©plore la rĂ©ponse inadĂ©quate du gouvernement face Ă  cette crise persistante, affirmant que le plan d’action et les paroles du gouvernement fĂ©dĂ©ral doivent ĂȘtre accompagnĂ©s d'actions concrĂštes pour mettre fin Ă  cette violence endĂ©mique. Le 22 fĂ©vrier dernier, Les Voix fĂ©ministes de Charlevoix ont organisĂ© deux rassemblements pour dĂ©noncer les trois fĂ©minicides survenus au QuĂ©bec en une semaine seulement. Les organisations locales, notamment la Maison La MontĂ©e, le CALACS de Charlevoix, le Centre des femmes de Charlevoix et le Centre-Femmes aux Plurielles, ont uni leurs voix pour briser le silence et exiger que le gouvernement fasse de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants une prioritĂ©.

Briser le silence

ignorés dans les médias, ce qui soulÚve des questions sur l'attention insuffisante portée aux femmes autochtones dans les discussions sur la violence conjugale et la nécessité d'une sensibilisation accrue sur cette question.

L’urgence d’agir

Le 14 fĂ©vrier dernier, plusieurs manifestants ont pris d’assaut les rues de MontrĂ©al pour rĂ©clamer justice pour les femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinĂ©es. RassemblĂ©s sous le signe du projet Iskweu – initiative du Foyer pour femmes autochtones de MontrĂ©al – les organisateurs et les participants ont mis en avant les noms et visages des victimes, rappelant

La succession tragique de fĂ©minicides au QuĂ©bec rĂ©sonne comme une alarme retentissante, rĂ©clamant une action urgente et un changement systĂ©mique. Des vies brisĂ©es, des familles dĂ©chirĂ©es, des communautĂ©s endeuillĂ©es - le bilan de cette violence insensĂ©e est lourd et insupportable. Alors que les noms et les visages des victimes sont portĂ©s haut dans les rues de MontrĂ©al et de Charlevoix, le silence et l'inaction ne sont plus tolĂ©rables. Le fĂ©minicide ne peut ĂȘtre rĂ©duit Ă  des statistiques ou Ă  des cas isolĂ©s - il s'agit d'une manifestation de la misogynie systĂ©mique et de l'inĂ©galitĂ© profondĂ©ment enracinĂ©e. Nous sommes confrontĂ©s Ă  une crise qui exige une rĂ©ponse collective, un changement culturel et politique radical. Les voix des victimes, souvent Ă©touffĂ©es par le silence et l'oubli, rĂ©clament justice et reconnaissance. « Plus jamais de sƓurs volĂ©es » est un cri de ralliement qui doit ĂȘtre entendu et honorĂ© alors que nous nous engageons Ă  construire un avenir oĂč chaque femme et fille peut vivre sans crainte, en sĂ©curitĂ© et avec dign itĂ©. x

BéATRICE POirier-poULIOT Coordonatrice de la correction

5 le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com
actualitĂ©s QuÉbec

société

societe@delitfrancais.com

Boycotter pour faire entendre sa voix

Nos actions parlent souvent plus que nos mots.

jeanne marengĂšre

Éditrice Opinion

Dans un monde de plus en plus interconnectĂ© et conscientisĂ©, le pouvoir du boycott comme vĂ©hicule de protestation et comme outil pour initier le changement social n’a jamais Ă©tĂ© aussi prĂ©gnant. Au cƓur de ce mouvement se trouve l’acronyme BDS, signifiant Boycott, Divest, Sanctions, une campagne mondiale de boycott Ă©conomique et culturel visant Ă  faire pression sur IsraĂ«l afin de les contraindre Ă  se conformer au droit international en ce qui concerne les droits des Palestinien·ne·s. Sur leur site, on peut lire : « BDS soutient le simple principe que les Palestinien·ne·s ont droit aux mĂȘmes droits que le reste de l’humanitĂ© (tdlr) ». Cette initiative, qui trouve ses racines dans la sociĂ©tĂ© civile palestinienne et la diaspora, s’est Ă©tendue Ă  travers le monde, suscitant un dĂ©bat passionnĂ© sur les questions de justice, de droits de l’Homme, mais surtout, sur les rĂ©sultats concrets de telles mesures. MalgrĂ© sa popularitĂ©, un discours continue de circuler au sein des cercles universitaires, soulevant un doute quant Ă  l’efficacitĂ© du boycott, particuliĂšrement pour les jeunes qui ont un pouvoir d’achat limitĂ©. Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises.

Boycott, Divest, Sanctions

Le mouvement BDS repose sur une stratĂ©gie non violente visant Ă  faire entendre la voix des Palestinien·ne·s et de leurs allié·e·s afin de mettre fin Ă  l’occupation

«

À notre niveau, les

prendre plusieurs formes : on peut penser Ă  la Ligue arabe qui, de 1945 Ă  1980, a mis en place un boycott massif de tous produits dit « sionistes » ou encore Ă  nos choix du quotidien, incluant le boycott d’institutions montrĂ©alaises qui peuvent avoir tenus des propos rĂ©prĂ©hensibles visĂ -vis du gĂ©nocide en Palestine.

Le boycott d’IsraĂ«l est donc un acte concret d’opposition Ă  l’État sioniste, qui consiste Ă  refuser de participer Ă  son Ă©conomie ou Ă  sa culture, dans le but de limiter les gains Ă©conomiques rĂ©sultant de l’oppression des Palestinien·ne·s, tout en refusant d’accorder une quelconque lĂ©gitimitĂ© Ă  l’État. Dans notre Ăšre, teintĂ©e par l’attrait du consumĂ©risme, le boycott conscient de certains produits reprĂ©sente la seule avenue pour faire

Cependant, le boycott comme prise de position politique n’est

treprises qui sont parties prenantes dans plusieurs enjeux globaux actuels. NĂ©anmoins, c’est bien dans ce contexte que les petites actions du quotidien comptent le plus.

Selon mon expĂ©rience, le boycott fonctionne. Depuis le 7 octobre, j’ai moi-mĂȘme participĂ© au boycott de plusieurs institutions et produits aux affiliations rĂ©prĂ©hensibles aux cĂŽtĂ©s de plusieurs ami·e·s et connaissances. Je ne mentirai pas, ce n’est pas simple quand nous sommes habituĂ©s Ă  consommer certains produits au quotidien et que soudainement, nous sommes confronté·es Ă  la dure rĂ©alitĂ© qu’il faut boycotter pour rester fidĂšles Ă  nos valeurs. Ceci Ă©tant dit, il m’est clair que depuis, le boycott a su faire sentir ses effets sur les plus grandes entreprises. Je pense notamment Ă  la chaĂźne de cafĂ©s Starbucks : nombreux·euses sont ceux·celles qui ont choisi d’arrĂȘter d’y acheter leurs boissons aprĂšs avoir entendu parler d’un nouvel incident avec la compagnie, qui a d’ailleurs un historique assez controversĂ© en ce qui a trait Ă  la situation en Palestine.

Le désinvestissement et les sanctions

Chez les Ă©tudiant·e·s, ayant Ă©tĂ© tĂ©moins des consĂ©quences d’un boycott bien orchestrĂ©, la question qui persiste est celle Ă  savoir si le boycott est un moyen de pression suffisant lorsqu’il opĂšre seul. Je pense en effet qu’il est crucial de rappeler que le boycott c’est bien, mais que ce n’est pas assez. Pour maximiser son impact, il est important qu’il soit jumelĂ© Ă  d’autres initiatives qui imposent une pression similaire sur les institutions qu’on cherche Ă  faire flancher. Jeudi dernier, le 22 fĂ©vrier, le groupe SPHR (Students for Palestinian Human Rights) a organisĂ© une action collective impliquant l’obstruction de l’entrĂ©e du bĂątiment Bensadoun pendant une journĂ©e entiĂšre, empĂȘchant ainsi la tenue rĂ©guliĂšre des cours de la FacultĂ© de gestion Desautels. Cette protestation servait spĂ©cifiquement Ă  demander Ă  l’UniversitĂ© de mettre fin Ă  un de ses programmes d’échange avec des universitĂ©s en IsraĂ«l. D’autres formes de mobilisation

« Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises »

pas sans controverse. Certain·e·s le voient comme un outil lĂ©gitime pour exercer une pression pacifique en faveur du changement, tandis que d’autres le condamnent, allant parfois mĂȘme jusqu’à dire qu’il est inutile. Ces apprĂ©hensions quant Ă  l’efficacitĂ© du boycott proviennent souvent d’un sentiment d’impuissance. On pourrait comparer un

sanctions ne sont peut-ĂȘtre

pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et rĂ©voltĂ©e, nous continuions de rĂ©clamer des sanctions Ă©conomiques et diplomatiques sur le rĂ©gime gĂ©nocidaire sioniste »

israĂ©lienne de la Palestine, ainsi qu’à d’autres politiques discriminatoires imposĂ©es par le rĂ©gime colonial d’IsraĂ«l. En rĂ©ponse Ă  cette campagne, des individus, des organisations et mĂȘme des États ont pris des mesures pour boycotter des produits, des entreprises et des Ă©vĂ©nements ayant des liens directs ou indirects avec IsraĂ«l. Le boycott peut

entendre aux grandes industries - et aux sionistes - notre dĂ©saccord avec leur rĂŽle, actif ou passif, dans le gĂ©nocide des Palestinien·ne·s. À tous les niveaux, que notre portefeuille soit bien garni ou que nous soyons Ă©tudiant·e·s avec un budget limitĂ©, nous pouvons faire front commun contre le traitement inhumain des Palestinien·ne·s.

tel discours aux gens qui disent « Pourquoi voter? Mon vote ne sera pas celui qui fera la diffĂ©rence. » Effectivement, nous vivons dans une Ăšre oĂč nous sommes constamment bombardé·e·s de nouvelles accablantes, nous pouvons donc parfois ĂȘtre sous l’impression d’ĂȘtre impuissant·e·s face aux grandes en-

Cette fois-ci, c’est la rĂ©ponse de Starbucks Ă  une publication sur X d’un de ses syndicats, le Starbucks Workers United, oĂč il Ă©tait mentionnĂ© « SolidaritĂ© avec la Palestin  » accompagnĂ© d’une image montrant une clĂŽture dĂ©limitant la bande de Gaza se faisant dĂ©molir, qui est Ă  la source du boycott. AprĂšs cette publication, Starbucks s’est empressĂ© de condamner l’union pour sa prise de position, menant Ă  un boycott massif de la fameuse compagnie de cafĂ©. Depuis, des employé·e·s ont tĂ©moignĂ© que les succursales connaissent des temps difficiles, avec moins de client·e·s et une chute du prix de l’action de 7%, en date de dĂ©cembre dernier. On peut Ă©galement penser Ă  la filiale de Starbucks en Égypte, oĂč des coupures importantes ont eu lieu suite aux attaques meurtriĂšres commises sur le peuple palestinien depuis octobre. On peut donc constater que le boycott fonctionne si suffisamment d’individus se sentent interpellé·e·s par la cause pour agir, pour en faire un mouvement d’action collective.

organisées sur le campus incluent la grÚve de la faim (@mcgillhungerstrike), qui dure déjà depuis le 19 février.

À notre niveau, les sanctions ne sont peut-ĂȘtre pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et rĂ©voltĂ©e, nous continuions de rĂ©clamer des sanctions Ă©conomiques et diplomatiques sur le rĂ©gime gĂ©nocidaire sioniste. Le dĂ©sinvestissement, pour sa part, est entre nos mains : si nous continuons de nous organiser autour de la cause palestinienne, les institutions comme McGill finiront bien par entendre la voix de ceux·celles qui lui permettent de fonctionner, et se devront d’agir de pair avec l’opinion Ă©tudiante. Bien que cela puisse venir avec son lot de difficultĂ©s, c’est maintenant que nous devons prendre action, et le boycott n’est qu’une façon parmi tant d’autres de faire entendre son dĂ©saccord. Boycottons maintenant, boycottons pour faire entendre nos voix! x

Le boycott en proie Ă  la critique
le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com
SOCIété 6
OPINION
CLÉMENT VEYSSET | Le dÉlit

Qui restera-t-il Ă  mon mariage?

RĂ©flexions sur la complexitĂ© des relations sociales Ă  l’universitĂ©.

Jade lĂȘ

Éditrice Culture

Titouan paux

Éditeur EnquĂȘte

Un narratif trĂšs particulier encadre la vie sociale Ă  l’universitĂ© : celui d’une promesse de libertĂ©. Cette belle histoire, fruit de l’imagination collective, des souvenirs de nos anciens, des rĂ©seaux et des sĂ©ries B, a tendance Ă  dĂ©finir les annĂ©es universitaires comme les plus belles d’une vie, et ce surtout sur le plan social. Un environnement si riche et divers, regorgeant d’individus tous les plus intĂ©ressants les uns que les autres, ça ne peut ĂȘtre qu’un idĂ©al relationnel, n’est-ce pas? Les fĂȘtards vont en boĂźte de nuit, les curieux participent aux nombreux Ă©vĂ©nements organisĂ©s par les associations Ă©tudiantes, et les intellos peuvent prendre part au lĂ©gendaire club de gĂ©nie en herbe. Tant d’opportunitĂ©s de tisser des liens et tant de souvenirs qui, selon la croyance populaire, dureront toute une vie.

Nous estimons que la rĂ©alitĂ© est bien plus complexe qu’elle n’y paraĂźt. Le mythe de la vie sociale universitaire, cultivĂ© par le tsunami mĂ©diatique dont nous faisons tous l’expĂ©rience au quotidien, est loin d’ĂȘtre l’idylle sociale au cƓur de laquelle les amitiĂ©s se nouent et se renforcent sans effort. Des efforts, chacun se doit d’en faire pour s’accrocher au rĂȘve d’une vie sociale universitaire Ă©panouie. Attention, notre but n’est pas d’effrayer le lecteur et d’avoir l’air de grands-parents donneurs de leçons! Des merveilles peuvent arriver au sein du monde universitaire, et des discussions trĂšs superficielles au coin de la cafĂ©tĂ©ria peuvent aboutir en relations magnifiques et durables. NĂ©anmoins, la nuance doit ĂȘtre de mise. Si l’idylle populaire comporte du vrai, c’est Ă©galement le cas pour son contraire : en tant qu’étudiants, il est important de reconnaĂźtre que nous sommes sous la pression constante de devoir faire des rencontres, toujours plus de rencontres, Ă  une telle Ă©chelle que nous atteignons bien souvent le trop, le beaucoup trop. C’est alors que les discussions deviennent machinales, que l’intĂ©rĂȘt authentique disparaĂźt, que les prĂ©noms s’effacent des mĂ©moires. C’est alors que nous nous noyons.

Superficialité et popularité

C’est le dĂ©but de l’annĂ©e : on participe Ă  Frosh, on enchaĂźne les bars et les soirĂ©es, on s’abonne Ă  des dizaines de personnes sur Instagram, auxquelles on ne reparlera sĂ»rement jamais, et on rencontre nos voisins de palier. Ça y est, nous y sommes : nous

ROSE CHEDID | le dÉlit

entrons dans le cycle infernal de la vie sociale Ă  l’universitĂ©. Au dĂ©but ça peut ĂȘtre drĂŽle. Beaucoup viennent de s’installer dans une nouvelle ville oĂč ils ne connaissent personne. On est loin de chez soi, de ses amis, de sa famille, on a besoin de ces moments partagĂ©s. Cependant, on s’interroge sur la superficialitĂ© de ces soi-disant amitiĂ©s. En parlant d’expĂ©rience, j’ai rencontrĂ© des Ă©tudiants durant les diverses soirĂ©es d’intĂ©gration organisĂ©es par l’UniversitĂ©. De

demande les comptes de tout le monde, il faut absolument que j’atteigne mille abonnĂ©s  »

Je me souviens ĂȘtre entrĂ©e en contact avec une personne qui semblait partager des intĂ©rĂȘts communs avec moi. Pendant une dizaine de minutes, je lui ai parlĂ© de livres et de poĂšmes et elle m’a racontĂ© sa passion pour Sylvia Plath. Quelle surprise, c’est aussi mon autrice prĂ©fĂ©rĂ©e! Il me semblait que nous l’avions, cette rĂ©elle connexion, qu’il y avait lĂ 

d’obligation de rester aux cĂŽtĂ©s de personnes avec lesquelles tu prĂ©fĂšrerais ne plus parler. Il est vrai que, aprĂšs avoir passĂ© plusieurs semaines Ă  s’envoyer des messages et des reels sur Instagram, tu te vois mal annoncer de façon dĂ©contractĂ©e que tu ne veux plus de cette amitiĂ©. C’est une situation difficile Ă  laquelle beaucoup sont confrontĂ©s. TiraillĂ© entre ton envie d’ĂȘtre sincĂšre et celle de ne pas vouloir blesser la personne, tu continues Ă  parler avec des gens qui – et ça tu ne peux que le rĂ©ali-

« Le mythe de la vie sociale universitaire, cultivĂ© par le tsunami mĂ©diatique dont nous faisons tous l’expĂ©rience au quotidien, est loin d’ĂȘtre l’idylle sociale au cƓur de laquelle les amitiĂ©s se nouent et se renforcent sans effort »

toutes ces personnes, seulement deux sont encore Ă  mes cĂŽtĂ©s, aprĂšs un an et demi. Je pense qu’il n’y a pas d’explication plus simple : ces soirĂ©es, c’est la course aux abonnĂ©s, une compĂ©tition silencieuse entre chaque personne prĂ©sente pour parler Ă  un maximum de monde. Bien sĂ»r, ce n’est pas le cas de tous. Certains cherchent rĂ©ellement Ă  crĂ©er des amitiĂ©s fortes et solides. Mais, la plupart n’ont qu’un objectif : documenter leur popularitĂ© sur les rĂ©seaux. Difficile de crĂ©er de rĂ©elles connexions, profondes et humaines lorsque l’on a l’impression de se retrouver dans un ocĂ©an d’influenceurs. J’entends souvent les gens autour de moi en parler: « Il faut que je me dĂ©sabonne de certaines personnes pour avoir plus d’abonnĂ©s que d’abonnement »; « Ce soir, je

le dĂ©but d’une amitiĂ© sincĂšre, une flamme qu’il ne suffisait plus qu’à nourrir et faire grandir. Autant dire que j’avais bien rĂȘvĂ©. AprĂšs trois tentatives de planifier une discussion littĂ©rature autour d’un bon cafĂ©, je finis par abandonner, acceptant la dure vĂ©ritĂ© qu’elle ne voulait tout simplement pas ĂȘtre mon amie. Cet Ă©vĂ©nement est loin d’ĂȘtre isolĂ©. J’ai eu par la suite de nombreuses conversations avec mes proches qui m’ont, eux aussi, partagĂ© des expĂ©riences similaires durant leurs premiĂšres semaines Ă  l’universitĂ©.

Maintenir des relations

Les mois passent et d’autres difficultĂ©s surgissent. Si tu n’es parvenu qu’à crĂ©er des relations superficielles, tu te sens maintenant bloquĂ©. Tu as cette sensation

relĂąche sont aussi un moment oĂč beaucoup signent la fin de leurs amitiĂ©s. À l’universitĂ©, il est probable que les gens que tu rencontres habitent dans une province ou un pays diffĂ©rents. Entre le dĂ©calage horaire et le manque d’investissement de certains qui n’envoient jamais le premier message, ce n’est pas parce que tu rencontres la personne, que tu vas forcĂ©ment continuer Ă  la voir. Tu te sens alors coupable. Cette culpabilitĂ© te ronge de plus en plus et s’ajoute au stress des examens. Et voilĂ , c’est ça ĂȘtre Ă©tudiant


Chemins parallĂšles

ser maintenant– ne s’alignent pas avec tes valeurs, ta personnalitĂ©, ou tes centres d’intĂ©rĂȘts.

Dans le cas oĂč tu as malgrĂ© tout rĂ©ussi Ă  crĂ©er des amitiĂ©s sincĂšres, fĂ©licitations, tu as passĂ© le niveau 1. Qu’en est-il du niveau 2? Parviens Ă  maintenir ces relations avec des emplois du temps diffĂ©rents, les semaines de relĂąche et les pĂ©riodes d’examens. Bon courage! Tu as beau avoir un groupe d’amis idĂ©al, tu fais face Ă  un nouvel obstacle : organiser des sorties. Être Ă©tudiant, c’est un travail Ă  temps plein. Peu importe ton programme d’étude, on est tous plus dĂ©bordĂ©s les uns que les autres. S’il s’avĂšre que tu n’as aucun cours en commun avec tes amis, tu vas vite rĂ©aliser qu’il est bien compliquĂ© d’entretenir des relations. Les semaines de

Le rĂȘve de la vie sociale apparaĂźt ainsi comme une vaste piĂšce de théùtre dans laquelle tout le monde doit jouer son rĂŽle, ou du moins s’y rĂ©soudre de maniĂšre relativement imposĂ©e par le narratif dominant. Mais comme dans tout bon narratif, il existe des cas d’exceptions, que certains Ă  l’universitĂ© aiment qualifier d’intrus ou d’asociaux. Beaucoup peuvent trouver du bonheur et de la satisfaction personnelle dans le fait d’éviter la vie sociale, ou du moins de ne pas forcer la chose. Alors que certains prĂ©fĂšrent Ă©viter une pression additionnelle en limitant leur nombre d’interactions, d’autres ne sont pas fermĂ©s Ă  la vie sociale, au contraire, mais valorisent dans une plus grande mesure les amitiĂ©s rĂ©elles et authentiques, celles dont le sujet de discussion n’est pas seulement : « Et sinon, toi, c’est quoi ton programme Ă  McGill? » Beaucoup d’étudiants ont dĂ©jĂ  des amis avant d’entrer Ă  l’universitĂ©, et priorisent l’entretien d’une amitiĂ© de longue date avec quelqu’un de confiance plutĂŽt que d’essayer de transformer leur environnement relationnel de A Ă  Z. Il est raisonnable d’estimer que le «  rĂŽle » que le narratif veut assigner Ă  chacun ne nous correspond tout simplement pas.

Enfin, la pression sociale est cruciale, et a souvent tendance Ă  ĂȘtre sous-estimĂ©e. Les Ă©vĂšnements, les soirĂ©es, les obligations, les sorties ; autant de donnĂ©es qui s’additionnent au cƓur de l’équation dĂ©jĂ  bien remplie qu’est la charge mentale Ă©tudiante. Pour beaucoup, les cours suffisent dĂ©jĂ , et sont parfois mĂȘme trop consĂ©quents sans aucune autre activitĂ© parallĂšle. La passerelle vers la vie adulte que reprĂ©sente l’universitĂ© prĂ©sente de nombreux dĂ©fis, et l’épanouissement personnel est souvent incompatible avec l’ overdose relationnelle, un trop plein de superficialitĂ© et de manque d’authenticitĂ©. x

société le délit · mercredi 28 février 2023 · delitfrancais.com 7
opinion

environnement

environnement@delitfrancais.com

LDéfis pour mars

En prévision de la Journée internationale du zéro déchet.

ors de la 77Ăšme AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations Unies en dĂ©cembre 2022, le 30 mars a Ă©tĂ© nommĂ© JournĂ©e internationale du zĂ©ro dĂ©chet. Comme la page web des Nations Unies l’indique, Ă  chaque annĂ©e, « les États Membres, les organisations du systĂšme des Nations Unies, la sociĂ©tĂ© civile, le secteur privĂ©, le monde universitaire, les jeunes et d’autres parties prenantes sont invitĂ©s Ă  participer Ă  des activitĂ©s visant Ă  sensibiliser aux initiatives nationales, infranationales, rĂ©gionales et locales de zĂ©ro dĂ©chet et Ă  leur contribution Ă  la rĂ©alisation du dĂ©veloppement durable ».

En prĂ©vision du 30 mars, Le DĂ©lit vous propose un mois complet de dĂ©fis hebdomadaires pour Ă©cologiser votre routine. Chaque semaine, une bonne habitude Ă©cologique sera mise en avant. Rien ne vous empĂȘche de conserver ces bonnes habitudes durant tout le mois et dans le futur!

Quelques conseils pour réussir une journée zéro déchet

Faire son épicerie en vrac, apporter sa tasse réutilisable pour son café, préparer son repas et ses collations à la maison, utiliser des cosmétiques solides comme la barre de savon ou de shampooing et apporter ses propres ustensiles à la cafétéria. Consultez les ressources disponibles en ligne sur le sujet, comme la page dédiée au concept sur le site web de la Fondation David Suzuki! x

juliette elie

Éditrice Environnement

Au menu : désobéissance civile

Le vandalisme d’Ɠuvres d’art est-il encore efficace?

juliette elie

Éditrice Environnement

De la poudre rouge sur l’exemplaire original de la Constitution amĂ©ricaine Ă  Washington, de la sauce tomate sur les Tournesols de Van Gogh, une main et une tĂȘte collĂ©es Ă  La Jeune

Fille à la Perle de Vermeer, de la purée de pommes de terre sur les

Meules de Monet ; voici seulement quelques exemples d’actes de vandalisme visant des Ɠuvres d’art commis au nom de la cause environnementale dans les derniĂšres annĂ©es.

Le vandalisme militant d’Ɠuvres d’art existe depuis toujours sous diffĂ©rentes formes. De nos jours, cette technique d’activisme non-violent consiste Ă  s’attaquer Ă  une oeuvre, d’habitude trĂšs connue, en y jetant des substances, des objets, ou en y collant des parties de son corps avec de la superglue

Pourquoi viser l’art?

Les Ɠuvres visĂ©es par les militants environnementaux ne sont pas choisies au hasard. Elles sont avant tout ciblĂ©es Ă  cause de leur popularitĂ©. En menaçant d’abĂźmer des Ɠuvres inestimables, connues et aimĂ©es du grand public, les acti-

vistes cherchent Ă  attirer un maximum d’attention et de couverture mĂ©diatique pour faire entendre leurs revendications. Le geste n’en est pas un de violence envers l’art – le vandalisme ne vise pas (en gĂ©nĂ©ral) Ă  dĂ©truire les Ɠuvres de maniĂšre permanente – mais de protestation pacifique.

Le pour et le contre

Le vandalisme de chefs-d’Ɠuvre divise le public, Ă©videmment, mais Ă©galement les militants eux-mĂȘmes. En effet, on remarque une diffĂ©rence d’opinions entre les gĂ©nĂ©rations de militants environnementaux. Les plus ĂągĂ©s sont en gĂ©nĂ©ral en dĂ©saccord avec le geste. Ils pensent qu’au lieu d’attirer l’attention des gens et

clÉment veysset | Le dÉlit

gements sociaux, les messagers des grandes revendications. Donc, de s’en prendre Ă  l’art pour militer peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme absurde et contre-productif. Certains activistes sont d’avis que la dĂ©sobĂ©issance civile pour la cause environnementale

« Les activistes cherchent Ă  attirer un maximum d’attention et de couverture mĂ©diatique pour faire entendre leurs revendications »

des mĂ©dias sur les revendications environnementales, le vandalisme d’Ɠuvres ne fait que dĂ©crĂ©dibiliser la cause. Historiquement, les artistes ont Ă©tĂ© les moteurs de chan-

devrait s’en tenir Ă  ce qui atteint directement le problĂšme que les activistes cherchent Ă  dĂ©noncer. Par exemple, plus tĂŽt ce mois-ci, des activistes de Greenpeace se sont ins-

tallés dans le bureau de la ministre des Finances Chrystia Freeland à Toronto pour demander la réglementation des banques qui financent les énergies fossiles.

Les plus jeunes militants, de leur cĂŽtĂ©, ont plutĂŽt tendance Ă  penser que le choc provoquĂ© par cet acte mal vu du public permet d’atteindre un plus grand auditoire. On entend souvent dire que « de la mauvaise publicitĂ© reste quand mĂȘme de la publicitĂ© ». C’est cette idĂ©e qui motive en partie les actes de vandalisme d’Ɠuvres d’art. MĂȘme si l’image projetĂ©e est nĂ©gative, l’attention des mĂ©dias est pour un moment consacrĂ©e Ă  la cause environnementale.

Une tactique du passĂ© Pourtant, le vandalisme d’Ɠuvres d’art a-t-il encore de nos jours l’effet recherchĂ©? Depuis le premier acte contemporain de vandalisme militant, soit la lacĂ©ration de la VĂ©nus au miroir de VĂ©lasquez par la suffragette Mary Richardson en 1914, cette technique de militantisme a perdu l’effet de surprise initialement produit. Selon la sociologue et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Dana

Fisher, le vandalisme d’Ɠuvres est inefficace et ne pousse pas la rĂ©flexion du public et des mĂ©dias plus loin, car dĂ©jĂ  vu. De plus, plusieurs musĂ©es ont augmentĂ© leurs mesures de sĂ©curitĂ© (interdiction aux sacs Ă  dos, fouilles, vitres supplĂ©mentaires, etc.) justement en prĂ©vision de ces actes. « Les actes de vandalisme sur les chefs d’Ɠuvres de l’art mondial nous interpellent. [...] Et ce, indĂ©pendamment des revendications », affirme Linda Tremblay, responsable des relations de presse du MusĂ©e national des beaux-arts du QuĂ©bec (MNBAQ). En reproduisant cette tactique dont le potentiel de choc a Ă©tĂ© Ă©puisĂ©, les militants environnementaux ramĂšnent la conversation au dĂ©bat sur le vandalisme d’Ɠuvres comme maniĂšre de protester, plutĂŽt qu’à leurs revendications environnementales urgentes.

« Au fil des dĂ©cennies, le changement climatique va affecter de plus en plus de personnes. [...] Et nous verrons les gens prendre des mesures de plus en plus dĂ©sespĂ©rĂ©es », exprime le Dr Oscar Berglund, maĂźtre de confĂ©rences spĂ©cialiste de l’activisme climatique Ă  l’universitĂ© de Bristol. Si le vandalisme d’Ɠuvres d’art est dĂ©passĂ©, qu’est-ce qui saura le remplacer? x

environnement le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com
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Le module de développement durable à McGill

Une ressource utile pour s’impliquer sur le campus.

adÈle doat

Éditrice Environnement

Il existe diffĂ©rentes maniĂšres de s’engager pour la cause environnementale en tant qu’étudiant·e Ă  McGill. Rejoindre un des nombreux clubs militants du campus ou lire et contribuer Ă  la section Environnement du DĂ©lit en sont des exemples. Mais quelles sont les autres opportunitĂ©s et Ă©vĂšnements ayant lieu sur le campus? Pour rĂ©pondre Ă  cette question, l’UniversitĂ© a créé le module de dĂ©veloppement durable, disponible sur MyCourses. Cette formation en ligne vise Ă  fournir des pistes Ă  tous·tes ceux·celles qui cherchent Ă  rendre le campus plus durable et plus respectueux de l’environnement.

Un module éducatif pour sensibiliser

« L’UniversitĂ© McGill a dĂ©veloppĂ© le module Ă©tudiant “CrĂ©er un avenir meilleur : le dĂ©veloppement durable Ă  McGill” en rĂ©ponse Ă  l’intĂ©rĂȘt croissant des

de le laisser de cĂŽtĂ© et d’y revenir pour le complĂ©ter. Il est offert en anglais et en français, et il existe une version pour les Ă©tudiant·e·s et une autre destinĂ©e au personnel et aux professeur·e·s.

DivisĂ© en trois sections, le module dĂ©finit d’abord le concept de dĂ©veloppement durable comme « un dĂ©veloppement qui rĂ©pond aux besoins du prĂ©sent sans compromettre la capacitĂ© des gĂ©nĂ©rations futures de rĂ©pondre aux leurs ». La formation rappelle que, contrairement Ă  ce que beaucoup peuvent penser, le dĂ©veloppement durable implique des dimensions autres que l’environnement, Ă  savoir la durabilitĂ© sociale et Ă©conomique. Ces trois piliers sont interconnectĂ©s et interdĂ©pendants. Le volet environnemental est fondĂ© sur l’idĂ©e que « la durabilitĂ© environnementale se produit lorsque le taux de consommation de l’humanitĂ© ne dĂ©passe pas le taux de reconstitution de la nature

« Lieu d’échange et de partage d’idĂ©es, le module invite les Ă©tudiant·e·s Ă  un travail collaboratif »

Ă©tudiants pour les questions de durabilitĂ© mondiale et Ă  leur volontĂ© d’agir », explique François Miller, directeur exĂ©cutif du Bureau du dĂ©veloppement durable de McGill. Il poursuit : « Ce module Ă©tudiant est un cadre d’apprentissage Ă  la fois structurĂ© et autodidacte, dont l’un des principaux objectifs est de renforcer la sensibilisation et l’implication dans les questions de durabilitĂ© sur le campus. Il propose Ă©galement un examen complet de la durabilitĂ©, qui englobe ses aspects environnementaux, sociaux et Ă©conomiques. »

« Lancé en janvier 2023, le module a déjà attiré plus de 800 participant·e·s », nous indique François Miller. Cette formation en ligne au développement durable repose sur la base du volontariat. Pour y accéder, il suffit de se rendre sur le site internet du Bureau de Développement durable de McGill. Le module dure environ 45 minutes, mais il est possible

et lorsque le niveau de pollution et d’émission de gaz Ă  effet de serre de l’humanitĂ© ne dĂ©passe pas la capacitĂ© de restauration de la nature ». La deuxiĂšme section relie le concept de dĂ©veloppement durable Ă  l’histoire de McGill. Il permet de dĂ©couvrir la chronologie de son intĂ©gration dans les institutions de l’UniversitĂ© depuis la crĂ©ation en 1998 de l’École de l’environnement [Bieler School of Environment, ndlr]. Parmi les dates notables : l’annĂ©e 2009 avec la crĂ©ation du Fonds des projets de durabilitĂ©, qui offre des financements aux initiatives de dĂ©veloppement durable sur le campus, ou encore l’annĂ©e 2019, avec la campagne « Refill McGill », interdisant la vente d’eau embouteillĂ©e pour rĂ©duire les dĂ©chets plastiques. La derniĂšre section met en avant les façons d’intĂ©grer la durabilitĂ© dans la vie de tous les jours. Elle nous invite Ă  nous questionner davantage sur nos habitudes de consommation en rĂ©flĂ©chissant Ă  comment agir de maniĂšre plus durable.

rose chedid | Le dÉlit

Vers un campus plus durable

Lieu d’échange et de partage d’idĂ©es, le module invite les Ă©tudiant·e·s Ă  un travail collaboratif.

« Conçu pour optimiser l’expĂ©rience de l’utilisateur·rice, le module intĂšgre des Ă©lĂ©ments interactifs tels que des visuels, des activitĂ©s et des vidĂ©os, ainsi que des possibilitĂ©s d’apprentissage asynchrone par les pairs via des tableaux de messages et des sondages en direct », dĂ©crit François Miller. Il ajoute : « Les commentaires des Ă©tudiant·e·s ont jouĂ© un rĂŽle clĂ© dans l’élaboration du contenu et dans la conception du module, garantissant ainsi sa pertinence et son attrait pour la communautĂ© diversifiĂ©e de McGill. Il est utile de noter que McGill mĂšne actuellement un processus de consultation sur sa prochaine stratĂ©gie en matiĂšre de climat et de durabilitĂ©, et invite les Ă©tudiant·e·s Ă  faire part de leurs commentaires par l’intermĂ©diaire d’un tableau communautaire visuel. »

En effet, le module s’inscrit dans le cadre de la stratĂ©gie climat et dĂ©veloppement durable 20202025 de McGill. Cette stratĂ©gie est axĂ©e sur plusieurs objectifs Ă  long terme. Le premier est d’atteindre la Cote Platine en dĂ©veloppement durable d’ici 2030. Il s’agit de la distinction la plus Ă©levĂ©e qu’une universitĂ© peut se voir attribuer par le SystĂšme de suivi, d’évaluation et de notation du dĂ©veloppement durable (Sustainability Tracking, Assessment & Rating SystemSTARSÂź, (tdlr)). Ce dernier, enca-

drĂ© par l’Association pour l’avancement de la durabilitĂ© dans l’enseignement supĂ©rieur, permet aux Ă©tablissements de mesurer leurs performances en matiĂšre de dĂ©veloppement durable. Aujourd’hui, McGill possĂšde le statut Or avec un score de 76,69 points, se rapprochant du minimum de 85 points nĂ©cessaires Ă  l’obtention de la Cote Platine. Les autres objectifs fixĂ©s par l’UniversitĂ© sont d’aller vers le zĂ©ro dĂ©chet d’ici 2035 et de devenir carboneutre d’ici 2040.

Un guide pratique

Une fois complĂ©tĂ©, il est toujours possible d’accĂ©der au module, qui fournit une longue liste de ressources utiles pour s’impliquer sur le campus en matiĂšre d’environnement. En prĂ©ambule de la formation, un message d’avertissement alerte : « Parfois, ce sujet [dĂ©veloppement durable, ndlr] peut conduire Ă  l’éco-anxiĂ©tĂ©, un terme utilisĂ© pour exprimer le fait de se sentir dĂ©passĂ©, stressĂ© ou anxieux en pensant aux dĂ©fis liĂ©s au climat et Ă  la durabilitĂ©. N’oubliez pas de

pour lutter contre l’éco-anxiĂ©tĂ©, ou contacter le Centre de bien-ĂȘtre des Ă©tudiants de McGill. » D’autres ressources pratiques comprennent entre autres l’application « Ça va oĂč? » pour mieux savoir recycler, les conseils d’Hydro-QuĂ©bec pour rĂ©duire sa consommation d’électricitĂ©, etc. Par ailleurs, la formation fournit une liste de cours reliĂ©s Ă  l’environnement, des opportunitĂ©s de recherche dans le domaine, et bien d’autres ressources auxquelles vous n’aurez accĂšs qu’en complĂ©tant le module. RĂ©aliser la formation donne aussi la possibilitĂ© d’obtenir des crĂ©dits co-curriculaires reconnus par l’UniversitĂ©. Ceux-ci peuvent ĂȘtre un avantage prĂ©cieux sur un CV, car ils attestent de l’engagement de l’étudiant·e Ă  des activitĂ©s d’apprentissage en dehors de la salle de classe.

Faut-il le rendre obligatoire?

Nombreux·euses sont ceux·celles qui n’ont jamais entendu parler du module de dĂ©veloppement durable Ă  McGill. Il est dommage que tant de ressources soient encore inconnues des Ă©tudiant·e·s. « Si le module s’est avĂ©rĂ© efficace pour promouvoir l’éducation et l’engagement en matiĂšre de dĂ©veloppement durable, il reste facultatif, conformĂ©ment Ă  l’engagement de McGill en faveur de l’autonomie des Ă©tudiant·e·s et de la diversitĂ© acadĂ©mique. Cette approche permet aux Ă©tudiant·e·s d’aborder les concepts de durabilitĂ© Ă  leur propre rythme, en respectant leurs intĂ©rĂȘts et leurs prioritĂ©s », affirme François Miller.

Parmi les 40 000 Ă©lĂšves de McGill, seulement 800 ont complĂ©tĂ© la formation depuis 2023 : une faible proportion. On peut penser que la rendre obligatoire permettrait Ă  tous·tes d’accĂ©der Ă  ses avantages. Ça nous concerne tous et toutes,

« Parmi les 40 000 élÚves de McGill, seulement 800 ont complété la formation depuis 2023 : une faible proportion »

vous concentrer sur les actions qui sont à votre portée et de parler de ces émotions avec les autres pour éviter de vous sentir isolé. Vous pouvez consulter des ressources

une formation pour la prĂ©vention des violences sexuelles a Ă©tĂ© rendue obligatoire. Une suite logique serait de faire de mĂȘme pour le module sur la durabilitĂ©. x

environnement le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com 9
au quotidien

cinéma

artsculture@delitfrancais.com

Le consentement : montrer l’horreur Des mots aux images, de la libĂ©ration Ă  la fĂ©tichisation.

marie prince Rédactrice en chef

Le titre du roman de Vanessa Spingola, Le consentement, a donnĂ© Ă  son rĂ©cit une rĂ©sonance particuliĂšre, lorsqu’il est publiĂ© en 2020. Il ne s’agit pas seulement d’une histoire horrible, d’une rĂ©vĂ©lation atroce, mais aussi d’une preuve que l’emprise prend un bien long chemin avant de se dĂ©voiler Ă  la conscience de sa dĂ©tenue. Vanessa Spingola, en couchant ces mots si essentiels sur papier, nous rappelle qu’il faut bien du temps Ă  un cerveau manipulĂ© pour se dĂ©faire de ses chaĂźnes, et bien plus encore quand il s’agit du cerveau d’une enfant. Avec un tel titre, le roman incarne un plaidoyer pour la protection des victimes d’abus sexuels, et nous offre une rĂ©flexion puissante sur la manipulation du consentement, qui ne peut ĂȘtre abordĂ© sans la prise en compte des relations de pouvoir. Le livre porte les mots de son autrice, il est l’emblĂšme de son Ă©mancipation et permet aux lecteur·rice·s de comprendre avec effroi, la violence, tandis que Vanessa Spingola se livre Ă  une

exposition

Dintrospection. Elle y raconte la relation qu’elle a entretenue avec le cĂ©lĂšbre Ă©crivain Gabriel Matzneff, alors qu’elle n’avait que 14 ans, et qu’il en avait 50. Ses mots nous permettent d’effleurer son expĂ©rience, tandis que les images du film Ă©ponyme Le consentement, sorti rĂ©cemment au cinĂ©ma, nous place dans la position voyeuriste d’une camĂ©ra qui saisit l’horreur sans jamais l’incarner.

Fétichisation de la violence

Dans le long-mĂ©trage rĂ©alisĂ© par Vanessa Filho, Jean-Paul Rouve incarne le terrifiant Gabriel Matzneff, et Kim Higelin la jeune Vanessa Spingola. Le duo met en scĂšne le monstre et sa victime dans leur intimitĂ©, et propose les images fictionnelles de la jeune fille de 14 ans, qui dĂ©couvre la sexualitĂ©, avec violence, aux cĂŽtĂ©s de l’écrivain connu, pervers, qui la manipule. Or, les images de violence offrent toujours Ă  ceux et celles qui les regardent la possibilitĂ© d’une fĂ©tichisation des actes, lĂ  est le pouvoir dangereux des images. Le livre raconte bien les souvenirs d’une adulte, capable de

clĂ©ment veysset | Le dÉlit

percevoir avec le recul, l’horreur de ces mains immondes sur son corps d’adolescente. Le film ne reprĂ©sente pas rĂ©ellement cela, car il rapporte les Ă©vĂ©nements au prĂ©sent, lorsque Vanessa Spingola est encore adolescente, et sous l’emprise de l’écrivain. Ces images sont-elles alors en accord avec le propos originel du rĂ©cit? Avec le livre, le lecteur se tient aux cĂŽtĂ©s de l’autrice, il accompagne ses rĂ©flexions. Le film, quant Ă  lui, place le spectateur dans une position tierce, extĂ©rieure. Et l’existence graphique de l’horreur, ne fait que perpĂ©tuer, Ă  mes yeux, la possibilitĂ© d’une fĂ©tichisation de la violence sexuelle. De plus, les mots

laissent place Ă  plus de subtilitĂ© et d’expression personnelle, tandis que le film prĂ©sente avec brutalitĂ© l’immobilisme de la mĂšre, filmĂ©e comme une « dĂ©pravĂ©e ». La reprĂ©sentation des personnages et des Ă©vĂ©nements oscille entre l’objectivitĂ© de la camĂ©ra et la nature subjective du rĂ©cit de Vanessa Spingola, que le film est censĂ© retracer. Les mots de la jeune fille de 14 ans dans le film, sont ainsi parfois ceux de l’adulte Ă©clairĂ©e du rĂ©cit, et sonnent faux. Il est aussi presque Ă©trange de voir Matzneff si prĂ©sent Ă  l’écran, tandis que Spingola nous en distance par le retrait de son nom, se rĂ©fĂ©rant Ă  lui par « G. » ou « G.M. »

Récit émancipateur, film vain

Le livre incarnait avant tout l’émancipation de son autrice. Elle dĂ©cide en l’écrivant de le prendre Ă  son propre piĂšge, en se servant de ses mots pour l’enfermer, Ă  son tour, dans une cage. LĂ  est la nature du roman Le consentement. En l’adaptant au cinĂ©ma pour seulement reprĂ©senter les Ă©vĂ©nements, on lui enlĂšve ainsi cet aspect central. Matzneff est

un Ă©crivain, autrefois en partie admonestĂ© pour sa pĂ©dophilie, Spingola est une Ă©crivaine, maintenant adulĂ©e pour sa force et la beautĂ© de ses mots. Il y a, dans toute cette affaire, aussi une question de mots. Les mots permettent une Ă©mancipation que le film ne parvient pas Ă  retranscrire. Il dĂ©montre l’horreur vĂ©cue par Vanessa Spingola, la douleur avec laquelle elle a dĂ» survivre, mais il soustrait au rĂ©cit la rĂ©flexion sur le temps, le temps nĂ©cessaire pour se dĂ©faire d’une emprise et approcher un discours sur le consentement, un discours adulte. Dans le film, la jeune fille reste prisonniĂšre de sa cage et nous oblige douloureusement Ă  l’observer, impuissante. Le livre, quant Ă  lui, incarne aussi un discours sur la sortie du silence.

Mon questionnement final serait sur l’existence mĂȘme du film. Pourquoi faire vivre Ă  l’écran l’horreur sans contrĂŽle, tandis que les mots de Spingola s’approprient une histoire qui lui appartient, pour s’émanciper enfin? Je prĂ©fĂšre plutĂŽt la force libĂ©ratrice que ses mots ont originellement donnĂ©e au discours sur le consentement. x

Une pyramide au cƓur de MontrĂ©al

Visite de l’Horizon de KhĂ©ops au Centre des sciences de MontrĂ©al.

epuis le 16 fĂ©vrier, le centre des Sciences de MontrĂ©al, musĂ©e scientifique, est devenu le théùtre d’une aventure hors du commun. l’Horizon de KhĂ©ops, une expĂ©rience de rĂ©alitĂ© virtuelle conçue par Excurio, branche d’Emissive, une sociĂ©tĂ© française spĂ©cialisĂ©e dans la production de rĂ©alitĂ© virtuelle, invite ses participants Ă  s’immerger dans l’Égypte antique et Ă  dĂ©couvrir la majestueuse pyramide de KhĂ©ops.

DĂšs le dĂ©but de l’expĂ©rience, les visiteurs sont transportĂ©s dans un monde oĂč la magie de l’ancienne Égypte prend vie sous leurs yeux. Une Ă©gyptologue maladroite, Mona – acronyme d’Amon, une des principales divinitĂ©s du panthĂ©on Ă©gyptien – nous guide sur plusieurs centaines de mĂštres afin de nous faire dĂ©couvrir les secrets de la derniĂšre merveille du monde antique. C’est une expĂ©rience absolument extraordinaire, avec des dĂ©cors prĂ©cis et fidĂšles qui nous font presque oublier qu’il s’agit d’une expĂ©rience de rĂ©alitĂ© virtuelle. La visite de l’exposition

n’a durĂ© que 45 minutes pourtant nous avions tous l’impression d’avoir fait un grand voyage, d’avoir vĂ©cu quelque chose d’incroyable. Nous sommes sortis de l’exposition Ă©merveillĂ©s, en se disant qu’il fallait absolument faire une visite en Égypte pour retrouver l’essence de ce que nous venions de vivre.

DerriĂšre cette rĂ©alisation technologique et artistique, deux ans de production et prĂšs de six mois de prĂ©-production ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires afin de se familiariser pleinement avec la culture et de concevoir un projet scĂ©naristique et une direction artistique qui rĂ©pondent Ă  l’ambition du projet. Pour rendre l’expĂ©rience la plus complĂšte possible, Excurio a rĂ©uni pour ce projet une Ă©quipe pluridisciplinaire, composĂ©e de graphistes spĂ©cialisĂ©s dans l’environnement, de programmeurs et d’experts en scĂ©nario et direction artistique, qui ont travaillĂ© ensemble pour crĂ©er cette expĂ©rience immersive et authentique. Beaucoup de travail a Ă©galement Ă©tĂ© fait afin de guider correcte-

ment le spectateur dans l’espace, Ă  l’aide du son, des images, et de la lumiĂšre. En effet, cette vĂ©ritable recherche sur les sensations permet de rendre le parcours le plus rĂ©aliste possible.

L’aspect Ă©ducatif de l’Horizon de KhĂ©ops est Ă©galement notable. Toutes les reconstitutions de la pyramide antique et du plateau de Gizeh ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es aprĂšs des recherches approfondies. Les informations prĂ©sentĂ©es ont Ă©tĂ© validĂ©es par des experts en archĂ©ologie, tout comme les personnages, leurs habits ou le fond sonore du Caire. La collaboration avec Peter de Manuelian, archĂ©ologue et professeur Ă  Harvard, a Ă©tĂ© cruciale dans le dĂ©veloppement de ce projet : « Il fournit beaucoup de documentations et nous rĂ©flĂ©chissons et soumettons des idĂ©es pour arriver Ă  crĂ©er un scĂ©nario », nous explique Fabien Barati. « On crĂ©e la pyramide, les temples, les personnages, et on lui soumet les visuels. S’ensuit beaucoup d’aller-retour pour valider les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments ». Il s’agit ainsi d’un vĂ©ritable par-

cours didactique qui permet d’en savoir plus sur les traditions et la culture de l’Égypte antique.

Le succĂšs de l’exposition ne se limite pas Ă  MontrĂ©al. L’Horizon de KhĂ©ops est Ă©galement disponible en France, Ă  Londres et en Chine. À chaque Ă©tape, des amĂ©liorations sont apportĂ©es, comme l’ajout de langues pour rendre l’expĂ©rience plus accessible.

Selon Fabien Barati, l’Horizon de KhĂ©ops , ce n’est que le dĂ©but.

« Les technologies immersives

vont continuer Ă  se dĂ©velopper et continuer de partager la culture de maniĂšre de plus en plus efficace et engageante grĂące aux dĂ©veloppement des nouvelles technologies. » Il semblerait donc que nous puissions nous attendre Ă  voir ce format se dĂ©mocratiser dans le futur, nous offrant de nouvelles perspectives pour l’exploration du patrimoine culturel mondial.

L’exposition l’Horizon de KhĂ©ops est disponible jusqu’au 31 mai au 2 rue de la Commune Ouest. Les places sont limitĂ©es. x

culture le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com 10
culture
Adil Boukind jade jamsmin Contributrice

PAux oubliĂ©es de l’histoire Ça aurait pu ĂȘtre ĂȘtre un film, le dernier livre

aru le 20 septembre 2023 dernier aux éditions

HĂ©liotrope, le dernier roman de l’autrice quĂ©bĂ©coise Martine Delavaux, Ça aurait pu ĂȘtre ĂȘtre un film, plonge le lecteur dans l’enquĂȘte passionnĂ©e du triangle amoureux formĂ© par les deux artistes Joan Mitchell, figure du mouvement expressionniste amĂ©ricain et Jean Paul Riopelle, peintre canadien vedette, avec la jeune amĂ©ricaine Hollis Jeffcoat. Habituellement, dans les documentaires sur le couple que forment Joan et Jean Paul, Hollis est Ă  peine mentionnĂ©e. Les seules traces de son existence sont une note de bas de page dans une biographie de Jean Paul, et une phrase de Joan lancĂ©e lors d’une entrevue, « Jean Paul est parti avec la dogsitter [Hollis, ndlr] ». Pourtant, lorsque Martine Delveaux se voit proposer un scĂ©nario sur le couple d’artistes, c’est le personnage d’Hollis qui obsĂšdera l’autrice et qu’elle placera au centre de son roman.

« Beaucoup étaient célÚbres mais on ne parle pas des seconds »

L’enquĂȘte commence par l’arrivĂ©e de Hollis Jeffcoat dans le Paris des annĂ©es 70 en tant qu’ administratrice de la New York Studio School, et sa rencontre avec le couple Joan et

théùtre

La piĂšce Because of The Mud, prĂ©sentĂ©e au théùtre La Chapelle du 19 au 22 fĂ©vrier, raconte l’histoire de quatre trembles, un type de peuplier, faisant partie du mĂȘme petit bois. Leurs identitĂ©s se confondent dans ce bosquet commun et elles portent toutes le mĂȘme prĂ©nom : Roberta. À leurs cĂŽtĂ©s, deux roches : l’une en granit et l’autre en quartz. Ils vivent tous sous une pluie incessante, symbole des consĂ©quences du changement climatique. Cette mise en scĂšne, orchestrĂ©e par le chorĂ©graphe Nate Yaffe, marque la premiĂšre reprĂ©sentation du texte Ă©ponyme Ă©crit par Corinne Donly. La piĂšce est jouĂ©e en anglais avec des sous-titres français.

L’idĂ©e au cƓur de la reprĂ©sentation est belle et originale. Le scĂ©nario pose des questions cruciales sur la maniĂšre dont les identitĂ©s se fondent lors de catastrophes qui touchent tout un groupe, et la difficultĂ© d’exprimer son besoin de se singulariser dans ce contexte. La piĂšce touche Ă  des sujets trĂšs actuels, qui font Ă©chos Ă  la crise climatique comme Ă  de nombreuses tragĂ©dies collectives. Le choix de la

rose chedid | Le dÉlit

Jean Paul. HĂ©bergĂ©e dans la Tour, la propriĂ©tĂ© de Joan, Ă  partir de l’étĂ© 76 en Ă©change de la garde de ses chiens, Hollis peint avec elle jusqu’au petit matin. Jumelles, mĂšre-fille, amantes, leur relation s’affranchit de toute Ă©tiquette. Comme autant d’ébauches d’un mĂȘme tableau, Martine Delveaux rĂ©-Ă©crit plusieurs fois au fil des pages une mĂȘme histoire qui tiendrait dans un paragraphe : la rencontre de Hollis et Joan, leur amitiĂ©, l’arrivĂ©e de Jean Paul, et son dĂ©part avec la dogsitter. Autant de regards Ă©trangers sur une relation dont l’autrice cherche Ă  percer les mystĂšres Ă  travers l’exploration des archives, les plongĂ©es dans

les Ɠuvres des trois artistes, et les rencontres avec leurs proches. Martine Delveaux s’immisce dans leur vie, jusqu’à en faire partie.

Ce roman est un questionnement permanent. Pourquoi pas elle?

Pourquoi pas Hollis? Pourquoi l’avoir condamnĂ©e Ă  l’oubli ? FigĂ©e pour la postĂ©ritĂ© dans le rĂŽle de l’étudiante sĂ©ductrice qui part avec le compagnon de celle qui l’a accueillie, Hollis aurait pu jouir du mĂȘme succĂšs que Jean Paul et Joan. Hollis est une artiste, dont le talent a Ă©tĂ© immĂ©diatement reconnu par Joan et Jean Paul, qui sollicitent tous deux son avis sur leurs peintures. Pourquoi alors a-t-

de Martine Delveaux.

elle Ă©tĂ© cantonnĂ©e Ă  cette note de bas de page, elle qui a occupĂ© une place si importante dans l’Ɠuvre des deux?

Muse, amie ou amante, la femme est systĂ©matiquement mise au second plan de l’oeuvre, rapportĂ©e Ă  une figure masculine dont elle ne peut se dĂ©tacher. Comme Martha Gellhorn et Hemingway, Hollis n’existe que dans le sillage de Jean Paul. VĂ©ritable anthologie fĂ©ministe de l’art, le roman de Martine Delveaux met l’histoire d’Hollis en perspective avec d’autres,

« C’est finalement cette lutte pour la postĂ©ritĂ© d’Hollis qui forme le corps du roman, ce lien post-mortem entre l’autrice et son personnage, qu’elle appelle sa jumelle »

similaires, d’artistes et de leurs muses, elles-mĂȘmes crĂ©atrices, et pourtant relĂ©guĂ©es au second plan.

Le rĂ©cit est dĂ©cousu, organisĂ© comme le carnet de notes de l’autrice, sautant d’une pĂ©riode, d’un personnage Ă  un autre au grĂ© des comptes rendus de

ses entrevues et de ses recherches, aggrĂ©mentĂ© de ses commentaires, de digressions fĂ©ministes sur la peinture ou le cinĂ©ma. Comme un passant observant un peintre Ă  l’Ɠuvre, le lecteur suit deux trames : l’ébauche de la vie de Hollis et du couple Jean Paul et Joan ; et le cheminement de l’autrice, son travail, ses passions et ses doutes. Perdu dans les dĂ©tails dĂ©cousus et les digressions, le lecteur voit apparaĂźtre une vie complexe et libre, et dĂ©couvre une personne centrale aux deux artistes, mais ignorĂ©e du grand public. Ce roman raconte aussi le combat de l’autrice, luttant contre le magnĂ©tisme de Jean Paul et Joan pour Ă©crire l’histoire de Hollis, le rĂ©cit que personne n’a Ă©crit. Face Ă  la myopie de l’histoire officielle, qui, pour un nom sauvĂ© de l’oubli en condamne tant d’autres, Martine Delveaux replace Hollis au centre du triangle amoureux, et place les deux artistes dans son orbite. C’est finalement cette lutte pour la postĂ©ritĂ© d’Hollis qui forme le corps du roman, ce lien post-mortem entre l’autrice et son personnage, qu’elle appelle sa jumelle. C’est l’histoire d’un rendez-vous manquĂ©, Martine Delveaux s’emparant du sujet un mois aprĂšs la mort d’Hollis Jeffcoat. Ça aurait pu ĂȘtre un film
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Identité et tragédie collective

Critique de la piĂšce Because of The Mud.

métaphore du bosquet et des roches qui dépérissent sous la pluie incessante est trÚs poétique et imagé.

Cependant, j’ai trouvĂ© que certains Ă©lĂ©ments intĂ©ressants manquaient parfois quelque peu de dĂ©veloppement, qui aurait Ă©tĂ© nĂ©cessaire afin d’avoir l’impact dĂ©sirĂ©. Par exemple, Ă  la fin de la piĂšce, l’un des trembles choisit de s’appeler Robert plutĂŽt que Roberta. Je pense qu’il est trĂšs intĂ©ressant d’avoir voulu aborder le sujet de la transidentitĂ© mais que la piĂšce aurait gagnĂ© Ă  dĂ©velopper un peu plus lĂ -dessus. Le discours de Robert sur son mal ĂȘtre de faire partie des

Robertas Ă©tait un peu trop gĂ©nĂ©ral. Ce mal-ĂȘtre s’est perdu dans celui de toutes les Robertas, accablĂ©es de faire partie d’un bosquet qui dĂ©pĂ©rit sous la pluie, sans pouvoir exprimer leurs identitĂ©s individuelles. J’ai parfois eu l’impression que la piĂšce essayait de dire trop de choses en trop peu de temps.La force de certaines propositions Ă©tait attĂ©nuĂ©e par leur juxtaposition avec d’autres idĂ©es fortes, ce qui faisait que certains sujets pouvaient parfois sembler ĂȘtre amenĂ©s maladroitement.

De plus, bien que les acteurs portaient le texte avec un enthousiasme

certain, j’ai trouvĂ© que leur jeu sonnait parfois un peu faux. Leur ton et leurs expressions m’ont semblĂ© parfois un peu exagĂ©rĂ©s, dans un style qui aurait pu tout Ă  fait convenir Ă  un public jeunesse, mais qui apparaissait surjouĂ© pour le public adulte qu’il veut cibler. J’ai trouvĂ© que le manque d’authenticitĂ© et de sincĂ©ritĂ© des personnages rendait assez difficile la tĂąche de s’attacher Ă  eux, ce qui empĂȘche de ressentir pleinement les enjeux du texte. De plus, certaines blagues manquaient un peu de subtilitĂ© et Ă©taient un peu convenues. Quelques spectateurs riaient, mais ce n’est dĂ©finitivement pas le genre d’humour qui pourrait plaire Ă  tout le monde.

En revanche, la direction artistique Ă©tait remarquable. L’obscuritĂ© constante, interrompue par de brĂšves Ă©claircies, plonge les spectateurs dans le mĂȘme dĂ©sespoir que les protagonistes qui attendent et espĂšrent l’arrivĂ©e du soleil. Au centre de la salle coule un filet d’eau incessant qui rend l’atmosphĂšre humide.

Si certains acteurs manquent parfois un peu de justesse, ils compensent

largement par leur corporalitĂ©. Leur maniĂšre de danser et d’occuper l’espace est des plus intĂ©ressantes. Alexis O’Hara a fait une belle prestation musicale sur scĂšne, trĂšs particuliĂšre et appropriĂ©e Ă  la piĂšce.

Certains Ă©lĂ©ments Ă©taient trĂšs touchants. La relation entre la Roberta plus ĂągĂ©e et la Roberta plus jeune reflĂ©tait bien l’écart intergĂ©nĂ©rationnel qu’il peut parfois y avoir entre une mĂšre et sa fille. Il y avait beaucoup de justesse dans la reprĂ©sentation de cette relation, avec ses silences, ses paroles, son manque de comprĂ©hension mutuelle et sa culpabilitĂ©. C’était une facette trĂšs juste et sincĂšre, qui fut pour moi la lumiĂšre de la piĂšce

Because of The Mud possĂšde tous les Ă©lĂ©ments d’une bonne piĂšce de théùtre. Bien que j’aie regrettĂ© le manque de dĂ©veloppement sur certains aspects, la piĂšce a su aborder un sujet profond et actuel de maniĂšre trĂšs originale, et l’exploiter avec une direction artistique qui lui a rendu honneur. x

jade jasmin

Contributrice

littérature culture le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com 4

Tu en as marre de devoir choisir entre McLennan et Redpath? Voici une liste de six endroits pour Ă©tudier Ă  MontrĂ©al, assez diversifiĂ©e pour satisfaire tous les goĂ»ts! Parfois, c’est important de changer d’air, surtout lors d’une pĂ©riode d’examen stressante. Il n’y a pas Ă  dire, on Ă©tudie mieux avec un bon cafĂ©!

CAFĂ© AMBROSE

Commençons par un classique : CafĂ© Ambrose. SituĂ© Ă  deux pas du campus sur la rue Stanley, il est idĂ©al si tu as quelques heures de pause entre tes cours. Leur spĂ©cialitĂ© : des pĂątisseries (brioche garnies, cinnamon rolls et croissants
) et des repas faits maison. L’atmosphĂšre est trĂšs agrĂ©able avec un amĂ©nagement simple mais chaleureux ; il y a du wifi et des prises pour travailler confortablement. La musique n’est pas trop forte, et j’admets adorer leur playlist indie pop . Je recommande vivement leur chai latte et leur muffin aux bleuets.

Prix d’un latte classique : $4.50 3422 Rue Stanley

café ambrose

Grande BibliothĂšque de BAnQ

Pas un cafĂ© cette fois-ci(mĂȘme s’il est possible d’en acheter a l’entrĂ©e), mais ma bibliothĂšque prĂ©fĂ©rĂ©e! IdĂ©al si tu prĂ©fĂšres le silence Ă  un cafĂ© un peu bruyant. Il est parfois difficile de trouver un endroit pour s’asseoir durant la fin de semaine, mais avec un peu de patience tu pourras prendre place sur l’une des grandes tables en bois du 3 e Ă©tage de la Grande BibliothĂšque. Mon point prĂ©fĂ©rĂ© : la lumiĂšre naturelle qui pĂ©nĂštre depuis les grandes fenĂȘtres du bĂątiment. Tu peux Ă©galement crĂ©er ta carte d’abonnement gratuitement et emprunter des livres lorsque tu le souhaites. Un autre atout : des instruments de musique disponibles pour tout le monde au dernier Ă©tage de la librairie. Piano, guitares, ukulele
 il y a de quoi t’entrainer.

Métro Berri-UQAM

475 Boul. de Maisonneuve E

CAFĂ© chato

Énorme coup de cƓur! Il se situe un peu plus loin que les autres, mais il suffit de prendre la ligne verte jusqu’à Verdun pour y ĂȘtre en quelques stations. Contrairement Ă  son jumeau, situĂ© sur la rue Duluth dans le Plateau, il y a moins de monde et les tables sont plus grandes. Travailler entourĂ© d’adorables chatons, c’est l’environnement parfait (sauf si tu es allergique) et je ne peux que te le recommander. C’est l’endroit idĂ©al pour prendre des pauses entre deux essais : plutĂŽt que de scroller sur Insta , joue avec un chat! Je te suggĂšre d’essayer leur panini tomates, pesto et mozzarella, ainsi que leur brownie au chocolat qui est excellent.

Prix d’un latte classique : $4.25 4833 Rue de Verdun

crew collective & CAFĂ©

SituĂ© dans l’ancien bĂątiment de la Banque Royale du Canada datant de 1928, le Crew Collective & Cafe est loin d’ĂȘtre un cafĂ© ordinaire! Bien que le prix des boissons soit assez Ă©levĂ©, l’architecture en vaut le dĂ©tour. Cela ne deviendra peut-ĂȘtre pas l’endroit oĂč tu passeras tes semaines pour rĂ©viser, mais de temps en temps, changer de dĂ©cor aide Ă  se changer les idĂ©es. L’avantage, c’est qu’il y a de nombreuses tables pour s’installer. De plus, ils proposent des stations de coworking pour $20 la journĂ©e.

Prix d’un latte classique : $5.75

360 Rue Saint-Jacques

colombus CAFĂ©

Si tu cherches un endroit pratique pour t’installer, le Colombus CafĂ© est toujours une bonne adresse. Ce n’est peut-ĂȘtre pas le meilleur cafĂ© de MontrĂ©al, mais ils offrent un large choix de nourriture : brownies , muffins , sandwiches , wraps 
À dĂ©faut de bien boire, tu trouveras de quoi bien manger. Wifi accessible pour tous et des tables assez larges pour travailler, c’est un bon endroit si tu veux ĂȘtre efficace. Attention cependant, par rapport aux autres endroits sur la liste, c’est le plus bruyant, avec beaucoup de circulation. Il y a Ă©galement de la musique de fond. Si tu prĂ©fĂšres le silence, ce cafĂ© n’est sĂ»rement pas pour toi.

Prix d’un latte classique : $4.75

2020 Blvd Robert-Bourassa ou 2153 Rue Sainte-Catherine

BibliothĂšque Webster, Concordia

Enfin, un incontournable des Ă©tudiants : la bibliothĂšque universitaire de Concordia. Alors oui, c’est aussi une bibliothĂšque universitaire, comme McLennan, mais je peux vous garantir que – pour une raison que j’ignore – je suis toujours plus productive lĂ -bas. Accessible au public de 7h Ă  23h, elle s’étend sur plusieurs Ă©tages. De nombreux espaces sont disponibles pour Ă©tudier individuellement ou en groupe. Les Ă©tudiants de McGill peuvent accĂ©der gratuitement au wifi de Concordia afin de travailler confortablement. Enfin, l’esthĂ©tique est vraiment propice au travail : loin de l’architecture brutaliste de McLennan, le bĂątiment est ouvert et lumineux, possĂ©dant de larges fenĂȘtres.

Métro Guy-Concordia

400 Maisonneuve Blvd West

12 culture le délit · mercredi 28 février 2024 · delitfrancais.com
jade lĂȘ Éditrice Culture crĂ©ation littĂ©raire photos : jade lĂȘ | Le dÉlit

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