Magalí Herrera

Page 1


Note L'ensemble des lettres de Magalí Herrera ou d'extraits tirés de cellesci sont retranscrites selon l'orthographe original.

Note All of Magalí Herrera's letters or extracts from them have been reproduced in the original spelling.

Table des matières

9Préface. femme sous uence

9Preface.WomanUnder uence

LOMBARDI

15MagalíHerrera,«une étincelle lumière ce monde»

15 Magalí Herrera, ‘A Spark of Light in this World’

PASCALE JEANNERET

30Deux regards contemporains sur Herrera

Two Contemporary Views on Magalí Herrera

MICHEL TAPIÉ, JEAN-CLAUDE DE FEUGAS

33MagalíHerreraetJeanDubuffet. «Tout sentimentsauvage latinoaméricaine authentique»

33MagalíHerreraJeanDubuffet.

“The Feeling Authentic LatinAmericanWoman”

CÉLINE DELAVAUX

47Extraits correspondance entre HerreraetJeanDubuffet

47Excerpts from Correspondence BetweenHerreraJeanDubuffet

79 Catalogue

79 Catalogue

163Chronologie

163Timeline

LAURE CHEYNEL

184Biographie des autrices 184Authors’ biographies

186Bibliographie

186Bibliography

LAURE CHEYNEL, VINCENT MONOD

Magalí Herrera, «une étincelle de lumière dans ce monde»

La présence des œuvres de Magalí Herrera au sein du fonds de la Collection de l’Art Brut tient autant de l’évidence que de l’improbable. Autodidacte et solitaire, ayant la foule en horreur, Herrera crée jusqu’à l’épuisement des compositions faites de points et de petits traits qui gurent des univers métaphoriques. Femme cultivée, elle s’est aussi adonnée à de nombreuses autres pratiques artistiques, avant de privilégier le dessin, qui monopolisera toute son attention. De 1967 à 1974, alors que rien ne pouvait le présager, elle entretient une correspondance assidue et ardente avec Jean Dubuffet. Grâce à leur dialogue, elle trouve un sens à l’ensemble de ses compositions graphiques. L’intégration de son travail à l’Art Brut, tel que le dé nit Dubuffet, fait de la créatrice uruguayenne l’une des rares représentantes de l’Amérique du Sud au sein de l’institution lausannoise. Celle-ci possède ainsi un corpus unique au monde constitué de 104 œuvres qui témoignent de toutes les périodes de sa production. Cette exposition interroge ces créations à la lumière des lettres que Magalí Herrera échange avec le théoricien de l’Art Brut.

Au début des années 1960, une nouvelle étape se pro le dans l’histoire de l’Art Brut. Depuis 1951, les œuvres réunies par Jean Dubuffet sont conservées aux États-Unis, dans la résidence du peintre Alfonso Ossorio. Seules quelques personnes amies de l’artiste y ont alors accès. Cette étape nord-américaine donnera lieu à une seule présentation publique à la galerie Cordier

The presence of Magalí Herrera’s work in the Collection de l’Art Brut is as much to be expected as it is improbable. Self-taught and solitary, with a horror of crowds, Herrera worked herself to the point of exhaustion creating metaphorical universes composed of dots and short lines. A cultivated woman, she also pursued a number of other artistic practices before focusing on drawing, to which she gave all her attention. From 1967 to 1974, with nothing to presage it, she entered into a diligent and heartfelt correspondence with Jean Dubuffet. As a result of their exchange, she found meaning in her graphic work as a whole. The acceptance of her work in Art Brut, as it was called by Dubuffet, made the Uruguayan artist one of the few representatives of South America to become a member of the Lausanne-based institution. The organisation thus owns a body of work that is unique in the world, comprising 104 works from all periods of her career. This exhibition considers these creations in the light of Magalí Herrera’s correspondence with the theoretician of Art Brut.

At the start of the 1960s, the history of Art Brut entered a new chapter. Since 1951, the works Jean Dubuffet collected had been kept in the home of the painter Alfonso Ossorio in the United States, where only a few of the artist’s friends had access to them. During this North American period of the collection’s existence, the works were only presented to the public on one occasion, at the Cordier Warren Gallery in New York,1 at the

Magalí Herrera participant à un tournoi d’échecs international, Montevideo, 1er – 2 avril 1954, Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Magalí Herrera taking part in an international chess tournament, Montevideo, 1–2April 1954, Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Magalí Herrera et Jean Dubuffet

« Tout le sentiment sauvage d’une latinoaméricaine

authentique* »

En avril1967, une Uruguayenne visite l’exposition «L’Art Brut au musée des Arts décoratifs de Paris. C’est une révélation pour Magalí Herrera, au point qu’elle décide d’écrire à l’organisateur de l’événement, Jean Dubuffet. C’est ainsi que débute, le 1er juillet 1967, une correspondance qui durera sept années et mènera à l’entrée des œuvres d’Herrera au sein des collections de la Compagnie de l’Art Brut. Si les dessins de cette touriste hors normes ont, de fait, séduit Dubuffet, l’artiste et le collectionneur, l’écriture de l’Uruguayenne n’aura pas manqué d’attraits pour le théoricien de l’Art Brut, écrivain lui-même, qui prônait une pratique brute de l’écriture.

1967, année Dubuffet

Le 1er juillet 1967, Magalí Herrera écrit à Jean Dubuffet: Au début du mois d’avril, j’ai découvert le musée des Arts décoratifs et L’Art Brut 1.»

Cette année-là, Jean Dubuffet a en effet décidé d’exposer sa collection au musée des Arts décoratifs de Paris: c’est la première exposition de cette envergure depuis que, en 1945, il a inventé l’expression «Art Brut» et a commencé à collectionner des productions plastiques en accord avec sa conception polémique de l’art. Cet immense délai de plus de vingt ans s’explique par la déception de Dubuffet face à l’impossibilité de faire comprendre ce qu’il entend par «Art Brut» – une notion qu’il a théorisée en un concept

In April 1967, an Uruguayan woman named Magalí Herrera visited the ‘Art Brut’ exhibition being held at the musée des Arts décoratifs in Paris. It was a revelation, to the extent that she decided to write to the organiser of the event, Jean Dubuffet. This marked the start, on 1July 1967, of a correspondence that would last seven years and lead to the inclusion of Herrera’s artworks in the collections of the Compagnie de l’Art Brut. Moreover, while the drawings of this unconventional tourist were compelling to Dubuffet as both an artist and a collector, the Uruguayan woman’s style of writing also appealed to the Art Brut theorist, a writer himself, whose preference was for a ‘raw’ approach.

1967: Dubuffet

On 1July 1967, Herrera wrote to Dubuffet: ‘At the beginning of April, I discovered the musée des Arts décoratifs and Art Brut.’1 That year, Dubuffet had taken the decision to show his collection at the musée des Arts décoratifs in Paris. It was the rst exhibition of the collection on this scale since he had coined the term ‘Art Brut’ in 1945 and began collecting works of visual art that met with his polemical conception of art. This long wait of more than twenty years can be explained by Dubuffet’s disappointment at his inability to make people understand what he meant by Art Brut – a notion that he had theorised into a concept in numerous texts he had written since the mid-1940s. The rst

Lettre de Magalí Herrera à Jean Dubuffet, El Alma del Hijo («L’âme du ls»), Paris, le 22 juin 1968. Lettre rédigée sur un poème de Magalí Herrera (traduction à la p. 44),

Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Letter from Magalí Herrera to Jean Dubuffet, El Alma del Hijo (‘The Soul of the Child’), Paris, 22June 1968. Letter written on a poem by Magalí Herrera (translation on p. 45), Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Marye 40 Dubuffet a dû être séduit par cette attention entière à son travail autour de l’Art Brut, si méprisé, si décrié, si mécompris. En outre, le mélange de l’écriture et du dessin, qui est spécique à l’œuvre d’Herrera et advient aussi dans ses lettres, est un geste qui a toujours enchanté Dubuffet dans les productions brutes », dans la mesure où il subvertit la séparation, très culturelle, occidentale, de l’écriture et de la gure. En réponse à la lettre d’Herrera datée du 6mars 1970 qui mêle totalement écriture et gure, Dubuffet répondqu’il attend son ami Ignacio Carles-Tolrà pour déchiffrer «les messages qui, en langue espagnole et écrits dans un graphisme minuscule, s’immiscent dans leur ne texture – celle-ci dont on peut dire qu’elle est tout entière parlante, tout entière en ses innombrables lieux graphisme et langage, brûlant langage 41 ». Magalí Herrera lui répond de manière extrêmement pertinente : «Vous devez voir mes gra smes comme une de tant de choses qui ont composé mes dessins. Jamais, j’ai pensé que vous vouliez savoir ce que j’ai écrit là 42 Autrement dit, elle a rendu à l’écriture sa valeur visuelle et charnelle de pur signe graphique. Cette aventure épistolaire aurait pu se matérialiser par un livre, comme avec Gaston Chaissac. Dubuffet s’était fait éditeur pour cet artiste dont l’écriture lui plaisait tant et dont il avait sollicité une correspondance, après avoir lu les lettres reçues par Jean Paulhan et Raymond Queneau 43. En 1970, Dubuffet réagit à une missive d’Herrera (datée du 12 septembre) : «Je dois dire que cette lettre me paraît très belle et plus que très belle. Je trouve que vous êtes un merveilleux écrivain et je voudrais très fort que vous interrompiez sur-le-champ toutes activités et que vous entrepreniez d’écrire un livre écrit tout entier dans le ton et dans le style de cette lettre 44 Herrera répond: «Ça ne vous plaît pas de publier notre correspondance? [...] Dans vos lettres c’est esposé à merveille toute la téorie de l’art brut, et dans les mienes tout le sentiment sauvage d’une latinoaméricaine authentique 45 Ce sera ici chose faite.

The combination of writing and drawing speci c to Herrera’s work, but which is also found in her letters, always ‘enchanted’ Dubuffet in her ‘brute’ production, insofar as it subverted the very Western cultural separation of writing and guration. In response to Herrera’s letter of 6March 1970, in which script and design were completely entwined, Dubuffet replied that he was waiting for his friend Ignacio Carles-Tolrà to decipher ‘the messages which, in Spanish and written in a minuscule graphical form, insinuate themselves in their ne texture – a texture that can be said to be fully communicative, entirely – in its innumerable places of graphism and language – burning language’.41 Herrera’s reply was extremely pertinent: ‘You have to see my graphics as one of the many components of my drawings. I never thought you’d want to know what I actually wrote there.’42 In other words, she gave back writing its visual and corporal value as a pure graphic sign.

This epistolary adventure could have been materialised in a book, as occurred with Dubuffet’s correspondence with Gaston Chaissac. Dubuffet had become a publisher for this artist, whose writing he greatly appreciated and whose correspondence he had requested after reading the letters Chaissac had sent to Jean Paulhan and Raymond Queneau. 43 In 1970, Dubuffet reacted to a letter from Herrera, dated 12 September: ‘I must say that this letter seems to me very beautiful and more than very beautiful. I think you are a marvellous writer and I would very much like you to put a stop to all your activities immediately and devote yourself to writing a book entirely in the tone and style of this letter.’ 44 Herrera replied: ‘Don’t you want to publish our correspondence? [. .] In your letters the whole theory of art brut is wonderfully expressed, and in mine the whole wild feeling of an authentic Latin American woman.’45 This will instead be done here.

Lettre de Magalí Herrera à Jean Dubuffet, Montevideo, le 19 novembre 1970, Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Letter from Magalí Herrera to Jean Dubuffet, Montevideo, 19November 1970

Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

23/7/1970

Jean, dès cet distance impossible de sauver dans ces moment. Je désire qui mon parole avec profond message de tendresse; sympathie, vraie amitie et desinteressè peut arriver jusque le sommet de votre plus haut montagne. Et vous dire doucement avec voix sécret: Jean je suis votre éternelle débitrice pour tout le tiède realitè de vos vie amie, que se décroche glorieuse pour mes végetales paysages qui le 31 de juilliet s’habillerent avec un nom: Jean; immense comme cet distance que séparent vos mains de les miènne. Jean je vous desire un sain, harmonieux et ensoleillè anniversaire: reçu juste au milieu de cet cœur si vaillent qui garde votre poitrine le reverèntè baisse de votre inconditionel et consequent amie.

Sortent le ttres [sic] en rèponse mon paùvre ami de votres.

23/7/1970

Jean, from this distance impossible to save in these moments. I wish that my word with deep message of tenderness; sympathy, true friendship and disinterestedness can reach the top of your highest mountain. And to say to you softly with a secret voice: Jean, I am eternally in your debt for all the warm reality of your life friend, which is made glorious through my plant landscapes that on the 31July were embellished with a name: Jean; as immense as the distance that separates your hands from mine.

Jean I wish you a healthy, harmonious and sunny birthday: receive, right in that valiant heart that guards your chest, the low bow of your unconditional and great friend.

Publish tters [sic] in reply, my poor friend, to yours.

de la Collection de l’Art Brut,

Letter de Magalí Herrera to Jean Dubuffet, Montevideo, 23July 1970, Archives de la Collection de l’Art Brut, Lausanne

Magalí
Lettre de Magalí Herrera à Jean Dubuffet, Montevideo, le 23 juillet 1970, Archives
Lausanne

1952 et and 1992

sans titre untitled, entre between
gouache sur papier gouache on paper 30 × 23cm cab-17347

sans titre untitled, entre between 1952 et and 1992 gouache sur papier gouache on paper 65 × 50cm cab-9693

Del invisible mundo, 1965 gouache sur papier gouache on paper
65 × 50cm cab-2805

sans titre untitled, entre between 1952 et and 1992 gouache sur carton gouache on cardboard 55,5 × 69,5cm cab-9739

sans titre untitled, entre between 1952 et and 1992 gouache et encre de Chine blanche sur pavatex gouache and white India ink on Pavatex panel

50,5 × 65cm cab-9740

sans titre untitled, entre between 1952 et and 1992 (série series Après la bombe atomique gouache sur papier gouache on paper

65 × 50cm cab-9700

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.