Chapitre 1
Une rentrée
pleine d’émotions
— Bon, eh bien, ma chérie, on te laisse. L’émotion fait vibrer la voix de la mère d’Ambre.
— Bonne rentrée, ajoute son père en l’étreignant avec tendresse. Nous sommes si heureux que tu intègres le Ranch Vanille. Et si fiers aussi !
— Donne-nous des nouvelles ! rappelle sa mère, pour la dixième fois au moins, en entrant dans la voiture.
Au bruit de la portière qui claque, le sourire d’Ambre se transforme en une petite grimace. Elle sent une boule dans sa gorge. Une boule qui a grossi ces dernières heures, au fur et à mesure qu’elle
déballait ses affaires avec ses parents dans sa nouvelle chambre du pensionnat. C’est la première fois qu’elle les quitte pour si longtemps – jusqu’aux prochaines vacances, cet automne. Comme ils vont lui manquer !
Et pourtant… elle a tant attendu ce jour ! Pendant des mois, elle n’a eu qu’un rêve : être acceptée au Ranch Vanille, cette école équestre qui est à la fois un collège et un centre d’équitation. Et depuis que Mme Violette, la directrice, a appelé ses parents cet été pour leur annoncer qu’elle était prise, elle n’a pensé qu’à cette rentrée. Elle avait même scotché, à côté de son lit, un calendrier où elle barrait tous les soirs les cases qui la séparaient du grand jour. Sans compter les heures passées à contempler des photos du Ranch, cette belle bâtisse qu’elle a maintenant danssondos,avecsonporchepittoresquesurplombé d’un vaste balcon en bois.
Ambre sent toutes ses émotions l’assaillir pour de bon. L’excitation de la rentrée, le cafard de voir partir ses parents, l’appréhension dans cet environnement nouveau : drôle de mélange !
Comme tu es belle !
On ne t’a jamais vue. Comment t’appelles -tu ?
c’est Clémentine.
et vous ?
Tiens, tu as adopté Vanille !
Ambre,
Moi,
Et moi, Arthur !
— Ça tombe bien, je te cherchais, dit Clémentine à Ambre. On partage la même chambre cette année.
Je rentre en cinquième. Et toi en sixième, comme Arthur, c’est bien ça ?
Ambre hoche la tête. Tout à l’heure, en déballant ses bagages avec ses parents dans sa nouvelle chambre, elle a parcouru d’un œil un peu intimidé les affaires de sa voisine. Elle s’est demandé à quoi pouvait bien ressembler la propriétaire de cet invraisemblable bric-à-brac : objets pêle-mêle sur les étagères, monceaux d’habits en vrac dans l’armoire grande ouverte, provisions de biscuits en tous genres amoncelées sur le lit. Clémentine est bien à l’image de cette pagaille, avec sa bonne humeur, ses cheveux en pétard et ses lunettes un peu de guingois. Et surtout, sa gaieté débordante et son sourire généreux.
— Prépare-toi à cohabiter avec une tornade, dit Arthur en riant. Mon oncle, qui l’a eue l’année dernière en histoire-géo…
— Mon prof préféré ! l’interrompt Clémentine.
Je l’adore !
— … dit, justement, qu’avec elle il avait du mal à en placer une en cours. Et d’après les filles, c’est la reine du bazar à l’internat. Il paraît qu’on peut à peine poser un pied par terre dans sa chambre avec tout son tohu-bohu. Surtout les jours où elle reçoit des colis ! Elle se fait envoyer des tonnes de petits gâteaux par sa famille. Ce n’est plus une chambre, c’est un vrai garde-manger.
— S’il fallait se contenter de la cantine, je serais morte de faim depuis longtemps, réplique son amie d’un air faussement indigné. Et puis tu en profites bien, de mon garde-manger !
Joignant le geste à la parole, elle farfouille dans son sac et en sort un paquet de brownies qu’elle tend à la ronde.
— Sans oublier un sucre pour toi, Vanille !
D’un coup de sa langue râpeuse, la jument fait disparaître le morceau de sucre de la paume de Clémentine. Puis elle pousse un petit hennissement en guise de remerciement.
Ambre, fascinée, regarde la jument. Elle a beau connaître des chevaux formidables, elle qui pratique
l’équitation depuis sa plus tendre enfance, elle n’a jamais vu de monture pareille. Vanille a fière allure, avec sa superbe robe dorée aux crins d’argent, dans lesquels sont accrochées quelques fleurs. Sa tête fine et élégante est ornée d’un losange blanc. Perdue dans sa contemplation, Ambre murmure comme pour elle-même :
— Alors c’est elle, Vanille… celle à qui le Ranch doit son nom…
— Non, là tu te trompes, dit Arthur. Ce n’est pas d’après cette Vanille-là que notre Ranch a été nommé. Mais d’après une autre jument: le tout premier cheval à avoir habité ici! Mme Violette l’avait recueillie au moment où elle a fondé le pensionnat.
— Il paraît que c’était une jument magnifique, ajoute Clémentine. Une palomino d’une beauté exceptionnelle. Elle est morte peu de temps après, ce qui a beaucoup chagriné Mme Violette. Mais entre-temps, elle avait eu une jolie pouliche, qui a hérité non seulement de sa beauté mais aussi de son nom… Notre Vanille à nous !
Vite, ça sonne ! Il faut y aller.
Mme Violette n’aime pas les retards.
À bientôt, belle Vanille !
Pressant le pas, les trois amis gagnent le Ranch. La réunion de rentrée les attend.
— Une heure avec la directrice. Faut prendre des forces, dit Clémentine en engloutissant à la hâte un dernier brownie.
Ambre rit en suivant ses nouveaux amis. Ça y est, l’année a vraiment commencé. Elle sent que ça va être super !
