DJIBOUTI Cap vers lâavant


Un dossier de 27 pages.
CĂTE DâIVOIRE GĂ©nĂ©ration influenceurs !
LEURS FOLLOWERS se comptent par dizaines de milliers. Rencontre avec ces nouveaux leaders dâopinion.
INTERVIEWS
Un dossier de 27 pages.
CĂTE DâIVOIRE GĂ©nĂ©ration influenceurs !
LEURS FOLLOWERS se comptent par dizaines de milliers. Rencontre avec ces nouveaux leaders dâopinion.
INTERVIEWS
ĂDITO Les militaires ne sont pas la solution par Zyad Limam SOUDAN La guerre des gĂ©nĂ©raux
CHARLES CĂDRIC TSIMI
« POUR MOI, IL NâY A
PAS DE "CONDITION NOIRE" »
VINCENT MICHĂA
« LâART DOIT ĂTRE SIMPLE ! »
LâĂźle tunisienne, symbole de soleil et de tolĂ©rance, sâinterroge sur son identitĂ© et doit faire face au traumatisme des attaques.
La guerre au Soudan est particuliĂšrement tragique. Cruelle. Ce pays immense, comme sur un fil permanent, qui a connu dans sa jeune histoire 17 coups dâĂtat, sans parler de la partition avec son sud et les multiples guerres civiles, est dĂ©vastĂ©. Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemedti, les deux gĂ©nĂ©raux qui ont pris le pouvoir en 2021 pour mettre fin Ă la transition dĂ©mocratique, sâaffrontent maintenant sans merci. Ăvidemment, on peut chercher les enjeux stratĂ©giques (lâor, lâeau du Nil, « la ligne politique », les calculs ethno-tribalistes, les interventions de lâextĂ©rieurâŠ), mais in fine, câest bien deux militaires qui luttent pour le pouvoir et ses avantages, qui envoient leurs troupes sâentretuer. Les civils trinquent, le Soudan sombre, il faudra des annĂ©es pour reconstruire. Et lâespoir dĂ©mocratique portĂ© par la rĂ©volution qui avait fait tomber un autre gĂ©nĂ©ral, le tristement cĂ©lĂšbre Omar el- BĂ©chir, semble sâĂȘtre Ă©vaporĂ© sous les bombesâŠ
Dans le domaine des putschs, lâAfrique est championne du monde. Une Ă©tude menĂ©e par des chercheurs amĂ©ricains a dĂ©nombrĂ© plus de 200 coups dâĂtat sur le continent depuis 1950, la moitiĂ© dâentre eux Ă©tant qualifiĂ©s de succĂšs (câest-Ă -dire ayant durĂ© plus de sept joursâŠ) : 45 pays sur 54 auront connu au moins une tentative depuis leur indĂ©pendance. Au « classement », lâAfrique devance son « dauphin », lâAmĂ©rique latine et ses 145 occurrences.
Le rythme semblait sâĂȘtre nettement ralenti depuis la fin de la guerre froide. Pourtant, entre aoĂ»t 2020 et septembre 2022, outre le Soudan, lâAfrique francophone a connu cinq coups : au Mali, au Tchad, en GuinĂ©e et au Burkina Faso (deux en huit mois). Au Sahel, le djihadisme, ajoutĂ© Ă la dĂ©sespĂ©rance Ă©conomique et Ă la mal-gouvernance, aura emportĂ© les institutions. Avec les rĂ©percussions de la pandĂ©mie de Covid-19, les impacts de la guerre en Ukraine, le rebond de la dette et de lâinflation, les tensions sociales, et des Ă©lites politiques dĂ©passĂ©es et sans solution, dâautres Ătats pourraient se retrouver « fragilisĂ©s ». La nouvelle donne gĂ©opolitique mondiale, lâapparition de nouveaux acteurs, comme le groupe paramilitaire Wagner, accentue les risques. Certains pourraient ĂȘtre tentĂ©s par la solution magique du militaire providentiel. Avec
PAR ZYAD LIMAMdes chefs, sanglĂ©s dans lâuniforme, qui pourraient promettre monts et merveilles Ă une jeunesse nombreuse, en colĂšre, en rupture, brandir les grands mots, lâimpĂ©rialisme, le nĂ©ocolonialisme, les traĂźtres, la rĂ©novation⊠La rĂ©alitĂ©, pourtant, a la vie dure. La faiblesse ou lâincurie de certains rĂ©gimes ne justifie rien. Et les rĂ©gimes militaires ne rĂ©solvent pas les crises. Ni celle qui a lĂ©gitimĂ© leur prise du pouvoir, ni les autres. Au Sahel, la situation sĂ©curitaire sâest fortement dĂ©gradĂ©e. La guerre civile menace, la crise Ă©conomique sâaggrave. LĂ ou ailleurs, dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le putsch se rĂ©vĂšle une machine Ă perdre pour le pays. Le militaire nâest pas un politique, ni un Ă©conomiste. Difficile de tenir les promesses (souvent irrĂ©alistes). Et le putsch est par nature autoritaire, les libertĂ©s publiques rĂ©gressent. Lâarbitraire devient la rĂšgle. On promulguera de nouvelles constitutions qui ne seront pas plus respectĂ©es que les prĂ©cĂ©dentes. Et la jeunesse, qui peut avoir Ă©tĂ© un temps sĂ©duite, est aussi une jeunesse connectĂ©e, ouverte sur le monde, soucieuse de prĂ©server ses libertĂ©s. Lâimpatience sâinstalle. Le putsch gĂ©nĂšre sa propre instabilitĂ©, il en appelle gĂ©nĂ©ralement un autre, favorisĂ© par lâinstabilitĂ© et les frustrations gĂ©nĂ©rĂ©es par le premier. Ou lâappĂ©tit dâun autre galonnĂ©. Et ainsi de suite⊠Bref, si les coups pouvaient rĂ©gler les problĂšmes du continent, ça se saurait.
En Afrique, la solution reste et demeure politique. La « sĂ©paration des missions » est une nĂ©cessitĂ©. Les militaires sont des militaires. Ils portent un rĂŽle, crucial, dĂ©fendre les frontiĂšres, au service de la nation. Le pouvoir doit ĂȘtre forcĂ©ment civil, lâexpression de la modernitĂ© et de la diversitĂ© de la sociĂ©tĂ©. Le pouvoir doit ĂȘtre lĂ©gitime, reconnu comme tel. Le dĂ©bat doit ĂȘtre possible, les libertĂ©s dĂ©mocratiques doivent progresser (de 10 % par an, comme le disait BĂ©chir Ben Yahmed au prĂ©sident BourguibaâŠ). Et surtout, la bonne gouvernance est au centre de tout. Barack Obama parlait des institutions comme Ă©tant la clĂ© du dĂ©veloppement. Mais sans leadership, les institutions sont fragiles. Regardez la carte du continent, regardez les pays qui avancent, qui progressent, malgrĂ© les obstacles et les contraintes les plus rudes : leadership et gouvernance. â
3 ĂDITO
Les militaires ne sont pas la solution par Zyad Limam
8 ON EN PARLE
CâEST DE LâART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN
Faire Ćuvre commune
26 PARCOURS Mille Desirs par Astrid Krivian
29 CâEST COMMENT ?
Maudite palme⊠par Emmanuelle Pontié
92 CE QUE JâAI APPRIS
Alima Hamel par Astrid Krivian
104 VIVRE MIEUX
Le rÎle déterminant du microbiote intestinal par Annick Beaucousin
106 VINGT QUESTIONS ĂâŠ
Moonlight Benjamin par Astrid Krivian
TEMPS FORTS
30 Soudan : La guerre des généraux par Cédric Gouverneur
36 Djerba, entre ombre et lumiĂšre par Frida Dahmani
72 Charles CĂ©dric Tsimi : « Pour moi, il nây a pas de âcondition noireâ » par Astrid Krivian
78 CĂŽte dâIvoire : GĂ©nĂ©ration influenceurs par Jihane Zorkot
86 Vincent Michéa : Soyons clairs ! par Astrid Krivian
Afrique Magazine est interdit de diffusion en AlgĂ©rie depuis mai 2018. Une dĂ©cision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) Ă exercer une mesure de censure dâun autre temps
Le maintien de cette interdiction pĂ©nalise nos lecteurs algĂ©riens avant tout, au moment oĂč le pays sâengage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algĂ©riens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com
45 DJIBOUTI
Cap vers lâavant ! par Zyad Limam, Thibaut Cabrera, Alexis Georges, Emmanuelle PontiĂ© et Romain Thomas
46 Ports et logistiques : le défi de la compétitivité
50 Un récit national
54 Au cĆur des enjeux stratĂ©giques
58 LâimpĂ©ratif social
60 Vers la crĂ©ation dâun hub numĂ©rique
62 Lâenvironnement, cause commune
63 Ă la conquĂȘte de lâespace
64 Un autre regard sur Djibouti
94 Les crédits carbone, opportunités et bonne conscience
98 Olufunso Somorin : « à mesure que nous améliorerons la confiance, la demande continuera de croßtre »
100 Maroc-Algérie, la course au PIB
101 La RDC, cÎté positif
102 Le Botswana veut profiter davantage de ses diamants
103 Une monnaie numérique pour sauver le Zimbabwe ? par Cédric Gouverneur
P.86
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Thibaut Cabrera, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexis Georges, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Camille LefÚvre, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont, Romain Thomas, Jihane Zorkot.
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Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0224 D 85602. DépÎt légal : juin 2023.
La rĂ©daction nâest pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rĂ©dactionnelles sont donnĂ©es Ă titre dâinformation, sans aucun but publicitaire. La reproduction, mĂȘme partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rĂ©daction. © Afrique Magazine 2023.
LâUN, DESSINATEUR de presse et caricaturiste français, a travaillĂ© pendant un demi-siĂšcle au journal Le Monde, en croquant notre sociĂ©tĂ©, notre quotidien, nos vies. Lâautre, photojournaliste dâorigine iranienne, a parcouru la planĂšte, tĂ©moignant de conflits, de rĂ©volutions, de lâhumanitĂ© dans toute sa diversitĂ©. Observateurs privilĂ©giĂ©s des Ă©vĂ©nements de ces derniĂšres dĂ©cennies et grands dĂ©fenseurs de la libertĂ© dâexpression, Plantu et Reza ont en commun une forme de comprĂ©hension du monde. Lâun comme lâautre invite Ă rĂ©flĂ©chir sur la condition humaine, les injustices, les espoirs. De ces coĂŻncidences historiques, esthĂ©tiques, engagĂ©es, et dâune complicitĂ© sans faille est dâabord nĂ© lâouvrage Plantu - Reza : Regards croisĂ©s (Gallimard, 2021). Lâexposition du mĂȘme nom, prĂ©sentĂ©e au musĂ©e de lâHomme, reprend le flambeau, mettant en valeur des dizaines de leurs Ćuvres. Un tĂȘte-Ă -tĂȘte intellectuel et artistique singulier, qui associe le trait de crayon sensible et dĂ©sinvolte de Plantu aux clichĂ©s iconiques de Reza. Sans jamais cesser dâappeler Ă la fraternitĂ© et au dialogue.
« PLANTU â REZA : REGARDS CROISĂS », musĂ©e de lâHomme, Paris (France), jusquâau 31 dĂ©cembre. museedelhomme.fr
singuliĂšre entre Plantu et Reza, entre le trait acĂ©rĂ© et la photo iconique.Le caricaturiste français devant lâun de ses dessins de presse.
MUSIQUE
IL SUFFIT DâĂCOUTER le morceau-titre pour ĂȘtre Ă nouveau conquis. Par une voix mĂ©lodieuse, Ă peine altĂ©rĂ©e par le temps, accompagnĂ©e de superbes cordes acoustiques. Par lâintense soif de libertĂ© quâelle dĂ©clame, sans faiblir. Sur ce premier album solo, Antonio « Malan » ManĂ© tĂ©moigne de tout son engagement et de son vĂ©cu. NĂ© en 1956 Ă Buba, en GuinĂ©e-Bissau, il nâa pas 20 ans lorsquâil rejoint les rangs du Super Mama Djombo, groupe indĂ©pendantiste cultivant la cohĂ©sion panafricaine et soutenant le fondateur du Parti africain pour lâindĂ©pendance de la GuinĂ©e et du Cap-Vert, Amilcar Cabral. Si le coup dâĂtat de 1980 met fin Ă ce fructueux collectif, la musique habite toujours Malan ManĂ©. Celui qui ne sera rĂ©gularisĂ© quâaprĂšs une dĂ©cennie passĂ©e sur le sol français persiste Ă composer, en banlieue parisienne, oĂč il gagne son pain contre vents et marĂ©es. Il Ă©crit aussi ses espoirs et ses souvenirs, terreaux narratifs de Fidju di Lion, lequel a Ă©tĂ© enregistrĂ© Ă Lisbonne avec ses anciens camarades du Mama Djombo, dans des studios qui les avaient vu passer en 1979⊠Hommage est rendu Ă Nelson Mandela, Amilcar Cabral, et au pouvoir rĂ©dempteur de la musique, qui rassemble les exilĂ©s, les oubliĂ©s, les activistes. Avec « Sidile », lâartiste cĂ©lĂšbre en mandingue lâamitiĂ© qui lui a permis de retrouver le micro. Ce quâil appelle un « petit morceau du monde » â la GuinĂ©e-Bissau â investit ce disque Ă la sincĂ©ritĂ© tant poĂ©tique que dĂ©sarmante. Mais dont lâĂ©nergie retrouvĂ©e, alliĂ©e Ă une mĂ©lancolie substantielle, nous trotte longtemps dans la tĂȘte⊠â Sophie Rosemont MALAN MANĂ, Fidju di Lion, Archieball/LâAutre distribution.
à écouter maintenant !
Amazigh Freedom Rock, 1973-1983, Disques Bongo Joe/LâAutre Distribution
Ă bonheur que cette réédition des dĂ©monstrations rock kabyle des Abranis, qui rĂ©ussirent, durant les annĂ©es 1970, Ă allier rock garage, folk, disco et musique berbĂšre. Kabyles de Numidie, Shamy El Baz et Karim Abdenour ont fui lâAlgĂ©rie au dĂ©but des annĂ©es 1960, et câest Ă Paris quâils ont dynamisĂ© les sonoritĂ©s de leurs racines⊠aujourdâhui ressuscitĂ©es Ă travers 11 fabuleux morceaux. Indispensable !
Faada Freddy
Tables Will Turn, Think Zik !
Si on lâavait remarquĂ© dans le duo Daara J, il nous avait enchantĂ©s avec son beatbox et sa voix digne des plus beaux chants gospel dans son premier album, Gospel Journey. AprĂšs une pause de sept ans, le musicien sĂ©nĂ©galais livre lâEP Tables Will Turn Nul besoin de machines pour reproduire le son des instruments⊠Nourris de soul, ces nouveaux titres fĂȘtent avec Ă©lĂ©gance les beaux lendemains Ă venir.
Arlo Parks
My Soft Machine, Transgressive Records/Pias
AprĂšs une rĂ©vĂ©lation fracassante en 2021, celle dâun premier effort baptisĂ© Collapsed In Sunbeams, lui ayant valu une reconnaissance internationale, AnaĂŻs Marinho assure ses arriĂšres. Dans ce nouvel album, la chanteuse anglaise dâorigines nigĂ©riane et tchadienne raconte le pire comme le meilleur de la jeunesse 2.0, cultivant son RânâB de belle facture, produit par le collaborateur dâAdele et de Paul McCartney, Paul Epworth. â S.R.
Ă 66 ans, lâune des figures de Super Mama Djombo, groupe phare de lâindĂ©pendance bissau-guinĂ©enne, revient avec un captivant PREMIER OPUS solo.
« POURQUOI ON LâAPPELLE Omar la fraise ?
â Parce quâil opĂšre comme les dentistes, dzzzi dzzziii⊠» On imagine la torture, mais ce nâest quâune des diffĂ©rentes explications du surnom portĂ© par ce truand parisien venu se rĂ©fugier dans son pays dâorigine. Pour Ă©chapper Ă une lourde condamnation en France, il sâinstalle dans une luxueuse villa sur les hauteurs dâAlger avec Roger, son ami dâenfance, en cavale avec lui. Seul un Ă©cran gĂ©ant meuble la maison, dont la piscine en travaux demeure dĂ©sespĂ©rĂ©ment vide. Roger va tenter de sortir Omar de la dĂ©prime et de lâennui, et ils vont rapidement nager dans la cocaĂŻne et les billets⊠bientĂŽt rejoints par une ouvriĂšre au caractĂšre bien trempĂ©, incarnĂ©e par lâexcellente Meriem Amiar. Le duo masculin, câest BenoĂźt Magimel en bandit parigot Ă la Audiard et Reda Kateb au look de Travolta dans Pulp Fiction⊠On est dâailleurs dans un film de genre parfois ultra-violent, oĂč lâhĂ©moglobine et la poudre blanche se rĂ©pandent sans limites et sans morale. Câest aussi une plongĂ©e dans lâAlgĂ©rie dâaujourdâhui comme on la voit peu dans le cinĂ©ma grand public, assortie de visites
nocturnes dans des lieux insoupçonnĂ©s oĂč lâon se toise du regard sur fond de Julio Iglesias. Une immersion rĂ©ussie jusquâau cĆur dâune citĂ© pauvre qui domine le quartier populaire de Bab El Oued et rappelle lâambiance napolitaine de Gomorra. Il faut dire que le metteur en scĂšne, francoalgĂ©rien, a longuement travaillĂ© ce premier film (aprĂšs le clip du titre « Disco Maghreb » de DJ Snake, tournĂ© dans le mĂȘme quartier, et le court-mĂ©trage Un jour de mariage, remarquĂ© Ă Cannes en 2018, dĂ©jĂ sur le spleen dâun voyou Ă Alger) : sept ans dâĂ©criture, deux ans dâateliers théùtre avec de jeunes AlgĂ©rois dĂ©sĆuvrĂ©s, qui ont un rĂŽle central dans le scĂ©nario. Le cinĂ©aste joue sur les contraires, entre le grouillement de la capitale et les Ă©chappĂ©es dans le dĂ©sert, entre les caractĂšres hauts en couleur des personnages et leurs Ă©motions en montagnes russes, mĂ©lange dâexubĂ©rance et de pudeur. Une tragicomĂ©die trĂšs mĂ©diterranĂ©enne, portĂ©e par un duo dâacteurs virtuoses. â Jean-Marie
Un premier film qui FAIT DES ĂTINCELLES jusque dans le dĂ©sert. Sur fond de trafic de cocaĂŻne, il y a du Tarantino dans cette cavale de truands, rejoints par une ouvriĂšre Ă la forte tĂȘte.OMAR LA FRAISE (France), dâElias Belkeddar. Avec Reda Kateb, BenoĂźt Magimel, Meriem Amiar. En salles.
CâEST UN RETOUR inespĂ©rĂ© pour ceux qui connaissent (et apprĂ©cient) Our Garden Needs Its Flowers. EnregistrĂ© en CĂŽte dâIvoire par Jess Sah Bi et Peter One il y a bientĂŽt quarante ans, ce disque folk a remportĂ© tant de succĂšs quâen 1990, le duo signa lâhymne « African Chant », diffusĂ© sur la BBC le jour de la libĂ©ration de Nelson Mandela. Puis plus rien, ou presque. JusquâĂ la parution ce printemps du superbe â et bien nommĂ© â Come Back to Me. InstallĂ© depuis trois dĂ©cennies aux Ătats-Unis, Peter One sây exprime en anglais, en français⊠ou en guro ! « Lâanglais et le français sont nĂ©cessaires pour toucher un public international, confie-t-il. TrĂšs tĂŽt, jâai rĂȘvĂ© que ma musique soit Ă©coutĂ©e au-delĂ de ma communautĂ© originelle. Mais chanter en guro mâest naturel, et il me semble honnĂȘte, en tant que citoyen amĂ©ricain, de rester moi-mĂȘme et de contribuer Ă la riche diversitĂ© de la culture amĂ©ricaine, au moins du point de vue musical. » Ă 67 ans, le voilĂ auteur dâun premier album solo : « Lorsque Our Garden Needs Its Flowers a Ă©tĂ© rééditĂ© en 2018, il a attirĂ© lâattention de la communautĂ© musicale de Nashville. Cela tombait Ă pic : jâessayais de trouver les bonnes personnes avec qui travailler depuis mon dĂ©mĂ©nagement dans le Tennessee, quelques annĂ©es plus tĂŽt. Je passais la plupart de mon temps Ă Ă©crire de nouveaux morceaux
et Ă arranger des anciens titres. Quand lâoccasion sâest prĂ©sentĂ©e, jâĂ©tais prĂȘt ! » En 2019, le producteur Kevin Dailey lui propose dâenregistrer quelques titres. En dĂ©pit des confinements, le projet avance, et câest entourĂ© de musiciens de Nashville et de Memphis que Peter One donne naissance Ă cet album. Il tient nĂ©anmoins Ă prĂ©ciser que la CĂŽte dâIvoire influence toujours sa musique : « Jâavais 39 ans quand jâai quittĂ© mon pays, mais jâai gardĂ© un lien avec ma famille. Je suis conscient de tous les changements sociaux, politiques et culturels qui sây opĂšrent, mais aussi sur le continent : ils inspirent dâailleurs mes chansons. Mais si je continue Ă Ă©couter de la musique ivoirienne, je ne pense pas quâelle mâinfluence autant que par le passĂ©. Je souhaite continuer Ă explorer. » Et nous de le suivre. â S.R. PETER ONE, Come Back to Me, Verve Records. DR
CĂ©lĂ©brĂ© dans les annĂ©es 1980 en Afrique de lâOuest, le GUITARISTE IVOIRIEN est retournĂ© en studio pour le superbe Come Back to Me. Classique instantanĂ©.
DEPUIS QUELQUES ANNĂES, les membres de Tinariwen bĂ©nĂ©ficient dâune belle popularitĂ© sur le sol amĂ©ricain, oĂč ils ont dĂ©jĂ enregistrĂ© des disques. Cette fois, pandĂ©mie oblige, câest Ă distance quâils ont collaborĂ© avec le producteur Daniel Lanois (collaborateur, entre autres, de Bob Dylan et Marianne Faithfull) et une brochette de musiciens Ă©mĂ©rites basĂ©s Ă Nashville. Les sessions, elles, ont eu lieu au cĆur de lâoasis algĂ©rienne de Djanet. DĂ©cor idĂ©al pour cet Ă©crin portĂ© par une soif et une joie de vivre inextinguibles, alors que les troupes françaises se sont retirĂ©es du Mali, laissant place Ă de nouvelles et incessantes menaces. Amatssou conjure la peur en convoquant des mĂ©lodies fĂ©dĂ©ratrices, Ă©lectriques, oĂč les voix se mĂȘlent autant que les cordes flirtent avec les rythmiques. Un bijou hypnotique, aussi country que touareg, fidĂšle Ă la vitalitĂ© sonore du groupe. â S.R. TINARIWEN, Amatssou, Wedge/Warp. En concert Ă la Salle Pleyel le 28 juin.
SOMMES-NOUS au seuil de la sixiĂšme extinction de masse, la premiĂšre causĂ©e par lâhomme ? Poursuivant dans le genre littĂ©raire qui a fait son succĂšs, Gert Nygardshaug (Zoo de Mengele) revient avec un « Ă©co-thriller-SF », dâune actualitĂ© brĂ»lante, enfin traduit en français. Redoutable dâefficacitĂ©, impressionnant dans sa prĂ©cision scientifique et tĂ©tanisant dans sa façon dâaborder lâinfluence de lâhomme sur la nature, ce roman dâanticipation plonge le lecteur dans un monde qui poursuit une course folle vers son dĂ©clin, entre crise Ă©cologique et crise Ă©conomique. TrĂšs concernĂ© par la cause environnementale, lâĂ©crivain-voyageur prolifique norvĂ©gien, tour Ă tour bĂ»cheron, charpentier, marin, conseiller municipal et professeur de philosophie, met en scĂšne une Ă©quipe de scientifiques dans une forĂȘt tropicale du Congo, en 2030, aux prises avec un virus redoutable, quâils vont nommer Chimera. Mais lĂ oĂč certains y voient une chose monstrueuse et une menace sans prĂ©cĂ©dent, dâautres entrevoient une lueur dâespoir pour la planĂšte⊠Saisissant. â C.F.
Câest avec un disque hypnotique et fĂ©dĂ©rateur que nous revient le GROUPE TOUAREG.
« ARTISTES VOYAGEUSES :
LâAPPEL DES LOINTAINS (1880-1944) », musĂ©e de Pont-Aven (France), du 24 juin au 5 novembre. museepontaven.fr
EXPO
Au musĂ©e de Pont-Aven, plus de 150 Ćuvres de 30 ARTISTES VOYAGEUSES donnent une autre vision de lâEmpire colonial français.
AVEC « Artistes voyageuses : LâAppel des lointains (1880-1944) », le musĂ©e de Pont-Aven, en Bretagne, met en lumiĂšre le travail peu connu dâune trentaine de femmes qui se sont affirmĂ©es professionnellement entre la Belle Ăpoque et la Seconde Guerre mondiale, tout en parcourant le monde. Ă la fin du XIXe siĂšcle, elles obtiennent des bourses de voyage, mais aussi des commandes pour les compagnies maritimes : Jeanne Thil, par exemple, travaille pendant plus de trente ans pour la Compagnie gĂ©nĂ©rale transatlantique, et la photographe ThĂ©rĂšse Le Prat pour la Compagnie des messageries maritimes. Leurs crĂ©ations retracent lâexpansion française au Maghreb, en Afrique occidentale, en Asie du Sud-Est, et au-delĂ . Un monde colonisĂ© quâelles observent avec un regard moins raciste et caricatural que leurs collĂšgues hommes, nâhĂ©sitant pas Ă se rapprocher des populations locales, comme en tĂ©moignent les nombreux portraits et scĂšnes de vie quotidienne. Parmi les femmes parcourant lâAfrique, la sculptrice Anna Quinquaud, la peintresse Marcelle Ackein ou encore la photographe engagĂ©e Lucie Cousturier, seule artiste Ă critiquer la vision « civilisatrice » de la colonisation, dĂšs les annĂ©es 1920. â Luisa
PHOTOGRAPHIE
Ritualisés ou détournés, les COSTUMES ET MASQUES
AFRICAINS capturĂ©s par lâartiste français interrogent le rapport entre lâidentitĂ© et lâapparence.
DEUX SĂRIES du photographe StĂ©phan Gladieu sont exposĂ©es simultanĂ©ment dans le deuxiĂšme plus important musĂ©e ethnologique dâAllemagne, aprĂšs celui de Berlin. PassionnĂ© par la notion de frontiĂšres, lâartiste-reporter a passĂ© de nombreuses annĂ©es Ă arpenter les zones de crise, avant de sâorienter vers le portrait, pour tĂ©moigner des conditions de vie des gens. Alliant un style documentaire Ă une recherche esthĂ©tique, et mĂȘlant rĂ©alitĂ© et fiction, il interroge ainsi les questions dâidentitĂ©, mais Ă©galement les dĂ©fis personnels et sociĂ©taux. Prise au BĂ©nin et en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, la cinquantaine de clichĂ©s prĂ©sentĂ©e explore lâimportance des danses masquĂ©es en Afrique, dans lesquelles passĂ© et prĂ©sent sâinterpĂ©nĂštrent. La sĂ©rie Egungun donne Ă voir une sociĂ©tĂ© secrĂšte bĂ©ninoise, oĂč le rite de lâEgoun honore les morts et les fait revenir parmi les vivants. Tandis quâHomo DĂ©tritus pointe les effets de la sociĂ©tĂ© (occidentale) de consommation et du jetable Ă Kinshasa, Ă travers des camouflages fabriquĂ©s Ă base de dĂ©tritus. â C.F. « FROM MYSTIC TO PLASTIC. AFRICAN MASKS.
PHOTOGRAPHS BY STĂPHAN GLADIEU », MusĂ©e national dâethnologie de Munich (Allemagne), jusquâau 6 aoĂ»t. museum-fuenf-kontinente.de
LâIDĂE ĂTAIT ASSUMĂE dĂšs le dĂ©part par lâhistorienne afro-amĂ©ricaine Shelley Haley, se rappelant les paroles de sa mĂšre : « Quoi quâon te dise Ă lâĂ©cole, ClĂ©opĂątre Ă©tait noire. » Un documentaire de la BBC en 2009 avait dâailleurs repris cette thĂšse sur la base de nouvelles dĂ©couvertes. Dans le docu-fiction produit par Jada Pinkett Smith pour Netflix, la derniĂšre pharaonne, issue de la dynastie dâorigine grecque des PtolĂ©mĂ©es, est incarnĂ©e avec autoritĂ© par la comĂ©dienne mĂ©tisse britannique Adele James, « un choix politique » a expliquĂ© depuis la rĂ©alisatrice Tina Gharavi. Interventions dâhistoriens et reconstitutions alternent efficacement pour raconter son Ă©popĂ©e, entre pĂ©plum et diplomatie dâalcĂŽveâŠ
Mais les autoritĂ©s du Caire nâont pas apprĂ©ciĂ© que lâon utilise ainsi « leur » reine et ont fait la promotion du documentaire Cleopatra, de Curtis Ryan Woodside, sorti le mĂȘme jour sur YouTube. Le cinĂ©aste Ă©gyptien Mahmoud Rashad y souligne que « se rĂ©fĂ©rer ainsi Ă une culture ou une civilisation noire a surtout Ă voir avec lâhistoire amĂ©ricaine, pas avec lâhistoire de lâAfrique ». Ce qui nâenlĂšve rien Ă lâintĂ©rĂȘt de cette sĂ©rie en 4 Ă©pisodes, qui rappelle que la fille de ClĂ©opĂątre a Ă©pousĂ© le roi de MaurĂ©tanie (ancien royaume du Maghreb) et est devenue, Ă son tour, une authentique reine africaine. â J.-M.C. LA REINE CLĂOPĂTRE (Ătats-Unis), de Jada Pinkett Smith. Avec Adele James, Craig Russell. Sur Netfl ix.
QUAND ON TAPE sur Facebook le nom dâArmel Hostiou, on tombe sur deux profils pour le mĂȘme homme, un rĂ©alisateur français installĂ© Ă Paris, breton dâorigine. Sauf que lâun des deux comptes est un faux, avec de vraies photos du cinĂ©aste, mais conçu par un petit malin promettant des sĂ©ances de casting Ă Kinshasa pour un projet de film, dans le but dâattirer de jeunes et jolies comĂ©diennes⊠Un bon dĂ©but de scĂ©nario qui dĂ©cide le vrai Armel Hostiou Ă partir Ă la recherche du faussaire. Autant « chercher une fourmi dans la forĂȘt », lui dit-on Ă son arrivĂ©e dans la rĂ©sidence dâartistes du quartier de Matonge qui lâaccueille. Une quĂȘte impossible commence dans la mĂ©gapole, progressant au fil des rencontres sur la piste de ce double, tournant au polar
et se poursuivant parfois en camĂ©ra cachĂ©e⊠Quel but, quel trafic possible derriĂšre tout ça ? Qui manipule qui ? Le cinĂ©aste nous embarque avec lui dans un suspens trĂšs rĂ©ussi, Ă la rencontre des victimes de la supercherie et Ă la poursuite des responsables⊠On notera les superbes plans de soleil couchant sur Kinshasa pris de lâintĂ©rieur dâune voiture, tant il faut rouler longtemps dans cette immense agglomĂ©ration pour traquer lâusurpateur⊠Et lâattitude trĂšs Ă©thique du rĂ©alisateur, qui sâest fait un point dâhonneur à « ne jamais ĂȘtre dans une position surplombante ou de juger » : « Mon optique Ă©tait toujours de comprendre. » Un voyage plein de surprises⊠â J.-M.C. LE VRAI DU FAUX (France),dâArmel Hostiou. En salles.
oĂč les traditions orales se perdent sur le continent, Netflix et lâUnesco se sont alliĂ©s pour rĂ©inventer les contes africains sous forme de courts-mĂ©trages. Un concours a vu affluer 2 000 candidatures pour six projets retenus et financĂ©s avec dâimportants moyens (100 000 dollars chacun). ParitĂ© respectĂ©e entre ces cinĂ©astes Ă©mergents, mĂȘme si les femmes sont au cĆur des scĂ©narios. Des rĂ©cits qui empruntent Ă tous les genres, du western Ă la SF, pour mieux y introduire des personnages de lĂ©gendes transmises de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Une divinitĂ© zouloue des riviĂšres, le Djinn du dĂ©saccord (titre du trĂšs beau film du Mauritanien Mohamed Echkouna, seul francophone), un oiseau de pluie, ou mĂȘme un ogre au cĆur de violences conjugales, puisent dans un imaginaire commun Ă tout un continent, mis Ă la portĂ©e de 190 pays via la plate-forme de streaming. â J.-M.C.
CONTES POPULAIRES AFRICAINS RĂINVENTĂS (Unesco), de Loukman Ali, Korede Azeez, Voline Ogutu, Mohamed Echkouna, Walt Mzengi Corey et Gcobisa Yako. Sur Netflix. DR
Un rĂ©alisateur français part Ă Kinshasa en quĂȘte de celui qui a usurpĂ© son identitĂ© sur Facebook pour mieux ATTIRER DE JEUNES COMĂDIENNES dans de faux castingsâŠ
« CâEST UN DOUX CHAOS, depuis que tu es entrĂ© dans ma vie, mes rĂȘves, mon avenir, tout a changĂ©. » « Sweet Chaos », câest dâabord le nom dâune chanson, sortie en 2019, dâun boys band corĂ©en de rock, Day6. Branle-bas et plaisir tout Ă la fois, presque une antinomie, Ă lâimage de la vie et de ses bouleversements. Rencontres et chassĂ©s-croisĂ©s traversent ainsi le nouveau roman, au titre homonyme, de Meryem Alaoui. Dans La vĂ©ritĂ© sort de la bouche du cheval, paru en 2018 et inspirĂ© par un quartier populaire de Casablanca bien connu de la Marocaine, elle dressait le portrait dâune prostituĂ©e au caractĂšre bien trempĂ© et avait eu lâhonneur de le voir figurer parmi les 15 livres sĂ©lectionnĂ©s pour le prix Goncourt. Cette fois-ci, câest Ă Brooklyn que la fille du poĂšte et homme politique Driss Alaoui MâDghari, expatriĂ©e aujourdâhui aux Ătats-Unis, nous emmĂšne. « La rue, le cafĂ©, le bureau, la vie Ă©taient un jardin luxuriant dans lequel phĂ©romones et pollens pullulaient. » Dans ce roman choral, campĂ© dans un immeuble, oĂč une galerie bigarrĂ©e de personnages Ă©volue au fil des jours, des Ă©tages, des solitudes et des tĂȘte-Ă -tĂȘte, câest un drĂŽle de monde que lâon dĂ©couvre. Presque avec indiscrĂ©tion. Les banalitĂ©s, les paradoxes, les vices et les sensibilitĂ©s de ce bestiaire humain se tĂ©lescopent sur les perrons, dans les escaliers ou derriĂšre les portes de la bĂątisse new-yorkaise, peuplĂ©e dâhabitants de tous Ăąges et de toutes origines. Ă la croisĂ©e de FenĂȘtre sur cour, dâAlfred Hitchcock, de LâImmeuble Yacoubian, dâAlaa El Aswany, et de Les Heureux et les DamnĂ©s, de F. Scott Fitzgerald, ce curieux huis clos babylonien questionne le dĂ©sir, le lien, lâennui, les Ă©garements. Et le quotidien dans une ville tentaculaire. Plus encore, il explore les mĂ©andres du couple, incarnĂ© par Riley et Graham, un duo trĂšs amoureux, Ă la sexualitĂ© aventureuse : « Et les deux ferment les yeux. Ils ont le sourire aux lĂšvres, le conjoint contre le corps et leurs amants en tĂȘte. » Ă travers eux, câest la libertĂ© et la folie de la ville qui se rĂ©vĂšlent. Une exploration du risque aussi. Et du regain. â C.F.
MERYEM ALAOUI, Sweet Chaos, Gallimard, 304 pages, 21 âŹ.
MERYEM ALAOUI nous conte la vie fantasque dâun immeuble de Brooklyn, Ă travers une savoureuse Ă©tude de mĆurs.
LA BIENNALEDâARCHITECTURE de Venise et sa commissaire, Lesley Lokko, ont dĂ©cernĂ© le Lion dâor et consacrĂ© une petite mais prĂ©cieuse exposition Ă Demas Nwoko, lâun des pionniers dâune esthĂ©tique africaine moderne, dont « lâhĂ©ritage immatĂ©riel est toujours en cours dâĂ©valuation, comprĂ©hension, cĂ©lĂ©bration ». Fils dâun obi (roi) local, il est nĂ© Ă Idumuje-Ugboko, dans le sud du Nigeria, en 1935. InspirĂ© par lâarchitecture du palais royal, il trouve rapidement sa vocation, mais la casquette de bĂątisseur ne lui suffisant pas, il se tourne vers les Beaux-Arts et Ă©tudie entre autres la scĂ©nographie Ă Paris. Membre cofondateur de la cĂ©lĂšbre Zaria Art Society dans les annĂ©es 1960, il contribue au dĂ©veloppement dâune avant-garde postcoloniale dans son pays. Ses projets architecturaux, tel la chapelle de lâInstitut dominicain Ă Ibadan, anticipent, dĂšs les annĂ©es 1970, la pensĂ©e contemporaine, qui met au centre les matiĂšres et les cultures locales. â L.N.
Rythmes endiablĂ©s et mixitĂ© dans lâun des hauts lieux de la fĂȘte parisienne de lâentre-deux-guerres.
« DâUN SEUL COUP, le Bal Blomet changea du tout au tout. Sa rĂ©putation dĂ©borda les frontiĂšres de Montparnasse, atteignit Saint-Germain-des-PrĂ©s et le Quartier latin. » Câest dans ce lieu mythique du Paris des AnnĂ©es folles que RaphaĂ«l Confiant, militant de la cause crĂ©ole, campe trois destins croisĂ©s dâexilĂ©s, sur fond de biguine, de valse et de mazurka. Trois personnages en quĂȘte dâamour et de plaisirs. Autour dâeux, câest le Montparnasse de lâĂ©poque
Une plongĂ©e enivrante, au cĆur dâune femme. Et de la Tunisie post-rĂ©volution.
SUR LA COUVERTURE du livre, une VĂ©nus marine, celle de Bulla Regia, site archĂ©ologique tunisien. Tout en mosaĂŻque, la dĂ©esse de lâamour, de la fĂ©conditĂ© et du renouveau se love, nue, entre deux crĂ©atures masculines. Gironde, Ă la fois sensuelle et rĂ©solue, elle fixe le lointain, semblant indiquer dâautres possibles. De retour dans son pays natal, InĂšs, lâhĂ©roĂŻne du roman, est subjuguĂ©e par la splendeur de cette figure fĂ©minine, tĂ©moin dâune grandeur ancienne et regrettĂ©e. Au lendemain de la rĂ©volution, cette Tunisienne expatriĂ©e en Suisse replonge au cĆur de
RAPHAĂL CONFIANT, Le Bal de la rue Blomet, Mercure de France, 272 pages, 21 âŹ.
que la plume du conteur Martiniquais redessine. Au 33 rue Blomet, on croise JosĂ©phine Baker, Ernest Hemingway ou encore le prince de Galles. Dans le sillage de lâaventure de la citĂ© dâartistes La Ruche, le Bal NĂšgre, autre dĂ©nomination du cĂ©lĂšbre cabaret dansant et club de jazz, devient le rendez-vous incontournable dâintellectuels et dâanonymes. Il incarne, encore aujourdâhui, un pan de la mĂ©moire antillaise. â C.F.
FATMA
LA MAISONNEUVE, LâOdeur dâun homme, Au Pont 9, 208 pages, 19,90 âŹ.
ses origines, dans lâun de ces rares moments oĂč sâĂ©pousent lâhistoire des gens et le destin dâun pays. Resurgissent alors les traces dâun passĂ© enfoui et lâardeur de racines intimes. Dans ce roman sensoriel, oĂč le monde des odeurs ouvre la voie, la psychiatre franco-tunisienne Fatma Bouvet de la Maisonneuve propose une double mĂ©tamorphose, celles dâun pays et dâune femme. â C.F.
PRĂSENTĂE Ă SĂO PAULO, puis Ă Houston, Dallas et Washington, cette exposition a traversĂ© le continent amĂ©ricain dâest en ouest, pour finalement sâinstaller Ă Los Angeles, Ă lâopposĂ© du littoral atlantique, terre dâaccostage des navires du commerce triangulaire, entre le XVIe et le XIXe siĂšcle. SâintĂ©ressant tout particuliĂšrement Ă la dĂ©portation dâesclaves noirs, elle approfondit la narration de la traite occidentale et explore son hĂ©ritage dans la diaspora africaine. Plus de 130 Ćuvres (peintures, sculptures, photographies et installations) dâartistes africains, europĂ©ens, amĂ©ricains et caribĂ©ens raniment ainsi lâhistoire, en donnant vie aux rĂ©cits de captivitĂ©, dâoppression, mais Ă©galement de rĂ©silience et de lutte pour la libĂ©ration. Une gĂ©ographie sans frontiĂšres, motivĂ©e par le dĂ©sir et la nĂ©cessitĂ© dâĂ©tablir des parallĂšles, des frictions et des dialogues, autour des cultures visuelles des territoires afro-atlantiques. Et un champ fluide, oĂč les expĂ©riences africaines envahissent et occupent dâautres nations, territoires et cultures. â C.F.
« AFRO-ATLANTIC HISTORIES », musĂ©e dâArt du comtĂ© de Los Angeles (LACMA, Ătats-Unis), jusquâau 10 septembre. lacma.orgDjanira da Motta e Silva, Bahian Market, 1956.
UN RESTO NIGĂRIAN nichĂ© dans un ancien salon de coiffure de Brooklyn fait saliver le Tout-New York : le Dept of Culture (« ministĂšre de la Culture »), lancĂ© Ă Brooklyn en 2022 par Ayo Balogun, pourrait dâailleurs remporter ce mois-ci le prix amĂ©ricain James Beard du meilleur nouveau restaurant. LâidĂ©e du chef, ancien vidĂ©o maker reconverti Ă la cuisine en 2015, Ă©tait de faire petit (16 couverts Ă peine) mais puissant : en somme, un lieu oĂč mettre en valeur des plats du Nigeria avec dignitĂ©, sans chichis ni extravagances. La carte change en partie toutes les trois semaines, avec une attention portĂ©e Ă la saisonnalitĂ© des ingrĂ©dients, en fonction des arrivages du continent, et en sâinspirant des histoires derriĂšre les recettes, quâil partage avec ses clients. Comme celle du wara, un fromage peul, tel quâil est fait dans lâĂtat du Kwara, oĂč habite sa famille. Attention : les places sont trĂšs prisĂ©es ! deptofculturebk.com
Une autre valeur sûre : Le Tagine, pour les amoureux de la cuisine marocaine. Seul restaurant africain de Paris à paraßtre dans le palmarÚs des 50 meilleurs spots de la capitale du Time Out, cette cantine du 11e arrondissement
arrive selon le mĂ©dia londonien en 15e position, aux cĂŽtĂ©s de bistrots gastronomiques et autres restaurants dâauteur. Ouvert il y a bientĂŽt quarante et un ans et rĂ©putĂ© pour son couscous, le meilleur tradi de Paris, Le Tagine propose toujours des plats faits maison, y compris le pain et les pĂątisseries, Ă dĂ©guster bien sĂ»r en sirotant un dĂ©licieux thĂ© Ă la menthe. letagine.fr â L.N.
Deux adresses qui se font remarquer, de CHAQUE CĂTĂ DE LâATLANTIQUE : un nouveau restaurant new-yorkais trĂšs prisĂ© et une incontournable cantine parisienne.Ci-contre, le Dept of Culture est un petit restaurant nigĂ©rian nichĂ© dans un ancien salon de coiffure de Brooklyn. Ci-dessous, Le Tagine rĂ©gale les amoureux de la cuisine marocaine.
« BON TRAVAIL » : câest ce que signifie Ku do azĂČ en fongbĂš, le nom du hamac que la designeuse textile belge Estelle Chatelin et son associĂ© et tisserand bĂ©ninois Georges Ahokpe ont prĂ©sentĂ© lors du SaloneSatellite, la section du Salon du meuble de Milan dĂ©diĂ©e aux jeunes Ă©mergents. Parmi la centaine de projets sĂ©lectionnĂ©s pour cette 12e Ă©dition, ce « bon travail » leur a valu la troisiĂšme place du podium. Créé Ă partir de vieux pulls en provenance dâEurope dĂ©nichĂ©s sur les marchĂ©s bĂ©ninois, dĂ©tricotĂ©s et retissĂ©s Ă lâaide dâun mĂ©tier Ă tisser traditionnel, le hamac a Ă©tĂ© imaginĂ© en sâadaptant aux moyens de production. Les machines bĂ©ninoises
ne permettant de ne crĂ©er que des bandes de tissu de la largeur des Ă©paules du tisserand, les designers ont dĂ©fini la forme du hamac en jouant avec ces derniĂšres. Ouverte Ă Bruxelles en 2021, lâagence Ahokpe+Chatelin a pour base de travail la cocrĂ©ation : lâidĂ©e est de mĂ©langer les cultures, en mixant le lieu dâorigine de lâobjet, celui des matiĂšres employĂ©es, et les pays de production et de commercialisation. Le hamac, qui est vendu partout au BĂ©nin, sera cette fois-ci proposĂ© en Europe. couperdecalertravailler.com â L.N.
Ce couple belgo-béninois fabrique un HAMAC TISSà à partir de pulls défraßchis européens.
KADER DIABY, ancien photographe Ă la tĂȘte depuis 2018 de son propre label, Olooh, travaille dâarrache-pied Ă sa nouvelle collection depuis Abidjan. Il a Ă©tĂ© invitĂ© Ă prĂ©senter son travail au salon de la mode Pitti Uomo, Ă la mi-juin, dans le cadre du Material Innovation Lab (MIL), un projet de Kering visant Ă promouvoir 10 labels Ă©mergents et innovants. Jusque-lĂ accessible uniquement aux crĂ©atifs du groupe de luxe, le MIL sâest ouvert dans lâoptique de permettre aux jeunes designers dâexpĂ©rimenter avec sa bibliothĂšque de prototypes de matĂ©riaux durables. Kader Diaby, qui utilise dâhabitude du coton et du lin blancs quâil teint en pastel, a Ă©tĂ© sĂ©duit par une nouvelle teinture. Avec la designeuse textile Johanna Bramble, experte en pagne tissĂ© moderne, il prĂ©pare une collection qui « explore ce qui aurait pu ĂȘtre le design africain sans la colonisation. Par exemple, en dĂ©veloppant des techniques locales, comme cela a Ă©tĂ© le cas au Japon ». Une vision dâun « monde parallĂšle », qui sâinscrit dans son
parcours crĂ©atif. Câest pour exprimer lâesthĂ©tique abidjanaise, dans un Ă©lan inventif qui a tout de suite trouvĂ© son public, quâil a commencĂ© Ă dessiner des vĂȘtements. Le lifestyle de Babi, sa culture urbaine nourrissent ses collections adaptĂ©es Ă une jeunesse proche de ses traditions mais connectĂ©e Ă la contemporanĂ©itĂ©. Des piĂšces qui sâinspirent et racontent des histoires collectives, dâoĂč le nom de la marque, Olooh, qui signifie « notre » en sĂ©noufo. Les ensembles, les pantalons, les sweats Ă capuche et les premiĂšres robes plus fĂ©minines de sa derniĂšre ligne, « The new thirtysomethings years old », sont faits pour sây sentir Ă lâaise, que lâon sorte en soirĂ©e ou parte travailler. Le styliste ivoirien, qui aime les nuances de bleu, rose, noir et marron, propose principalement des crĂ©ations monochromes, qui sâallient facilement les unes aux autres. Enrichies par des dĂ©tails dĂ©concertants, comme des boutons en laiton et bronze ciselĂ©s artisanalement Ă partir dâanciennes tuyauteries. olooh-concept.com â L.N.
sâinspire du lifestyle et de la culture de la ville dans ses crĂ©ations.
Le label ivoirien propose principalement des piÚces monochromes, dans des nuances de bleu, rose, noir et marron.Le styliste Kader Diaby.
KARIM BEN AMOR et Emna Bouraoui ont créé lâAtelier 13 Ă La Marsa, il y a vingt ans. Avec une petite Ă©quipe de collaborateurs, ils dessinent essentiellement des habitations individuelles selon lâarchitecture mĂ©diterranĂ©enne, prenant en compte le cadre propre Ă chaque projet. Dans le cas de Torchida, une villa sur la corniche de La Marsa livrĂ©e en 2022, le travail sur trois niveaux valorise la vue sur la mer et laisse
plus de place au jardin. Chaque Ă©tage utilise de façon diffĂ©rente la matiĂšre et les textures. Au rez-de-jardin, oĂč les chambres des invitĂ©s et des enfants sont abritĂ©es des regards par des murs blancs, le revĂȘtement en cĂ©ramique Ă©voque un cĂŽtĂ© minĂ©ral. La transparence du verre prend le relais au rez-de-chaussĂ©e, dans la zone jour avec cuisine ouverte, et la piscine suspendue permet de prendre de la hauteur sur la mer sans encombrer la pelouse. Le troisiĂšme niveau dĂ©tonne du reste : la succession de lattes en bois qui le recouvre accentue lâeffet cabane, et contraste avec la blancheur de la villa. Construit en plan libre, il sâaffranchit de la trame du bĂątiment pour rentrer dans lâaxe de lâĂźle de Zembra. La complexe harmonisation de chaque dĂ©tail, comme lâalternance des pleins et des vides dans la structure, donne vie Ă un ensemble Ă©quilibrĂ©. atelier13.net â L.N.
Un premier disque, tel un rite qui marque le passage dĂ©licat Ă lâĂąge adulte. Dans son introspectif EP, le chanteur et compositeur Mille Desirs puise dans ses blessures nĂ©es de sa premiĂšre rupture amoureuse, ses dĂ©sillusions, et explore ses questionnements identitaires. « Avant cette relation, je fantasmais, jâidĂ©alisais lâamour. Toute ma vie, je lâai attendu, convaincu que câĂ©tait la seule chose qui me rendrait heureux. Mais jâai compris que jâavais besoin de plus », dĂ©sosse lâartiste nĂ© en 2001 Ă Abidjan, et qui prĂ©fĂšre taire son nom civil. Sa musique hybride â « car je le suis de par mon identitĂ© queer, noire » â est une envoĂ»tante pop croisant Ă©nergie rock, sensualitĂ© RânâB et textures Ă©lectro tantĂŽt planantes, tantĂŽt rugueuses. Tout feu tout flamme, quitte Ă se brĂ»ler les ailes, cet ancien fĂȘtard sâest enivrĂ©, Ă©tourdi dans les nuits fiĂ©vreuses de Berlin ou de Paris, Ă©garĂ© parfois dans les mĂ©andres du dĂ©sir et des paradis artificiels. Entre amour et attirance, la frontiĂšre est trompeuse, a-t-il appris, une confusion des sentiments qui titre lâEP, Lust & Love (« luxure & amour »).
Ayant quittĂ© la CĂŽte dâIvoire Ă 3 ans avec sa mĂšre, Mille Desirs a grandi au sein dâune communautĂ© Ă©vangĂ©liste Ă Nancy, dans lâest de la France. Câest en chantant des piĂšces religieuses (voix/piano) que naĂźt sa passion pour la musique. Frank Ocean, Lana Del Rey et Yellow Days bercent son adolescence solitaire. Plus quâun rĂ©confort, la musique lui apporte une sĂ©curitĂ© intĂ©rieure : « Tel le cĂąlin dâune mĂšre, elle Ă©tait un repĂšre essentiel. Je me sentais entourĂ©, compris. » Ă 17 ans, il quitte sa communautĂ© religieuse. « Ma vĂ©ritable foi, câest la musique. » Cible de harcĂšlements, Ă©touffant dans une ville pas taillĂ©e Ă la mesure de ses ambitions, cet Ă©pris de libertĂ© part aux Ătats-Unis, puis rapidement Ă Londres poursuivre sa scolaritĂ© au sein de sa famille maternelle : « CâĂ©tait trĂšs dur dâallier mes diffĂ©rentes identitĂ©s, de les vivre, de devoir les justifier aux autres. Je nâĂ©tais pas le mĂȘme Ă lâĂ©cole, Ă lâĂ©glise, Ă la maison, dans la rue. Je suis parti pour me rĂ©parer, me rĂ©inventer. Jâai toujours suivi mon instinct. Et ma mĂšre mâa toujours fait confiance. »
AprĂšs des Ă©tudes de psychologie, puis un double cursus en philosophie et en sociologie, cet autodidacte dĂ©sormais Ă©tabli Ă Paris a dĂ©sertĂ© les bancs de lâuniversitĂ© pour se consacrer pleinement Ă la crĂ©ation musicale. « Jâai enfin trouvĂ© la raison pour laquelle je suis sur terre. Les Ă©motions, les expĂ©riences intenses, dĂ©bordantes, je peux dĂ©sormais les Ă©crire, les chanter et mâen libĂ©rer. GrĂące Ă la musique, je ne me sens plus seul. » Actuellement Ă©tudiant dans une Ă©cole oĂč il apprend notamment le piano, il pratique aussi le voguing, cette danse Ă©mancipatrice nĂ©e aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1960 au sein de la communautĂ© LGBT+ noire et latino : « CâĂ©tait inĂ©vitable dans mon parcours de personne non-binaire. » Le militantisme est une pierre angulaire de sa construction identitaire : « Je nâai pas eu le choix. TrĂšs jeune, on mâa fait comprendre que ces multiples pans de mon identitĂ© me rendaient diffĂ©rent. Or, je ne suis pas obligĂ© de choisir. Jâai le droit dâĂȘtre toutes ces versions de moi-mĂȘme. » Mille Desirs, mille identitĂ©s. â
«Je ne suis pas obligé de choisir.
Jâai le droit dâĂȘtre toutes ces versions de moi-mĂȘme.»
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Le sujet fait de plus en plus jaser dans le milieu. Un peu Ă juste titre. On dĂ©nonce une opĂ©ration « bashing » du cinĂ©ma africain en Occident, plus particuliĂšrement en France, et encore plus prĂ©cisĂ©ment Ă Cannes, oĂč a lieu chaque annĂ©e le prestigieux festival de cinĂ©ma international. Car en mai dernier, tous les espoirs Ă©taient permis, avec deux longs-mĂ©trages issus du continent en compĂ©tition pour le Graal : Les Filles dâOlfa, de la Tunisienne Kaouther Ben Hania, et Banel et Adama, de la Franco-SĂ©nĂ©galaise Ramata-Toulaye Sy. Premier film tunisien en compĂ©tition depuis 1970, et premier sĂ©nĂ©galais depuis 2019. En gros, moins dâune quinzaine de films africains, du nord au sud, ont Ă©tĂ© en lice pour la Palme depuis le dĂ©but du festival en 1946⊠Et un seul lâa gagnĂ©e, en 1975 : Chronique des annĂ©es de braise, de lâAlgĂ©rien Mohammed Lakhdar-Hamina ! Depuis, que des espoirs déçus, dont ceux dâAbderrahmane Sissako en 2014, Mati Diop en 2019, Nabil Ayouch et Mahamat-Saleh Haroun en 2021. Bref, que se passe-t-il ? Les films du continent nâintĂ©ressent-ils personne ? Sont-ils vraiment Ă la hauteur des critĂšres et des attentes internationales ? Le dĂ©bat est ouvert. Et soyons francs, pour un cinĂ©ma qui nâest distribuĂ© nulle part et tourne de festival africain en festival africain, comment sâĂ©tonner dâune telle situation ? Mais au-delĂ dâun « bashing » des images issues du continent, fort peu motivĂ© Ă mon sens, on doit plutĂŽt sâinterroger sur la question financiĂšre et commerciale.
Le nerf de la guerre, on le sait, câest lâargent. Or, les budgets allouĂ©s Ă ces longs-mĂ©trages sont faibles, et sâaffaiblissent dâannĂ©e en annĂ©e. Les circuits de distribution, y compris en Afrique, ont exclu les images locales suite Ă la fermeture des salles les unes aprĂšs les autres. RĂ©sultat : le nombre de productions baisse aussi, faute de moyens. PhĂ©nomĂšne corollaire, les Ătats africains ne soutiennent pas, ou moins â voire plus du tout â leurs images. Autres prioritĂ©s, coups dâĂtat, pauvretĂ©, etc. Et les producteurs privĂ©s ne se bousculent pas au portillon non plus. Pourquoi financer des films qui ne sont pas reconnus, vus, distribuĂ©s ? Et le serpent se mord la queue.
AprĂšs, on peut voir le positif : deux films africains sĂ©lectionnĂ©s en 2023, mĂȘme sans prix, au final, câest un bon signe. Signe quâil faut sâaccrocher, continuer Ă prĂ©senter des films toujours meilleurs et, un jour, lâun dâentre eux sâimposera. Et un « jury des jurys » cannois montrera, comme en 1975, quâa priori, on nâa rien contre lâAfrique, ses sujets, son univers, sa maniĂšre de filmer. Mais lĂ encore, ce sera Ă elle de convaincre. Et au continent entier, privĂ© comme public, de soutenir son 7e art avec carrĂ©ment plus de vigueur. â
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