Construire une yourte

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Chloé Cothonay & Adrien Gerbet

CONSTRUIRE UNE YOURTE

toono puits de lumière

intérieur cosy

toile imperméable

bois local

matériaux revalorisés

habiter en rond

SOMMAIRE

PENSER LA YOURTE

L’envie de construire une yourte pour y vivre est née de longues heures de réflexion autour de l’habitat et, en amont, de plusieurs années de questionnement sur notre mode de vie. Cinq ans après avoir troqué notre appartement lyonnais pour notre camion 609D, dans lequel nous avons arpenté nos remises en question, l’envie d’un habitat plus spacieux a émergé et les idées ont commencé à fuser. Depuis ce premier pas hors de la vie citadine, notre but tendait vers l’achat d’un terrain sur lequel s’installer, cultiver, vivre harmonieusement au sein de notre environnement. Ce dernier élément était pour nous capital : il a orienté notre réflexion vers l’habitat réversible pour son faible impact sur la nature.

ENTRE RÊVE ET POSSIBILITÉS

Nous avons alors réfléchi aux diférentes possibilités d’habitations répondant à ce critère –et il y a en réalité autant d’habitats réversibles et alternatifs que d’individus pour les imaginer. Parmi eux, les habitats ronds ont particulièrement attiré notre attention. Il y avait la yourte, la paillourte (semblable à la yourte mais avec des murs en terre-paille) et la kerterre (maison sculptée en chaux-chanvre). Après avoir pesé chaque avantage et inconvénient, c’est la yourte qui nous a séduits. La première raison était que nous pouvions commencer à en construire une sur notre lieu de vie en Savoie, où nous avions la chance d’avoir accès à un atelier partagé et des copain·e·s pour nous soutenir, tout en recherchant un terrain sur lequel nous installer. Le budget aussi fut un élément déterminant par rapport à la paillourte. Et face à la kerterre, c’est la superficie de la yourte, plus grande, que nous avons préférée.

Notre choix est fait, nous allons vivre en yourte. Face à l’imaginaire qui se dessine et l’excitation, il faut se pencher sur la mise en œuvre de ce beau projet, ce qu’il est possible ou non de faire, ce que dit la loi, comment le chifrer.

L’aspect législatif

« On commence par quoi ? » Les premières questions se sont portées sur la législation, car sur ce sujet, en France, on est facilement dans le flou. Depuis 2014, la loi Alur (Accès au logement et un urbanisme rénové) prévoit un accompagnement juridique à l’habitat réversible, qui a le statut de « résidence démontable constituant l’habitat permanent de leurs

utilisateurs ». Ces habitations peuvent être établies dans des STECAL (Secteur de taille et de capacité d’accueil limitée), qui sont des lieux délimités par les préfectures dans des zones non constructibles (agricoles, boisées…). Bien sûr, elles peuvent aussi être installées dans des zones constructibles. Techniquement et légalement, il est donc possible de construire un habitat alternatif.

Dans les faits, c’est souvent plus complexe. Les préfectures sont frileuses face à ce type de projet, et il est parfois difcile de faire entendre sa voix et d’obtenir des autorisations. Cela peut constituer un véritable parcours du combattant qui implique un discours didactique et de nombreuses rencontres avec les acteurs locaux pour montrer patte blanche. Il est difcile de se battre pour le droit à un habitat écologique respectueux et solidaire lorsque l’urgence est évidente pour nous, mais qu’il est reçu comme une fantaisie suspicieuse. Le soutien des institutions locales est précieux et nécessaire. Des associations peuvent aider à mener ces démarches, ofrir un conseil, un accompagnement et une légitimation. C’est le cas par exemple des Hameaux légers, de Désobéissance fertile, de la Fédération de l’habitat réversible ou encore de Libres toits, et peut-être d’autres dont nous n’avons pas encore connaissance.

Heureusement, les rencontres sont aussi parfois le fruit d’une collaboration harmonieuse. Nous avons eu la chance d’être accueilli·e·s chaleureusement par notre commune charentaise, et notre voisinage était plus curieux que

réticent à l’installation d’une yourte à proximité. Aller à la rencontre des autres permet de sortir de l’inconnu et du jugement qui peut parfois survenir. Entre la yourte et notre style atypique dans ce village rural, il nous semblait important d’échanger avec les locaux proches pour parler de nos intentions respectueuses sur le lieu que nous investissions. Mais au final, nous n’avons perçu aucun jugement ni aucune méfiance : la commune nous a fait confiance, et nous en avons ressenti une grande gratitude. C’était un poids en moins, une crainte qui n’avait plus lieu d’être.

La conception de la yourte

Le premier choix technique pour la construction résidait en l’autoconstruction totale ou partielle. Plusieurs constructeur·rice·s de yourte exercent en France, proposant divers services : achat de la yourte livrée et montée, livraison en kit à monter, aide à l’assemblage, construction accompagnée en atelier, achats de pièces… L’envie de construire nous-mêmes notre maison a pris le pas. Comme nous avions déjà aménagé plusieurs fois notre maison sur roues, cela nous semblait être la suite logique. L’apprentissage de la construction d’un habitat nous faisait envie également : c’est un savoir qu’il nous semble important d’acquérir et qui nous sert aujourd’hui sur d’autres projets de construction. C’est aussi une assurance en nous-mêmes. Quoi qu’il arrive, nous sommes capables de reconstruire, de nous abriter et de transmettre cette connaissance à d’autres. Et puis l’autoconstruction permet le choix des matériaux et des éléments de construction, de favoriser la seconde main pour une revalorisation si on le souhaite, d’adapter et d’échelonner son budget selon ses possibi-

lités. Autoconstruire notre yourte en 2021 divisait le budget par deux par rapport à un achat en kit.

Pour nous, la difculté première de l’autoconstruction résidait en l’apprentissage autodidacte. Il a fallu faire des recherches sur diférents médias pour regrouper les informations, comprendre et refaire les calculs nécessaires pour les adapter à nos projets –on ne plaisante pas avec l’équilibre des forces lorsqu’on construit des murs et une charpente, même pour un habitat léger. Porter ce projet sans être dans le milieu de la construction, et bien qu’il soit grisant, peut parfois être vertigineux et stressant. Il est important d’y être préparé·e et de l’accepter comme faisant partie intégralement du processus. Dans des moments de doute et de difculté, s’entourer peut être une vraie bouée de sauvetage, que ce soit par vos proches ou en créant des communautés d’entraide associative ou virtuelle via les réseaux. Si ce projet vous intéresse, vous avez également la possibilité d’assister à des chantiers participatifs qui, tout en créant du lien, permettent d’apprendre la construction de votre future habitation.

Le budget

Nous entrons dans un domaine qui peut sembler secondaire, mais c’est un premier pas vers vos choix, car il permet de faire un inventaire de vos besoins puis d’établir les diférentes étapes de construction. Soit vous avez déjà un budget, et vos choix seront faits en conséquence, soit vous calculez les diférentes possibilités et vous arbitrez entre ce qui est le plus judicieux pour votre projet. Notre budget, que nous avions estimé à 9 000 €, a été calculé à partir de notre envie d’utiliser des bois bruts à déligner nous-mêmes, c’est-à-dire que nous sommes parti∙e∙s de panneaux de bois entiers pour concevoir nos perches, nos murs et notre plancher. Nous avons fait ce choix en cohérence avec les possibilités qui s’ofraient à nous à ce moment-là : l’atelier partagé était déjà très bien outillé de machines de qualité capables d’aller au bout du projet de construction de la yourte. L’achat des outils et machines de bricolage représente en efet un coût important, il est nécessaire d’en tenir compte lors du calcul du budget global. En Savoie, il y a aussi des scieries locales qui nous permettaient de nous fournir en pin Douglas, choisi pour sa légèreté et son imputrescibilité. Les ressources de seconde main y sont également importantes. La localité de construction a donc eu un impact sur nos choix et le coût de leur réalisation.

Pour budgétiser au mieux ce projet, nous l’avons divisé en quatre postes principaux :

• l’ossature ;

• la partie au sol ;

• l’habillage de la yourte ;

• les modules intérieurs.

Cette catégorisation est subjective, gardez en tête qu’elle dépend de la façon de concevoir la yourte, qu’il y a toujours des éléments en plus ou en moins selon les matériaux et techniques choisis. Les prix afchés datent de nos devis demandés en 2022.

L’ossature bois de la yourte se compose :

• de la charpente, c’est-à-dire l’ensemble des perches ainsi que la pièce ronde qui les unit, appelée « toono » ;

• des murs dépliants, aussi appelés

« khanas » ;

• des menuiseries.

Ossature Matériel

Charpente 51 perches et 1 toono

Murs dépliants

Assemblage des murs

115 lattes (5 x 23) de diférentes dimensions

Précisions Coût

Pin Douglas pour l’ossature : 0,694 m3

559,51 €

Menuiseries double vitrage

Quincaillerie en Inox (pour éviter la rouille qui marquerait la toile)

Pin Douglas pour les plots : 0,445 m ²

Vis hexagonales : 460 Écrous hexagonaux A480 : 460

Vis à bois tête fraisée six lobes, « torx » entièrement filetées : 100, partiellement filetées : 20

1 porte d’entrée vitrée

2 portes-fenêtres fixes

1 fenêtre à deux vantaux

1 fenêtre oscillobattante pour la salle de bains

1 fenêtre fixe

Serrure pour la porte d’entrée

Achetées d’occasion en ressourcerie

229,30 €

Total ossature 1

Nous avons choisi de penser notre yourte avec l’empreinte la plus faible possible sur son environnement, et ne voulions pas la faire reposer sur une chape de béton ; les fondations sont réalisées avec des pneus de voiture, matériau facilement recyclable

et performant. Le terrain d’installation de la yourte a eu une incidence sur cette décision : la terre étant argileuse, elle se tasse facilement et permet de réaliser efcacement ce type de fondations.

Socle Matériel

Fondations et structure socle 18 pneus en bon état

9 amarres

4 équerres

8 lambourdes

8 renforts

Plancher Solivage et parquet

Précisions

Récupérés dans un garage automobile 0,00 €

Revalorisation des lambourdes trouvées dans la grange de notre terrain 0,00 €

Anciens piquets de clôture en acacia revalorisés 0,00 €

Pin Douglas :

• 4 madriers : 75 mm × 225 mm × 4 m

• 18 madriers : 63 mm × 175 mm × 4 m

• Planches : 25 mm × 175 mm × 4 m 1 176,23 € Sous-plancher 10 plaques OSB (28 m ²)

12 paquets d’isolant

Gaines eau et électricité

Ouate de cellulose soufée

• Tube PER en 25 (eau) •Câble 3G075 carré

Visseries Clous

L’habillage de la yourte est composé :

• d’une toile intérieure en coton ;

• d’une couche d’isolant et d’une toile extérieure ;

• de cordage ;

• d’une toile avec une partie transparente en PVC cristal.

La toile intérieure a été chinée et façonnée par nos soins, mais nous avons préféré faire appel à Yourteco pour l’achat de notre toile extérieure afin de nous assurer de son étanchéité et de sa finition esthétique. Nous leur avons donné toutes nos dimensions de construction et ils nous ont fourni le nécessaire.

Habillage Matériel

Toile intérieure Draps en coton blanc épais

Précisions

• 9 draps pour les murs : 18 × 2,65 m 47,77 m ²

• Toit : 8 × 8 m de tissu, soit 64 m ²

en ressourcerie

extérieure

acrylique Yourte de 6,50 m de diamètre

€ Isolation du toit et des murs Rouleaux de ouate de polyester

Toile cristal pour le toono

Les modules intérieurs de la yourte sont la mezzanine et le poêle à bois. Le cœur du projet étant de favoriser autant que possible la revalorisation du déjà existant, nous avons utilisé du bois tombé sur notre ter-

Modules intérieurs

Mezzanine

Matériel

Bastaings en pin traité pour solivage, 10 unités : 50 mm × 50 mm × 3 m

4 poteaux : 2 m × 16 cm de diamètre

Plancher de 10 m ²

Module poêle à bois Tuyaux d’évacuation : 4 m + chapeau

Béton cellulaire : 1 carreau de 45 x 60 cm

Plaque de plâtre résistante au feu Placoflam®

Carrelage : 1 m2

Poêle à bois Supra Colmar, 2, 5 kW

rain, du robinier, ainsi qu’un plancher en châtaignier local récupéré sur un chantier d’entraide. Le poêle à bois est également issu de la seconde main.

Quels que soient vos choix de réalisation, il faudra ajouter au budget les consommables, les traitements pour le bois (par-

Précisions

Troncs de robiniers tombés dans notre bois 0,00 €

Plancher revalorisé récupéré chez un particulier, sur un chantier d’entraide 0,00 €

Achetés d’occasion auprès d’un particulier

Récupéré auprès d’un particulier 0,00 €

Acheté d’occasion auprès d’un particulier

quet, menuiserie…), la visserie, la consommation électrique, la location de matériel, etc.

L’aménagement intérieur

Pour l’aménagement intérieur, il nous a semblé difcile de chifrer précisément sachant que nous n’étions pas encore arrivé·e·s en Charente, que nous n’avions donc pas accès aux lieux d’achats de seconde main, de troc et d’échanges divers, et que cela dépendrait également de nos besoins une fois sur place. Nous avions prévu une enveloppe de 1 000 €, ce qui semble aujourd’hui correct. Ce budget a pu être respecté parce que nous avons construit la quasi-totalité nous-mêmes à partir de bois brut et de matériaux, objets d’occasion.

Le montant de l’aménagement intérieur, à l’image de la yourte, fluctue selon vos envies : par exemple, nous y avons vécu un an sans frigo. Nous n’en avions pas dans notre camion, cela ne semblait donc pas une priorité, mais nous avons finalement opté pour ce confort. Souhaitez-vous des équipements tels qu’un lave-vaisselle, une machine à laver, une gazinière, un chaufeeau… ? Ce sont des questions importantes et intéressantes à se poser. Nous vivons entouré·e·s de ces objets et y sommes habitué·e·s, mais ils peuvent parfois être substitués à des outils low-tech comme le four solaire, le « frigo du désert », la filtreuse d’eau à gravité, la machine à laver à pédale et bien d’autres. Tout dépend de l’envie et de la vie de chacun·e. On peut parfois être tenté·e de se séparer de ce confort qui peut sembler superflu lorsqu’on est en quête d’une vie plus simple.

Cependant, il est important de garder en tête que cela engendre une organisation et un emploi de son temps dédié à des tâches précises, répétitives et qui, s’accumulant, peuvent être épuisantes et annihilantes. L’organisation du travail domestique incombant quasi systématiquement aux femmes, peser ces choix est essentiel pour ne pas se rendre esclave d’un système pensé avant tout pour se libérer. La mise en commun des machines permet aussi de réduire le coût et l’impact écologique : pour la machine à laver, il est possible de se rendre dans une laverie ou bien de dialoguer avec ses voisin·e·s pour voir si un échange de services est possible – c’est ce que nous avons fait. Nous sommes outillé·e·s notamment pour les travaux extérieurs, nous pouvons donc mettre à disposition tondeuse, débroussailleuse, tronçonneuse… Bien équilibrée et ponctuée de choix éclairés, la vie « alternative » ofre un confort de vie laissant place à l’observation, la créativité, la curiosité et l’ingéniosité.

L’ACHAT DU TERRAIN

Le projet a pris racine lorsque nous avons trouvé un terrain sur lequel installer la yourte ainsi que toutes les idées et envies que nous portions en nous. Nous sommes tombé·e·s dessus un peu par hasard, nous l’avons choisi au coup de cœur. Depuis plusieurs années, nous avions très envie d’acheter un lopin de terre, sans jamais franchir le pas, car cela nous semblait vertigineux. Nous nous sommes retenu·e·s jusqu’à ce que nous décidions, presque sur un coup de tête, de prendre notre Twingo® sommairement aménagée et de partir visiter plusieurs lieux potentiels repérés sur des annonces en ligne.

Comment choisir le lieu ?

Mais avant cette étape, il a fallu chercher où s’installer, se demander quel type de lieu choisir, selon quels critères. La localisation, d’abord. Nous recherchions un endroit peu peuplé mais boisé, avec de l’eau, des prairies. Pour cela, le site Géoportail 1 est intéressant : grâce à des images aériennes, on peut voir assez facilement la densité d’habitations et le relief du territoire. Nous avons également croisé des cartes de pollution des sols et de l’eau, les indices de pluviométrie et des températures dans des graphiques ombrothermiques des régions et départements. Ainsi, nous avons trouvé le territoire qui nous convenait dans la fameuse « diagonale du

1. Sur le site Internet geoportail.gouv.fr, le projet est présenté comme « le portail national de la connaissance du territoire mis en œuvre par l’IGN » (Institut national de l’information géographique et forestière).

vide », entre le Limousin et le Poitou-Charentes. Oui, je pèse mes mots, car bien que ces régions administratives n’existent plus, elles sont encore bien vivantes pour les habitant·e·s de la région qui les regroupe aujourd’hui, la Nouvelle-Aquitaine.

De la terre, du bâti et de l’eau

Parmi nos critères, nous souhaitions également au moins 1 hectare de terre, du bâti et une source ou un puits. Comme expliqué p. 8, la yourte ne nécessite pas nécessairement une installation sur un terrain constructible, elle peut se faire sur STECAL, en zone agricole par exemple. Malgré cela, à nos yeux, le bâti, s’il peut recevoir un certificat d’urbanisme, a l’avantage de pouvoir faciliter l’installation du projet en lui-même : un habitat réversible peut être plus facilement accepté s’il est installé en amont d’un projet de rénovation. Pour nous, il était cohérent d’agir en ce sens parce que nous portions également un projet de rénovation de bâti en écoconstruction pour une prochaine étape.

Se renseigner en mairie

Si vous cherchez un terrain, vous pouvez donc regarder sur Géoportail, repérer les parcelles qui vous intéressent, puis demander un relevé de propriété en mairie afin de pouvoir contacter les propriétaires et échanger avec : leur bien pourrait être à vendre. Vous pouvez également vous adresser directement en mairie. Dans les campagnes rurales, la mairie est vecteur de lien et bien souvent tout le monde se connaît. Si un terrain est à vendre, la mai-

rie sera très probablement au courant. C’est également une bonne façon de faire connaissance et de prendre la température sur votre projet. Attention, la mairie n’a pas le pouvoir légal d’autoriser ou de refuser l’installation d’un habitat réversible, mais dans les faits son influence est considérable. Pour nous, la bonne entente avec la mairie a réellement facilité la bonne évolution de notre projet et nous a permis de tisser un lien de confiance hors des stéréotypes qui pourraient exister des deux côtés.

Un coup de cœur

L’achat de notre terrain en Charente relève un peu du coup de chance. Nous n’avions pas beaucoup de temps pour faire les visites, il y avait plusieurs heures de route entre chaque et honnêtement, par fatigue, nous avons failli annuler le jour même. L’annonce sur Internet ne payait pas de mine : l’unique photo n’était pas très avantageuse et la superficie était petite, mais il y avait malgré tout un puits et une grange, et le prix était bas. La curiosité l’a emporté – le fameux « on ne sait jamais ».

Une fois sur place, tout a été agréablement surprenant : nous avons été accueilli·e·s par la propriétaire qui a rythmé la visite par l’historique du lieu, une deuxième grange qui n’était pas sur l’annonce faisait partie de la vente, et il n’y avait pas un mais deux puits tous deux en eau. Il faisait très chaud cet été-là, mais nous avons été ravi·e·s par la fraîcheur d’un jardin arboré de diférentes essences et quelques fruitiers. Bien que plus petit que ce que nous cherchions (environ 4 000 m ²), ce terrain, avec son environnement très calme et sa vue donnant sur des prairies et des bois, laissait imaginer que nous serions bien ici,

même si nous n’avions pas un hectare entier. Par la suite, nous avons d’ailleurs pu acheter deux hectares attenants – nous n’avions pas cette possibilité en tête lors de l’achat, c’est le compromis que nous avons fait par rapport à nos critères d’origine. En terminant la visite de ce petit lieu-dit très calme, nous avons été interpelé·e·s par une voisine qui venait tout juste d’acheter la maison mitoyenne de notre future grange avec un projet associatif de spectacle vivant et résidence d’artistes. Nous sommes reparti·e·s un peu chamboulé·e·s parce que nous pensions avoir déjà fait notre choix lors d’une précédente visite, mais cet endroit s’est imposé de lui-même. Le lendemain, nous avons pris notre décision après avoir pesé le pour et le contre.

Une fois que nous avons le lieu, la construction de la yourte prend forme visuellement dans notre esprit, et cela change toute la dynamique.

Quelle quantité d’eau récupérer d’une toiture ?

Pour connaître la quantité d’eau qu’une toiture peut procurer chaque année, on applique le calcul suivant : pluviométrie du département × la surface de toiture. On applique au résultat un pourcentage de perte qui est adaptable selon le type de toiture, mais la moyenne est de 0,75 %.

Voici le calcul pour les toitures de nos granges :

1 147 litres/m2 par an × 350 m2 = 401 450

(401 450 × 0,75)/100 = 3 010,875, arrondi à 3 011 litres évaporés que l’on soustrait au premier résultat : 401 450 - 3 011 = 398 439 litres potentiellement récupérables, soit presque 400 m 3 par an. L’intérêt est d’importance, d’autant plus si vous optez pour une installation sans connexion au réseau d’eau. Cette eau de pluie permet aussi d’irriguer un potager, de répondre à des besoins hydriques pour un projet agricole, etc.

Ancien et en pierre, il est également un refuge agréable pour nos animaux et nous en cas de canicule. Enfin, il permet de récupérer de l’eau de pluie grâce à la surface

Un projet peut donc voir le jour sur un terrain avec du bâti, même s’il n’y a pas de source ou de puits. Tout est ensuite question de gestion et de stockage de l’eau. La nôtre est répartie entre des cuves de récupération et des piscines hors-sol. Les cuves enterrées sont des options très intéressantes bien qu’onéreuses, tandis que les piscines sont peu coûteuses par rapport à la quantité d’eau qu’elles peuvent contenir. Pour ces dernières, il faut penser à installer une moustiquaire maintenue sur le pourtour par des élastiques pour empêcher l’invasion estivale, ainsi qu’une bâche opaque pour éviter le développement des algues. Un bardage autour de la piscine peut être utile pour la renforcer et éviter qu’elle ne soit percée. La toiture de la yourte peut également servir à la récupération d’eau de pluie avec une cuve de récupération.

Un terrain pour plus de biodiversité

La surface de terre permet de nombreuses projections. Dans notre cas, nous avons un projet agricole, la terre est donc nécessaire. Cependant, pour cette activité, 1 000 m ² sent, le reste de la surface nous permet de créer un potager et des lieux de érentes mares, installer nos animaux, préserver des zones sauvages, créer des haies d’essences locales… La haie est importante à la biodiversité et

essentielle dans un projet résilient. Grâce à elle, une multitude d’insectes et d’animaux prédateurs de ravageurs peuvent s’installer au potager, au verger… Elle est également intéressante en tant que rempart contre les vents forts, très présents en Charente : elle protège les cultures mais aussi l’habitat léger qui, comme l’indique son nom, peut être vulnérable aux fortes bourrasques.

Être propriétaire d’une terre, c’est pouvoir la protéger et en faire un lieu de biodiversité. En France, 75 % du couvert forestier est privé, ainsi qu’un million de jardins représentant 1,2 million d’hectares (58 % de Français·es sont propriétaires d’un jardin). Nous avons donc un potentiel et une responsabilité énorme envers la biodiversité. À notre échelle, nous pouvons avoir un impact réel sur notre environnement. À une époque où nous connaissons le dérèglement climatique, planter des arbres et sauvegarder des terrains boisés est capital. Les arbres préviennent l’érosion en retenant les pluies et en permettant à l’eau de s’infiltrer dans les sols. Ainsi, ils contri-

COMMENT LES ARBRES

FONT-ILS LA PLUIE ?

L’eau absorbée par leurs racines profondes remonte jusqu’aux feuilles composées de stomates, qui sont de minuscules ouvertures par lesquelles l’eau puisée s’échappe sous forme de vapeur. Cette vapeur accumulée dans l’air se condense dans les nuages, d’où elle retombera sous forme de pluie.

buent à éviter les inondations, qui peuvent s’avérer dramatiques comme on le voit chaque année dans diférentes régions, et conservent la fertilité des sols, lessivés par de telles catastrophes. Enfin, la végétation a une grande influence sur son territoire en augmentant les précipitations : en d’autres mots, plus il y a d’arbres, plus il pleut ; plus nous défrichons et industrialisons les sols, plus l’eau se fait rare.

Bien sûr, l’arbre est aussi une ressource intéressante : le bois permet de construire, de se chaufer, de produire de la nourriture, du fourrage… Des alternatives à la coupe rase peuvent être intéressantes et favoriser une biodiversité propre, telles que la coupe en trogne ou la gestion en taillis, autant de possibilités que présentent la haie et les parcelles boisées, quelle que soit leur forme. Il s’agit de se poser les questions et d’arbitrer.

Ces éléments sont intimement liés et nous ont semblé nécessaires à notre projet de vie en yourte, ils font partie intégrante de notre environnement. La yourte crée un lien fort entre l’intérieur de l’habitat et l’extérieur, on se rend compte de l’influence et de l’importance de la nature sur notre vie : on entend la pluie et le vent, les renards et les grenouilles, on ressent la chaleur agréable en hiver et envahissante en été, le froid et la force des tempêtes… Notre envie de yourte passait par cette envie d’osmose avec le lieu qui nous abrite, cette ambiance de cocon protecteur en conscience de la vie animée qui nous entoure.

DE L’IDÉE AU PLAN

Avant de démarrer la construction de notre yourte, nous avons passé un bon mois à calculer et dessiner les plans. Nos supports principaux ont été le livre Construire en rond 2 et Le Manuel pour autoconstruire sa yourte mis librement à disposition par l’association Naturel Home ainsi que leurs vidéos pour appréhender le montage et mieux comprendre la fonction de chaque pièce. À partir de cette précieuse base en pas à pas, nous avons refait des calculs basés sur notre projet de yourte.

La première question à se poser pour dessiner un plan est la dimension de la construction. Notre yourte a un diamètre de 6 m,

1 Module poêle à bois

2 Toono

3 Module fenêtre

4 Toile intérieure coton

5 Toile extérieure

6 Isolant (ouate polyester)

7 Khanas (murs en treillis)

8 Parquet

9 Solives

2. Construire en rond, Yourtes, dômes, zomes, ker-terre, Évelyne Adam, Olivier Dauch, Jean Soum, 2010, éditions Eyrolles.

soit 28 m2 au sol, des murs de 2,25 m de haut, une hauteur totale de 3,65 m au niveau du toono, ainsi qu’une mezzanine de 10 m2 et 2 m de haut. C’est un espace sufsamment spacieux pour vivre à deux, en comparatif, notre ancien appartement lyonnais faisait 40 m2. L’aspect arrondi a tendance à réduire un peu l’espace de vie par rapport à un lieu de vie classique aux murs droits. La hauteur de plafond jusqu’au toono en revanche donne une dimension plus spacieuse, notamment grâce à son ouverture sur l’extérieur. L’espace mezzanine, au-dessus (chambre) et en dessous (salle de bain) est bas de plafond, il faut davantage s’adapter aux lieux.

Pneus (fondations)

Lambourde structure socle Isolant (ouate de cellulose)

du

LE CHOIX DES MATÉRIAUX

ET LA PLANIFICATION

L’autoconstruction ofre l’avantage d’une liberté totale dans le choix des matériaux, neufs ou chinés, pour s’adapter au mieux à nos envies, nos goûts et notre budget. La réflexion portée sur l’habitat léger va de pair avec l’envie de créer un habitat le moins polluant possible, de prioriser les matériaux déjà existants et,

Le choix des matériaux

lorsqu’ils sont neufs, de chercher des entreprises responsables favorisant elles-mêmes une dynamique écologique. La construction de la yourte a été pensée et réalisée avec la volonté de privilégier le bois brut à transformer nous-mêmes et la seconde main pour ce que nous ne pouvions ou ne voulions pas fabriquer.

Achat neuf Achat d’occasion

Amarres

Béton cellulaire

Câble tendeur

Cordages

Équerres

Gaines de câbles

Isolants

Placoflam®

Quincaillerie

Serrure

Solives (en partie)

Sous-plancher

Tendeur manuel

Toile cristal

Toile extérieure

Câbles électriques

Chapeau pour poêle à bois

Poêle à bois

Portes et fenêtres

Raccords pour le poêle à bois

Tuyaux d’eau

Tuyaux d’évacuation pour le poêle à bois

Bois brut acheté en scierie à transformer

Araignée

Lattes pour les murs

Parquet

Perches pour la charpente

Plancher

Toono

Revalorisation de matériaux

Carrelage

Draps en coton pour la toile intérieure

Parquet en bois de châtaignier pour la mezzanine

Piquets de clôture en acacia (mezzanine)

Pneus des fondations

Poteaux de la mezzanine (troncs de robiniers tombés au sol sur notre terrain)

Solives (en partie)

Tuiles cassées (placées au fond des pneus)

Tiny houses, kerterres, yourtes… de plus en plus de personnes se tournent vers un habitat alternatif à taille humaine, écologique et résilient.

Il y a quelques années, Chloé et Adrien ont troqué leur appartement lyonnais pour un projet d’habitat réversible. Facilement démontable, ronde et chaleureuse, la yourte les a séduits par cette capacité à disparaître et à laisser la nature telle qu’elle était auparavant. Ils se sont donc lancés dans l’autoconstruction de leur yourte contemporaine.

Ils ont dessiné leurs plans sur mesure et se sont formés au travail du bois dans un atelier partagé en Savoie. Ils ont revalorisé de vieux draps pour la toile intérieure, utilisé du bois local pour les perches et les murs en treillis. La yourte a ensuite fait le voyage jusqu’en Charente en pièces détachées, sur leur futur lieu de vie.

Dans cet ouvrage, ils donnent des conseils pour choisir les matériaux, expliquent les techniques à mettre en œuvre, comment meubler un habitat rond et protéger la yourte des vents dominants… Ils nous font part aussi de leur joie à vivre au rythme des saisons, en pleine nature, séparés de la vie sauvage par une fine toile. Retrouvez-les sur Instagram @grainesnomades.

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