8 minute read

Tourisme hivernal doux

Next Article
Tourolino

Tourolino

Résolutions pour le climat

Le réchauffement contraint les stations de sports d’hiver à s’investir dans la durabilité. Une thématique qui, par ailleurs, revêt une importance croissante auprès de leur clientèle. En Suisse, des efforts sont déployés dans des domaines spécifiques, tel le Weisse Arena Group, dans les Grisons. Mais, selon les spécialistes, le travail qui doit encore être entrepris dans ce secteur reste d’une manière générale considérable.

TEXTE JULIANE LUTZ | PHOTOS EMANUEL FREUDIGER ASattel-Hochstuckli (SZ), les dameuses sont équipées de filtres à particules et fonctionnent avec du diesel «eco speed». Et à Engelberg (OW), c’est l’énergie hydroélectrique qui alimente les remontées mécaniques. Ce ne sont là que deux exemples de ce qui est entrepris dans les stations de sports d’hiver suisses en matière de durabilité. Ce terme tend à devenir un critère dans le choix d’une destination de vacances, au même titre que la garantie de l’enneigement ou l’offre en pistes et en divertissement. L’atteinte massive sur la nature et l’énorme dépense de ressources nécessaire à la fabrication de la neige artificielle commencent à irriter plus d’un ❄ touriste. Il est urgent de remettre sur la table cette problématique avant que les stations de sports d’hiver ne soient délaissées par leur clientèle. Christian Baumgartner en est parfaitement conscient. Cependant, cet expert en tourisme durable et maître de conférences à la Haute école spécialisée des Grisons constate que la plupart de nos destinations de ski n’ont pas de plan clairement défini en matière de neutralité climatique. Une montagne en chantier Reto Fry, lui, a un plan. Il veut faire de la station de ski de Laax la première destination alpine autosuffisante. En

tant que responsable environnemental du Weisse Arena Gruppe (WAG) – qui exploite des domaines skiables, des hôtels et des restaurants, une école de ski et de snowboard ainsi que des magasins dans la station grisonne –, il met en œuvre des solutions de compatibilité climatique sous le label Greenstyle. D’ici à 2030, le WAG n’utilisera plus aucune énergie fossile. Aujourd’hui déjà, les bâtiments d’exploitation ainsi que le téléphérique sont chauffés principalement par la chaleur résiduelle des moteurs des remontées mécaniques. Ainsi, quasiment tous les systèmes de chauffage au fioul pourraient être remplacés Une image appartenant bientôt au passé: la vétuste station du Crap Sogn Gion.

14 touring | déc 2021 / jan 2022 ❄

«Les gens n’en peuvent plus d’entendre parler d’apocalypse. Je préfère leur montrer les avantages de la transition énergétique, par exemple à travers l’énergie solaire»

Reto Fry, responsable environnemental du Weisse Arena Gruppe, à Laax

❄PHOTO © FLIMS LAAX FALERA / NI PHOTOGRAPHY

et les besoins atténués. Une start-up a contribué à réduire considérablement le gaspillage alimentaire. Les bouteilles en PET appartiennent au passé car des fontaines à eau sont mises gratuitement à la disposition des skieurs. Ce ne sont là que quelques-unes des 200 mesures que Reto Fry a fait adopter. L’année prochaine, il entamera un projet majeur: la rénovation du Crap Sogn Gion. Cette station supérieure de téléphérique – elle date des années 1960 et consomme 150 000 litres de mazout par an – sera transformée en bâtiment écologique et

Reto Fry et l’une des fontaines à eau publiques qui devraient rendre superflues les bouteilles en PET dans le domaine skiable de Laax.

autonome. D’une manière générale, il s’agit d’embellir toute la montagne. Après des négociations avec les propriétaires fonciers, 1200 arbres seront plantés au sommet. Un projet qui se veut incitatif pour toute la région. En achetant le forfait «Last Day Pass», chaque skieur reçoit un billet en bois et contribuera ainsi au financement de la replante des arbres, à économiser une tonne de CO2, ainsi qu’à prolonger de dix minutes l’existence du glacier de Vorab. Le calcul a été effectué par les experts de l’EPFZ à la demande du WAG. Savoir vendre ses idées

C’est ce genre d’idées que Reto Fry adore vendre avec intelligence. «Les gens n’en peuvent plus d’entendre parler d’apocalypse. Je préfère leur montrer les avantages de la transition énergétique, par exemple à travers l’énergie solaire», avoue-t-il. Si chaque bâtiment du domaine skiable en produisait, la demande en énergie pourrait presque être entièrement couverte. Si vous construisez une maison et la dotez d’une installation solaire sur le toit, vous gagnerez de l’argent au bout de douze ans. «Si →

Bienvenue aux voitures électriques! Il existe plus de 50 points de recharge dans le domaine skiable de Laax, Flims et Falera.

nous parvenons à devenir encore plus efficaces et à électrifier la mobilité, nous pourrions même produire plus d’électricité que nécessaire et la revendre.» Mais le WAG ne peut y parvenir seul, il a besoin de l’adhésion au projet des résidents de la région. Afin de les impliquer, le conseil d’administration de Flims Laax Falera Management SA a créé le Greenstyle Lab: un groupe de travail composé de représentants du WAG, ainsi que de prestataires de services locaux, afin d’empoigner le thème de la durabilité locale et de réaliser des mesures significatives. La mobilité, en revanche, reste un important défi. L’altitude, les températures glaciales et la puissance requise limitent l’utilisation ❄ «Une solution transitoire en attendant de pouvoir utiliser une dameuse à hydrogène, mais probablement pas avant l’horizon 2025», ajoute Reto Fry. Un hic: l’accès aux stations «Le groupe WAG entreprend beaucoup de choses», déclare l’expert en tourisme Christian Baumgartner. Mais un concept global de durabilité doit également inciter les clients à modifier leur comportement en matière de mobilité, ce qui n’est pas le cas. Un aller-retour en voiture jusqu’à la station représente jusqu’à 80% des émissions de CO2 produites durant un séjour aux sports d’hiver. Interrogé à ce sujet, Reto Fry répond : «Nous nous concentrons sur la destination et non sur de batteries pour les dameuses. Sur les le moyen d’y parvenir. Nous faisons évo25 véhicules, 2 sont à alimentation die- luer les points que nous maîtrisons.» Il sel-électrique, ce qui permet d’économi- est toutefois envisagé de remplacer les ser du carburant. Kässbohrer, à qui le grands bus postaux du site par de petits WAG achète ses véhicules, propose dé- bus électriques. «Nous souhaitons égalesormais un modèle avec biocarburant. ment que nos clients viennent en voiture électrique. C’est pourquoi nous investissons massivement dans cette infrastructure. Nous disposons déjà de plus de 50 points de recharge à proximité des remontées mécaniques et d’autres dans les hôtels», se réjouit-il. Christian Baumgartner pense que le comportement en matière de mobilité peut également être influencé par une communication appropriée, au niveau des sites web déjà. «Au lieu de mettre en avant les nombreux parkings, il vaudrait mieux insister sur les services de navettes.» Mieux encore: mettre en place des mesures incitatives, à l’instar de la région autrichienne de Klimaberg Katschberg (lire ci-contre). Ceux qui s’y rendent en train pour leurs vacances se voient rembourser 50 euros sur le prix du billet. «Une mesure fort bien accueillie. Beaucoup de nos clients se soucient de la durabilité», déclare le responsable du tourisme de la région, Wolfgang Hinteregger. •

Idées novatrices en Italie et en Autriche

Dans la station de ski de Carezza, dans le Tyrol italien, la neige artificielle est produite uniquement à des températures situées entre –10 et –15 degrés. Résultat: un tiers de consommation d’eau et d’électricité en moins. Et la couverture neigeuse dure jusqu’en mars-avril. L’eau provient du réservoir local, est transformée en neige et retrouve son cycle naturel au printemps. Grâce aux traceurs GPS, à la mesure de l’épaisseur de la neige et à l’optimisation des itinéraires, la consommation de carburant des dameuses a été réduite d’un quart. Les

❄jours calmes, les remontées mécaniques sont parfois mises à l’arrêt. Le reste du temps, celles-ci fonctionnent depuis deux ans avec 100% d’électricité verte. Et les employés – jusqu’à 80 personnes en saison –, renoncent même à leur portion quotidienne de viande en raison du changement climatique et se rendent au travail en covoiturage. Afin de promouvoir les agriculteurs de la région, les hôtels et les restaurants de Carezza acceptent d’acheter des légumes, et bientôt de la viande, aux agriculteurs locaux à des prix équitables. «Nous essayons de travailler de manière à préserver une nature intacte pour les générations futures», déclare Florian Eisath, partenaire de l’entreprise de remontées mécaniques Carezza Dolomites et ancien skieur professionnel. La région autrichienne de Klimaberg Katschberg veut devenir climatiquement neutre d’ici à 2030. Les clients sont pris en charge gratuitement dans les gares de Salzbourg et de Carinthie et peuvent désormais louer des Hyundai Ioniq 5 sur place à un prix préférentiel. Vingt des 80 restaurants et hôtels de la région proposent des «repas climatiques» ou, en d’autres termes, des plats végétaliens qui doivent figurer au menu, telles les «Klimanudel» (une version végétalienne des Kärntner Nudel). Au cours des 21 derniers mois, l’entreprise e4f-Klimaerde a recouvert un millier de mètres carrés de terrain (champs, pistes, toits plats, platebandes) de la région en carbone enrichi en CO2. Ce procédé stocke beaucoup d’eau et de nutriments, protège de l’érosion et est censé retenir le CO2 pendant des centaines d’années. Jusqu’à présent, 70 tonnes de CO2 ont ainsi pu être compensées. Après toutes ces transformations, la région est très demandée. Cependant, Christian Baumgartner, expert en tourisme durable, est quelque peu sceptique à l’égard du sol climatique e4f: «Il n’a jamais été prouvé scientifiquement dans quelle mesure ses effets sont réellement positifs. Je souhaiterais donc voir d’autres solutions de compensation.»

L’eau utilisée pour la fabrication de neige, à Carezza, provient du réservoir de la station, l’un des plus modernes du Tyrol italien.

Les «Klimanudel» et d’autres plats végétaliens figurent au menu des restaurants et des hôtels de la région de Klimaberg Katschberg.

This article is from: