HARKIS FIDÉLITÉ
ET ABANDON

Le Vent de L’Histoire
PHILIPPE GLOGOWSKI
PATRICK DE GMELINE


Le Vent de L’Histoire
Préface de Jeannette Bougrab
Ancien ministre et fille de harki
Postface du général François Meyer
Le Vent de L’Histoire
Philippe Glogowski et Patrick de Gmeline, dans cette bande dessinée, ont eu le courage de mettre des mots et des images sur l’histoire des harkis qui ont servi la République avec fidélité et honneur, l’histoire de ces soldats abandonnés, trahis par la France qui les livra à un massacre certain.
Cette bande dessinée historique retrace avec rigueur et justesse la vie de ces hommes qu’on tente d’effacer de l’histoire officielle, sans doute par honte d’ailleurs.
La guerre d’Algérie a pris officiellement fin le 18 mars 1962 avec la signature des accords d’Évian et le cessez-le-feu décrété le lendemain. Mais pas pour tout le monde car les massacres se sont poursuivis, comme ce 5 juillet où des dizaines de personnes ont été, après une chasse à l’homme soigneusement organisée dans les ruelles d’Oran, exécutées dans des conditions les plus atroces. Mais les sommets dans l’horreur ont été atteints avec les supplétifs de l’armée française : les harkis. Henri Christian Giraud, spécialiste, a retracé dans la Chronologie d’une tragédie gaullienne, la succession de ces sombres événements.
Ce n’était d’ailleurs un secret pour personne. Le gouvernement le savait. Dans un rapport préfectoral adressé à Alexandre Parodi, vice-président du Conseil d’État, en 1962, le sous-préfet Jean-Marie Robert détaillait précisément les exactions : « nez, oreilles et lèvres coupés, hommes émasculés, enterrés vivants dans la chaux ou dans le ciment, ou brûlés vifs à l’essence... »
Néanmoins la France décida de ne rien faire. Pire, elle devint la complice de ces massacres. Le 3 avril 1962, comme le rapporta Alain Peyrefitte dans ses mémoires, De Gaulle déclarait lors d’une réunion du comité des affaires algériennes qu’« il fallait se débarrasser sans délai de ces magmas d’auxiliaires qui n’ont jamais servi à rien » et donna l’ordre de les désarmer.
Mes parents, Lackdar et Zohra Bougrab, réussirent toutefois à fuir. Ils furent sauvés par des soldats français qui désobéirent aux instructions gouvernementales, au prix parfois de leur carrière : je pense notamment au commandant Hélie Denoix de Saint Marc* qui a refusé d’abandonner ses frères d’armes. Ma mère s’est éteinte en juin 2015. Elle n’a jamais revu la terre où elle était née.
Beaucoup l’ignorent mais 56 années après la fin de la guerre d’Algérie, les harkis n’ont pas le droit d’y retourner. Si les adversaires d’hier qui ont parfois du sang sur les mains sont accueillis avec générosité en France, les harkis demeurent des bannis.
*Cf. Les Champs de braises aux éditions Les Arènes.
La mort s’approchant de mon père, il ne reverra pas les champs d’orangers de sa Mitidja natale. Il demeurera ainsi un exilé jusqu’à son dernier souffle, comme si cette guerre ne s’était jamais achevée.
Pour les harkis, en 1962, à l’horreur des massacres en Algérie se sont succédées l’humiliation et l’infamie en France. Les harkis étaient en quelque sorte des collabos à l’envers qui pouvaient devenir le bras armé de l’OAS. Les rescapés des féroces et atroces représailles du FLN ont donc été parqués dans des camps d’internement avec des barbelés comme à Rivesaltes près de Perpignan ou Saint-Maurice-l’Ardoise, entre 1962 et 1975. L’administration séparait les familles, les faisait vivre dans l’insalubrité sans eau courante. Pire, l’usage des douches à l’extérieur était payant et limité à une fois par semaine.
Les enfants étaient peu scolarisés. Les rares écoles qui existaient étaient à l’intérieur des camps.
Les harkis et leurs familles vivaient en autarcie. Le règlement des camps imposait aux habitants la levée des couleurs et un couvre-feu à 18 heures. L’administration contrôlait le courrier. Si les familles percevaient des allocations, elles ne les touchaient pas, car elles étaient affectées directement au fonctionnement des camps. Elles n’avaient pas le choix du prénom de leurs enfants. On leur imposait des prénoms français pour mieux les intégrer. Dans ces conditions, les êtres brisés étaient la règle. Certains étaient même internés de force dans des structures psychiatriques. Les générations suivantes conservent cette mémoire traumatique.
Aujourd’hui, en Algérie, la situation politique est illisible, le président de la République est invisible, les droits de l’Homme et les principes démocratiques sont bafoués et c’est aussi un des pays les plus corrompus au monde. Pourtant, dans un souci de clientélisme éhonté, tous les présidents de la République de droite comme de gauche et leurs gouvernements n’éprouvent aucune compassion pour nos pères et nos mères, et nous achèvent sur l’autel de la realpolitik.
Si, comme l’a écrit très fortement Albert Camus, la guerre est la fin de la solitude pour la plupart des hommes, alors, pour les harkis, elle est et demeure la solitude définitive.
Jeannette Bougrab Docteur en droit, ancien ministre et ancienne présidente de la HALDE
À Hélène, À Mekkaoui.
D.C.
Remerciements à Jeannette Bougrab et au général Meyer pour leur précieuse collaboration.
l’Éditeur
Mise en couleurs ateliers Vittorio Leonardo
© 2024 Éditions du Triomphe
57, rue Gaston Tessier 75019 Paris - Tél. 01 40 54 06 91 contact@editionsdutriomphe.fr - www.editionsdutriomphe.fr
Premier dépôt légal juin 2018 - Déposé au Ministère de la Justice Loi 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.
Recrutés massivement dès 1955 pour combattre le FLN en Algérie, les supplétifs musulmans héritent d’une longue tradition de service dans l’armée française.
Connaissant parfaitement le terrain et les hommes, les harkis se révèlent indispensables face à la guérilla qui sévit alors.
Mais à la fin de la guerre, l’ombre plane sur leur avenir.
Après les accords d’Évian, les harkis, abandonnés par le gouvernement français, sont considérés comme traîtres par les nouveaux dirigeants – les anciens rebelles qu’ils ont combattus. Les exécutions commencent, sous les yeux des militaires français qui n’interviennent pas... et le gouvernement français s’oppose à toute initiative personnelle des officiers qui tentent de rapatrier leurs soldats en France. Leur calvaire demeurera longtemps gravé dans les mémoires.
Cette BD contribue à honorer ces soldats abandonnés par la France après l’indépendance de l’Algérie.
Préface de Jeannette Bougrab
Ancien ministre et fille de harki
Postface du général François Meyer