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Sustainability and Design Ethics

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Sense and Sustainability hitendra chaturvedi

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Sustainability (Bedford Spotlight Reader) 2nd Edition

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Sustainability Principles and Practice Margaret Robertson

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Routledge Handbook of Tourism and Sustainability The

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Strategic Management Value Creation Sustainability and Performance

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Introduction to Sustainability Jan Chappuis & Rick Stiggins

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Ecological Urban Architecture Qualitative Approaches to Sustainability

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Exploring the Variety of Random Documents with Different Content

QUATRIEME SECTION.

EPIGRAPHES.

“… In pectus cæcos absorbuit ignes, Ignes qui nec aquâ perimi potuêre, nec imbre Diminui, neque graminibus, magicisque susurris.”

“… Their wretched brain gave way, And they became a wreck, at random driven, Without one glimpse of reason or of heaven.”

POLITIQUE.

La science politique doit nécessairement entraîner à de profondes études, et exige un constant et vigoureux usage des plus hautes facultés du raisonnement. Dans la pratique, elle excite, passionne et aveugle souvent les âmes ardentes, quoiqu'à la surface règne

MOORE.

l'apparence du calme et de la froideur. C'est même cette apparence nécessaire qui double l'énergie de la conviction.

Et lorsque l'esprit politique descend jusqu'à l'esprit de parti, ou que l'intérêt personnel et l'ambition ont une libre carrière, un champ riche et fécond s'offre aux pensées désordonnées. Il serait facile d'énumérer ici les théories les plus extravagantes, mais nous nous contenterons de citer quelques auteurs des plus remarquables sous ce rapport.

Démons, conseiller au Présidial d'Amiens, composa des ouvrages dont les titres seuls annoncent qu'il avait donné congé à sa raison. On ne connaît rien de sa vie, mais il figure dans la Biographie universelle de Didot, comme un des écrivains les plus bizarres du 16me siècle, et y est rangé dans la classe des fous qui ont composé des livres. “La plupart des Bibliographes, dit Nodier, ont classé ses bouquins polymorphes dans l'histoire de France, l'abbé Langlet Dufresnoy les rapporte à la théologie mystique, et Mr Brunet les restitue à la Poésie. C'est que le sieur Démons est un fou très complexe, et que la variété de ses lubies l'avait mis en fonds d'extravagances pour tout le monde. C'était un maniaque à facettes, continuellement prédisposé à répéter toutes les sottises qu'il voyait faire et toutes celles qu'il entendait dire.”

Les deux ouvrages, dont nous donnons les titres en entier, témoignent que le texte n'est d'un bout à l'autre qu'un amphigouri inextricable.

“La démonstration de la quatrième partie de rien, et quelque chose et tout; et la quintessence tirée du quart de rien, et de ses dépendances, contenant les préceptes de la saincte magie et dévote invocation de Démons, pour trouver l'origine des maux de la France, et les remèdes d'iceux,” 1594, petit in 8o, de 78 pages et un errata.

Leber, dans son catalogue, où il cite ce livre, pense qu'il n'est pas absolument impossible de dire, d'après le préambule, ce que l'auteur entendait par le quartderien.

“On se rappelle,” ajoute-t-il, “le poème de Passerat sur le mot Nihil, rien. Ce jeu de mots fut suivi de quelques autres semblables,

notamment de deux petits poèmes intitulés, l'un: Quelque chose, l'autre: Tout. Or le quart de rien est un quatrième poème dont le sujet est Dieu, qui renchérit, qui domine sur tout. Voilà le mot de l'énigme: non de l'ouvrage, auquel je ne comprends rien, mais d'un titre d'une demi page, dont j'ai compris deux mots.”

Voici le titre du second ouvrage de Démons. On n'en connaît qu'un seul exemplaire: “La Sextessence diallactique et potentielle tirée par une nouvelle façon d'alambiquer, suivant les préceptes de la saincte magie et invocation de Démons, conseiller au Présidial d'Amiens; tant pour guarir l'hémorragie, playes, tumeurs et ulcères vénériennes de la France, que pour changer et convertir les choses estimées nuisibles et abominables, en bonnes et utiles,” Paris, 1595, in 8o .

L'auteur dit: “Qu'il a résolu de faire marcher en public l'esclaircissement des ténèbres de sa craintive obscurité, en la quintessence qu'il avait tirée du quart de rien,… et de donner l'explication des énigmes de son invention, touchant l'origine et le remède des maux de la France.” Malheureusement cette explication n'a point été expliquée.

C'est probablement le nom de l'auteur qui aura égaré le bibliographe qui, par une méprise singulière, dit Leber, prit le Conseiller pour un suppôt de l'enfer, et son livre pour un grimoire cabalistique.

Dans son catalogue déjà cité, No 4148, on fait observer que peu de livres peuvent être comparés, quant à l'absurdité, à la Quintessenceou à la Sextessence, excepté peut-être l'ouvrage dont le titre suit: “Lettre mystique, responce, réplique, Mars joue son rolle en la première; en la seconde la bande et le chœur de l'Estat; la troisième figure l'amour de Polyphème, Galathée et des sept pasteurs—Cabale mystérielle révélée par songe, envoyée à Jean Boucher;” [22] 1603, deux parties en un volume in 8o .

[22] C'était un des plus fougueux apôtres de la Ligue. Comme il était alors en fuite, cette lettre lui fut sans

doute adressée par raillerie. Voir le Bulletin du Bibliophile, année 1849, p. 187.

“Je n'oserais décider,” ajoute Leber, “si la lettre mystique est au dessus ou au dessous du Quartderien.”

L'auteur est anonyme, mais mérite incontestablement une mention ici.

Nous citerons encore, pour mémoire seulement, l'auteur anonyme des CodicillesdeLouisXIII, parce que le Marquis du Roure le qualifie de lunatique insensé, dans son Analectabiblion, tome 2me , page 213, où il parle de cet ouvrage de 1643.

FrançoisDavenne, disciple de Simon Morin, fut de beaucoup plus extravagant que Démons.

“Ce rêveur fanatique dont la raison était égarée,” dit Charles Brunet, dans son Manuel, “publia tant en vers qu'en prose, à Paris de 1649 à 1651, les bizarres productions de son cerveau malade.”

Ces pièces sont décrites, au nombre de 23, dans la Bibliographie instructive de De Bure, d'après Châtre de Cangé, mais il y en avait deux de plus dans le recueil formé par Mr De Macarthy. Ces écrits ont presque tous pour but de revendiquer la royauté qu'il prétend que Dieu lui avait attribuée. Il veut prouver que le monde finira en 1655; et dans son Harmoniedel'amour, il cherche à démontrer, par des exemples empruntés à l'Ecriture sainte, que Louis XIV n'a pu être le fils de Louis XIII.

Son opuscule Del'harmoniedel'amouretdelajustice, où cette idée est soutenue, se termine par dix sonnets et autres pièces qu'il serait difficile de qualifier de poésie.

“Davesne ou Davenne naquit à Fleurance, petite ville du bas Armagnac; on ne sait précisément, ni la date de sa naissance ni celle de sa mort,” dit C. Moreau, dans sa Bibliographie des Mazarinades, qui donne plus de renseignements littéraires que toutes les autres biographies. Ses extravagances le firent enfermer plusieurs fois. Persuadé qu'il devait supplanter Louis XIV, et monter sur le trône, il propose deux moyens de sasouverainepuissanceetautoritéroyale: “Appelez le Cardinal,” dit-il, “la régente, le duc d'Orléans, les Princes,

Beaufort, le coadjuteur, et ceux qu'on estime les plus saints dans le monde; faites allumer une fournaise; qu'on nous y jette dedans, et celui qui sortira sans lésion de la flamme, comme un phœnix renouvellé, que celui-là soit estimé le protégé de Dieu, et qu'il soit ordonné prince des peuples.”

Mais craignant que cette épreuve ne soit acceptée, il en propose une autre: “Que le Parlement me juge à mort, pour avoir osé dire la vérité aux princes. Qu'on m'exécute, et si Dieu ne me garantit de leurs mains d'une manière surnaturelle, je veux que ma mémoire soit éteinte. Si Dieu ne me préserve de la main des bourreaux, rien ne leur sera fait; mais si le bras surnaturel m'arrache de leurs griffes, qu'ils soient sacrifiés à ma place.”

Voici une de ses pensées, dans son meilleur style, tirée de son Factum de la sapience eternelle: “Je t'immole mon âme sur l'échafaud de mes idées, de la main de mes désirs, par le glaive de ma résignation.”

Tous les pamphlets de Davenne sont extrêmement rares; il n'en existe peut-être pas une collection complète, dit C. Moreau, dans sa Bibliographie.

Louis XIV semblait jouer de malheur, car un autre fou, le Chevalier Caissant, [23] se prétendait frère de ce monarque. [24] Nous avons de cet auteur deux opuscules in 8o sans lieu ni date, qu'il nous a été impossible de nous procurer et dont voici les titres, d'après Ch. Brunet:

[23] Histoire du grand et véritable Chevalier Caissant; Versailles, 1714, in 12o , par Joseph Bonnet, jurisconsulte d'Aix en Provence. Barbier, Dictionnaire des Anonymes, qui cite Achard, transcrit la note sur Caissant que donne cet auteur. Voir aussi le Manuel du Libraire de Brunet, tom. 1er , page 521.

[24] Et non de Louis XV, comme l'indique le Catalogue de la Vallière, t. 2. p. 567, dit Barbier. Cette erreur n'a pas été rectifiée dans le Manuel.

“A la tête de ce merveilleux ouvrage, l'honneur m'engage de souhaiter l'accomplissement de l'heureuse année à mon frère sa Majesté, et à la Reine également, et à toute l'auguste famille pareillement. Ainsi soit-il:

“AU ROI dont j'espère qu'il soutiendra mes titres, mes prérogatives, et qualités de Caissant, dont sa sainteté et sa Majesté ont honoré avec un zèle et félicité, le Roi de Mississippi, CardinalLaïque et Pape-Laïque, cordon bleu, Généralissime des mers orientales et occidentales, qui me procurent millions et milliards immenses.”

Achard [25] nous apprend dans une note de sa biographie de Joseph Bonnet, que Caissant eut le talent par ses facéties et sa crédulité de faire rire et d'amuser les autres, en menant une vie commode et agréable.

[25] Dictionnaire des Hommes Illustres de la Provence, Marseille, 1736, in 4o .

Après avoir diverti longtemps les habitants de Bignolles, il vint à Paris, et trouva moyen de s'insinuer auprès du Cardinal de Fleury. Il se disait aussi Cardinal, et le croyait, ou semblait du moins le croire. Caissant prouva que sa folie, sous le rapport du bien-être matériel, valait bien l'esprit des autres.

Lasuitede l'histoire de Caissant, que cite Brunet, n'offre rien de piquant ni d'agréable, dit Barbier, et il y a toute apparence qu'elle vient d'une autre main que la première partie. Il n'en est point parlé dans le Dictionnaire des Hommes Illustres de la Provence. Cette suite est presqu'entièrement composée de longues histoires épisodiques, absolument étrangères au héros principal, selon Barbier.

Cette monomanie d'être frère d'un roi de France, s'est renouvellée de nos jours, dans la personne de d'Aché ou Dachet, que les biographies ont oublié, quoiqu'il soit l'auteur de six ou sept volumes fort rares.

Quérard, dans ses Supercheries littéraires, tome 3, a réparé cet oubli, et nous apprend des faits qui nous obligent à faire entrer ce Namurois dans notre galerie.

Né en 1748, Dachet reçut son éducation au collège des Jésuites, et en 1768 accomplit ses vœux monastiques à l'abbaye de Floreffes.

Ce fut alors que sa folie paraît avoir commencé. Il nous a raconté lui-même sa vie, quoique d'une manière très peu intelligible, et son mariage avec sa nièce, fille de Louis XVI; car notre homme ne prétendait à rien moins qu'à être le Duc de Bourgogne, fils aîné du Dauphin, père de Louis XVI, par conséquent le véritable successeur de Louis XV, et frère aîné de Louis XVI, qu'il regardait comme un usurpateur.

En 1809 il s'occupait à Voroux-Goreux près de Liège, à imprimer lui-même ses Mémoires qui sont dédiés Aux Indiens, et intitulés: Tableauhistorique des malheurs de la Substitution, cinq volumes in 8o .

L'histoire de ce livre étant très curieuse, nous la donnerons ici, d'après le catalogue d'Alphonse Polain, Liège, 1842, in 8o , pages 1416, qu'a suivi Quérard.

Comme en 1810 le pays de Liège faisait partie de l'empire Français, et qu'on y jouissait par conséquent de toute la liberté de la presse qu'avait bien voulu nous laisser l'Empereur, on prouva au sieur d'Aché qu'en vertu d'un décret de Novembre 1810, il n'avait pas le droit d'imprimer des absurdités, même pour lui seul, et sans avoir dessein de les vendre. On saisit sa presse, les quatre cents exemplaires de son livre, et l'on expédia le tout vers Liège, sous l'escorte d'un gendarme.

Lorsqu'on demanda au frère aîné du malheureux Louis XVI de faire connaître les motifs qui l'avaient engagé à imprimer ces six gros volumes in 8o , dont un exemplaire avait été envoyé au conseiller d'Etat Réal, à Paris, un autre à M. De Pommereul, directeur de la librairie, et le troisième réservé au Préfet, d'Aché répondit que ses motifs étaient: “Le désir et le besoin d'imprimer pour sa propre utilité, afin de démontrer qu'il avait droit au sacrement du baptême,

et que l'abbaye de Floreffes l'ayant tenu en prison pendant dix-huit cent quatre-vingt-quatre jours et demi, il a cru pouvoir revendiquer, à la charge de ladite abbaye une somme de cent quatre-vingt huit mille, quatre cent cinquante florins, argent du pays, à raison de cent florins par jour d'emprisonnement.”

Le Synode de Liège avait déclaré, quelque temps auparavant, que d'Aché était un fou parfaitement caractérisé. Le synode ne s'était pas trop hasardé dans son assertion; mais on n'était pas d'une croyance aussi facile à Paris. On s'obstinait presque à voir dans l'ancien moine défroqué un conspirateur habile, un ennemi acharné de la dynastie régnante. M. Réal ordonna de surveiller attentivement cet effronté visionnaire.

Quant aux 400 exemplaires de l'ouvrage, Les malheurs de la Substitution, ils furent pilonnés le 17 et 18 Février, 1812. Les exemplaires envoyés par l'auteur, plus deux autres qu'on lui laissa, échappèrent seuls à cet immense désastre. Aux yeux du bibliomane, le livre de d'Aché a donc aujourd'hui un fort grand mérite, celui de la rareté; il n'a guère que celui-là.

A la Restauration on retrouve d'Aché à Paris, publiant une brochure, mentionnée par le Journal de la Librairie de M. Beuchot; Réclamation de Louis-Joseph-Xavier (D. D'Aché) contre laspoliation desesbiens, 1817, in 8o, de 58 pages.

Cet opuscule n'est pas moins rare, dit Quérard, que le Tableau historique.

M. Alphonse Polain croit que notre auteur est mort à Charenton.

Peut-être est-il encore plus difficile de trouver les trois Epîtres qu'Usamerpublia à Nivelles (Belgique) et dédia à sescontemporains. Ce pseudonyme cache le nom d'un certain Herpain, de Genappe, qui, vers 1848, ayant eu le cerveau dérangé par les idées de progrès social, à l'ordre du jour alors, chercha à faire accepter, afin d'être plus universellement compris, une langue de sa façon, qu'il appelle LangagePhysiologique. Il développa son système dans une brochure in 18o , format carré, dont il envoya un exemplaire à toutes les assemblées législatives de l'Europe. Celui qu'il destinait au Parlement

Anglais, porte pour suscription: AuxLégislateursdelaGrandeNation Anglaise,parleurserviteurHerpain,auteur.

Dans une note, à la fin de l'invocation, il prévient le lecteur qu'on a dû se servir de quelques chiffres, au lieu de lettres, les caractères nouveaux n'étant pas confectionnés. Usamer a soin de donner la traduction de son galimatias, et l'on peut juger par les deux lignes suivantes, que la précaution n'est pas inutile:

INVOCATION.

Stat5nq facto oprolit2al n1, n1 foʌ2al ovo otano. Tunk tev oret2inpod etesas et etes, &c. &c.

TRADUCTION.

“Aussitôt que votre présence majestueuse eut éclairé le néant, le néant fut fait le milieu de l'existence. Alors vous voulûtes régner favorablement sur des essences, et des principes d'êtres furent produits par votre généreuse fécondité, &c. &c.”

Nous ne croyons pouvoir mieux terminer cette esquisse que par les paroles de François de Clarier, sieur de Longval, dans son Hôpital desfolsincurables: [26] “Qui ne voit combien est grande la folie qui règne parmy les hommes, puisque les plus sçavans d'entr'eux, qui devroient par conséquent estre plus sages que tous les autres, disent quelquefois des choses que les moins senséz n'oseroient mettre en avant?

[26] L'HOSPITAL DES FOLS INCURABLES, où sont déduites de poinct en poinct toutes les folies et les maladies d'esprit, tant des hommes que des femmes; tiré de l'Italien de Thomas Gazoni, et mis en nostre langue par François de Clarier, sieur de Longval, professeur ez mathématiques et docteur en médecine, 1 vol. in 8o , 1620.

“Pline n'est-il pas plaisant de dire que le poète Philetas estoit si maigre et si gresle de corps, qu'il luy fallait mettre un contrepoids de plomb à ses pieds, pour empescher que le vent ne l'emportast? Ne

nous en baille-t-il pas bien à garder quand il dit que sur le lac appelé Tarquinien, il y eut jadis deux forests qui flottoient par dessus l'eau, ores en figure triangulaire, tantost en rond, et maintenant en quarré. La folie de Cœlius n'est pas moindre quand il nous conte qu'un certain monstre marin, homme par devant et cheval par derrière, mourut et ressuscita par diverses fois. Elian n'est guère plus sage d'escrire que Ptolomée Philadelphe eut un cerf si bien instruict, qu'il entendoit clairement son maistre, quand il luy parloit grec. Les exemples sont sans nombre, mais tant s'en faut qu'un esprit si grossier que le mien puisse raconter toutes les folies que les écrivains, mesme les doctes, ont mis en avant, qu'au contraire je tiens qu'entreprendre un si long ouvrage seroit de mesme que vouloir délasser Atlas, et le descharger de son fardeau; il me suffit de dire que le sage peut s'escrier à bon droict: J'ay veu tout cequi sefaictsouslesoleil,quin'estqu'afflictiond'espritetquevanité!et: Stultorumnumerusestinfinitus.”

En réfléchissant sur les faits que nous venons de passer en revue, il nous semble que l'on expliquerait beaucoup mieux les différentes sortes de folie, comme le dit le docteur J. Moreau dans son ouvrage intitulé: Du Hachisch et de l'aliénation mentale, si l'on admettait l'identité psychologique de la folie et de l'état de rêve. Il n'est pas de rêve dans lequel ne se retrouvent tous les phénomènes de l'état hallucinatoire. La folie est le rêve d'un homme éveillé; l'état de rêve est le type normal ou psychologique de l'hallucination. A quelques égards l'homme à l'état de rêve, éprouve, au suprême degré, tous les symptômes de la folie; convictions délirantes, incohérence des idées, faux jugements, hallucination de tous les sens, terreurs paniques, impulsions irrésistibles, et, dans cet état, la conscience de nous-mêmes, de notre individualité réelle, de nos rapports avec le monde extérieur, la liberté de notre activité individuelle sont suspendus, ou, si l'on veut, s'exercent dans des conditions essentiellement différentes de l'état de veille. Une seule faculté survit, et acquiert une énergie, une puissance qui n'a plus de limites. De vassale qu'elle était dans l'état normal ou de veille, l'imagination devient souveraine, absorbe et résume en elle toute

l'activité cérébrale. C'est ainsi que s'explique et que l'on comprend beaucoup mieux comment les Fous écrivent parfois des choses sensées, et comment des esprits ordinairement très sensés ont de temps à autre écrit de grandes folies. Les uns comme les autres rêvent tout éveillés, l'association normale des idées échappe peu à peu à la volonté, la conscience de nous-mêmes s'affaiblit, et nous passons de la vie réelle à celle de l'imagination.

Un des phénomènes les plus constants dans le songe, comme dans la folie, c'est que le temps et l'espace n'existent plus; le célèbre Robert Hall, le grand prédicateur, disait à un de ses amis, après être revenu d'un des accès de folie qu'il avait de temps à autre: “Vous et mes autres amis me dites que je n'ai été enfermé que durant sept semaines, et je suis forcé de vous croire, car la date de l'année et du mois correspond à ce que vous et eux dites; mais ces sept semaines m'ont paru sept années. Mon imagination était tellement active et féconde que plus d'idées m'ont passé par l'esprit durant ce temps, que pendant n'importe quelle période de sept années de ma vie.”

Une esquisse de la folie littéraire n'est pas, à notre avis, un sujet de pure curiosité bibliographique. Il serait possible d'en tirer des conclusions d'une nature toute pratique, si l'on voulait examiner sans préjugé, avec zèle et une connaissance approfondie du sujet, dans toutes ses variétés, les circonstances qui ont de l'analogie avec les faits que nous venons de détailler. Un dérangement mental, dit le docteur Conolly, [27] peut exister, sans être ce qu'on appelle communément de la folie: “without constituting insanity in the usual sense of the word,” et ce qui produit ce dérangement est souvent une cause physique. Par contre, les causes morales amènent fréquemment le dérangement physique du corps, ce qui a fait dire à un des plus grands philosophes de l'antiquité que tous les désordres des fonctions du corps humain ont leur cause dans les désordres de l'esprit. La science a-t-elle assez soigneusement étudié ce qu'on appelle folie, sous ce double rapport?

[27] Inquiry concerning the Indications of Insanity.

Si des choses très sensées ont été écrites par des individus, dont le cerveau était évidemment dérangé, de même le travail de la pensée et les opérations de l'esprit ont achevé durant le sommeil et en rêve, chez plusieurs hommes célèbres, ce dont ils se sentaient incapables, étant éveillés.

Désespéré de ne pouvoir composer un morceau de musique, et accablé de fatigue, Tartini s'endort, et en rêve il arrange sa fameuse sonatedudiable, qu'il se hâte d'écrire de mémoire à son réveil.

Condorcet nous apprend que parfois des calculs difficiles qu'il ne pouvait achever, se sont terminés d'eux-mêmes, dans ses rêves.

Hermas dormait lorsqu'une voix lui dicta, dit-il, le livre qu'il intitula lePasteur.

Franklin racontait à Cabanis que les combinaisons politiques qui l'avaient embarrassé pendant le jour, se débrouillaient parfois d'ellesmêmes, en rêve. Les nombreux exemples de ce genre, qui sont consignés dans maints ouvrages, formeraient un curieux pendant à notre esquisse de la littérature de la folie, et serviraient à prouver, une fois de plus, que l'état hallucinatoire est plus fréquent qu'on ne le croit.

HISTOIRE DE LA LITTERATURE DES FOUS.

DEUXIEME PARTIE.

BIOGRAPHIES.

BLUET D'ARBERES.

PREMIERE SECTION.

BIOGRAPHIE.

En conséquence de la rareté et de la singularité des publications de ce fou littéraire qui nous avertit lui-même, dès son début qu'il ne sait ni lire ni écrire, et qu'il compose par l'inspiration de Dieu et sous la conduite des anges, presque tous les Bibliographes se sont occupés de lui, mais en mêlant au vrai, nombre de suppositions et d'erreurs. Les suppositions avaient leur cause dans les notions vagues d'après lesquelles on parlait des écrits de Bluet dont probablement pas un des critiques et des bibliographes antérieurs à notre époque, n'avait lu en entier les fragments qu'il pouvait avoir à sa disposition. Les erreurs résultaient de l'impossibilité de consulter l'ensemble de ses compositions dont les très rares exemplaires sont tous défectueux et incomplets.

Des recherches plus soigneuses que celles que l'on avait faites jusqu'à présent, et un heureux hasard ayant fait découvrir plusieurs parties des œuvres de Bluet, on a examiné plus attentivement les détails que l'on possédait déjà, et l'on s'est de nouveau occupé des bizarres élucubrations du Comte de Permission. Les trois écrivains qui ont exploré ce champ ingrat avec le plus de succès sont M. Deperrey dans sa Biographiedeshommescélèbres duDépartement

del'Ain, M. Paul Lacroix dans deux articles du BulletinduBibliophile, de Techener, et M. Gustave Brunet, dans la Biographie Universelle, de Didot.

Le premier a mis en œuvre les renseignements biographiques fournis par Bluet lui-même, mais en nous les présentant sous une forme moderne. Nous avons préféré, après avoir lu d'un bout à l'autre trois exemplaires différents des œuvres de Bernard Bluet, de lui laisser son style simple et naïf, et de choisir dans son œuvre entière les détails romanesques mais vrais de cette existence vagabonde, tels qu'il les fournit lui-même.

Dans la partie Bibliographique nous présenterons ce que les divers livres offrent de plus curieux, et profitant des recherches faites jusqu'à ce jour, nous serons à même de donner une esquisse passablement complète de l'homme et de l'auteur.

Charles Nodier dans une notice pleine de son esprit et de sa causticité habituels, nous a donné un excellent article critique sur Bluet d'Arbères et sur ses œuvres, dans leBulletinduBibliophile, de Techener. Quoique plusieurs autres bibliographes se soient occupés de Bluet, comme nous allons le voir, Nodier est le premier, à notre connaissance, qui soit entré dans quelques détails sur sa vie et ses écrits bizarres. “J'aime à penser,” dit-il, en terminant sa notice, “que Dubois, Gaillard, Braguemart et Neuf-Germain portèrent les quatre coins du poêle funèbre de Bluet; c'étaient des fous de même force.” [28]

[28] Gaillard avait été valet de pied, puis cocher, dit Nodier, avant d'être poète. Il avait reprit l'artifice commode de Bluet d'Arbères, et ses lettres adulatrices aux belles dames de son temps sont assez passables pour des lettres de cocher. Ses poésies parurent en 1634, et sont très rares.

Nous avons parlé ailleurs de Dubois.

Quant à Louis de Neuf-Germain, que Bayle désigne comme étant un peu fou, pour ne rien dire de plus, il vivait sous le règne de Louis XIII. Le Duc d'Orléans le nomma son poète Hétéroclite et Neuf-Germain prit

sérieusement ce titre à la tête de ses ouvrages. Le Cardinal de Richelieu se plaisait à lui entendre répéter ses plates bouffonneries. On ignore l'époque de sa mort, mais les contemporains en parlent encore comme étant vivant en 1652. Sarrasin, Voiture et Boileau se sont occupés de ce fou littéraire dont les œuvres furent publiées en deux volumes in 4o en 1630 et 1637, sous le titre de: Poésies et rencontres du sieur de Neuf-Germain.

Examinons brièvement ce que savait la critique littéraire sur Bluet, avant Charles Nodier.

L'article que Flögel [29] consacre à notre auteur, résume assez bien, sauf quelques oublis, ce qu'on en savait à cette époque. Il indique la contradiction entre Prosper Marchand et Beyer, [30] sur la nature même des œuvres de Bluet, l'un affirmant que c'est un petit volume, et l'autre que c'est un gros ouvrage. Flögel qui probablement n'en parle que par ouï-dire, penche pour le dernier avis. Au fond ils n'ont peut-être tort ni l'un ni l'autre. Marchand a voulu parler du format, et Beyer de l'épaisseur de ce petit volume, lorsque tout est réuni (dickes Buch). Il paraît que du temps de Flögel on n'avait connaissance que de cent trois des livres, ou morceaux numérotés de Bernard. On n'était guère d'accord non plus, sur la signification de ces visions. Les uns n'y voyaient que des énigmes incompréhensibles, les autres y trouvaient un sens mystique caché et profond; enfin une troisième classe y reconnaissait la science de la pierre philosophale, tant il est vrai de dire:

Un fou trouve toujours un plus fou qui l'admire. Bayle, dans sa correspondance, lettre 187, (et non 137, comme le dit Flögel,) nous apprend qu'il ne savait rien sur Bluet d'Arbères, mais, ajoute-t-il: “j'espère rencontrer quelque chose, du moins fortuitement, dans le cours des recherches que je fais, sur le Comte de Permission.”

[29] Geschichte der Komischen Litteratur. Ersten Haupstück 17ième siècle, 2ième vol. p. 528.

[30] Memoriæ librorum rariorum, p. 49.

Le Duchat fit copier le commencement de Bluet par M. Du Fourni, auditeur de la chambre des comptes, et dans cette copie il est fait mention, pour la première fois, d'une circonstance que Bluet nous apprend lui-même, c'est la couverture diversement coloriée dont il faisait relier les plaquettes, qu'il appelait des livres.

“Le 2me livre d'oraisons était couvert de bleu céleste.

“Le troisième livre des sentences, couvert d'orangé.

“Le 4me livre des prophéties est couvert de rouge.

“Le 6me livre des songes, est couvert de bleu et de noir, &c.”

Le Duchat, dans une remarque sur un passage de LaConfession deSancy, fait une observation très naïve, et qui prouve qu'il n'avait qu'une idée bien vague du Comte de Permission: “Il y eut à la cour d'Henri IV, dit-il, depuis 1601 jusqu'en 1605, un homme de ce nomlà, qui n'y avait pas fait fortune, et qui dépendait de quelque ministre, comme pouvait être M. De Sillery, garde des sceaux, chez lequel il avait la commission de revoir les ouvrages pour lesquels on demandait un privilège.”

La pensée de donner cette étrange position à un homme qui ne savait ni lire ni écrire, aurait été des plus bouffonnes. C'est un curieux exemple du danger qu'il y a de faire des suppositions sur un auteur dont on n'a guère lu les ouvrages.

Prosper Marchand [31] accorde huit lignes à notre Comte de Permission, de l'existence duquel il n'est pas même fort assuré, car il en parle comme d'un personnage “qu'onprétendavoirparuàlacour deFrance, au commencement du 17me siècle, et qu'on croit avoir été une espèce d'administrateur de la librairie, ou d'examinateur des ouvrages à publier, sous l'autorité du Chancellier.”

[31] Dictionnaire historique, t. 1ier , p. 203.

Ceci n'est pas mal, comme mystification dans l'histoire littéraire, mais Prosper Marchand ne s'arrête pas en si beau chemin: “Il y a sous ce nom (celui du Comte de Permission) un petit livre

extrêmement rare, et connu de très peu de personnes, dontsurtout lespartisansdelapierrephilosophalefontbeaucoupdecas!” Il faut dire cependant, à la décharge du biographe, que, convaincu de la nullité de ses renseignements, il donne tout au long en note, ceux de l'auteur des remarques sur les lettres de Bayle, dont nous avons parlé ci-dessus.

Il avait eu sous les yeux l'ouvrage de Bluet d'Arbères, car il le décrit et en donne même des extraits. Comprend-on, après cela, que non seulement il n'ait pas la moindre idée de son contenu, ni de la date de l'impression (indiquée cependant presqu'à chaque livre) mais encore qu'il forge à plaisir un faux titre dans un catalogue!

Il est curieux de citer les paroles mêmes d'un bibliophile aussi exact.

“Le Comte de Permission est un petit livre très rare” (d'abord le Comte de Permission non seulement n'est pas un livre; ce n'est pas même le titre d'un ouvrage quelconque). “C'est une espèce de catalogue de livres feints et imaginaires;” (ne croirait-on pas qu'il s'agit d'une seconde bibliothèque de Saint Victor?) “qui contient 42 feuillets,” (et ce malheureux Bluet croyait avoir composé 173 livres!)

“Les chimistes regardent le Comte de Permission comme un ouvrage de philosophie hermétique, où l'on a développé, sous diverses figures emblématiques, l'art de transmuter les métaux, et c'est ce qui fait que les curieux le recherchent encore quelquefois,” (et c'est ainsi que l'on écrit l'histoire des livres!) “Pour moi, j'aime mieux le regarder comme une satire assez froide de diverses personnes du temps de Henri IV, et c'est sous cette idée que je me souviens d'en avoir ainsi fait dresser le titre, dans le catalogue de la Bibliothèque de M. Cloche, qui fut vendue publiquement à Paris en août 1708: Le Comte de Permission, ou 42 portraits satiriques et allégoriques de différentes personnes du temps de Henri IV , en forme de titres de livres;avecfigures,en1603,in12o . ”

Le trop confiant Flögel a été pris à ce piège d'un faux titre, qu'il a donné comme un ouvrage véritable. Pierre de l'Estoile, dans son Journal de Henri IV, [32] nous fournit une description plus précise de

notre auteur et de ses ouvrages: “En ce mois” (août 1603) dit-il, “courait à Paris un nouveau livre d'un fol courant les rues, qui se faisoit nommer le Comte de Permission, lequel ne savoit ni lire ni écrire, comme il en donne avis à chaque feuillet, et ce qu'il faisoit et écrivoit, étoit, à ce qu'il disoit, par inspiration du Saint Esprit, c'est à dire, de l'esprit de folie qui le possédoit, comme il apparoit par ses discours, où il n'y a ni rime ni raison, non plus qu'en ses visions. Il a mis dans ce beau livre, la Reine, tous les princes et les princesses, dames et damoiselles, dont il a pu avoir connaissance, tant étrangers, qu'autres, avec des étymologies et interprétations de leurs noms, fort plaisants et à-propos, selon le proverbe commun qui dit que les fols rencontrent souvent mieux et plus à-propos que les sages. Ce beau livre imprimé à Paris, à ses dépens, et avec permission de Monsieur le Chancellier, est bien digne du siècle de folie tel qu'est le nôtre.” [33]

[32] Tome 1, pages 259-260.

[33] Nous verrons plus loin pourquoi de l'Estoile ajoute que le métier de ce fol était d'être charron, et qu'il montait en Savoie l'Artillerie du Duc, où on disoit qu'il se connaissoit fortbien.

Garnier, un des commentateurs de Ronsard, [34] range aussi notre Bluet d'Arbères au nombre des fous, dans une note d'un passage relatif à l'époque précédant les guerres civiles de France, où l'on voyait errer parmi les villes, des hommes:

Barbus, crineux, crasseux et demi-nus, Qui, transportés de noires frénésies,

A tous venans contaient leurs fantaisies

En plein marché ou dans un carrefour, Dès le matin, jusqu'à la fin du jour.

[34] Edition de Paris, in folio, 1623.

“Tels,” dit Garnier, “que nous avons eu de notre temps le Prince Mandon,leComtedePermissionetmaîtrePierreduFourl'Evesque.”

De tous les Bibliographes anciens, De Bure le jeune est celui qui a donné les détails les plus exacts sur les œuvres de Bluet d'Arbères, d'après l'exemplaire de la Bibliothèque du Duc de la Vallière, le plus complet à cette époque.

La Bibliographie allemande moderne s'est aussi occupée de notre auteur, et Grässe lui a consacré une notice exacte, mais peut-être trop concise, [35] où il avance, sans que nous puissions nous imaginer sur quel fondement, que les œuvres de Bluet d'Arbères sont une imitation du SecondaLibrariadiDoni.

[35] Lehrbuch einer Allgemeinen Literärgeschichte aller bekannten Völker der Welt, Von Dr J. G. Ch. Grässe. Leipzig, 1856, tom. 3, section 1ère , page 502.

Présentons maintenant l'autobiographie de notre original. [36]

[36] Bluet commence à raconter sa vie au 70ème livre, imprimé le 10 Novembre, et dédié au Duc de Maines. Nous indiquerons successivement les livres dans lesquels il continue sa narration, en y faisant entrer les détails qu'il a répandus dans un grand nombre d'entr'eux.

Moy Bernard de Bluet d'Arbères, Comte de Permission, chevalier des ligues des treize cantons de Suysse, naquit l'an 1566, à Arbères, terre de Gex, auprès de Genève, issu de petite maison et pauvres parens. Ils estoient de la religion Philistienne. Tout ce qu'ils m'ont appris c'est mon Pater et le Credo en François. Mon village est en une boissière (vallée). Du coté du Soleil couchant il y a des montagnes, où il n'y a que rochers et herbes de senteur. Du coté du Levant, il n'y a que marescages. Je me souviens de tout ce que j'ay dit et fait, depuis que j'estois au berceau.

Quand je commençay à cheminer, je montois dessus de grands coffres de paysans, et chantois à haute voix: Domine.

Les paysans qui avoient semé du millet, avoient mis des images de nostre Seigneur dans les champs pour faire peur aux oyseaux. Je les allois prendre, à cause que nostre Seigneur y estoit en peinture.

Nous étions alléz mener les brebis André Bure et la Tivène de Trec, auprès du chesne du Baissot; eux avoient beaucoup plus de temps que moy. Voicy que le loup commence a venir prendre de nos brebis, alors je commence à réclamer l'aide de Dieu, et à l'instant le loup quitta les brebis… Depuis l'age de quatre ans je n'ay eu que du travail et point de repos.

Mon père me fit le gardien de toutes les brebis du village. J'avois entendu dire que Dieu avoit promis que quand on seroit deux qui parleroient de luy, qu'il seroit au milieu des deux. Je me mettois en teste et croyois que moy seul suffirois, et que Dieu pouvoit aussy bien m'assister qu'à un grand troupeau… Mon frère Michel prenoit plaisir à dire des chansons, estant aux champs avec les brebis. Il estoit loué et estimé par les filles, et je n'estois point loué ny estimé, parceque je ne sçavois pas dire de chansons. Mais pour cela le loup ne laissoit de luy manger ses brebis, ce qui ne m'arrivoit point.

J'hayssois fort la paillardise jusques à l'age de sept ans. Quand je voyois des femmes et des filles, j'allois me cacher derrière des lits… Je n'avois pas une heure de relasche; on me faisoit aller quérir du bois sur les épaules. J'avois fait un petit chariot pour aller le quérir, et mes compagnons venoient tirer le chariot avec moy, encore qu'ils fussent de plus grande maison que moy.

Au temps qu'il falloit retirer le foin et le bled, l'on m'envoyoit par les montagnes pour faire du ramage pour donner aux brebis; je m'y tenois tousjours incessamment. Il y avoit un chasteau qui s'appeloit le chasteau Dyvone, proche de mon village: dans le chasteau, au belvar de l'haute cour, il y avoit Adam et Eve, l'arbre de vie avec le serpent, représentés au naturel, et ne leur manquoit que la parole. Aussitôt que je me pouvois desrober, j'étois incité et induit pour aller voir ceste belle histoire si hazardeuse et escandaleuse. Je ne faisois que penser aux grans dons des graces et faveurs que Dieu avoit fait au prophète Royal David, et à Moyse, et me représentois tousjours ces deux grands personnages.

La plus grande ambition que j'avois en ce temps c'est qu'il pleust à Dieu de me faire la grace que je peusse estre prédicateur. Les clercs estoient de grand renom et respect. J'empruntois des livres de

mes compagnons, et y regardois quand j'estois aux champs àfin qu'on eust creu que je sceusse bien lire, et m'estois toujours d'avis qu'un ange me devoit parler et me représentois toujours le jugement de Dieu devant ma face. Je priois incessamment Dieu… Je me faisois accroire en ce temps-là que si j'eusse esté du temps de Jesus Christ, j'eusse tout quitté pour le suyvre… Je disois à mes compagnons: “quand je seray grand, vous me verrez suivre des princes, puis des roys, s'il plaist à Dieu, et porteray de leurs mesmes habits, satin et velours, avec passemens d'or.” Ils ne faisoient que rire, mais mon dire s'est trouvé estre véritable.

En l'an 70, du temps que le Duc Darue passa par Chamberry en Savoye pour aller en Flandre, ceux de Genève et de mon pays craignoient que les Espagnols ne leur fissent la guerre, et disoient: Les gendarmes nous viendrons couper la gorge! Je me consolois avec Dieu, aux champs, à mes brebis. Je disois: Hélas! où irai-je me cacher, afin qu'ils ne me coupent la gorge! Je priois Dieu qu'il prolongeast cet accident jusqu'à ce que je fusse en age, que je pusse entrer au service et en crédit, par la miséricorde de Dieu, avec ceux qui peuvent allumer le feu et l'esteindre. Mon Dieu a entendu ma voix, m'ayant envoyé au service de Charles Emmanuel Duc de Savoye en l'an 85, où je suis demeuré jusqu'en l'an 1600. [37]

[37] Livre 47ème .

De sept ans à dix [38] mon père voulut me faire berger de vaches; j'avois accoustumé de garder les brebis jusqu'alors, qui est la plus noble beste qui soit en toutes les bestes, après la colombe. Il m'estoit bien fascheux d'aller aux marescages là où il n'abite que des bestes sales. Je demanday à mon père qu'il me laissast garder les brebis, car ce m'estoit plus honorable que de garder les vaches, mais il me respondit, qu'il n'estoit pas si profitable. Il me fallut donc estre gardien de vaches. Comme je n'avois pas peur que le loup les mangeast, je me livrois aux pensées de l'ambition. Je faisois des cuirasses des escorces d'arbres, et des morillons des citrouilles, et force espées de bois, des paniers de bois, artilleries de bois, arquebuzes et pistoles de bois, et les canons estoient des clefs

percées, trois tambours, et les caisses des tambours estoient d'escorces de cérisier. Prenant les lettres de parchemin qui estoient des contracts et testaments de mes prédécesseurs, pour en faire les fonds des tambours, prenant les filets pour faire les cordages. Je faisois des paniers d'ozier et les envoyois vendre à Genève pour avoir de l'argent pour acheter du taffetas pour faire des enseignes de guerre. Après avoir fait tout cela, je le cachois par dedans la paille, afin qu'on ne trouvast ces artifices. Je fis un coffre de la longueur d'un escabeau, trois pieds de long et deux de large. J'achetois des jettons marqués de la Fleur de Lys du Roy de France, et en empruntois encore à Janet Gaudar et les estendois sur le sable. J'empruntay une grosse gibecière de Pierre Rouzé, principal du village, et la remplis tant de sable que de jettons, et la mis dedans le coffre. Je prins une chambre qui estoit sur quatre colonnes de bois faictes avec des ais. J'y mis tous mes artifices de guerre. La chambre estoit à un de mes voisins.

[38] Ceci appartient au 71ème livre, qui a en tête une gravure surmontée d'une couronne, et qui représente le Comte de Permission gardant les moutons et pourchassant un loup.

Au village où je suis né, il y avoit de très belles filles. Mes compagnons estoient les bien-venus auprès d'elles, mais moy je n'estois ny bienvenu, ny aucunement caressé, à cause que j'estois sorty de pauvres gens de mépris.

J'estois déjà fort persecuté en ce temps là à caresser et aymer les belles filles, jusqu'à considérer dans mon esprit quand viendra le temps que les femmes seront à bon marché.

Je hayssois tous les autres vices, mais je trouvois que celuy là estoit le plus plaisant. Quand j'estois couché la nuict, toujours les mauvaises pensées me venoient attaquer, et me sembloit que si toutes les plus belles femmes et filles du village se fussent présentées à moy, que j'eusse accomply le plaisir de concupiscence.

Je priois Dieu journellement qu'il luy pleust me faire tant de grace que de me donner le savoir et la science pour pouvoir

prescher à mes compagnons.

Je leur dis que j'avois un trésor, et ils me respondirent qu'ils vouloient en avoir leur part, autrement ils l'iroient rapporter au gouverneur de Gex.

Je leur respondis: je vous en feray part moyennant que vous ne le disiez point aux autres, et que vous soyiez petit nombre de gens. Incontinent ils l'allèrent dire à tous les autres, et j'en faisois du fasché, et cependant j'en estois bien joyeux, parceque ma cour et ma suite en seroient plus grandes. Je leur dis: vous vous contenterez de le voir, sans le toucher et n'entrerez qu'un à la fois dans la chambre. (Il suit ce plan et les introduit l'un après l'autre dans son arsenal, leur montrant le coffre de jettons, puis les fait sortir, et leur donne à chacun des noms de noblesse.) Je les fis armer de mes armes, battre mes tambours. J'avois fait une colombe de bois doré, et un baston de la hauteur d'un homme, avec une banderolle de ferblanc doré, et une croix blanche à jour, au milieu de la banderolle. C'estoit ainsy un baston royal. Je le faisois tousjours porter devant moy, signifiant la grandeur de l'inspiration de Dieu. Alors mes compagnons de noblesse me disoient: que ferons nous de ce trésor; il faut que nous le partagions. Je respondis: je ne veux pas qu'un aussy grand trésor se disperse. Il faut voir s'il y a quelque chasteau ou seigneurie à vendre, nous l'acheterons tous ensemble, et serons frères. Toutefois je veux estre le supérieur de vous tous, et me rendrez obéissance.

Tout le plaisir et delectation que j'avois, c'est que je les faisois tirer à l'arbaleste et à la flesche, eux marchant en ordonnance, le tambour battant, les enseignes déployées.

Toutes les plus belles filles me venoient voir et me faisoient grande caresse et reverence.

Quand je fus à l'age de neuf ans, [39] il y avoit une paysanne, belle fille et riche qui estoit une voysine. Elle s'appeloit Antoinette Goandet. Mes compagnons me venoient prier que je parlasse pour eux à ceste paysanne. Alors je parlay pour un nommé Chateaufort, mais la belle me respondit que je parlasse pour moy et non point

pour les autres, et qu'elle m'aymeroit mieux que celuy pour lequel je luy parlois. Je fus bien joyeux et content.

[39] Ceci appartient au 72ème livre dont la gravure représente le Comte de Permission et ses compagnons armés comme il l'a décrit plus haut, debout au centre de son artillerie, et le coffre aux jettons ouvert au milieu d'eux.

(Il devient amoureux, la mère de la jeune fille se fâche, le père de Bluet s'irrite. Notre héros s'enfuit de la maison paternelle, et se sauve au château de Grelly, à un quart de lieue de son village.)

Le seigneur du dict lieu estoit capitaine de cinquante lances pour le Duc de Savoye. Au chasteau se trouvoient la femme du seigneur, son fils et ses trois filles. Je dis à icelle dame: Madame, je vous prie humblement de me faire ceste faveur, au nom de Dieu, de m'amener à Rumilly avec vous. Elle me dit: que feras-tu quand tu seras là? tu es si petit, à quoy employeras-tu le temps?—Je prieroy Dieu le créateur afin qu'il luy plaise me faire la grace que je puisse devenir le maistre monteur de l'artillerie. Alors la dicte Dame m'accorda ma demande, et nous partîmes le lendemain… (admis au château, il y trouve le contrôleur du Duc, qui voulant probablement s'amuser, promet à Bluet de le faire entrer au service de son altesse, à raison de dix écus par mois; mais on ne le paie pas; il se plaint; on déchire le contrat que par plaisanterie on avait fait dresser par un notaire, et Bluet s'arme de patience contre sa mauvaise fortune.)

Au bout de quatre mois, on m'habille tout de boccassin incarnadin, espée et poignard, manteau et panache. Tous mes compagnons furent esmerveillés, puis je m'en retournay à Rumilly. Le jour de mon arrivée [40] les quatre compagnies de chevaux-leger firent montre, ensemble toute la noblesse de Savoye commençoit à s'armer et à se préparer…

[40] 73ème livre. Suite de sa vie jusqu'à l'âge de 16 ans.

J'estois en renom de plus en plus à cause de mon jeune age et de l'intelligence qui estoit en moy. Je n'avois que douze ans. Je demeuray six ans à Rumilly, et toute l'envie que j'avois c'estoit de m'amasser quelque somme d'argent, à la sueur de mon visage, et puis après me marier… J'avois ceste coutume que j'aymois à estre tousjours superbement habillé. A Rumilly je fis faire des habits de taffetas et satin.

Durant ces six années, je m'en allai quatre ou cinq fois au lieu de ma naissance, et je ne voulus jamais loger en la maison de mon père, mais je logeois en la maison du voisin qui s'appelle Nicolas Coindet; et six ans après, la maison de mon père est venue à tomber, et il a acheté la maison où je logeois… J'avois incité et sollicité mon père et ma mère qu'ils ayent à vendre le peu de biens qu'ils ont, pour s'en venir ailleurs, parceque le temps viendroit que les armées leur couperoient la gorge. Dix ans après, les Espagnols brûlèrent la terre de Gex; les femmes et filles furent forcées et violées, brûlées et massacrées. Mon père et ma mère furent liés et garottés. Mon père s'ecria Hélas! mon fils Bernard où es-tu, qui a monté l'artillerie de nostre prince? Les Espagnols dirent: est ce maistre Bernard qui a monté la croix? Alors mon père et ma mère furent déliés et libres. Tout le pays fut bruslé, sinon mon village qui fut préservé. [41]

[41] Livre 47ème .

A seize ans je quittay Rumilly, [42] et j'allay au chasteau de Monmeillan, principale place de toute la Savoye. J'allois offrir mes services à Monsieur de Bonvillar, gouverneur de la place. Une sentinelle donne avis qu'un jeune garçon vouloit parler au gouverneur. Celui-cy demande ce que je voulois, et je luy respondis: “Monsieur, depuis que Dieu m'a donné le jugement je n'ay eu d'autre dessein que de servir son altesse, pour accommoder son artillerie.” (Il est agréé et on lui donne un logement dans la forteresse. Le contrôleur du gouverneur lui offre, dit-il, une de ses maîtresses pour femme, mais il refuse par fierté. Puis il veut lui donner une de ses filles bâtardes, ce qui ne réussit pas non plus. Parmi plusieurs

intrigues, qui toutes, dit-il, s'en allèrent au vent, il en raconte une fort originale, mais que nous ne pouvons placer ici.)

[42] 74ème livre. Portrait en pied de Bluet d'Arbères armé, et d'une femme de chambre tenant en main une quenouille. Au-dessus des portraits se trouve imprimée en deux lignes la légende suivante: “Outre que la figure est bien taillée, c'estoit la plus belle suivante qui fust jamais en tout le monde.”

Le gouverneur avoit parlé à son Altesse le duc pour moy, et lorsqu'il fust desmist de ses fonctions, elle commanda que j'eusse les mesmes franchises qu'auparavant. Quelque temps après le nouveau gouverneur me donna commission de monter toute l'artillerie, et qu'il n'y auroit jamais artisan qui seroit mieux récompensé de son Altesse, que moy. “Mais gardez-vous, dit-il, de vous marier encore de quelque temps, car tel ne vous voudroit donner sa Chambrière pour l'heure présente, qui avec le temps sera trop heureux de vous donner sa fille.” Je me tenois bien heureux d'avoir receu un aussy bon conseil de mon dit sieur le gouverneur, lequel j'ay observé jusqu'à présent.

(Bluet a maintenant près de vingt ans, et c'est probablement vers cette époque qu'il commença à avoir ses visions, au milieu d'amours multipliées, et de tours très fâcheux qu'on lui joue à chaque instant.

Dans une de ses visions arrivée le 19 Novembre 1586 au château de Montmeillan, il lui sembla que des armoiries lui étaient données en rêve. C'était, dit-il, l'arbre de vie, avec sept racines entourées par deux serpents dont l'un a une tête de femme. Deux branches de laurier chargées de douze pommes entourent l'arbre, et le tout est surmonté par cinq couronnes, au-dessous desquelles est une colombe au milieu d'une gloire. Dans sa première oraison, il explique symboliquement ces armoiries qui se retrouvent plusieurs fois gravées dans ses œuvres.

L'année précédente, il était allé faire un pélerinage à St Claude, et il passa par le pays de Gex. Tous ceux de son pays se moquaient de lui, rapporte-t-il, et le traitaient de fou, parcequ'il leur recommandait de prier Dieu, vu que le temps approchait où les

châteaux et maisons du pays seraient brûlés, et les habitans passés au fil de l'épée.

Laissons maintenant à notre héros le soin d'expliquer lui même ses amours et les tours dont il est la victime.)

Je dépendois grande somme d'argent pour adhérer aux desirs de Toinette. [43] Je faisois force collations et faisois manger force confitures à ma maistresse et à sa compagnie, jusqu'à luy donner tout ce qu'elle estimoit luy estre agréable. Mais l'on abusoit de ma bonté et de ma patience. Je payois tous les violons, et les autres dansoient à mes despens; je faisois l'amour et les autres la vie, c'est à dire la monte. Monsieur de Choizel, veneur de Madame la Gouvernante, prenoit du poulverin d'arquebuze, et me le venoit souffler contre les yeux, ce qui me faisoit beaucoup de mal à la vue. Encore ne se contentoit-il pas de cela, mais il prenoit la clef de mon coffre, et me prenoit tout ce qui estoit dedans. Il me venoit trouver dans ma chambre et me tiroit mes bagues d'or de mes doigts, et en faisoit son propre, ce qui m'occasionna de m'en plaindre à Monsieur le Gouverneur, et il me respondit que ma maistresse y mettroit du remède. Le dict Choizel estoit des mignons de Toinette. Je consideray qu'il n'estoit pas possible que le c. d'une p. me peust faire condescendre à vivre desreglement à l'encontre de la volonté de Dieu… Petits et grands se mocquoient de moy, et me faisoient des cornes. J'avois des visions que partout où ma maistresse logeoit, qu'il y avoit deux portes… Je demanday mon congé à Monsieur le Gouverneur, et satisfaction de mon travail. [44] Il me dit: le congé que je vous donne, c'est de garder de près votre maistresse. Je luy respondis: Monsieur, je ne seray jamais subject au c. d'une p., et il me respondit: Maugré de coquin! Monsieur, répliquai-je, si je suis coquin, mon esprit n'est point abastardy, et à l'instant il me donna mon congé par escrit, mais sans me donner aucun payment de ce qu'il me devoit… Je retournay au chasteau de Montmeillan, où je fus très bien venu et très honorablement reçeu… C'estoit environ un mois avant Noel. Dieu m'envoya une inspiration de demeurer trois jours sans boire et sans manger… et pour une repentance et pénitence, je voulus aller à pied nud, et marcher teste nue au plus

gros de l'hiver, depuis Montmeillan jusques à nostre Dame de Means, qui est une bonne lieue de distance. Je ne portois que ma chemise et mes scarçons. Estant de retour, ma chair estoit toute noire, et alors me fust annoncé secret haut et puissant. Une voix me disoit: comporte-toy bien et sagement, car Dieu veut se servir de toy, et te veut faire prophète…

[43] Il raconte ceci au 75ème livre, celui où se trouve une gravure indécente représentant une femme nue, entrelardée par tout son corps de priapes ailés.

[44] 76ème livre.

(Au 78ème livre il raconte une autre vision, dans laquelle on veut lui faire épouser sa maîtresse qu'il nomme tantôt Toinette, tantôt Lucrèce de la Tornette, mais il ne veut pas se marier avec elle. Comme, en cette vision, il est très pauvre, et n'ayant pour tout vêtement que sa chemise, Toinette fait amener auprès de lui sept mulets tous chargés d'écus: Voilà, mon serviteur, pour vous remonter, dit-elle. Il désire savoir d'où vient tant d'argent, et elle répond: c'est son altesse qui me l'a donné, pour récompense de ce qu'il m'a fort bien embrassée. Allez, p., s'écrie Bluet furieux, je ne veux point estre remonté par votre…

Le gouverneur, sa femme et tout le monde disaient, et faisaient courir le bruit, rapporte-t-il, qu'il était devenu fou, et avait des transports au cerveau. Enfin touts ces tribulations cessèrent par la mort de Toinette qui mourut de la peste. Rendons la parole à Bluet.)

Le péché qui m'a le plus persécuté, c'est la tentation des femmes, et quand j'ay mangé, encore que je ne mange dissolument, et ne mange rien que je ne veuille que tout le monde sache, je ne suis pas si prompt pour prier Dieu, et l'incitement de Sathan me faict trouver belles les femmes… il m'a pris des envies de me faire crever les yeux pour éviter de les veoir; mais j'ay considéré que cela me détourneroit de faire quelque chose de grand, que j'ay envie de faire au monde, qui sera remarquable, s'il plaist à Dieu…

(Au livre 80ème il nous raconte que dans un de ces accès d'ascétisme, et tenté du péché de concupiscence, il s'en alla vers un

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