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Pascal Brissy Shiilia

LeS perSONNaGeS

La S O rCiÈre

Chapitre 1

La console est là, en équilibre sur un carton, au milieu du grenier… Pas un gramme de poussière ! Emy et Eliot viennent de la sortir d’un plastique, lui-même glissé dans un autre plastique et ainsi de suite. Les deux voisins contemplent leur trouvaille d’un air sceptique. Ils ont proposé leurs services dans le quartier pour gagner un peu d’argent pendant les vacances d’été : tondre les pelouses, babysitting, nettoyage divers… et c’est à la boutique de monsieur Jacob, brocanteur de son état, qu’ils viennent

d’être embauchés pour ranger 50 m² de grenier à l’abandon.

– Qu’est-ce que c’est que ce truc ? lâche le garçon après quelques secondes.

– Une console, tu vois bien…

– Oui, mais quel modèle ? C’est pas une play… ni une Nintendo…

L’appareil n’a ni câbles, ni manettes, mais une vieille cartouche à l’étiquette abîmée l’accompagne. Emy déchiffre à voix haute :

– Vidéo… une ou deux lettres sont effacées…Cub… Cubes ?

Monsieur Jacob surgit au même moment :

– Eh bien ! Vous avez fait un sacré travail ! les félicite-t-il avant de s’intéresser à leur découverte : Oh ça… avec le fatras ! Direction : poubelle !

Quelques minutes plus tard, l’affaire est entendue, Emy et Eliot reçoivent quelques euros ainsi que l’étrange console qu’Eliot sauve d’une fin promise :

– Si tu y tiens ! conclut monsieur Jacob en guise de salutations.

De retour devant chez eux, Emy plaisante :

– Comment tu vas faire pour l’allumer, gros malin ?

– Comme ça !

Eliot tape sur la console. Une fois. Deux fois. Soudain, un déclic se produit !

Emy et Eliot échangent un regard intrigué. La console n’est toujours pas branchée, pourtant une lumière rouge sur l’avant de l’appareil vient de s’allumer !

Une lumière brillante, très brillante, jusqu’à les éblouir, les oblige à mettre la main devant les yeux et à pousser un cri malgré eux :

– Haaaaaa !

– Que… Qu’est-ce qui… hésite Emy en découvrant le nouvel endroit qui les entoure, où… où sommes-nous ?

Pire ! S’ils ignorent où ils viennent de débarquer, ils poussent en chœur d’autres cris de stupéfaction en voyant leurs apparences changées :

– Pince-moi ! Je rêve ! s’exclame Eliot en constatant que son corps est désormais fait de cubes. Aïe ! Hé !

Qu’est-ce qui te prend ?

– Ben quoi ? réplique Emy en examinant les cubes qui lui servaient de mains, tu me demandes de te pincer… je te pince !

Le garçon hausse ses épaules cubiques. Elle l’imite, ce qui les fait rire brièvement. Un moyen comme un autre de ne pas s’affoler après ce qui vient de leur arriver. Non, ils ne rêvent pas ! Le décor autour d’eux est aussi constitué de pixels carrés : vallée, rivière, arbres ou montagnes… Les cubes s’étendent à l’infini !

– EH ! LAISSEZ-NOUS PARTIR ! hurlent-ils, pris de panique.

L’écho de leurs cris meurt petit à petit lorsqu’un cube devant eux s’illumine brusquement au plafond.

Lettres et chiffres défilent sur ce « lightstone » : « MC - C418 ». Un fond musical résonne quelques secondes comme pour leur souhaiter la bienvenue et tout devient plus clair tout à coup… La console ! Emy et Eliot sont changés en héros de jeux vidéo !

Il faut réagir au plus vite, revenir en arrière ou chercher une sortie. Tout pour redevenir eux-mêmes !

Malheureusement, après quelques pas hésitants, rien ne laisse penser que la chose soit possible.

– Viens, allons de ce côté ! décide Emy en désignant la rivière, on trouvera peut-être quelqu’un pour nous aider…

– J’espère ! suit Eliot avec l’impression d’être précipité dans un mauvais film d’aventure.

Peu après, Emy pose un genou au sol pour toucher l’eau. Les sensations sont identiques. Des milliers de cubes minuscules ruissèlent sur sa peau pour lui donner un sentiment de fraîcheur. Un poisson fait un bond hors des flots avant d’y replonger.

– Un saumon ? Au moins, on ne mourra pas de faim ! fait remarquer Eliot.

– Sans moi, répond son amie agacée, je n’ai aucune envie de m’éterniser ici !

Elle se relève et tempête pour qui peut entendre :

– Bon, c’est bientôt fini cette blague ? On veut rentrer chez nous… et tout de suite !

– S’il vous plaît ! l’imite Eliot dans cette tentative désespérée, c’est pas très drôle !

Le bruit de l’eau demeure l’unique réponse à leur prière. Rageuse, Emy s’empare d’un caillou qu’elle lance de toutes ses forces vers le ciel. Ploc. Il retombe lourdement pour se figer à nouveau. Les deux amis paniquent.

– Mon père va forcément trouver la console en rentrant du travail, tente de rassurer Eliot, il va nous tirer de là !

– Et comment, gros malin ?

– Le bouton « off », tout simplement ?

– Je te rappelle qu’on n’a pas branché cette fichue console ! poursuit Emy défaitiste. Si ça se trouve, ton père ne va même pas la voir ou alors il va faire ce qu’on aurait dû faire depuis le début… la mettre à la poubelle !

Eliot veut ravaler sa salive, mais sa gorge demeure sèche.

– Attends ! le stoppe Emy en tendant le bras devant lui, c’est quoi ce machin là-bas ? questionne-t-elle en

désignant un tas de cubes sur la rive opposée.

Le garçon remarque également l’objet qui trône au sommet de cette mini colline. Il s’agit d’une pioche. Une étrange lueur, claire presque blanche, miroite autour du manche et la scène lui fait immédiatement penser à l’épée du roi Arthur figée dans son enclume.

– On traverse ? propose Emy.

Le duo parvient sur l’autre rive et s’approche de l’étrange pioche qui continue de scintiller.

Très vite, Eliot décide de s’en saisir. Il tire sur le manche de l’outil pour le sortir du sol. Sans succès.

– Un peu d’aide ? propose Emy.

Son ami acquiesce et ils recommencent la manœuvre… Cette fois la pioche cède. Son manche cesse de briller et elle sort du sol sans opposer de résistance.

La lumière commence à décliner. Emy et Eliot ignorent depuis combien de temps ils sont bloqués de briller et elle sort du sol sans opposer de résistance.

– Bon ben, c’est une bête pioche quoi ! lâche Emy déçue.

– Ça peut toujours être utile !

dans cet étrange univers, mais la fatigue se fait sentir. Alors, ils trouvent un recoin de talus où s’installer et creusent un trou où se cacher, au cas où...

Chapitre 2

Emy et Eliot se lèvent dès les premières lueurs d’un jour sans soleil. On peut deviner, à leurs mines cubiques déconfites et à leurs cheveux pixélisés en pétard, qu’ils n’ont pas beaucoup dormi. Beaucoup trop de bruits bizarres...

Mais, pour l’instant, un autre gargouillis les préoccupe : Brrrlll ! Celui-là vient de leur estomac.

– Qu’est-ce qu’on mange dans un jeu vidéo ? interroge Emy.

La cueillette de fruits est la solution la plus simple.

Mais encore faut-il en trouver ! Les rares fraises des bois découvertes sous les premiers feuillages n’ont pas de goût. Elles sont aussitôt avalées et insuffisantes pour calmer leur faim. Le duo décide ainsi de s’engager peu à peu dans la forêt. Eliot marche en tête, la pioche à la main. Il rêve de découvrir un arbre à frites ou à bonbons en se disant que tout reste possible dans ce drôle d’univers.

– Ma collec’ entière de mangas contre un pain au chocolat ! dit-il en tournant la tête.

Mais Emy n’est plus derrière lui ! Eliot se raidit, saisi d’un frisson :

– Emy ? Eh ! Emy ? appelle-t-il.

Demi-tour ! Si c’est une blague, elle est de mauvais goût ! Heureusement, la jeune fille est simplement restée en arrière.

– Dis-donc, tu pourrais prévenir quand tu t’arrêtes !

– Chut ! souffle-t-elle, accroupie derrière un arbre. Eliot suit son regard et il aperçoit l’animal au pelage gris et aux yeux d’un bleu lumineux… C’est un loup !

Il se demande d’abord pourquoi Emy n’a pas pris ses jambes à son cou.

– Qu’est-ce que tu fiches ?

– Ben ça se voit, chuchote Emy, je le suis ! Pour une fois qu’on croise quelqu’un…

– T’es zinzin ! Ce n’est pas quelqu’un, c’est un loup !

– Ça j’ai vu, merci ! grimace-t-elle, mais il fait partie du jeu… il doit connaître des endroits qu’on ne connaît pas !

– Et le danger, t’en fais quoi ?

– Tu le trouves dangereux, toi ? On ne sait jamais, on pourrait s’en faire un allié ?

Eliot affiche une moue incertaine. Mais son amie a l’habitude de foncer tête baissée. Il lui emboîte le pas sur les traces de l’animal… Pas très longtemps cependant, puisque le loup ne tarde pas à disparaître au détour d’un buisson, comme par enchantement.

– Où est-ce qu’il est passé ? s’inquiète-t-il.

Peu importe dans l’immédiat, Emy a eu raison de suivre son intuition ! À présent, une clairière se

dresse face à eux avec en son centre un nouvel élément inattendu. Il ne s’agit pas d’un autre outil, mais d’un pommier chargé de fruits.

– Attends ! prévient Eliot en voyant son amie s’y précipiter.

– Quoi encore ?

– C’est peut-être un piège ! Dans les jeux d’aventure, c’est souvent le cas tu sais…

– Sans blague ! Tu crois vraiment qu’un géant va sortir du bois pour nous courir après juste parce qu’on a cueilli une pomme ou deux ?

L’instant suivant, Emy croque dans un premier cube rouge avec appétit. Le fruit est délicieux. Mais Eliot demeure sur ses gardes. Les pommes sont identiques et il en cueille une.

– Pas mauvaise, concède-t-il.

– Si on avait un sac on pourrait en emporter quelques-unes, déclare Emy à la recherche d’une solution miracle.

– Ça, tu en as déjà un sans le savoir ! répond Eliot,

avant de s’expliquer : les joueurs ont souvent un inventaire dans les jeux pour transporter leur matériel ! Pour l’ouvrir, il suffit… Le garçon fait mine de glisser une pomme dans une poche et celle-ci disparaît sur-le-champ.

– Génial ! s’exclame Emy, mais comment tu fais pour la reprendre ?

Eliot songe au fruit qu’il vient de stocker et il apparaît aussi sec dans sa main.

Leur moral est de retour pour la première fois depuis la veille et ils se remplissent le ventre avant de faire leurs provisions.

– Tiens, il y en a une jaune dorée, là, tout en haut ! montre Emy, perchée sur une branche.

– Je la garde pour plus tard ! dit Eliot en grimpant pour la cueillir. D’ailleurs, ça me donne une idée… On devrait chercher une position en hauteur pour avoir une vue d’ensemble des environs ! On repéra peut-être un moyen de rentrer chez nous ? pour la cueillir. D’ailleurs, ça me donne

– Pas bête, tête de pioche ! lance la jeune fille en référence à l’outil que son ami ne quitte plus.

Eliot et Emy marchent en direction d’une colline.

Une fois au sommet, ils espèrent trouver une astuce pour s’échapper de leur prison de pixel.

– Il y a forcément un moyen de repartir ! répète Emy soucieuse.

Les aventuriers s’arrêtent à plusieurs reprises pour scruter les environs, la forêt en particulier. Ils repèrent des animaux en liberté : perroquets, chevaux ou d’autres espèces aux silhouettes plus énigmatiques… Ce monde est peuplé de bien plus de créatures qu’ils ne l’ont supposé.

– Je ne vois ni village ni maisons, et toi ?

– Ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas ! réplique Eliot qui observe des moutons blancs exécutant un curieux ballet.

Le garçon songe à plusieurs de ses jeux vidéos à la recherche d’éventuelles astuces.

– Mince ! Viens m’aider ! Je suis coincée ! s’écrie tout à coup Emy.

Aïe ! Le pied de la jeune fille est pris entre deux rochers et impossible de l’en dégager !

– Attends ! Ne bouge pas ! prévient Eliot en brandissant sa pioche.

Le garçon donne un premier coup de pioche sur un bloc. En chemin, il a testé l’outil sur d’autres matériaux et a découvert, par exemple, que le bois se change en fagots… Cette fois, le cube se volatilise en plusieurs petits morceaux sans intérêt qui finissent par se dissiper comme par magie.

– Fais attention à ne pas me trouer le pied ! s’affole Emy tandis qu’il poursuit son entreprise.

Un coup de pioche supplémentaire ouvre une brèche et le sol se lézarde, craque et s’écroule ! Eliot dévisage son amie d’un air affolé et ils poussent un cri lorsque la terre s’ouvre sous leurs pieds :

Les aventuriers tombent le long d’une paroi

rocheuse dans une chute interminable. Leur course est stoppée par un nouveau bloc :

– Ouch ! lâche Eliot quand Emy s’écrase dans son dos.

Après quelques secondes, la jeune fille cherche à savoir où ils viennent d’atterrir. Mais l’endroit est plongé dans la pénombre et tout laisse penser qu’il s’agit d’une caverne.

– Je t’avais dit de faire attention ! peste-t-elle en époussetant ses vêtements.

Eliot grogne et sort des silex de son inventaire. Il se hâte de claquer les pierres l’une contre l’autre à plusieurs reprises pour en faire jaillir des étincelles. Celles-ci sont suffisantes pour leur confirmer la présence de stalactites et de stalagmites dans la grotte.

– Génial ! continue de râler son amie, comme si on n’avait pas assez de problèmes !

– Chut !

– Quoi ?

– Tais-toi !

Emy tend l’oreille et entend enfin le grognement. Elle se fige, inquiète. Il s’agit assurément d’un animal de la même famille que celui qu’ils ont suivi tout à l’heure. Mais ce loup a l’air beaucoup moins amical que l’autre…

Ils avancent à tâtons en se cognant contre les parois de l’endroit. Le duo se dirige vers les bruits, cherchant à comprendre ce qui se passe, et repère bientôt un nouvel objet dans l’obscurité. Celui-ci est fixé au mur et témoigne qu’ils ne sont pas les seuls humanoïdes à parcourir le jeu.

Combattre un dragon, fuir des zombies et affronter des squelettes : tel est le programme d’Emy et Eliot alors qu’ils se retrouvent propulsés dans Vidéo-Cubes après avoir allumé une vieille console de jeu. Ils n’auront pas d’autre choix que de se serrer les coudes pour en sortir, non pas une, mais deux fois !

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