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ENQUÊTE

CE QUE NOUS ÉTIONS, CE QUE NOUS SOMMES DEVENUS !

AFRIQUE MAGAZINE

LE BEST OF

ILS NOUS ONT MARQUÉS AU FIL DES ANS

DES COUV’ POUR L’HISTOIRE !

ET AUSSI

◗ L’EXCEPTION TUNISIENNE

◗ LE MAROC

À GRANDE VITESSE

◗ RÉVOLUTIONS DANS LA CORNE DE L’AFRIQUE

INTERVIEW

RAY LEMA « Notre problème est culturel »

NUMÉRO ANNIVERSAIRE

Première sortie de votre magazine : décembre 1983. Cela fait donc 35 ans de parution ininterrompue. L’occasion d’un grand voyage dans le temps entre l’Afrique d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Et d’un regard critique sur le chemin parcouru.

23-24 FEBRUARY

2 0 1

9

Youssef Nabil, Lonely Pasha , Cairo 2002, Courtesy of the artist and Galerie Nathalie Obadia, Paris / Brussels

D’ICI 35 ANS ?

Anniversaire d’AM oblige, 35 ans de parution ininterrompue depuis décembre 1983 (date de la sortie de notre premier numéro), une bonne partie de l’édition que vous avez entre les mains propose un voyage dans le temps, entre hier et aujourd’hui. Avec, en particulier, une enquête sur « ce que nous étions, ce que nous sommes devenus ». Sur les évolutions majeures qui ont transformé l’Afrique en un peu plus de trois décennies.

Cet édito se propose donc de jeter un œil sur l’avenir, de se lancer dans le début d’une exploration prudente des trois décennies à venir.

Ce qui paraît sûr, sans faire preuve d’un grand talent divinatoire, c’est que l’Afrique sera au centre du monde. Et des préoccupations globales. Par la magnitude des défis qu’elle affrontera : plus ou moins 2 milliards d’habitants, immigration, changements climatiques, jeunesse, sécurité et terrorisme, matières premières rares, produits agricoles, eau, terres arables, espace disponible… Les évolutions positives ou négatives du continent auront un impact sur l’ensemble de la planète. Outre le « risque », l’Afrique se retrouvera à nouveau à la confluence des intérêts géostratégiques. Le « système » est à la recherche d’une zone de croissance nouvelle, a new growth area, qui pourrait tirer l’ensemble de l’économie mondiale de la gadoue dans laquelle elle semble s’engluer. L’Afrique est et sera un véritable enjeu pour la Chine et pour l’Asie, pour un Occident affaibli par la perte de compétitivité de son modèle, pour l’Europe en particulier qui demeure sa frontière nord, mais aussi pour les pays du Golfe et du Moyen-Orient, qui seront rudement impactés par le changement climatique. Les liens, là aussi, peuvent évoluer de façon positive, se révéler porteurs de croissance, d’échanges, comme ils peuvent favoriser le renforcement d’un néocolonialisme du XXIe siècle avec la mise en coupe réglée des richesses du continent.

Paradoxalement, les faiblesses pourraient se révéler porteuses d’un scénario positif, celui du rattrapage et de la croissance. Si l’on en croit les études les plus optimistes, le boom démographique devrait mécaniquement pousser à l’accroissement d’une classe moyenne solvable de plus de 900 millions de personnes. Des villes phares, connectées à l’économie globalisée, pourraient entraîner avec elles le développement de régions entières. Le déficit abyssal des infrastructures serait une opportunité : routes, transports, barrages, équipements, services… Si seulement 5 % des capacités du continent sont exploitées, c’est donc qu’il existe un potentiel de 95 % à concrétiser ! Et que l’Afrique pourrait financer en partie par l’abondance de ses richesses premières et naturelles. La technologie pourrait favoriser des leapfrogs impressionnants, de la nature de ceux l’on a déjà vécu avec la téléphonie mobile, et qui pourraient s’appliquer aux secteurs de l’éducation, de la santé, des loisirs, de la recherche. Et permettre aux entrepreneurs locaux d’être parfaitement connectés avec le reste du monde en matière d’innovation et de technologies de rupture. Ce scénario ascendant n’est pas improbable. Il suppose de ne pas négliger « les bases ». La clé de tout, la bonne gouvernance, la lutte contre les corruptions et les prédations, l’engagement citoyen des élites, la lutte contre la pauvreté, la transparence, l’acceptation de l’alternance. Personne ne demande à l’Afrique de devenir un modèle démocratique et d’efficacité du jour au lendemain, mais de toute évidence pour émerger, survivre et vivre dans le siècle, il faudra gouverner mieux, avec des élites plus soucieuses du bien commun, concentrées sur le développement. Un saut qualitatif au sommet en quelque sorte.

Voilà, de notre côté, nous espérons bien accompagner ces nouvelles glorieuses africaines, être le magazine du changement positif et exigeant, que nous soyons imprimés, ou digitalisés, ou hologramisés !

Bonne lecture et à très bientôt dans le futur. ■

SOMMAIRE

3 ÉDITO

D’ici 35 ans ? par Zyad Limam

ON EN PARLE

6 Livres : À lire entre 2018 et 2019 par Catherine Faye

10 Musique : Camélia Jordana, la confirmation par Sophie Rosemont

12 Écrans : Tout est pardonné ? par Jean-Marie Chazeau

14 Agenda : Le meilleur de la culture par Catherine Faye

16 CE QUE J’AI APPRIS

Nadine Labaki par Astrid Krivian

70 PARCOURS

Michelle Obama par Catherine Faye

130 VINGT QUESTIONS À… Aziz Sahmaoui par Astrid Krivian

18 35 ANS, L’ANNIVERSAIRE

L’Afrique à la une !

32 C’EST COMMENT ? Un double anniversaire ! par Emmanuelle Pontié

34 Ambiances AM !

38 Le best of 2018 par Zyad Limam, Emmanuelle Pontié, Catherine Faye, Fouzia Marouf, Ouakaltio Ouattara et Loraine Adam

60 Ce que nous étions, ce que nous sommes devenus par Zyad Limam, Cédric Gouverneur et Cherif Ouazani

TEMPS FORTS

72 Révolutions dans la Corne de l’Afrique par Sonia Le Gouriellec et Zyad Limam

78 Une exception tunisienne ? par Frida Dahmani

84 Maroc : À grande vitesse ! par Julie Chaudier

96 Ray Lema : « Le problème de l’Afrique est culturel » par Astrid Krivian

102 Meryem Benm’Barek : « Plus on a de l’argent, plus on est libre » par Fouzia Marouf

L’hôtellerie, nouvelle mine d’or ? par Jean-Michel Meyer

MADE IN AFRICA

120 Escapades : São Tomé-et-Principe, doucement magnifique par Luisa Nannipieri

123 Carrefours : Les bâtiments du futur par Luisa Nannipieri

124 Fashion : Dakhla, capitale du Fima ! par Fouzia Marouf

VIVRE MIEUX

126 La goutte, à prendre au sérieux

127 Allergiques au pollen, attention !

128 Comment échapper au rhume ?

129 Rester en forme en période de fêtes

FONDÉ EN 1983 (35e ANNÉE)

31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE

Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com

Zyad Limam

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Nadia Malouli nmalouli@afriquemagazine.com

RÉDACTION

Emmanuelle Pontié

DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Loraine Adam, François Bambou, Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Camille Deutschmann, Catherine Faye, Annabelle Gasquez, Glez, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Sonia Le Gouriellec, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Ouakaltio Ouattara, Cherif Ouazani, Sophie Rosemont, Alexandra Voeung.

VIVRE MIEUX

Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.

VENTES

EXPORT Arnaud Desperbasque

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CHARGÉE DE MISSION ET DÉVELOPPEMENT Élisabeth Remy

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

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PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL : Zyad Limam. Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet. Imprimeur: Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz

Commission paritaire: 0219 D 85602 Dépôt légal : décembre 2018.

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique magazine 2018.

AFRIQUE

À lire entre 2018 et 2019

série

COUP DE THÉÂTRE

CE QUATRIÈME TOME de la série au succès mondial L’Arabe du futur, traduite dans 22 langues, couvre les années 1987-1992. Âgé de 9 ans au début de ce volume, le petit Riad devient adolescent. Une adolescence d’autant plus compliquée qu’il est tiraillé entre ses deux cultures – française et syrienne –, et que ses parents ne s’entendent plus. Son père est parti travailler seul en Arabie saoudite et se tourne de plus en plus vers la religion ; sa mère est rentrée en Bretagne avec

« L’ARABE DU FUTU R 4, UNE JEUNESSE

AU MOYEN-ORIENT (1987-1992) », Riad Sattouf, Allary, 288 pages, 25,90 €

les enfants. C’est alors que la famille au complet doit retourner en Syrie. Jusqu’au coup d’État du père… ■

érotisme

NU ET CONTRE-NU

TOUT À FAIT

ÉTONNANT et magique. L’auteur du mémorable Meursault, contre-enquête a passé une nuit enfermé au musée Picasso et écrit un texte puissant, jailli de ces heures solitaires, qu’il dédie « aux femmes qui, dans le monde dit “arabe” ou ailleurs, n’ont pas droit à leur propre corps ». Il s’appuie sur la sensualité, les courbes, le désir, le corps-à-corps amoureux, entre volupté et cruauté, des tableaux

« LE PEINTRE

DÉVORANT LA FEMME », Kamel Daoud, Stock, 140 pages, 17 € de l’auteur de Guernica pour approfondir le débat sur la sexualité dans le monde arabo-musulman. « L’érotisme est une clé, depuis longtemps dans ma vie, pour comprendre mon univers, mes nœuds, les impasses meurtrières dans ma géographie, les violences qui me ciblent ou que je perpétue », écrit-il. Un voyage à travers les méandres des sens. ■

« LES ÉTHIOPIES SINGULIÈRES », Georges Courrèges et Alain Sancerni, Hozhoni, 320 pages, 38 €

photographie

MAGIE DES LIEUX

UN TRÈS BEAU titre pour cette exploration passionnée d’un pays pluriel, ondoyant et insaisissable – de Lalibela à la vallée de l’Omo, de Harar à Aksoum, en passant par Gondar ou le pays Afar. Georges Courrèges, photographe, et Alain Sancerni, écrivain, Éthiopien d’adoption, s’interrogent sur la singularité de ce pays paradoxal, dans lequel la réalité la plus rude se marie avec les spiritualités les plus intenses et un imaginaire flamboyant. Les photographies sont superbes. Puissantes. Ce livre est une belle introduction à l’Éthiopie d’aujourd’hui, où l’étonnante symbiose de ses peuples, de ses régions, de son passé et de son présent, attise l’étonnante attraction qu’exerce ce pays. ■

LARMES DE SEL

« SALINA, LES TROIS EXILS », Laurent Gaudé, Actes Sud, 160 pages, 16,80 €

« CHEZ LES DJIMBA, personne ne bouge. L’enfant est posé sur le sol, sous le soleil, et pleure. Il faut attendre que Sissoko prenne une décision. » Salina est une orpheline dont on ignore les origines. Elle a été déposée par un mystérieux cavalier au seuil d’un village en plein désert…

Un roman en dehors du temps et de l’espace où Laurent Gaudé renoue avec la veine mythique et archaïque de La Mort du roi Tsongor. Entre Grèce antique, déserts d’Afrique et fleuves indiens, il déroule son récit riche en rebondissements et digressions. Et confirme, encore une fois, qu’il est l’un de nos meilleurs conteurs. ■

« MÉDÉE CHÉRIE », Yasmine Chami, Actes Sud, 144 pages, 15,80 €

résilience

L’ART DE LA FORME

MÉDÉE ATTEND son mari dans un aéroport où ils sont en transit pour Sydney. Il s’éloigne un instant, qui soudain s’éternise, et déjà elle comprend qu’il ne reviendra pas. Pour affronter la violence du choc, Médée se fige. Et s’installe dans l’aéroport, où elle se laisse submerger par l’abandon. Puis se redresse, portée par son art. Car cette femme est sculptrice, et c’est là, dans ce territoire qui n’appartient qu’à elle, que Médée retrouve la puissance et la force. Yasmine Chami vit et travaille à Casablanca où elle est anthropologue. Ce troisième roman célèbre la résilience et la capacité à s’extraire de l’accablement par l’art. Lumineux. ■

PARLE ON EN

analyse TOURS D’HORIZON

livres

« LE GRAND LIVRE DE L’AFRIQUE », Nicolas Normand, Eyrolles, 240 pages, 24,90 €

« D N E 2

« ON NE PEUT PLUS IGNORER l’Afrique : c’est au sud du Sahara que se jouent la démographie, la croissance mondiale de demain ou bien les drames humanitaires et écologiques de l’avenir. » Normalien, ingénieur agronome, énarque et ancien diplomate, Nicolas Normand a consacré l’essentiel de sa carrière à l’Afrique subsaharienne, sur le terrain en Afrique du Sud, et en tant qu’ambassadeur, au Mali, au Congo, au Sénégal et en Gambie. Au Quai d’Orsay aussi, en tant que rédacteur pour la Corne de l’Afrique, conseiller au cabinet du ministre des Affaires étrangères pour l’Afrique, et sous-directeur des affaires politiques. À rebours des idées reçues, il dresse ici un panorama exhaustif de la réalité africaine – histoire et société, politique et sécurité, culture et institutions, économie et développement. « J’en ai lu des livres sur l’Afrique, depuis le temps que je l’aime et que je m’acharne à la comprendre. Peu d’entre eux m’ont autant éclairé », écrit Érik Orsenna, de l’Académie française, dans la préface qu’il consacre à cet ouvrage. Indispensable. ■

poésie AFRIQUES LYRIQUES

Et pourquoi pas un peu de poésie pour dire une Afrique grande, forte et autonome ?

Jean Marcel Bedi, jeune Ivoirien, est contrôleur bâtiment au District autonome d’Abidjan. À ses heures perdues, il écrit. En vers. Dans un style épuré et maîtrisé, il dessine les beautés et les trésors du continent, le blanc et le noir, les rêves et leurs écueils et des lendemains pleins d’espoir. « Mon Afrique sera une lune si le Noir sait, mon Afrique sera une puissance si l’on s’unit. » À méditer. ■

« ŒIL DE SAGESSE », Jean Marcel Bedi, Jets d’encre, 70 pages, 12,50 €

« LA BIBLIOTHÈQUE

ENCHANTÉE », Mohammad Rabie, Sindbad-Actes Sud, 176 pages, 19 €

premier roman ENTRE LES LIGNES

CHAHER, jeune fonctionnaire lettré, s’ennuie au ministère des « Biens de mainmorte ». Jusqu’à ce qu’il se voie confier une mission inhabituelle : rédiger un rapport sur une bibliothèque oubliée du Caire, que l’État veut raser pour faire passer une nouvelle ligne de métro. Mais cette curieuse bâtisse labyrinthique précieusement gardée par une poignée de vieux intellectuels nihilistes et cyniques recèle plus d’un secret. Dans ce premier roman, l’Égyptien Mohammad Rabie tisse d’une main de maître une double trame narrative où la voix du jeune fonctionnaire, Chaher, alterne avec celle de Sayyid, qui connaît la bibliothèque comme sa poche mais n’est pas prompt à divulguer ses secrets. Captivant. ■

passion À CORPS PERDU

AUDACIEUX, poétique et hors normes, ce premier roman nigérian raconte le destin d’une femme qui va défier les convenances. Lorsque Binta surprend Reza en pleine effraction chez elle, couteau à la main, son destin s’enlace à celui du jeune dealer. C’est une étrange attirance réciproque entre cet homme de main d’un politicien corrompu et la veuve musulmane de trente ans son aînée. Une passion illicite, sensuelle et déchirante.

À travers ce couple qui défie les âges, les classes et la religion, l’auteur célèbre la force des sentiments

« LA SAISON DES FLEURS DE FLAMME », Abubakar Adam Ibrahim, Éditions de l’Observatoire, 432 pages, 23 €

face à l’hypocrisie, les violences sociales et politiques. Il nous livre un portrait saisissant de la≈condition féminine et capture l’essence provocante du Nigeria, comme peu d’autres romanciers ont osé le faire. Ardent. ■

récit

PRINCIPES D’IDENTITÉS

« J’AVAIS CONSCIENCE de n’être pas un Congolais typique. Je porte un patronyme portugais, j’ai, par ma branche maternelle, des ancêtres bantous et gaulois, et, par la branche paternelle, une ascendance belge. » Huit ans après l’indépendance du Congo, le gouvernement demande à ses cadres de justifier leur filiation, de prouver qu’ils sont bien congolais. Henri Lopes a 30 ans. C’est une déflagration. Il n’a jamais oublié la blessure et l’indignation ressenties. Comment prouver ce que l’on est ? Quelles identités multiples et changeantes composent notre être ? Le roman s’ouvre sur la rencontre avec les descendants d’un certain

« IL EST DÉJÀ DEMAIN, »

Henri Lopes, JC Lattès, 350 pages, 22,90 €

Michel Voultoury, qui fut le compagnon de la grand-mère de l’auteur, Joséphine Badza. Cet ancien ambassadeur du Congo-Brazzaville en France tire ce fil et part sur les traces de ses aïeuls, de Moscou à Cuba, en passant par les rives du Congo. Un récit superbe, bouleversant, qui nous livre aussi le portrait d’un continent qui n’est dans aucun guide : une Afrique intérieure. ■

jeunesse BLACK IS BEAUTIFUL

MARTIN LUTHER KING, Joséphine Baker, Nelson Mandela, Nina Simone, Pelé, Yannick Noah, Beyoncé… Ils ont en commun d’être noirs, d’avoir marqué le cours de l’histoire, d’avoir cru en leurs rêves d’enfant. Et d’avoir fait avancer la lutte pour les droits des Noirs vers plus d’égalité. Lumineux et joyeux, cet album propose 52 portraits d’icônes politiques, sportives, artistiques, scientifiques, des résistants, des pilotes, des explorateurs, des militants, ou encore des astronautes. Les auteures pointent la nécessité de grandir avec des modèles. Pour que chacun puisse croire en ses propres rêves. Quels qu’ils soient. ■

« I HAVE A DREAM », Jamia Wilson et Andrea Pippins, Casterman, 64 pages, 14,95 €

pour les petits

UNE FILLE

À LA PAGE

bd

FEUILLES DE ROUTE

« MOI, JE RÊVE d’être magicienne quand je serai une adulte. » En attendant, Neïba, 9 ans, n’a qu’une idée en tête : se procurer un téléphone portable pour se venger d’Alban Mortel, le garçon le plus agaçant de tout l’univers… Neïba est une héroïne résolument dans l’air du temps. Elle adore le rose, mais ne comprend pas qu’on ait dû annuler la diffusion de Totally Spies au profit du mariage de Meghan et Harry, elle est drôle,

« NEÏBA JE-SAIS-TOUT (OU PRESQUE), TOM E 2 » Madina Guissé & Lyly Blabla, Publishroom, 84 pages, 10 €

curieuse, impertinente, et c’est ce qui fait son charme. Drôle, éducatif et touchant, ce second tome s’adresse aux enfants de 6 à 9 ans. ■

INÉDITE EN ALBUM, la version de Tintin au Congo présentée dans cet ouvrage fut composée par Hergé en 1940 pour le quotidien belge néerlandophone Het Laatste Nieuws. Traduite pour la première fois en français, elle révèle les transformations opérées entre la version noir et blanc d’origine et celle publiée en couleur en 1946. Dévoilant les secrets de l’élaboration et de la publication des différentes versions de Tintin au Congo, Philippe Goddin élargit ses commentaires à la relation entre Hergé et les

« LES TRIBULATIONS DE TINTIN AU CONGO», Philippe Goddin, Casterman, 220 pages, 31,50 €

Africains depuis les débuts du dessinateur au milieu des années 1920 jusqu’à ses ultimes réalisations, à l’aube des années 1980. Passionnant. ■

beau livre

« MICHAEL JACKSON ON THE WALL », Réunion des musées nationaux, 212 pages, 35 €

SOUS TOUTES LES COUTURES

LE ROI DE LA POP vu par plus de 40 artistes venus du monde entier. Le catalogue de l’exposition au titre éponyme [voir aussi p.14] présente 140 œuvres d’art contemporain illustrant l’influence de Michael Jackson sur les artistes et plasticiens de 1980 à aujourd’hui, mais aussi l’éclectisme assumé de ses goûts artistiques. Andy Warhol, Rita Ackermann, Yan Pei-Ming, Hank Willis Thomas, Appau Junior Boakye-Yiadom, Mark Flood, Paul McCarthy ou encore Lorraine O’Grady… Autant de grands noms de la scène artistique qui se sont emparés de l’image de cette star singulière. Un livre-objet à feuilleter et à offrir, sans modération. ■

Camélia Jordana La confirmation

Avec Lost, la jeune femme révèle tout le potentiel de sa multifacettesmusique et polyglotte dans un disque à la fois pop et radical. Une belle surprise !

APRÈS DEUX ALBUMS de chansons pop, Camélia Jordana (2010) et Dans la peau (2014), ainsi qu’une entrée fracassante dans le cinéma français qui lui a valu un César pour Le Brio, elle impose sa voix et surtout son style avec Lost. Un album surprenant pour ceux qui voient encore en Camélia Jordana la jeune participante de l’émission La Nouvelle Star, où elle a été révélée il y a bientôt dix ans… Une soul radicale, une électro sous influence trip hop, de l’afrobeat, et surtout des échos de la musique traditionnelle nord-africaine qui habillent autant qu’ils révèlent la chanteuse : Lost est un étrange objet musical qui vaut le détour. D’autant qu’il est très engagé, conçu sur les

cendres des attentats et d’une politique internationale désastreuse : « L’actualité m’a autant renvoyée à du sombre qu’à du lumineux. J’ai ressenti le besoin d’exprimer ce qui me révoltait, ce qui m’enthousiasmait aussi. Ce projet est né comme un témoignage, celui d’une jeune femme de 26 ans, française, arabe d’origine algérienne, qui a vécu à Paris entre 2015 et 2018. » Une jeune femme également sensible à ce qui se passe outre-Atlantique, en témoigne « Freddie Gray », qui évoque cet Afro-Américain tué par des policiers en avril 2015. Si « Girl Like Me » ne cache pas le féminisme de Camélia Jordana, « Empire » ou « Freestyle », eux, parlent du racisme subi en France, le pays des droits

de l’homme. Les 12 titres de Lost sont chantés dans différentes langues. D’abord le français – logique puisqu’elle parle autant des failles que des beautés de son pays natal –, mais aussi l’anglais et l’arabe, lequel prend toute la place qui lui est due : « J’adore cette langue, qui transforme aussi mon timbre… À l’instar de Sexion d’Assaut, qui a laissé voir des possibilités à des personnes de couleur noire, j’ai voulu ouvrir une porte à des artistes arabes. » D’ailleurs, la belle conclusion de « Pas ton temps » met en valeur le don de sa tante Fadila : « C’est la reine des youyous, très aigus, très rapides et très longs ! » ■

« LOST », Camélia Jordana, Arista/Sony

Sophie Rosemont

UNE VOIX BRUTE

Entre Londres et

Lagos, le son de Jacob Banks parle à notre cœur.

JACOB BANKS SORT ENFIN son premier album après une série d’EP plus que prometteurs, et on n’est pas déçus. Enregistré entre Los Angeles et Londres, Village fait briller l’amour que porte le soulman à sa ville d’adoption, la capitale anglaise, dans laquelle on entend aussi bien de la soul que du dubstep ou du hip-hop. Né à Lagos il y a vingt-sept ans, Jacob Banks est arrivé à Birmingham à l’orée de l’adolescence et, en parallèle d’études tout à fait classiques d’ingénieur, s’est toujours passionné pour la musique. Ce qui s’entend dans ces 14 chansons pleines d’âme, où l’on profite aussi de belles voix féminines, comme celle de Bibi Bourelly. Sensuel et cérébral à la fois, Village est d’une grande élégance. ■ S.R.

SOUS LA CAGOULE

Le PHÉNOMÈNE Kalash Criminel sort son premier album, et il est mordant !

LA FOSSE AUX LIONS, tel est le nom du premier album d’Amira Kiziamina. D’origine congolaise, ce rappeur de 23 ans a grandi à Sevran et s’est fait connaître aux côtés de Kaaris, Jul ou Sofiane sous le nom de Kalash Criminel. Et sous une cagoule… Ne craignant ni le combat ni les morsures, il dégaine un flow plutôt solide, un humour parfois mordant, mais aussi une mélancolie prégnante. De « La Sacem de Florent Pagny » à « Avant qu’je parte », le rappeur ne se soustrait à aucune noirceur, au contraire, confirmant l’espoir soulevé par ses précédentes mixtapes d’obédience hardcore. ■ S.R.

« LA FOSSE AUX LIONS », Kalash Criminel, Capitol/Universal

EP

GAËL FAYE, UN ARTISTE MULTITALENT

ON EN musique PARLE EN

AVEC UN PREMIER ROMAN (Petit Pays, qui a reçu de nombreux prix en 2016) aussi réussi que son premier album (Pili Pili sur un croissant au beurre, en 2013), et avant de livrer un nouveau disque dont l’on attend beaucoup, le chanteur franco-rwandais propose aujourd’hui un EP joliment nommé Des fleurs. La particularité de ces chansons ? « Tropical », « Dinosaures » ou « By » ont été jouées en live sans avoir été enregistrées au préalable. C’est désormais chose faite, et l’on y trouve aussi des inédits, « Jackie Jacky Jack » et une « Balade brésilienne » chaloupée. Entre rap, pop, soul et piano jazzy, Gaël Faye fait de nouveau preuve de son chant poétique et inspiré. ■ S.R. « DES FLEURS », Gaël Faye, All Points/Believe

groove

PAT KALLA FAIT

JONGLER LES MOTS

DÈS LE DÉBUT D’« AFRICA DISCO », on sait que l’on a de quoi danser les longues soirées d’hiver à venir. Né à Lyon d’une mère française et d’un père camerounais, à la fois musicien et militant politique, Patrice Kalla se destine très tôt à la musique, qu’il explore via les groupes La Légende d’Eboa King ou Voilaaa – dont il chante le très connu « On te l’avait dit ». Cette fois, il s’assume en solo, accompagné du groupe lyonnais Le Super Mojo. Toujours inspiré par Moni Bilé, Jojo Ngallé ou Fela Kuti, Pat Kalla sait marier les mélopées angolaises à l’afro-beat, faisant du groove le maître-mot de ce Jongler fédératrice.

« JONGLER », Pat Kalla & Le Super Mojo,

oni Jojo ou Fela ti, afro-beat, sant du ngler à l’énergie r dératrice. S .R. ONGLER Pat alla ojo, Favorite

Dans Forgiven , Forest Whitaker

se met dans la peau du Prix Nobel de la pai x  1984.

Tout est pardonné ?

Après avoir joué le dictateur ougandais Idi Amin Dada dans LE DERNIER ROI D’ÉCOSSE (Oscar du meilleur acteur 2007), Forest Whitaker incarne Desmond Tutu, en pleine présidence de la commission Vérité et Réconciliation post-apartheid. Face à lui, un Afrikaner psychopathe… par Jean-Marie Chazeau

LE CINÉASTE FRANCO-BRITANNIQUE

Roland Joffé adapte au cinéma une pièce de Michael Ashton, The Archbishop and the Antichrist. Avec le réalisateur de Mission (palme d’Or à Cannes en 1986, avec Robert de Niro), le manichéisme n’est jamais loin, mais en choisissant une confrontation aussi saisissante, sur fond historique, il parvient à nous remuer. L’archevêque, c’est Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix en 1984 et nommé par Nelson Mandela président de la commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud en 1995, pour permettre aux blancs et aux noirs de tourner la page de ce régime honni. Face à lui, un personnage de fiction, Piet Blomfeld, ex-membre afrikaner d’une brigade responsable de nombreux massacres. Il n’a aucun regret, mais demande en prison à rencontrer Monseigneur Tutu. Le face-à-face qui va s’instaurer fait parfois penser au Silence des agneaux, tant Blomfeld montre une intelligence

« FORGIVEN » (Royaume-Uni) de Roland Joffé. Avec Forest Whitaker, Eric Bana

brillante au service du mal. Le tournage s’est entièrement déroulé au Cap et en grande partie dans la prison de haute sécurité de Pollsmoor, où Mandela a été emprisonné entre 1982 et 1988. Forest Whitaker s’est approprié physiquement son personnage, jusque dans ses grands éclats de rire. La mise en scène, parfois appuyée, nous aide à comprendre le difficile processus du pardon, qui conduit à des scènes cathartiques où proches de disparus et auteurs d’atrocités se font face, méthode aussi utilisée au Rwanda et au Burundi. On n’est pas loin de l’hagiographie : on n’évoque qu’incidemment la part d’ombre de Desmond Tutu, mais pour Whitaker, qui a rencontré à plusieurs reprises l’archevêque anglican, ce rôle était dans la lignée de la Whitaker Peace & Development Initiative, son organisation pour la paix qui l’avait déjà conduit dans les townships. C’est grâce au talent du comédien que le film, tendu, réussit à être habité. ■

histoire vraie Black & white tour

UN PIANISTE DE JAZZ noir se lance dans une tournée dans le sud des États-Unis avec un chauffeur blanc, en pleine ségrégation raciale. Artiste new-yorkais raffiné et réputé, il est applaudi dans les grandes salles chez les riches blancs, mais dans l’Amérique de 1962, quand l’on est noir et que l’on voyage, il vaut mieux avoir en poche un guide des hôtels acceptant les « gens de couleur » (le « green book » du titre)… L’histoire vraie de Don Shirley et de son chauffeur rital et raciste (au début…), subtilement incarnés par Mahershala Ali, l’acteur oscarisé de Moonlight, et Viggo Mortensen, le héros du Seigneur des anneaux. ■ J.-M.C. « GREEN BOOK : SUR LES ROUTES DU SUD » (États-Unis) de Peter Farrelly. Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali

Le film de Mahmoud Ben Mahmoud a reçu le Tanit  d’or.

ON EN écrans

festival

Le palmarès de Carthage

UNE FATWA QUI VAUT DE L’OR : le film tunisien de Mahmoud Ben Mahmoud, coproduit par les frères Dardenne, a reçu la plus haute récompense des Journées cinématographiques de Carthage le 10 novembre. Un père (Ahmed Hafiane, prix d’interprétation masculine) arrive de France pour enterrer son fils, dont il découvre le militantisme islamiste radical… Tanit d’argent pour le film égyptien Yomeddine, lequel concourrait pour la Palme d’or au dernier Festival de Cannes [voir interview du réalisateur A. B. Shawky dans AM n° 386], avec son héros lépreux flanqué d’un orphelin nubien. Du côté documentaire, l’Égyptien Mohamed Siam a reçu le Tanit d’or pour Amal, qui a été censuré au Caire : c’est l’histoire d’une adolescente rebelle depuis la révolution de 2011, et dont le prénom signifie « espoir ». ■ J.-M.C.

Le Tanit d’argent a été donné à  Yomeddine , d’A B Shawky.

docu Hip-hop art

IL EST AUJOURD’HUI LE PEINTRE NOIR le plus cher de l’histoire de l’art. Mais entre 1976 et 1981, ayant fugué le domicile paternel, Jean-Michel Basquiat, jeune métis haïtien-portoricain, avait trouvé refuge dans les squats d’un New York en faillite, gangrené par la drogue et la violence. Il signait alors ses premiers graffitis du pseudo SAMO, signifiant « SAMe Old shit » (« Même vieille merde »). Les images d’archives inédites et témoignages des protagonistes de l’époque racontent une fulgurante créativité, que le milieu artistique traditionnel mit du temps à comprendre. ■ J.-M.C. « BASQUIAT, UN ADOLESCENT À NEW YORK » (États-Unis) de Sara Driver

rétrospective

Sans titre, Mohamed Kacimi.

Kacimi, une transition africaine

Pour quelques mois, le Mucem met en lumière l’œuvre de l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre.

ARTISTE NOVATEUR ET ENGAGÉ, instigateur et témoin principal de la mondialisation de l’art contemporain arabe, Mohammed Kacimi (1942-2003) a largement influencé l’évolution de la scène artistique. À travers une sélection de 325 peintures, sculptures, manuscrits, textes, dessins, photographies et vidéos, cette exposition rend hommage au rôle déterminant joué par ce plasticien d’exception. Véritable passeur, il a en effet permis aux nouvelles générations d’artistes issus du monde arabe de sauter le pas vers une contemporanéité nouvelle. On le voit rompre ici avec l’art occidental et les différents courants esthétiques l’ayant influencé durant son parcours, pour ouvrir une nouvelle voie, beaucoup plus personnelle, caractérisée par une expression sans contrainte. Libre. Sa maturité artistique s’épanouit totalement au moment où elle s’accorde avec la prise de conscience de son africanité. Pour cet autodidacte transdisciplinaire, chantre du bleu et des ocres, il était essentiel d’aller sonder sa genèse maghrébine, entre les différentes cultures qui la déterminent, pour y trouver une évidence, originale et authentique. Et participer, à terme, à la construction d’un nouvel imaginaire méditerranéen. ■ C.F. « KACIMI : 1993-2003, UNE TRANSITION AFRICAINE », Mucem, Marseille, jusqu’au 3 mars 2019. mucem.org

L’une des œuvres exposées : P.Y.T., Appau Junior Boakye-Yiadom, 2009.

événement KING OF ART

Le Grand Palais rend hommage à Michael Jackson, roi de la pop, disparu en 2009, à t ravers les représentations qu’en a fait la création contemporaine.

SINGULIER, GÉNIAL, DÉROUTANT, près de dix ans après sa mort, Michael Jackson est plus vivant que jamais. Ses ventes de disques, qui dépassent le milliard d’exemplaires, continuent d’augmenter, ses vidéos sont toujours autant visionnées, ses millions de fans lui restent fidèles, son influence et sa célébrité ne faiblissent pas. Et c’est l’une des personnalités les plus représentées dans les arts visuels. Depuis qu’Andy Warhol a utilisé son image en 1982, de nombreux artistes contemporains, de différentes générations et travaillant dans différents pays, en ont fait de même. L’exposition « On the Wall », en référence à l’album Off the Wall (1979), réunit plus de 120 œuvres de plus de 40 plasticiens – du photographe américain David LaChapelle, qui rend hommage à l’American Jesus avec quatre grands clichés surréalistes, au peintre américain Kehinde Wiley, qui l’a immortalisé en monarque à cheval, en passant par Yan Pei-Ming ou encore Glenn Ligon dont les portraits sont saisissants. Chaque séquence décrit une facette du chanteur qui aurait eu 60 ans le 29 août dernier. La trajectoire hors norme d’un mythe. ■ C.F. « MICHAEL JACKSON : ON THE WALL », Grand Palais, Paris, jusqu’au 14 février 2019. grandpalais.fr

photographie

Les mille visages de l’Afrique du Sud.

Apartheid story

Un rendez-vous culturel majeur pour honorer David Goldblatt en Australie.

IL EST LE CHEF DE FILE de la scène photographique sud-africaine, et le Museum of Contemporary Art (MCA) de Sydney lui consacre une exposition présentant soixante-dix ans de son œuvre. « Si la question de l’apartheid est au cœur de mon travail, ma réelle préoccupation, ce sont nos valeurs… Comment en sommes-nous arrivés à devenir ce que nous sommes ? », s’interrogeait l’octogénaire, disparu le 25 juin dernier. Toute sa vie, David Goldblatt a exploré l’Afrique du Sud et son peuple, du début de l’apartheid jusqu’à son démantèlement. Son œuvre, simple en apparence, explore la complexité des structures qui régissent l’existence de ses compatriotes. Plus encore, il cherche avant tout à comprendre et à témoigner, de la façon la plus accessible possible, de l’immense complexité du monde tel qu’il est. Ses images distanciées, dépourvues de manichéisme, révèlent une vision réaliste et sensible de son pays. Et de l’humanité en général. ■ C.F. « DAVID GOLDBLATT : PHOTOGRAPHS 1948-2018 », MCA, Sydney, jusqu’au 3 mars 2019. mca.com.au

« BODYS ISEK KINGELEZ : CITY DREAMS », MoMA, New York, jusqu’au 1er janvier 2019. moma.org

exposition

Y A D’LA JOIE

Martin Scorsese, l’un des invités de prestige du festival.

cinéma

À LA CROISÉE

DES MONDES

Programmation éclectique pour la 17e édition du Festival international du film de Marrakech.

LE MoMA consacre une rétrospective au génial autodidacte congolais Bodys Isek Kingelez (1948-2015). L’exposition retrace trois décennies d’une carrière dédiée à transformer les matériaux les plus banals en maquettes urbaines futuristes hors du commun. Des utopies architecturales miniatures délirantes, faites de bric et de broc : canettes, cure-dents, emballages, capsules de bouteilles. Un paysage onirique pour un monde idyllique. C’est incongru et saisissant. ■ C.F.

AVEC 80 FILMS provenant de 29 pays, le Festival international du film de Marrakech (FIFM) se veut encore plus ouvert sur les cinématographies du monde et pose un regard particulier sur l’émergence d’un nouveau cinéma africain. Cette année, il rend hommage à une grande figure du cinéma marocain, Jillali Ferhati, et propose une nouvelle section, « Le 11e continent », qui présentera 14 fictions et documentaires aux écritures singulières et innovantes de cinéastes en provenance de Thaïlande, du Liban, de Croatie, d’Afrique du Sud, d’Autriche, des Philippines et des États-Unis. Sur les 14 films en compétition officielle pour décrocher l’Étoile d’or de Marrakech, six ont été réalisés par des femmes. Ils seront départagés par un jury présidé par l’Américain James Gray. Une édition marquée par la présence d’icônes du cinéma : Martin Scorsese, Robert De Niro, Agnès Varda, Robin Wright, Guillermo del Toro… pour n’en citer que quelques-unes. ■ C.F. FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE MARRAKECH, Maroc, du 30 novembre au 8 décembre 2018. festivalmarrakech.info

CE QUE

propos recueillis par Astrid Krivian

Nadine Labaki

Couronné du prix du Jury à Cannes, Capharnaüm est le quatrième long-métrage de la réalisatrice et actrice beyrouthine. Il raconte

l’itinéraire d’un fils de réfugiés vivant dans un bidonville, enragé contre ses parents maltraitants et une société qui l’exclut.

Un travail juste, émouvant sur l’Orient contemporain.

› Capharnaüm aborde des sujets très présents dans notre quotidien, et qui sont reliés : l’immigration clandestine, l’enfance maltraitée, les frontières, la nécessité d’avoir des papiers d’identité pour exister… Ces enfants et ces communautés sont complètement marginalisés par le système, au point de devenir invisibles. J’ai transformé ma frustration et essayé de comprendre comment nous en sommes arrivés là. Pourquoi les sociétés acceptent-elles ces injustices ? Quelles sont les coulisses de la vie de ces enfants ? Qui sont-ils ? Comment réfléchissent-ils ? Que ressentent-ils ? Il y a cette tendance à les déshumaniser, à prétexter qu’ils appartiennent à un système à combattre. Mais ce sont eux qui paient le prix des guerres, des décisions politiques.

› Les réfugiés syriens constituent presque la moitié de la population libanaise actuelle, il était donc évident que je devais en parler. De même, je voulais montrer la situation injuste de ces femmes immigrées d’Afrique de l’Est, souvent malmenées et victimes de racisme. Pour la plupart, ces familles n’ont même pas assez d’argent pour déclarer la naissance de leur enfant. C’est là que le problème commence, et c’est ce qu’il faut changer. Car cela engendre des mariages précoces, des enfants envoyés dans la rue pour mendier, négligés, n’ayant pas accès aux soins, et qui finissent souvent par mourir.

› Il était essentiel de choisir des acteurs vivant des situations similaires à celles de leur personnage. J’avais un problème avec le mot « jouer ». Je leur demandais d’être ce qu’ils sont dans la vie, de convoquer leur expérience, leur souffrance, et d’être ainsi le plus vrai possible. Afin de donner l’impression aux spectateurs d’observer une véritable vie, le quotidien de tous ces gens que l’on croise tout le temps, et qu’ils s’identifient.

› Au cours de mes recherches pour ce film, j’ai rencontré des enfants seuls, livrés à eux-mêmes dans un logement, dans le froid… Comme beaucoup, je blâmais les parents. Mais en écoutant une mère me raconter son vécu, j’ai été chamboulée dans mes convictions : de quel droit la jugeais-je ? Je n’ai pas traversé ses épreuves, je n’ai jamais eu à donner de l’eau et du sucre à mes enfants, comme l’un de mes personnages, ou à les envoyer dormir sans manger car je n’avais rien à leur donner. C’était important de montrer ce changement de perspectives et de constater que les parents sont les premières victimes. Il devient alors compliqué de juger leur négligence.

› Je crois profondément au pouvoir du cinéma. Tant de films m’ont moi-même changée. J’accorde beaucoup d’importance à ces 2 heures volées presque chaque jour à ma vie. On s’échappe pour voir un film, donc ce temps doit compter, avoir un impact. Je crois qu’il peut vraiment modifier nos perceptions, ouvrir le débat. Grâce à Capharnaüm, Zain, le jeune acteur, a obtenu l’asile politique en Norvège, il vit dans une maison, il va aller à l’école.

C’était son destin d’avoir une vie meilleure que celle qu’il menait à Beyrouth.

› La plus belle récompense pour moi, c’est de rendre hommage à toutes ces personnes. Il y a encore quelques mois, elles étaient invisibles aux yeux du monde. Maintenant, on les regarde, on connaît leurs histoires, on s’en émeut. ■

« La plus belle récompense, c’est de rendre hommage à ces personnes qui étaient invisibles aux yeux du monde il y a encore quelques mois. »

L’ANNIVERSAIRE 3

5 ANS

35 ans. 388 numéros avec celui-ci, que vous avez entre vos mains. Sans interruption, sans manquer une seule parution. Le premier numéro d’Afrique Magazine est sorti en décembre 1983 (sous l’appellation Jeune Afrique Magazine).

Décembre 1983-décembre 2018 : c’est quand même une sacrée aventure, un vrai voyage dans le temps, une belle bagarre aussi pour faire face aux vicissitudes de l’entrepreneuriat. Le supplément des débuts est vite devenu un titre à part entière, puis, à partir de 2006, un titre indépendant que nous sommes fiers de produire mois après mois ! Ce numéro anniversaire, nous le dédions avant tout à vous, à nos lecteurs, des plus anciens au plus jeunes, qui nous retrouvent régulièrement. À tous ceux aussi qui ont contribué à la vie du magazine : les auteurs, les journalistes, les photographes, les équipes du siège, rue Poussin à Paris. Les a nnonceurs et les partenaires qu i nous font confiance.

Nous le dédions aussi à ceux qui nous ont quittés, toujours trop jeunes, et toujours trop tôt. Et qu i, nous le savons, nous encouragent de là où ils sont. Enfi n, ce numéro, nous le dédions à notre Afrique, à ce continent où tout change à la fois si vite et si lentement, à ce continent, immense, multiple, prometteur, difficile. 35 a ns, c’est presque l’âge de raison, le moment d’envisager l’avenir, les changements, les évolutions avec enthousiasme et détermination. Ce qui compte, que ce soit sur papier, sur le Net, sur les réseaux, sur ce qui adviendra et que l’on ne connaît pas encore, c’est de garder l’esprit Afrique Magazine ! À bientôt, donc. Demain et dans le futur. Zyad Limam

L’AFRIQUE À LA UNE !

De grands événements, des people flamboyants, du bonheur et des tragédies : l’histoire de ces 35 dernières années défile tout au long de ces 35 couvertures, sélectionnées parmi plus de 500 réalisées au fil du temps. (Il faut tenir compte des éditions multiples !)

N ° 1 DÉCEMBRE 1983

Voilà. Il est là. Après plusieurs mois de gestation, c’est la naissance de Jeune Afrique Magazine (JAM ), supplément mensuel de l’hebdo panafricain. Le début d’une belle et durable aventure éditoriale !

N° 8 SEPTEMBRE 1984

La superstar nigériane, le roi de l’afrobeat enchaîne les tournées et multiplie les prises de position anti-pouvoir. Quelques jours après la sortie de ce numéro, Fela Kuti est arrêté par le régime du général Buhari et emprisonné pendant deux ans.

N° 3 MARS 1984

L’icône de la pop des années 1980 est au top de sa carrière. C’est l’ère de l’album Thriller

La star est gravement blessée par des feux d’artifice lors du tournage d’un spot publicitaire. AM mène l’enquête.

N° 19

SEPTEMBRE 1985

« Mélissa », c’est le tube de Julien Clerc. Une chanson qui pourrait paraître aujourd’hui un brin sexiste…

La mannequin Kimi Khan, de son vrai nom Kiane Keita, apparaît belle et dénudée dans le clip. Scandale et débat.

N° 42 NOVEMBRE 1987 Thomas Sankara meurt sous les balles le 15 octobre 1987. Émotion en Afrique. Une édition collector avec une enquête du grand reporter Sennen Andriamirado, qui fut proche du leader révolutionnaire.

L’AFRIQUE À LA UNE !

N° 46 MARS 1988

En mars, le soulèvement des territoires palestiniens, la première intifada – dite guerre des pierres – entre dans son quatrième mois. La révolte prendra fin en 1993 avec les fameux accords d’Oslo, qui ne résoudront rien. La question palestinienne touche tous nos lecteurs, au nord comme au sud du Sahara.

N° 73 SEPTEMBRE 1990

2 août 1990, les troupes de Saddam Hussein envahissent le Koweït. C’est le début de la première guerre du Golfe. Le conflit enflamme les opinions.

Et cette couverture sera l’une des plus vendeuses de toute l’histoire du magazine.

N° 97 NOVEMBRE 1992

C’est l’exode des Marocains et d’autres Africains vers l’Europe, fuyant la misère par le détroit de Gibraltar. La question des migrants, déjà. Vingt-cinq ans plus tard, le sujet est toujours aussi central, brûlant d’actualité.

N° 68 MARS 1990

On ne connaissait plus son visage. Le plus vieux prisonnier politique du monde est enfin libre ! L’événement mondial fait notre une, évidemment. Nous publions un grand dossier sur le début de la fin de l’apartheid et sur cette nouvelle ère historique qui, quatre ans plus tard, mènera aux premières élections multiraciales en Afrique du Sud.

N° 100 FÉVRIER 1993

10 ans. 100e numéro. Pour marquer le coup de cet anniversaire, le mensuel organise le deuxième concours de Miss Afrique Magazine. La première lauréate, Sadiya Gueye, témoigne de sa formidable aventure.

On recherche un regard particulier, éclectique, ouvert au monde et à  la richesse des cultures.

N ° 147 OCTOBRE 1997

Afrique Magazine publie en exclusivité la première interview de la Première dame du Cameroun. Nous l’avons rencontrée au palais d’Etoudi, et cette séance photo a été réalisée dans sa maison de Mvomeka’a, le village du président. Chantal Biya a 27 ans. Elle est first lady depuis trois ans. Et elle pose en maman comblée, en présence de Junior et de la petite Anastasie Brenda.

N° 157 OCTOBRE 1998

Afrique Magazine devient AM. Nouveau logo, nouvelle formule ambitieuse, filialisation au sein du groupe. C’est le début de l’émancipation… Après mûre réflexion, on choisit la star de Kinshasa pour une couverture « vérité ». On accompagne aussi Blaise Compaoré lors d’un voyage à New York, aux Nations Unies.

L’AFRIQUE À LA UNE !

Le magazine aura connu neuf évolutions de son logo

N° 172 JANVIER 2000

Coup d’État de Noël en Côte d’Ivoire. Le président Bédié est déposé par de jeunes militaires. AM est dans le premier avion qui se pose à Abidjan et retrouve les trois « caporaux » à l’origine du putsch, qui posent sur la couverture. Un véritable scoop.

N° 175 AVRIL 2000

C’est l’un des premiers grands chocs démocratiques. Abdoulaye Wade, opposant de toujours, remporte l’élection présidentielle de mars face à Abdou Diouf. C’est l’espoir soulevé par le « sopi », le « changement » à l’aube des années 2000.

N° 193 OCTOBRE 2001

On est au lendemain du choc des attentats du 11 septembre. AM sort un numéro spécial sur les immenses répercussions de l’événement. C’est la fin d’un monde et le début de la guerre contre le terrorisme…

N° 199 AVRIL 2002

Mohammed VI, 38 ans, épouse la jeune Salma Bennani, 24 ans, devenue Lalla Salma. C’est la première fois qu’un mariage royal est officiellement fêté au Maroc. Le 9 mai 2003, c’est la naissance du prince héritier Moulay Hassan.

au fil des années.

202 JUILLET 2002

L’équipe du Sénégal bat la France (championne du monde en titre) au premier tour et se hisse en quart de finale. AM et l’Afrique vibrent avec les Lions de la Téranga. Historique.

N° 219 DÉCEMBRE 2003

Déjà 20 ans ! Et un numéro anniversaire avec un portfolio glamour dévoilant la séduisante Halle Berry, dernière James Bond girl en titre ! On s’en souvient !

UNE CAMPAGNE D’AVANT-GARDE

Année 2004. En cette période où le sida fait toujours des ravages, AM s’engage avec une série d’annonces chocs, pour lesquelles des stars ont accepté de poser dans le studio du photographe Alain Herman. Tous ceux que nous avons contactés ont accepté, hommes comme femmes. Imane et Chantal Ayissi, Saïd Taghmaoui, Valérie Ka, mais aussi Kiki Touré, Magloire et d’autres ont joué le jeu, bénévolement. Ils ont chacun inventé un slogan et délivré un message personnel au continent.

L’AFRIQUE À LA UNE !

En janvier 2006, le magazine sort du groupe JA et

N°236 MAI 2005

AM évoque (déjà) le grand malaise du monde arabe, entre régression économique et manque de libertés. Six ans plus tard, à Tunis, commencera une révolution…

N° 283 AVRIL 2009

La Première dame du Gabon s’éteint le 14 mars après une longue lutte contre la maladie. L’émotion est immense à Libreville, à Brazzaville. Un numéro hommage qui sera aussi l’une des meilleures ventes de l’histoire d’AM.

N°285 JUIN 2009

Deux mois après le décès d’Édith Bongo, le président du Gabon, Omar Bongo, meurt à son tour, après quarante et un ans de règne sans partage. Il avait 73 ans, et le deuil de sa femme l’avait durement frappé. Retour sur un parcours politique hors normes.

N° 278 NOVEMBRE 2008

Élection historique ! Et décalage de la parution pour tenir compte de l’événement avec une couverture à l’américaine. AM aura été l’une des toutes premières publications à croire en Barack Obama.

devient un titre indépendant.

N° 303-304 DÉCEMBRE 2010-JANVIER-2011 Alassane Ouattara est élu président. Laurent Gbagbo ne cède pas sa place. Mais l’histoire est en marche et la Côte d’Ivoire sort enfin de presque vingt ans d’instabilité.

L’AFRIQUE À LA UNE !

N° 311-312 AOÛTSEPTEMBRE 2011

Il voulait être le roi des rois, le leader incontesté d’une Afrique unie. En été 2011, le chef de la Jamahiriya arabe libyenne mène avec quelques fidèles sa dernière bataille, face aux rébellions et à la révolution. Le 20 octobre 2011, il est tué dans les environs de Syrte. La chute de son régime bouleverse les équilibres régionaux.

N° 305 FÉVRIER 2011

Le 14 janvier 2011, c’est la chute du régime Ben Ali, un règne inflexible de vingt-quatre ans balayé après trois semaines de manifestations. AM fait le récit de ces journées historiques. Et mystérieuses. C’est le début des printemps arabes, d’un changement formidable – mais aussi souvent contrarié.

N° 320 MAI 2012

AM sonne l’alarme. Toute la région sahélienne est fragilisée. Le Mali est en première ligne. En mars 2012, Amadou Toumani Touré est renversé. Le nord du pays est occupé par les mouvements irrédentistes touaregs alliés aux djihadistes. La route de Bamako est ouverte…

N ° 3 30

MARS 2013

Elles sont la moitié de l’Afrique !

Et incarnent une grande partie de notre futur. Leur place dans la société est au cœur des thématiques clés d’AM depuis 35 ans. En particulier autour du 8 mars, journée de lutte des femmes pour l’égalité des droits.

N° 334 JUILLET 2013

Le monde retient son souffle, suspendu aux bulletins de santé de l’icône sud-africaine. Nelson Mandela, incarnation du combat pour la liberté, se meurt. Il a 95 ans. En juillet, c’est son anniversaire. Il nous quittera le 5 décembre 2013.

Le but : décrypter l’actu et trouver du sens grâce à notre périodicité mensuelle.

En une, la terrifiante épidémie qui menace de ravager l’Afrique de l’Ouest. Nul ne sait si l’on parviendra à l’enrayer. Face à cela, les pays concernés feront preuve de courage et de discipline. Les images sont poignantes. Une couverture dure, mais nécessaire.

N ° 350 NOVEMBRE 2014

Qui aurait pu prédire la chute de Blaise Compaoré, au pouvoir depuis vingtsept ans ? Nous avions rencontré le « stratège de Ouaga » au palais de Kosyam quelques semaines plus tôt. Photos exclusives et récit de trois jours où le Burkina Faso a connu une nouvelle révolution.

N°349 OCTOBRE 2014

L’AFRIQUE À LA UNE !

Une période s’ouvre, avec une maquette

N ° 355 JUIN-JUILLET 2015

L’Algérie est un grand pays au cœur des enjeux africains. Une histoire lourde, un peuple dynamique, une société immobile. En mai 2018, les autorités retirent AM de la liste des magazines autorisés à la vente dans le pays. Un cas unique.

N° 364 DÉCEMBRE 2016-JANVIER 2017

Well, on s’en doutait… Donald Trump est élu président des ÉtatsUnis, le 8 novembre 2016. AM ouvre le débat de sa relation possible à l’Afrique. Avec un sous-titre qui en dit long sur notre opinion…

renouvelée.

N° 369 JUIN 2017

L’élection stupéfiante du jeune président Macron en France nous inspire une enquête transversale sur les âges et la longévité des dirigeants en Afrique, continent du « grand-frérisme » et des « aînés».

N° 378 MARS 2018

Au cœur de l’Afrique, un géant fragile de 70 millions d’habitants, sur le fil depuis son indépendance. L’élection présidentielle est prévue en République démocratique du Congo pour le 23 décembre. AM s’attarde sur un scrutin à haut risque, sur la nécessité d’une alternance et sur la fin plus ou moins programmée d’une époque.

En attendant de nouveaux changements !

N ° 3

83-384 AOÛT-SEPTEMBRE 2018

Plongée au cœur de la mégalopole nigériane, concentré des promesses, des ambitions et de la violence du pays. Une grande enquête qui ouvre aussi le débat sur les questions climatiques, le défi écologique et l’avenir de ces villes immenses, qui marquent dorénavant le continent.

UN DOUBLE ANNIVERSAIRE !

Et voilà, à chaque échéance calendaire, c’est la même galère. Il faut se torturer les méninges pour trouver une idée, un angle, un fil afin d’évoquer les années passées. Essayer de finir sur une touche joyeuse, tournée vers un avenir ensoleillé. Quelle barbe ! Mais bon, pas le choix. D’autant plus que cette fois, on fête quand même nos 35 ans. Ça rigole pas. Et attention, chaud devant ! On célèbre aussi les 20 ans de la rubrique « C’est comment ? ». Vous savez, l’édito caustico-rigolo dont le titre reprend une expression typique d’Afrique centrale, qui signifie l’étonnement, la colère, l’indignation. Au choix, et selon l’intonation choisie. Un titre qui m’avait été inspiré à l’époque par un colonel camerounais (qui avait de l’humour !).

Vous vous souvenez ? Le premier « C’est comment ? », c’était en octobre 1998. Avec, dès la première heure, notre fidèle dessinateur Dom ! J’avais plaisanté sur l’affaire Monica Lewinsky, et sur la stupeur générale en Afrique devant les effets ravageurs d’un tête-à-tête sulfureux entre une jeune femme et le président de la plus grande puissance mondiale de l’époque, Bill Clinton. Un ami ministre nigérien s’était exclamé : « Mais c’est quoi ça ? Une histoire aussi banale peut faire virer Clinton ? » D’où le « C’est comment ? » en question. 200 autres papiers sont parus depuis. Un billet sans prétention qui chatouille un peu les travers africains (ou d’ailleurs) et pointe du doigt les petites manies drôles ou les systèmes qui ne fonctionnent pas. Et 20 ans plus tard, je me rends compte que le filon est inépuisable, même s’il faut quand même se creuser un peu la

Le premier édito, en réaction à  l’affaire Monica Lewinsky, a été publié en octobre  1998.

tête chaque mois pour trouver une idée nouvelle, et la tourner en dérision sans irriter quiconque. Ce qui n’est pas si simple. Je me suis souvent fait remonter les bretelles par des lecteurs susceptibles, qui s’étaient (injustement) sentis visés. Bref, tant pis pour eux. Comme le dit le dicton : y a que la vérité qui blesse !

Nous fêtons donc 20 ans d’édito, et 35 ans d’Afrique Magazine. Souvenirs, souvenirs. Passons pudiquement sur le coup de vieux (absolument mortel !) que l’on se prend immanquablement en pleine poire lorsque l’on feuillette les éditions d’hier, avec ces petites photos-portraits où l’on a deux ou trois décennies de moins, et où l’on fait vraiment… deux ou trois décennies de moins. (Oui, oui, Zyad Limam, toi aussi…) Mais c’est aussi en parcourant 35 ans de numéros que l’on prend conscience de la formidable aventure que l’on a vécue et que l’on vit encore, au rythme de l’actualité incroyablement dense du continent.

On se remémore les coups d’État, comme celui des trois putschistes en Côte d’Ivoire, une veille de Noël, le 24 décembre 1999, en Côte d’Ivoire, où l’on a dû gérer un bouclage en urgence, entre la dinde et les marrons. On se souvient de tous ceux qui sont partis, comme Édith Lucie Bongo, à qui l’on avait consacré une vingtaine de pages rétrospectives tout en photos, dans un numéro émouvant – qui fut l’une des meilleures ventes d’Afrique Magazine. Mais aussi des événements plus gais, comme les jolies mannequins ou les miss AM qui ont arboré leurs formes parfaites dans nos pages, ou encore les dizaines de succès littéraires, de films excellents, d’albums de super-stars, de victoires incroyables d’équipes de foot africaines.

Et bien sûr, ces 35 ans ont aussi été ceux des collaborateurs, talentueux ou moins, fidèles ou non, qui sont venus, partis, parfois revenus, restés. Mais à chaque fois, ils ont apporté leur pierre à l’édifice AM, avec leur regard, leur sensibilité, leur professionnalisme, leur connaissance du continent. Afrique Magazine, une école formatrice, pas toujours facile, exigeante. On se souvient aussi des nombreux coups de gueule, des portes qui claquent, des projets et des analyses qui divergent, des personnalités qui s’affirment. Des maquettes et des formules qui changent, évoluent, suivent l’air du temps, s’adaptent aux nouvelles exigences du marché et des lecteurs.

On pense encore aux tensions financières et aux crises multiples et variées qui traversent le continent, aux pays qui se ferment et se réouvrent au gré de leur actualité. Et on reconnaît que traverser 35 longues années en caraco-

lant toujours en tête de liste des mensuels sur le continent, leader absolu et incontesté à ce jour, c’est drôlement fort quand même !

Alors, pour ce bel anniversaire, qui est d’abord le vôtre (car sans nos lecteurs fidèles, l’aventure n’aurait jamais eu lieu !), je voulais juste vous annoncer une grande nouvelle. La voici : vous allez devoir continuer à compter avec AM pendant de longues années ! Car 35 ans plus tard, nous avons des projets encore plus fous, des idées encore plus audacieuses et une pêche à toute épreuve.

Longue vie à Afrique Magazine et à nos super lecteurs, amis, soutiens, annonceurs. Bon anniversaire à tous. Et bonne lecture ! ■

J’ai une grande nouvelle à vous annoncer : vous allez devoir continuer à compter avec AM pendant de longues années !

AM vous a offert les premières pages de notre parution de Décembre - Janvier

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