ARKUCHI #52 OCTOBRE/NOVEMBRE25

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Dans le Rétro… Dans le Viseur

.16 À LA MOULINETTE

Le Chat & Philippe Geluck

.06

À L’AFFICHE

Prune Nourry bouleverse les sens

Mode d’emploi agite les neurones

Le KnAM questionne la mémoire

.10

SUCCESS STORY

De Bernard Zehrfuss à Claire Iselin : Lugdunum fête son jubilé

.14

Déambulations Musiques

.18

FOKUS

Aurélien Aumond joue avec le réel

.20

BÊTES DE SCÈNES

Le travail des artistes associés Carolina Bianchi, Martin Palisse, Olivier Normand, Via Kathelong, Courts-Circuits, Focus Grand ReporTerre, VEN, Joël Pommerat, Malika Djardi, Christèle Khodr, Newroz, Gary Owen

.28

Expos Manifesta, Musée Couty, Laurent Ballesta, AIRTDEFAMILLE, 10 Ans d’Autour de l’Image

.31

HORS CHAMP

Pères, filles et autres histoires de famille

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Lettres & Ratures

.33

Street Musée du Mois

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Popote(s) & Jugeote

#52 Oct. / N O v. 25

Gratuit • Toutes les 6 semaines

Diffusion : plus de 450 lieux

Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes

Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon

Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97

Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro

Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain Doussau, Emmanuel Monneron, Trina Mounier, Enna Pator, Florence Roux, Gallia Valette Pilenko.

Illustration de couverture : Aurélien Aumond

Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97

Conception et mise en page

Impression : FOT

Tirage : 15 000 ex.

Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387

Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés.

ABONNEMENt 7 num./an = 35 eur.

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LES GRAINES DU FIGUIER SAUVAGE

TAMBOURBATTANT

La jeune Lucile Lacaze confirme qu’elle a déjà tout d’une grande. Juste créé aux Célestins, La Folle Journée ou Le mariage de Figaro d’après Beaumarchais enthousiasme par son adaptation dépoussiérée, sa direction d’acteurs et sa scénographie. On court à Villefranche, le 2 décembre !

Sur la platine

Desir → Sprints Pray To That → Fat Dog Surface → Marta & Tricky

t Un documentaire bouleversant sur les conditions de vie des Gazaouis par Fatma Hasson, visage lumineux de la résistance et du quotidien tragique à Gaza. Dans Put Your Soul on Your Hand and Walk, un dialogue se noue au fil des entretiens filmés au téléphone portable, entre la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi et la jeune photographe palestinienne tuée au printemps. Un film coup de poing. EN SALLE DEPUIS LE 24 SEPTEMBRE

EN ORBITE

Souvenir d’Avignon. Yes Daddy du Palestinien Bashar Murkus ne saurait être réduit à son pitch, la rencontre d’un vieillard et d’un escort. C’est cela et beaucoup plus : un jeu virtuose entre deux solitudes oubliées hors du monde. Une pièce bouleversante et drôle qui nous rappelle un certain Samuel Beckett... Rattrapage. Ça joue à Montpellier les 6 et 7 novembre.

A chaud

HIP HOP SPIRIT Karavel, ça continue jusqu’à fin octobre. Au hasard, on ira carrément (re)voir le génial Boxe Boxe version carioca (TTA, 17 & 18 oct.). Et on retient Hold Fast (Astrée, 21 oct.) de la chorégraphe savoyarde Marion Alzieu, qui se collète au krump.

> 26 OCT.

HISTOIRE VRAIE Avec ses 4 Molières reçus en 2019, La Machine de Turing n’en finit pas de remplir les salles. Alan Turing, mathématicien de génie, inventa une machine capable de déchiffrer les messages codés de l’Allemagne nazie. Suspense haletant mais fin tragique. Valeur sûre.

05 NOV. > 30 JAN. 26 Théâtre Comédie Odéon

CORPS RÉSISTANTS Maguy Marin remonte avec huit jeunes interprètes Les Applaudissements ne se mangent pas, créée pour la Biennale de la danse en 2002. Évoquant les dictatures d’Amérique latine, cette œuvre politique montre le monde tel qu’il est, violent et impitoyable.

06 > 07 NOV. Maison de la danse

CHANGER LE REGARD Du beau monde pour le 5e Festiv.iel qui invite quelques grandes figures du féminisme. Dans la série immanquable, Ovidie met en scène Anna Mouglalis dans La Chair est triste hélas. On retrouve aussi Rébecca Chaillon, Adèle Haenel et le cabaret La Bouche.

13 > 29 NOV. Théâtre de la Croix Rousse (TXR)

DANS LE VIF Avec Toutes les petites choses que j’ai pu voir, Olivia Corsini campe une Amérique qui a la gueule de bois après l’illusion du rêve américain. Elle conjugue plusieurs textes de Raymond Carver pour son regard sans concession sur le déclin d’un monde.

20 > 21 NOV. MC2: Grenoble (38)

Marion Bornaz © LA FOLLE JOURNÉE OU LE MARIAGE DE FIGARO

AU-DESSUS DU LOT

Mathis Kaddaoui a brillamment remporté le Défilé chorégraphique – Karavel 2025. Vu aussi chez Käfig (Beauséjour) ou dans Ritam de Kader Belmoktar. Artiste à suivre.

Et de 4 pour le Street Art Rillieux Festival !

Au menu : fresques et balades urbaines, battle hip hop, foot freestyle, performance graffiti, expos. Avec Veks Van Hillik, Quetzilla, Petite Poissone, Loraine Motti, Choper, entre autres. 13 > 25 OCT.

Rillieux‑la‑Pape

TABLEAU

Inspiré et magnifique. Borda de Lia Rodrigues , qui a ouvert la 21 e Biennale de la danse, commence comme un tableau abstrait et se termine comme un carnaval. D’un magma blanc émerge un monde de bruit et de fureur composé par neuf interprètes puissants. On adore !

Courts en stock

La fête du court au Ciné-Zola, qui célèbre chaque automne la jeune création française et internationale. Avec François Quiqueré, les frères Rifkiss, Léo Couture, Morgane Ambre… Compétition, avant-première, focus cinéma palestinien, les Courts du réel : on se fait plaisir ! 11 > 16 NOV. Festival du Film court

Sous tension

Release party pour les Lyonnais de Zëro qui viennent de lâcher Never Ending Rodeo (Ici D’Ailleurs). Un 9-titres mouvant qui leur ressemble : sombre, torturé, contemplatif, hypnotique… Il faut se laisser posséder par ces mélopées obsédantes qui n’entrent dans aucune catégorie.

18 NOV.

Transbordeur

DR ©
MALINA DE ANA BLAGOJEVIC, 2025
Landweer ©
BORDA

À fleur de peau

À LA FONDATION BULLUKIAN, PRUNE NOURRY DONNE

ET À TOUCHER UNE SUCCESSION DE SCULPTURES INSTALLÉES EN PLEINE LUMIÈRE OU DANS L’OBSCURITÉ. UNE EXPÉRIENCE EMPLIE D’HUMANITÉ QUI BOULEVERSE NOS SENS.

«Je porte ce projet dans mon cœur depuis quatre ans », précise Prune Nourry en préambule à l’exposition

Empreintes présentée à la Fondation Bullukian. L’artiste qui a traversé la maladie a été confrontée à la possible altération des terminaisons nerveuses de ses doigts, à la suite de la chimiothérapie. « Cela me faisait flipper en tant que sculpteur, je me suis demandé à quel point le toucher de mes mains était la continuité de mes yeux. C’est l’une des raisons pour lesquelles j'ai imaginé ce projet où toutes les œuvres sont à toucher. » Emblématiques de son travail mené à travers le monde, les sculptures présentées sont traversées par la question du soin – à porter aux corps et aux autres. Elles abordent aussi la question du genre féminin menacé dans certains pays. La première partie de la visite se déroule en pleine lumière, elle permet de découvrir un corps de femme enceinte dont les différents morceaux évoquent les ex-voto

nous reconnecter profondément aux autres

mexicains. Juste en face, l’arc en forme de sein et sa flèche convoque le mythe des Amazones. Plus intrigantes, les deux Holy Daughters réalisées en Inde sont des personnages hybrides entre la vache symbole de fertilité, et la fille souvent non désirée là-bas. Une problématique partagée par les célèbres Terracotta Daughters sculptées par l’artiste, dont les huit silhouettes sont alignées au fond la pièce. « C'est un projet qui s’étend sur plus de vingt ans, reprend-elle. Ces sculptures ont été réalisées à partir de jeunes orphelines chinoises venant d’une région touchée par le déséquilibre démographique qui ne cesse de s'agrandir. Je me suis inspirée des soldats de Xi’an pour composer une armée de 108 sculptures dont toutes les silhouettes sont uniques. Elles ont été enfouies dans un lieu gardé secret et seront excavées en 2030, date considérée comme l’apogée du déséquilibre hommes-femmes en Chine. » L’exposition, qui se poursuit dans le noir complet, devient une expérience sensitive baptisée Phenix. Dans une démarche plus

> 27 DÉC. Fondation Bullukian Lyon 2 bullukian.com

intimiste, l’artiste a sculpté le portrait de huit personnes non-voyantes. Elle l’a fait les yeux bandés, sans jamais voir ses modèles, ni les œuvres définitives. « C’était une manière d'expérimenter un peu ce qu’est la perte d'un sens. Pendant nos séances, les modèles me racontaient leur histoire, et venaient toucher leurs visages sculptés pour me dire ce qu’il fallait modifier. Je n’ai vu ces œuvres qu’avec mes mains. » Le visiteur, lui, est invité à se déplacer en suivant une

corde, pour découvrir du bout des doigts ces huit visages dont on entend la voix. Les imaginer en explorant leurs yeux, leurs bouches, leurs oreilles, dans un mélange d’émotion et de joie, nous reconnecte profondément aux autres. « Les œuvres de cette exposition vont capter l'énergie des gens qui les toucheront. Elles voyageront ensuite dans d’autres villes pour continuer de raconter cette histoire, comme si on tissait un lien », conclut l’artiste.

Un monde d’idées

MODE

D’EMPLOI

12 > 15 NOV. villagillet.net

Alors que résonnent encore les dernières discussions initiées par Dorothée Munyaneza dans le cadre de la Biennale de la danse, voilà que la Villa Gillet déploie son festival des idées, Mode d’emploi. Chaque automne, il interroge, malgré des moyens financiers toujours sur le fil, les problématiques actuelles. À travers les outils de la recherche et de l’investigation journalistique, de la philosophie et de l’histoire des idées. Comme toujours, l’affiche est franchement séduisante. Pour cette nouvelle édition, l’anthropologue Chowra Makaremi, les philosophes Camille Froidevaux-Metterie et Charles Girard et l’historienne des idées Alice Béja ont construit avec l’équipe un programme qui entremêle quatre terrains de discussion. L’histoire, tout d'abord, en s'interrogeant sur la manière de l’écrire autrement : par exemple, sur quel mode intégrer les préoccupations contemporaines ? s'intéresser aux équilibres des pouvoirs ? Les filiations, ensuite, ou comment combler les lacunes de nos grands récits. La liberté est la troisième thématique – libéralisme et illibéralisme, populisme global –, et le féminisme la quatrième, qui questionne son rôle dans la transformation des critiques de la domination. Ainsi pourra-t-on écouter l’autrice et journaliste Titiou Lecoq autour de son ouvrage Les grandes oubliées de l’histoire pour le Jeudi des idées, mais aussi le journaliste David Dufresne et Alice Béja sur le thème "Héritage, filiations, grands récits". Ou encore l’historienne et la chercheuse Maya Kandel, spécialiste de la politique étrangère américaine qui a publié au printemps dernier Une première histoire du trumpisme : elle se penchera sur les limites des libéralismes occidentaux. On retrouvera également la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie pour une discussion qui devrait être passionnante avec Christelle Taraud, Isabelle Clair, Cornelia Möser et Vanina Mozziconacci sur "Penser en féministe" Et d’autres rencontres tout aussi excitantes pour les neurones.

DANS LE CADRE DE SENS INTERDITS, LA TROUPE DU KNAM

PRÉSENTE AUX CÉLESTINS SA DERNIÈRE CRÉATION. I’M FINE, ÉCRIT ET CONÇU EN FRANCE (UNE PREMIÈRE), SE CONSTRUIT AUTOUR DE LA MÉMOIRE ET DES DIVERSES FORMES QUE PEUT PRENDRE LA RÉALITÉ, EN PUISANT SA FORCE DANS LES TÉMOIGNAGES ET LES IMAGES. RENCONTRE AVEC TATIANA FROLOVA, SA CRÉATRICE.

Le tragique au quotidien

14 > 25 OCT.

Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com 26 > 28 NOV. Comédie de Valence (26) comediedevalence.com

I'M FINE (RÉPÉTITION)

Vous travaillez depuis longtemps sur la mémoire. Comment ce sujet percute votre histoire, notamment votre exil ?

TATIANA FROLOVA J’ai toujours travaillé avec la mémoire comme avec une matière vivante, qui n’appartient pas seulement au passé mais qui envahit sans cesse le présent. Le porteur de la mémoire, c’est mon corps. Bien sûr, les conditions de vie en France sont très douces, très tendres, et mon corps se détend peu à peu. Mais la peur des générations, inscrite dans mes gènes, reste à jamais : la mémoire est devenue un espace où je cherche non seulement des souvenirs, mais aussi la maison perdue, la langue, les êtres humains. En exil, la mémoire est la seule chose que l’on peut emporter avec soi, et en même temps elle devient un lourd fardeau, qui rappelle l’impossibilité du retour.

Vous questionnez à la fois la réalité de la guerre et celle de la vie quotidienne. Comment articulez-vous ces deux facettes ?

TF Il est essentiel de montrer que la réalité de la guerre et celle du quotidien coexistent, qu’elles s’entrelacent. Même si la guerre est loin géographiquement, elle est toujours là. Vous vous souvenez de ce slogan de Mai 68 : « Le réveil sonne : première humiliation

de la journée » ? Moi, je l’ai vécu : le réveil sonne et je sors d’un cauchemar, où chaque nuit je rêve de la guerre, de mon théâtre laissé là-bas, de la prison russe dans laquelle je me retrouve en franchissant la frontière... Alors une vague de honte m’envahit, parce que je peux m’étirer paisiblement, aller à la cuisine et préparer du café. Dans le spectacle, ces couches incompatibles s’entrelacent : le tragique et le quotidien, la catastrophe et la banalité. C’est la vérité de l’existence humaine.

Que signifie pour vous ce titre I’m fine ?

TF Parce qu’après ce que l’on a vécu là-bas... Quand on s’habitue à la peur, quand on se prépare chaque jour à une perquisition ou à la prison à cause de ses spectacles ou de ses prises de parole, la vie ici paraît réellement douce, tendre… On est constamment en état d’euphorie, comme si l’on se réveillait d’un cauchemar. Mais, au-delà de ça, I’m fine est aussi un masque de l’homme moderne, derrière lequel se cache la vulnérabilité. C’est la réponse que nous donnons quand en réalité rien ne va. Ce titre reflète une tension intérieure qui ne concerne pas seulement les migrants : nous sommes tous aujourd’hui contraints de dissimuler la douleur pour survivre. Mais dans l’art, nous attendons inconsciemment de l’artiste qu’il dise la vérité, qu’il arrache ce masque sur scène.

LUGDUNUM - MUSÉE & tHÉÂtRES ROMAINS

FÊtE cEt AUtOMNE SON JUBILÉ. UNE AvENtURE

ScIENtIFIQUE PUIS ARcHItEctURALE QUI A DÉBUtÉ DANS LES ANNÉES tRENtE, LORSQUE LES PREMIÈRES

FOUILLES MEttENt AU JOUR L’EXcEPtIONNEL SItE

ANtIQUE Et UNE MULtItUDE DE tRÉSORS. L’ARcHItEctE

BERNARD ZEHRFUSS SE cHARGERA D’EN cONcEvOIR L’ÉcRIN, ENFOUI DANS LA cOLLINE DE FOURvIÈRE. cINQUANtE ANS APRÈS SON INAUGURAtION, EXPOSItION, cONcERtS, tABLES RONDES… INvItENt EN NOvEMBRE À PLONGER DANS 2 000 ANS D’HIStOIRE DE LA vILLE.

LE MUSÉE SOUS LA cOLLINE

17 rue Cléberg Lyon 5 lugdunum.grandlyon.com

SLE MUSÉE A TRAVERSÉ CINQ DÉCENNIES SANS PRENDRE UNE RIDE, CONSERVANT, GRÂCE À SON CONCEPT ARCHITECTURAL INNOVANT, TOUTE SA FORCE ET SON ORIGINALITÉ.

on auteur Bernard Zehrfuss (1911-1996) n’est pas n’importe qui. Précoce premier Grand Prix de Rome en 1939, architecte des bâtiments civils et des palais nationaux depuis 1956 : cet impressionnant pédigrée n’empêche pas l’homme de concevoir des édifices aussi contemporains que radicaux, à des années lumière de tout académisme. Dans les années 1950, la gigantesque coque en béton nervuré délicatement posée sur trois pieds du CNIT à la Défense, c’est lui. Le siège de l’UNESCO, qu’il souffle à son aîné Le Corbusier, avec ses grands bâtiments librement posés tels des objets sur un socle habité dans le 7e arrondissement de Paris, c’est encore lui. L’architecte est donc coutumier de propositions tranchées. Et pourtant, son brutalisme assumé a su, sans s’affadir, respecter le lieu autant que possible. Petit rappel historique. Lancées en 1933 par le maire Édouard Herriot, les fouilles archéologiques révèlent rapidement l’exceptionnelle étendue du site que l’on connaît aujourd’hui, avec ses deux théâtres antiques. De très nombreux objets sortent de terre, exposés au fur et à mesure de leur découverte au musée des Beaux-Arts des Terreaux. Leur profusion pose rapidement un problème de place, sans parler de leur mise en valeur, à vrai dire, indigne. Pour offrir un écrin à la hauteur de ce remarquable patrimoine, deux projets de musée archéologique se succèdent, en 1938 puis en 1957. Disposés l’un comme l’autre en bas du site, ils barrent fâcheusement la vue depuis la rue de l’Antiquaille, et sont finalement laissés sans suite.

C’est là qu’intervient la fulgurance de Zerhfuss. Appelé à la rescousse en 1966, il propose d’enterrer les 8 000 m² du programme dans le flanc nord du site. Cette habile posture permet d’éviter la confrontation du musée avec les imposantes ruines romaines, qui aurait à coup sûr desservi le premier comme les secondes. Pour mettre en œuvre cette idée de génie, tout est démesure.

PAR EMILAND GRIÈS

La colline est creusée sur 20 mètres de profond et 80 de long, revenant jusqu’au niveau de la scène du théâtre romain. Elle est soutenue par une épaisse paroi blindée, ancrée par des tirants de 17 mètres, résistants à la poussée latérale des terres. Dans cet espace libéré, l’architecte déploie dix immenses portiques à étages en béton brut de décoffrage, dont la complexe géométrie biaise arc-boute l’édifice au relief. Une fois terminé, le musée est recouvert de terres colonisées par la végétation, redevenant, malgré son gigantisme, et comme souhaité par son concepteur, quasiment invisible. Seul l’étage d’accès sommital émerge, s’étirant avec souplesse telle une discrète clôture rainurée, ainsi que deux orifices perforant la colline reconstituée, sorte de périscopes horizontaux vitrés. Le béton règne en maître à l’intérieur. Ses formes courbes et sa finition lisse et veloutée confèrent aux espaces une sérénité et une douceur aux antipodes de l’angoissante idée que l’on se fait d’un souterrain. Les deux canons à lumière qui permettent au visiteur de contempler les ruines antiques à ses pieds et par delà, la ville jusqu’aux Alpes participent à l’animation de la visite. Autre qualité spatiale, la promenade architecturale le long de la rampe qui descend doucement dans les entrailles de la Terre offre des échappées visuelles intérieures dans tous les directions. L’œil ne rencontre jamais d’obstacle, grâce aux parois et aux vitrines basses. Au fur et à mesure de la visite, il embrasse la succession des espaces ouverts, dans lesquels se déploient 21 thèmes, de "Lyon avant Lugdunum" à "L’émergence du christianisme". Le pari est donc gagné : en même temps ouvert et enterré, à la fois discret dans le site et puissant dans son écriture architecturale, l’écrin est à la hauteur des joyaux antiques qu’il enserre. En novembre, le musée soufflera dignement ses cinquante bougies par une toute nouvelle exposition sur le rapport à l’art et à l’héritage culturel bimillénaire. Avec des œuvres exceptionnelles comme le détaille Claire Iselin, la directrice des lieux (lire page suivante). Alors (re)découvrons Lugdunum !

Michel Denancé LUGDUNUM Musée & Théâtres romains ©

Lyon c'est canon

C'EST CANON ! L'ART CHEZ LES ROMAINS > 07 JUIN 26 lugdunum.grandlyon.com APHRODITE ACCROUPIE

LOVÉ DANS LA COLLINE DE FOURVIÈRE, LE MUSÉE LUGDUNUM SOUFFLE SES BOUGIES

LE 15 NOVEMBRE. L’OCCASION POUR CLAIRE ISELIN, DIRECTRICE DU MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE ET DES THÉÂTRES ROMAINS, D’IMAGINER

UNE PROGRAMMATION FESTIVE. RENCONTRE.

Quels seront les temps forts de cette saison anniversaire ?

CLAIRE ISELIN Nous avons prévu des événements liés à l’histoire du musée, ainsi qu’aux théâtres romains et autres sites anciens dont Lugdunum a la gestion sur la colline de Fourvière. Nous commençons avec l’exposition C'est canon ! L'art chez les Romains, dont le parcours réunit une centaine d'œuvres exceptionnelles qui proviennent de France et d'Italie. Certaines n’ont jamais été exposées en France, comme la Tête d'Amazone polychrome qui a été trouvée à Herculanum en 2006, près de Pompéi. Ou encore la maquette en cuivre doré de Rome au IVe siècle de notre ère, conçue par Paul Bigot, réalisée par la maison d'orfèvrerie Christofle et issue du Panthéon-Sorbonne. L’exposition établit un lien entre passé et présent en montrant qu’il y a 2 000 ans, les critères des Romains pour définir l’art étaient différents des nôtres. On découvre aussi qu’ils effectuaient des variations autour de l'art grec, étaient créatifs et faisaient des pastiches.

L’autre volet de cet anniversaire met en lumière les sites archéologiques… CI Il s’agit du projet "Explore Lyon antique" qui invite à s'immerger dans la ville il y a 2 000 ans, pour mieux comprendre les monuments que l'on a sous les yeux aujourd’hui, dont il ne reste parfois que des murs de fondation. Ce dispositif est constitué de panneaux pédagogiques, situés sur des lieux d’intérêts, qui reconstituent la ville au deuxième siècle de notre ère. Grâce à un QR code, le public peut accéder à une visite virtuelle guidée par des personnages. Ainsi, devant un quartier d'habitats, on voit réapparaître les maisons, les rues, les commerces... Il y a aussi des renvois vers les collections du musée. Sans oublier les visites guidées immersives avec des casques de réalité virtuelle. Ces dispositifs seront accessibles gratuitement les 18 et 19 octobre.

Qu’avez-vous prévu pour le week-end anniversaire des 15 et 16 novembre ?

CI Ce sera un événement festif et participatif à l'intérieur du musée avec danse, concert, spectacles gratuits, tables rondes sur l’histoire du musée Lugdunum et sur le rôle des musées… Lyon jouait un rôle phare parmi les plus grandes cités de l'Empire romain. C’était un lieu de circulation d'idées, de populations, de commerce, et c’est encore le cas de nos jours. Se plonger dans l'histoire de la ville nous donne du recul pour comprendre le présent et mieux préparer l'avenir.

PAR BLANDINE DAUvILAIRE

MUSIQUES

SOUL POWER

27.10.25

| 20H

Se laisser envelopper par une soul groovy pleine d’amour ? On est carrément partant. Car les soulmen à la voix d’ange se font rares ! Curtis Harding, lui, il a grandi entre gospel et hip hop, bercé par les Sam Cooke, Al Green, Elvis Presley, rien que cela. À trente-cinq ans, il se décide enfin à chanter et lâche l’excellent Soul Power (2014), qui louvoie entre soul de belle facture et rock garage (l’effet Black Lips, avec lesquels il a joué ?!). Avec la voix puissante qui va avec et ce rhythm’n’blues nerveux qui prend aux tripes. En 2025, le chanteur d’Atlanta revient avec Departures & Arrivals : Adventures of Captain Curt, un « space opera » moite qui fusionne joyeusement les genres entre soul, rock, R&B, gospel et psychédélisme.

Shake your ass ! AH

Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr

SPLEEN EXQUIS

30.10.25 | 20H30

On ne se lasse jamais de l’élégance surannée du Suédois Jay-Jay Johanson, qui balade sa voix fêlée entre jazz et trip-hop depuis près de trente ans. Son 15e opus Backstage ne déroge pas à la règle, celle d’une mélancolie pop lumineuse toujours en mutation. Enregistré avec la complicité du producteur Alex Gopher, l’album nous enveloppe dans son swing feutré, avec parfois une touche de soul (How Long Do you Think We’re Gonna Last ?), ou encore de house (Glue). Si l’acmé de la délicatesse est atteinte sur Lujon (reprise de Henri Mancini), la curiosité est à savourer avec Rimbaud, entièrement chanté en français. Une première dans la discographie de cet artiste à la francophilie assumée. EB

Radiant‑Bellevue Caluire radiant‑bellevue.fr

SURVOLTAGE

05.11.25 | 20H30

Shame débarque à Lyon, précédé d’une réputation scénique ravageuse. Quatre albums au compteur pour ce quintet du South London qui a fait ses classes dans la lignée des IDLES et Fontaine D.C. (avec la hype qui va bien) avant de laisser libre cours à ses envies d’un rock indé toujours rageur et survolté, mais plus ouvert à d’autres sons – et aux boucles électro (l’excellent After Party). Alors oui, on reste inconditionnel de son premier opus Songs of Praise (2018), rêche et convulsif à souhait, et toujours aussi addictif (Concrete, Dust On Trial, Gold Hole). Mais on dit bravo pour Cutthroat (tout juste sorti chez Dead Oceans) qui surprend en bien, de Quiet Life à Spartak en passant par Plaster ou Nothing Better. Retour à la scène, leur vrai terrain de prédilection : Charlie Steen et les siens devraient faire trembler l’Épicerie Moderne ! AH

L’Épicerie Moderne Feyzin epiceriemoderne.com

SOUFFRANCE
CURTIS HARDING
Correia

SANS CONCESSION

06.11.25 | 20H

Fleuron du collectif de Montreuil

L’uZine, Souffrance est une figure du rap français. Sa singularité tient à son parcours. Longtemps resté dans l’ombre, Sofiane Meridja au civil ne rencontre le succès qu’à trente-cinq ans, avec son premier album Tranche de Vie. Le succès d’estime sera grandissant avec Tour de Magie, puis Eau de source. Son dernier album, Hiver Automne, confirme tout le talent de celui qui a charbonné, et pas en vain. S’aventurant vers la trap sans renoncer à la veine boom bap, Souffrance pose ici un air de tango (Compte double), là une envolée rock (Puissance en bars). La touche Chilly Gonzales, avec qui il collabore sur cet opus. L'écriture, elle, persiste dans le récit du chaos. Et nous, on signe. EB

Marché Gare Lyon 2 marchegare.fr lamachinerie venissieux.fr

CLAVIERS EN FOLIE

15.11.25 | 21H

É vénement ! La Trinité invite, pour son festival d’automne consacré aux claviers, la légende de l’avant-garde new-yorkaise Charlemagne Palestine. Personnage haut en couleur qui refuse l'étiquette "artiste minimaliste", ce vénérable monsieur a traversé 40 ans d’underground sans jamais adhérer à quoi que ce soit. Adulé du groupe culte américain Sonic Youth, il se présente plutôt comme un "maximaliste". Pour lui, « l’expérience physique du son est indissociable de l’expérience spirituelle et la performance, inséparable du rite ». Déjà venu deux fois à Superspectives, le musicienperformeur interprétera Strumming Music for Organ & Harpsichord, deux pièces enregistrées en 1974. Tout aussi immanquable l’hommage à Moondog (14/11), autre artiste hors norme des grandes années new-yorkaises à l’affiche de cette Chapelle d’automne. GV-P

CORDE(S) SENSIBLE(S)

24.11.25 | 19H

Erotic Market, aka Marine Pellegrini, c’est une voix charnelle et un son électro-organique auxquels on ne résiste pas. Son quatrième album Marla Pillow vient des tripes, nourri à la noirceur et la douleur, mais irradie la poésie. Et voilà que la Lyonnaise s’aventure sur les chemins de traverse symphoniques. En confiant ses compositions à une trentaine d’instrumentistes, issus du HeartStrings Ensemble et de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. À la réécriture des titres, ses complices arrangeurs Romain Dugelay et Romain Montiel. « Le semi-symphonique m’a permis de me remettre dans la vibration, de décupler le contraste entre lumière et obscurité, confie Marine. Marla Pillow est l’album parfait pour faire cela. » EB

Théâtre de la Renaissance Oullins Pierre Bénite theatrelarenaissance.com

Chapelle de la Trinité Lyon 2 trinitelyon.com
CHARLEMAGNE PALESTINE
William Sundfor ©
SHAME

LE CHAT, MATOU BELGE LE PLUS CÉLÈBRE DE LA BANDE DESSINÉE, FAIT UNE ESCALE REMARQUÉE

CET AUTOMNE À LYON : EN MODE SCULPTURES MONUMENTALES AU PARC DE LA TÊTE D’OR ET SOUS CADRE À LA GALERIE ESTADES. ON A CUISINÉ SON MAÎTRE, PHILIPPE GELUCK

Au poil !

VOTRE DERNIER

COUP DE GRIFFE ?

CONTRE LE PLASTIQUE JETABLE !

SI VOUS ÉTIEZ UN CLICHÉ SUR LA BELGIQUE ?

NI "UNE FOIS", NI DES FRITES : L’AUTODÉRISION.

QU’EST-CE QUI VOUS HÉRISSE LE POIL ?

LE FILM MUGANGA. IL M’A BOULEVERSÉ.

QUE PENSE LE CHAT DE VOUS ?

IL EST ASSEZ RECONNAISSANT, JE PENSE. IL ME DOIT TOUT.

VOUS RONRONNEZ POUR QUI ?

POUR L’AFFECTION DES MIENS. ET POUR L’HUMANITÉ.

SI VOUS ÉTIEZ

UNE SCULPTURE ?

LA STATUE DE LA LIBERTÉ… DE RIRE DE TOUT.

QUE FERIEZ-VOUS D’UNE BAGUETTE MAGIQUE ?

UNE SECONDE, AU CAS OÙ JE LA PERDRAIS !

UNE STATUE DU CHAT CHOUCHOU ?

J’AI UNE AFFECTION PARTICULIÈRE

POUR TUTU ET GROMINET ET POUR RAWHAJPOUTACHAH. AUSSI EN RAISON DE LA PERFORMANCE TECHNIQUE.

OÙ TROUVEZ-VOUS ENCORE L’INSPIRATION ?

MŒBIUS M’A DIT UN JOUR : « L’INSPIRATION, C’EST COMME UN PUITS ; TANT QU’IL Y A DE L’EAU, SERS-TOI. » ALORS JE ME SERS !

UNE ANECDOTE DU CHAT DÉAMBULE ?

À PARIS, SUR LES CHAMPS. ON SORTAIT DU CONFINEMENT. LES GENS ME DISAIENT MERCI EN APPLAUDISSANT. C’ÉTAIT TRÈS ÉMOUVANT.

LE CHAT À LYON, UNE BELLE HISTOIRE DE FÉLINS, NON ?

TOUT À FAIT !

LYON, C’EST LA FAMILLE…

LE CHAT DÉAMBULE > 01 MARS 26 La Roseraie Parc de la Tête d’Or Lyon 6

LE CHAT S’EXPOSE > 15 NOV. Galerie Estades Lyon 1 estades.com

L’ORIGINE DU CHAT Éditions Casterman Sortie : 15 oct. Studio FiftyFifty ©

Lignes et distorsionS

Je veux pouvoir photographier un caillou et raconter une histoire

Il eût été dommage que Aurélien Aumond se contente de réaliser des images léchées de villas chics et appartements cossus. Car cela a été sa mission, à l’époque où il travaillait dans l’immobilier. Les biens étaient chers, pas question de présenter des photos « pourries ». C’est ainsi que tout a commencé, en autodidacte : « J’ai attrapé un appareil et suivi des cours en ligne », se rappelle-t-il. Ce qui s’apparenterait alors à une corvée pour certains est pour Aurélien Aumond l’occasion de se laisser aller à son goût pour l’art et l’architecture. À vingt-sept ans, le voilà lancé : « Je me suis pris au jeu en me rendant compte que la photographie était un medium facile d’accès, bien davantage que la peinture, ou le dessin », raconte-t-il. Lignes de fuite bien capturées, cadrages rigoureux, lumière et codes maîtrisés de la photo d’architecture lui font la main. Au point que c’est son activité professionnelle aujourd’hui. En parallèle, il développe un travail plus personnel, sur le mode itératif

PAR EMMANUELLE BABE PHOTOS AURÉLIEN AUMOND

et souvent expérimental. Libérés de la rigueur que lui impose sa pratique professionnelle, ses travaux répondent à une forme d’impatience autorisée par le numérique. L’argentique ? « Trop long ! », réagit Aurélien, pour qui le smartphone « est un outil formidable : même quand on n’est pas prêt, on est prêt ! ». Les appareils point and shoot des années 2000 « à 20 balles » sont son principal équipement, « j’aime bien les petits accidents qui en ressortent ». Derrière une décontraction trompeuse, le photographe s’exerce beaucoup et s’amuse à capter les incongruités du quotidien dans un esprit ready-made : « Des palettes jaunes ou un panneau bleu sur un béton gris, je trouve ça drôle et j’en fais une image. »

L’œil habitué à imaginer son environnement comme dans un cadre, Aurélien Aumond aime également en sortir en pratiquant la transformation et l’appropriation. Dans les deux cas, un célèbre outil de traitement de l’image dont il manipule la palette avec l’inspiration et le talent d’un plasticien, « j’ai découvert qu’avec une image on peut en faire une autre ». À l’arrivée, des photos qui ressemblent à des peintures impressionnistes ou des créations surréalistes. Pour les travaux d’appropriation, le photographe utilise des images réalisées par d’autres, qu’il modifie complètement : ainsi ce peloton du Tour de France – screenshot d’une vidéo – qui se révèle comme une éruption à la nuée rouge vif ; ou encore une scène de bagarre entre hooligans devenue une scène bucolique. La transformation est parfaitement exécutée et le but atteint : à savoir « raconter une tout autre histoire, pousser les gens à s’interroger sur ce qu’ils regardent », explique son auteur, qui reconnait avec autodérision « mentir par omission lorsqu’on ne distingue plus la photo de la peinture. C’est mon côté peintre frustré de ne pas savoir peindre… ». Aujourd’hui, Aurélien Aumond s’intéresse au reportage et au documentaire. Ici, la réalité ne se travestit pas. Pour autant, dans ce cadre, il revendique un point de vue : « J’aime l’idée de montrer comment je vois les choses. »

INSPIRATIONS

James Turrell, Pierre Soulages, Mattia Balsamini, Mark Rothko, Hans Hartung, Henri Matisse…

@aurelien_aumond photo architecture.fr

Dans la pépinière

TOUS LES THÉÂTRES METTENT EN AVANT LEURS ARTISTES ASSOCIÉS. C’EST POUR EUX UNE MANIÈRE DE SOUTENIR LA JEUNE CRÉATION ET D’INSTILLER DU SANG NEUF DANS LEUR PROGRAMMATION. CINQ STRUCTURES ONT RETENU NOTRE ATTENTION. À L’ARRIVÉE, DES STYLES TRÈS ORIGINAUX QUI REFLÈTENT PEU OU PROU LA PERSONNALITÉ ET LES CONVICTIONS DE LEURS DIRECTIONS.

Mcomediedevalence.com mc2grenoble.fr lacomedie.fr lamachinerie‑venissieux.fr maisondeladanse.com

arc Lainé dirige la Comédie de Valence dont l’Ensemble artistique regroupe des créateurs aussi divers que Guillaume Cayet, Marie-Sophie Ferdane, Cyril Teste… Pour lui, la mission d’un équipement culturel, encore plus d’un CDN, est de redistribuer les moyens de production et de dynamiser le territoire. Une particularité à Valence : que les artistes ne viennent pas tous du théâtre mais soient issus de toutes les disciplines. « C’est cohérent, développe-t-il, avec ma recherche artistique personnelle qui vise au plateau à hybrider tous les arts, notamment le cinéma et la musique mais aussi la danse, la littérature, le cirque. Ainsi, la création contemporaine la plus novatrice s’amuse-t-elle à réinventer le théâtre dans le dialogue avec les autres arts. Ce choix esthétique s’accompagne d’un enjeu politique. Car travailler avec une cinéaste, un plasticien, un auteur compositeur, permet de donner envie aux spectateurs qui n’ont pas l’habitude de franchir les portes du théâtre. Quand je travaille avec Kery James, je touche un public de musiques urbaines qui, à son tour, va découvrir la réflexion sur le monde et sur soi que provoque le théâtre. Cette transdisciplinarité exprime la volonté de croiser culture savante et culture populaire. Je n’ai jamais voulu faire un théâtre expérimental, mais des expériences qui puissent réunir le plus grand nombre. »

Arnaud Meunier entame son deuxième mandat à la tête de la MC2: Grenoble. Cette importante scène nationale présente presque une centaine de spectacles cette saison, dont le tiers de productions et coproductions. Sa programmation affirme son éclectisme : danse, théâtre, cirque, musique et même spectacles pour les jeunes s’y croisent et se conjuguent. Dans le projet d’Arnaud Meunier, la jeunesse et l’inclusion siègent en bonne place. Sur la question des artistes associés, il marche dans les pas d’Antoine Vitez : « On offre un abri. C’est-à-dire du temps. Et de l’argent bien sûr, ils sont prioritaires dans l’accompagnement. On est au courant dès la première idée et on accompagne tout le processus jusqu’au grand plateau de la MC2. »

La parité est de règle ; la pluridisciplinarité aussi. Parmi ces artistes, le metteur en scène Emmanuel Meirieu, le chorégraphe Amala Dianor ou la performeuse Aina Alegre. « Associés sur la durée de mon mandat, ils peuvent essayer, expérimenter et produire. Ils sont complètement libres. »

Benoît Lambert a pris en 2021 la succession d’Arnaud Meunier à la tête de La Comédie de Saint-Étienne, à la fois théâtre et école de renom, la seule à être habilitée à dispenser le diplôme d’État de professeur de théâtre. Pour remplir ses attributions, la Comédie dispose de plusieurs salles de spectacle, de salles de travail et de répétitions, d’ateliers de fabrique. Elle est au cœur de la création. Le duo que forment Benoît Lambert et Sophie Chesne

PAR tRINA MOUNIER
HONDA ROMANCE, VIMALA PONS

l’appelle "La Fabrique". En son sein les historiques, Emmanuel Vérité et Gérard Watkins, des anciens élèves, comme Logan de Carbalho, Françoise Dô ou le Collectif Marthe, des confirmés telle Lorraine de Sagazan, marraine de la 34e promotion de l’École (la boucle est bouclée). Un joyeux mélange ! De la Comédie à la Machinerie, il n’y a qu’un pas. La nouvelle directrice de l’ensemble, qui comprend le Théâtre de Vénissieux et la salle de concerts Bizarre!, annonce sa volonté de pluralité et d’ouverture. Ancienne directrice des formations de l’École de la Comédie, Duniému Bourobou en a gardé un beau carnet d’adresses et ses entrées auprès des jeunes compagnies. Les artistes qu’elle met en avant, souvent encore méconnus, sont peut-être les stars de demain. Choisis pour leur aptitude à rencontrer les publics de Vénissieux dans la "Fabrique des Histoires", ils ont des spécialités très contemporaines et multidisciplinaires, comme Sean Hart (street artiste), Christel Zubillaga (comédienne), Lisette Lombé (poétesse et slameuse), Marlène Gobber (danseuse)... Le but est de leur donner le temps de la création. Vitez toujours… Last but not least, Tiago Guedes dirige la Maison de la danse, mais aussi la Biennale. Les neuf artistes associés sont engagés sur les deux, ce qui diversifie les contextes des projets, par exemple entre création et répertoire. Parmi eux, Lia Rodrigues, François Chaignaud ou Nach… « L’idée est d’avoir

Réinventer le théâtre dans le dialogue avec les autres arts
MARc LAINÉ

des artistes généreux, nationaux et internationaux. L’association dure le temps de mon mandat, explique Tiago Guedes, ça reste très ouvert. Je tiens tout particulièrement à un concept que j’ai créé : celui de permettre à un artiste de parler de son art à partir des références qui l’inspirent sur un week-end. Je l’ai appelé "Cosmologie". L’artiste peut alors inviter un cinéaste, une philosophie, une technique artistique. Notre maison est une ruche où tout le monde crée, chacun à son rythme. » Finalement, au-delà des structures culturelles qui imposent leurs disparités, les directeurs partagent la conviction que seules la liberté et l’ouverture font advenir le créateur et sa création…

Retiens ton souffle

APRÈS A NOIVA E O BOA NOITE CINDERELA, SPECTACLE-DÉFLAGRATION SUR LE FÉMINICIDE ET LE VIOL, CAROLINA BIANCHI OFFRE À LYON LA PREMIÈRE FRANÇAISE DU DEUXIÈME VOLET DE SA TRILOGIE CONSACRÉE AUX VIOLENCES SEXUELLES AVEC THE BROTHERHOOD.

APAR FLORENcE ROUX

Lyon 2 theatredescelestins.com

Noiva e o Boa Noite Cinderela, soit « La Mariée et Bonne nuit Cendrillon » : la pièce de la performeuse et metteuse en scène brésilienne Carolina Bianchi, créée à Avignon en 2023, a un titre de conte de fées… Sauf que la mariée, ici, c’est Pippa Bacca. En 2008, cette artiste italienne décide de rallier Milan à Jérusalem en auto-stop et habillée en robe nuptiale, pour promouvoir la paix. Mais son viol et son meurtre en Turquie transforment la performance en une tragédie, qu’interroge la metteuse en scène dans la conférence qui ouvre le spectacle. Voilà pour la première partie du titre, et du show. Quant à o Boa Noite Cinderela, il s’agit du surnom brésilien de cette "drogue du violeur" qui ôte la conscience aux victimes. En début de représentation,

haute couture

Carolina Bianchi en boit une dose. Inconsciente dans la seconde partie de la pièce, elle s’abandonne à une fête déjantée, avec musique forte, virée nocturne et viol.

La performance, confiée aux mains amies de son collectif Cara de Cavalo, devient un théâtre orchestré comme un geste poétique. Une cérémonie. Mais, dans le même mouvement, elle dézingue les certitudes et fait toucher l’enfer de la soumission chimique.

Et après ? Dans The Brotherhood, deuxième opus de sa trilogie Cadela Força (« Force de chienne »), la metteuse en scène place cette fois la focale sur les agresseurs, pour explorer comment les violences sexuelles sont inextricablement liées aux structures du pouvoir masculin et à une fraternité entre hommes, comme un pacte de protection qui existe dans la société, dans l’art et le théâtre lui-même. Une pièce sans concession, très attendue.

Olivier Normand est un joyeux touche-à-tout qui sait (presque) tout faire. Chanter, danser, jouer, lire Proust, mettre en scène... Grand écart assuré pour celui qui a la chance d’être à la fois contre-ténor et baryton (et il en joue !), s’est formé chez Mathilde Monnier (excusez du peu), puis a croisé le chemin de certains Alain Buffard, Joris Lacoste, Émilie Rousset ou encore Eszter Salamon avant d’aller « mouiller le corset » chez Madame Arthur. Sur la scène du cabaret parisien, le voilà donc transformé en Vaslav de Folleterre (coup de cœur au théâtre de la Croix-Rousse, en 2022), une "créature" chic et choc avec un petit côté intello poète, exquis. « Je suis un travelo de spectacle d’obédience genetienne », aime-t-il à se présenter. Vaslav est donc son cabaret solo, qui envahit dorénavant les théâtres. L’artiste aime les robes, les talons, les colliers, le béret marin, les sirènes, les chansons populaires, la belle langue et la poésie ou encore la Shruti box (une sorte d’harmonium à soufflets, comme un gros bourdon). Son tour de chant, drôle et poétique (on y cite Genet), revisite des airs d’hier (Monteverdi, chant médiéval) et d’aujourd’hui (Nirvana, Gainsbourg, Marley, Fontaine). On se réjouit déjà. AH

12 > 14 NOV. Maison de la danse Lyon 8 maisondeladanse.com

06 > 08 NOV.
Théâtre des Célestins
Mayra Azzi

Le poids du passé

COMMENCER À EXISTER

20 > 22 NOV.

Les SUBS Lyon 1 les‑subs.com

On se souvient peut-être de son Time To Tell (aux SUBS, déjà, en 2020). Un solo radical en forme de récit de vie et surtout un acte de résistance face à la maladie. Le jongleur Martin Palisse poursuit sa quête autour des HÉRITAGES avec une deuxième pièce Commencer à exister, créée en novembre aux SUBS. Sur le plateau, cette fois-ci, deux artistes de cirque se rencontrent et se racontent. « Une pièce qui se situe entre le théâtre et le cirque. Je parle souvent d’acteurs de cirque. Deux hommes évoquent leurs souvenirs d’enfance et d’adolescence », résume Martin Palisse. Hybride, le spectacle mélange texte et acrobaties, témoignages et performances physiques. À ses côtés, Stefan Kinsman et sa roue Cyr (vu aussi à Lyon aux côtés de Juan Ignacio Tula), pour un mano a mano intime et sensible qui vient questionner la transmission, l’éducation et le poids du passé, et comment on (se) construit (sa vie) avec cela. « Ce que j’ausculte, c’est la transmission de la violence. Une violence qui commence dans la cellule familiale, et souvent de père en fils. Et qui se reproduit physiquement de génération en génération. Moi j’ai vécu une enfance assez difficile. Mais antagoniste avec Stefan. Là est tout l’intérêt théâtral. Pour ne pas faire de caricature sur le sujet. Car il n’y a pas de vérité... » Un sujet sérieux et « un théâtre de l’intime, qui parle de nous, de ce que nous sommes ». Autres protagonistes, la musique (« la trame narrative ») toujours importante voire essentielle chez Martin Palisse et les lumières, avec un projecteur très spécial – a priori jamais utilisé dans le théâtre. Première aux SUBS.

PAR ANNE HUGUEt
Pauline
Gouablin

Sous un autre angle

IFOCUS GRAND REPORTERRE

03 > 16 NOV.

Les Célestins

Théâtre du Point du Jour

Théâtre de la Renaissance La Machinerie pointdujourtheatre.fr

l y a cinq ans, à leur arrivée à la direction du théâtre du Point du Jour, Angélique Clairand et Éric Massé imaginent une forme à mi-chemin entre le théâtre et la conférence, les soirées Grand ReporTERRE. À ce jour, les épisodes sont au nombre de 11 et l’équipe a eu envie d’en réunir quelques-uns dans un "Focus" et de les essaimer dans toute l’agglomération. Avec l’idée de les faire (re)découvrir au public puisqu’ils « évoluent au gré des événements environnementaux, sociétaux et politiques, ainsi que des pressions que subissent le "4e pouvoir" et ses journalistes ». Le principe de ces soirées est simple : réunir une équipe artistique et un journaliste autour d’une question d’actualité. Compte tenu de la conjoncture, de « la multiplication des menaces contre le modèle démocratique », il leur a semblé pertinent de reprogrammer ces performances-débats qui ont, il

vibrations complices

faut le dire, un succès fou, et fonctionnent plutôt bien. Il faudra courir voir l’épisode # 5, avec Giulia Foïs au Point du Jour (13 nov.) – seule date de la tournée où la journaliste sera présente – et Étienne Gaudillère autour de Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? (au Polaris également, 28 nov.) Tandis que Radio Lapin, histoires de luttes (le plus récent) ouvre le bal au théâtre des Célestins (03 & 04 nov.).

Un épisode #11 qui creuse la question de la fascisation de la pensée et de la lutte contre les idées réactionnaires et conservatrices en compagnie des deux trublions de Courir à la catastrophe, Alice Vanier et Sacha Ribeiro, et du journaliste de France Inter spécialisé dans les luttes environnementales et sociales, Antoine Chao. À voir aussi les épisodes # 6, # 7, # 9* et # 10 avec Carole Thibaut, Coumba Kane ou Claire Chazal, entre autres.

Alors que Buru Mohlabane, cofondateur et codirecteur de la compagnie Via Katlehong, s’active tous azimuts pour créer la première académie de danse dans le pays, la compagnie sud-africaine vient présenter tamUjUntU. Collaboration avec le chorégraphe brésilien Paulo Azevedo, cette dernière création célèbre les croisements entre la pantsula, danse urbaine de l’Afrique australe, et la funk brésilienne. Il faut dire que le partage et la rencontre sont la marque de fabrique de Via Katlehong, et que chacun de ses spectacles opère un rapprochement entre la pantsula qui la constitue et d’autres styles, que ce soit la tap dance, le gumboot, le step ou plus récemment la danse contemporaine de Gregory Maqoma, de Amala Dianor ou de Marco da Silva Ferreira. Issue d’un township de l’East Rand qui lui a donné son nom, la compagnie est très attachée à défendre la pantsula, née dans les rues des quartiers populaires de Johannesburg dans les années 1950 et qu’elle aimerait voir reconnue localement et internationalement. Pour cette cinquième pièce présentée à la Maison de la danse, quatre interprètes brésiliens rejoignent quatre interprètes sud-africains pour inventer une nouvelle « géographie cousue par une diaspora infinie de possibilités et de récits », comme l’écrit joliment Paulo Azevedo, chorégraphe et anthropologue chargé de tisser un spectacle bourré d’énergie et de générosité. GV-P

19 > 22 NOV. Maison de la danse Lyon 8 maisondeladanse.com

Bertrand
Gaudillère
RADIO LAPIN, HISTOIRES DE LUTTES #11
PAR GALLIA vALEttEPILENKO

100 % Loire

Les trois éditions précédentes ont attiré un public nombreux et enthousiaste. Voilà qui est de bon augure pour Courts-Circuits et ces 4es Rencontres théâtrales (mais pas que ! La Liesse du chorégraphe Pierre Pontvianne est au programme) de Saint-Étienne et de la Loire. On verra ainsi des spectacles de Firminy à Saint-Chamond en passant par Montbrison. Initiées par la Comédie de Saint-Étienne et en partenariat avec Le Verso et d’autres structures ligériennes, ces rencontres répondent à la mission première de tout CDN : faire vivre le territoire, permettre à ses richesses artistiques de briller et offrir un aperçu de la création vivante d’aujourd’hui.

Sept pièces à l’affiche sont made in la Comédie. Dont la création de Logan de Carvalho qui, après [Rakatakatak] C’est le bruit de nos cœurs, Prix Incandescences 2023, s’essaie à l’heroïc fantasy dans Nelvar - Le royaume sans peuple, une drôle de fable qui questionne le vivre ensemble. Ou encore le Shakespeare insolent et joyeux de la jeune compagnie La Grande Panique qui signe un Mesure pour Mesure assez radical. À voir également La chute infinie des soleils, un beau titre qui annonce un spectacle captivant de Elemawusi Agbedjidji, ancien élève de la Comédie. Direction le centre-ville et Le Verso, on retient Buster, my love, « autofiction performée » de Sarah Delaby-Rochette et Elise Martin qui explore avec humour l’amour à travers les stéréotypes. Sans oublier Renaissance et le témoignage fort de Hervé Leprêtre… C’est bien sûr sans compter les petites salles de périphérie (6 pour 2025) qui présentent elles aussi leurs merveilles, très diverses, telle La Forêt des fétiches, installation visuelle et sonore de Maud Peyrache à découvrir à L’Horme… Il y en a trop pour qu’on puisse les nommer toutes. Alors, regardez le programme et déplacez-vous !

PAR tRINA MOUNIER
Cie Parc ©
LA LIESSE PIERRE PONTVIANNE

Soigner la mémoire

Fidèle de Sens Interdits, Chrystèle Khodr revient cette fois avec Silence, ça tourne, un récit qu’elle met en scène et interprète, l’histoire vraie d’une infirmière suédoise de vingt ans rescapée du massacre du camp palestinien de Tel al-Zaatar, en 1976. Dans une scénographie très parlante de Nadim Deaibes, l’artiste libanaise fait revivre le combat d’Eva Ståhl (toujours engagée à 74 ans) et questionne ce qui a eu lieu, le rôle des femmes dans la guerre, comment l’Histoire se répète.

Un spectacle nécessaire sur l’importance de la mémoire, au premier rang des remparts de l’Histoire… TM

29 > 31 OCT.

TNP Villeurbanne

En miroir

Il y a dix ans. Malika Djardi créait sa première pièce, Sa prière, à partir d’un dialogue avec sa mère autour de l’islam. Elle poursuit cette conversation tandis que sa mère est en EHPAD, souffrant de la maladie d’Alzheimer. Celle-ci s’est mise à danser et l’artiste a décidé de la filmer, puis de reprendre le dialogue avec Martyre. Entre les gestes de l’une et l’autre se tissent des histoires sensibles qui questionnent la mémoire, l’apprentissage et le chemin parcouru. Bercé par des ritournelles populaires et des images de la mère, la pièce brosse un portrait en filigrane de la chorégraphe lyonnaise, délicat et fragile. GV-P

06 & 07 NOV.

Maison de la danse Lyon 8

Une vie trash

L’Iphigénie à Splott de l’auteur gallois Gary Owen, c’est Effie, cette fille en survêt bourrée et défoncée, à qui il arrive tous les malheurs du monde. Beaucoup de monologues – ça cogne, ça crie, ça danse, ça pleure – et des scènes prises sur le vif (en boîte, dans la rue, à l’hosto), avec une musique rock sous tension pour habiter la prestation de Gwendoline Gauthier, bluffante dans ce seule en scène sans concession. Ça vous tient en haleine, même si c’est parfois too much. AH

04 NOV.

Radiant Bellevue Caluire

07 NOV.

L’Aqueduc Dardilly

post

scriptum

ANNE HUGUEt, tRINA MOUNIER & GALLIA vALEttE-PILENKO

Autofiction acrobatique

Créé en 2023, ce "concert cirque" surprend par son usage de la musique et du texte au milieu d’acrobaties folles. Porté par la compagnie La Meute, réunion de cinq copains de cirque passés par l’ENACR (École des arts du cirque de Rosny-sous-Bois), Newroz est le premier spectacle en solitaire de Bahoz Temaux, un ancien de la compagnie XY. Un touchant portrait d’un jeune artiste franco-kurde en butte au racisme ordinaire mais aussi aux petites joies de la vie. Hissé sur un mât-perchoir comme métaphore « d’un monde étroit et instable nécessitant d’être escaladé pour que l’humain puisse être considéré et entendu », l’acrobate explore son identité plurielle et ses déboires d’homme de couleur en mots, en musique et en mouvements. Et il esquisse l’espoir d’un monde nouveau ! GV-P 18 NOV.

Théâtre de la Renaissance Oullins Pierre Bénite

Attraction

VEN, qui signifie « viens » en espagnol et « ils voient », est le titre de la première création de la compagnie Si seulement. Maria del Mar Reyes, équilibriste, et Hugo Ragetly, jongleur, se sont rencontrés à l’École nationale de cirque de Montréal avant de travailler avec les fameux 7 Doigts de la main. En 2019, ils créent leur propre compagnie avec laquelle ils explorent la notion de confiance. Deux individus tentent de forger un lien. Entre les balles qui caressent et virevoltent, les corps-à-corps, les équilibres subtils et les envolées virtuoses au mât chinois, les deux artistes allient sensibilité et prouesses, poésie et maîtrise. À découvrir. GV-P

14 NOV.

La Mouche Saint Genis Laval

Storytelling

Ces Petites Filles modernes n’ont rien à voir avec le roman de la Comtesse de Ségur… Et est-ce seulement du théâtre ? Joël Pommerat l’appelle roman-théâtre parce que « ce qui se passe se raconte dans le temps où ça se vit ». La pièce raconte bien une histoire dont les héroïnes sont deux très jeunes filles qui se sont prêté serment d’amitié indestructible et ont à faire avec le pouvoir des adultes et des réalités effrayantes, comme la mort. Conçu comme une suite de Contes et légendes – qui confrontait de jeunes garçons à des robots pour mieux explorer leur humanité –, il s’affranchit de la réalité par une utilisation impérieuse de la vidéo. Elle tient lieu de scénographie et lui permet d’entrer « pour de vrai » dans l’univers sensible des enfants. TM 22 NOV. > 10 DÉC. TNP Villeurbanne

PAR

Entrelacer les lignes

> 29 OCT.

Manifesta Lyon 1 manifesta‑lyon.fr

PAR

En ouvrant ses cimaises à neuf artistes contemporains de la galerie Suzanne Tarasieve, Manifesta tire le fil d’un accrochage collectif qui célèbre le drapé textile et le mouvement des corps. Baptisée Circonvolutions, l’exposition débute avec une toile magistrale de Youcef Korichi. Posés en lévitation sur fond noir, deux corps vêtus d’un morceau d’étoffe, d’un réalisme saisissant, s’inspirent de la peinture de Goya Le vol des sorcières. Autre clin d’oeil à l’histoire de l’art, les compositions aux multiples personnages tracées par Alin Bozbiciu ont le foisonnement des fresques d’un Michel-Ange. À l’étage, le duo d’artistes Recycle Group détourne les codes de la statuaire classique, en composant deux hauts-reliefs spectaculaires avec du grillage thermoformé blanc. Entre beauté plastique et critique des nouvelles technologies, leurs œuvres captivent. Avec ses paysages enflammés contenus dans des cadres de bois brûlé, Lucien Murat tente d’imaginer l’avenir qui nous attend. Juste en face, Romain Bernini décontextualise ses sujets en laissant flotter, dans de grandes toiles, des hommes et des animaux solitaires. Moins connu et déjà primé, le travail du jeune artiste suisse Thomas Buswell se nourrit de dessins sur papier, tissus récupérés et collages. Quant à Nina Mae Fowler, elle éblouit par la beauté ciselée de ses portraits au fusain qui revisitent l’imagerie hollywoodienne des années 1950. Derrière les regards ardents qui nous fixent, il est souvent question de vulnérabilité. Par la qualité des artistes qu’elle réunit et le croisement de leurs langages singuliers, l’exposition Circonvolutions est l’un des temps forts de cet automne.

L’art au centre

PAR GALLIA

vALEttE-PILENKO

Pour sa quatrième édition, AiRT DE FAMILLE s’est installé sur le toit de Perrache. Itinérant et éphémère, l’évènement investit chaque année un nouveau lieu, souvent en transition, comme c’est le cas du centre d’échanges. Initié par omart, « incubateur d’artistes », et soutenu par de nombreux mécènes, le festival réunit dorénavant une quarantaine de créatrices et créateurs autour d’objets du quotidien (plus de 600) apportés par des particuliers qui sont "customisés". Chacun dispose donc d’un espace, en l’espèce une "box" pour 24 d’entre eux, et des lieux de circulation pour les autres. Divisé en quatre sections, le quatrième étage – qui a accueilli pendant de nombreuses années l’ELAC, vitrine lyonnaise de l’art contemporain avant la création du MAC – s’étend sur 1500 m² et permet de découvrir des univers, des techniques et des matériaux très différents. Du papier maché de Piment Martin aux peintures à l’huile d’Antoine Favre en passant par la photographie de Charlène Planche ou la fameuse technique de tufting d’Ortans, chaque artiste déploie son univers et chaque box est un nouveau monde. On retrouve aussi des habitués d’omart et autres artistes de rue, tels Gaspard Mariotte, Dorothée Richard, Bounka, Fouapa ou encore Choper. Variée et très colorée, la visite est bluffante !

> 30 NOV.

Centre d’échanges de Lyon Perrache Lyon 2 airtdefamille.fr

LUCIEN MURAT, LE TEMPS QUI PASSE XI, 2025
Jean De Calan Courtesy de Lucien Murat et Galerie Suzanne Tarasieve Paris ©
CHARLÈNE PLANCHE

Dans les profondeurs

Même si on regrette que toutes les expos photo du musée des Confluences ne soient consacrées à des hommes, force est de constater que Le mystère des anneaux mérite le détour.

Troisième du genre, après celles de Marc Riboud et Vincent Munier – et avant Stephan Gladieu –, cette exposition de Laurent Ballesta propose de plonger dans les profondeurs du cap Corse pour découvrir « le mystère des anneaux », une formation géologique complexe située à 120 mètres de fond. Non seulement cet accrochage présente des images incroyables de ce qui se passe sous la mer, mais il offre aussi la possibilité de s’immerger au cœur de la recherche scientifique qui a permis de résoudre ce mystère (pour l’instant) unique au monde. Cinquante photographies de formats différents et un petit film de 10 minutes racontent cette expédition hors du commun, mobilisant des scientifiques issus de diverses disciplines (biologistes, géologues, écologues, paléoclimatologues…). Les images sont sublimes, tels ce bernard-l’ermite en gros plan ou ces roses des mers fluorescentes, montrant des organismes marins que le grand public a peu l’habitude d'admirer. Sans parler des paysages des grands fonds marins ou des fameux anneaux, produits de phénomènes géologiques et biologiques s'étalant sur 20 000 ans. On découvre une biodiversité à la richesse étonnante dont certains êtres n’avaient jamais été observés à une telle profondeur, des couleurs chatoyantes et des milieux inexplorés. Un univers en danger que l’exposition met en évidence afin que chacun ait conscience de sa fragilité et de la nécessité de le protéger.

EXPOSITION LE MYSTÈRE DES ANNEAUX Philippe Somnolet
PAR GALLIA vALEttEPILENKO

Une faim de Lyon

Des quais de Saône au parc de la Tête d’Or, en passant par la Croix- Rousse et la Part-Dieu, l’exposition Lyon, ville rêvée déployée au musée Jean Couty est un splendide voyage dans la capitale des Gaules. Elle réunit 120 œuvres d’une cinquantaine d’artistes lyonnais, du XX e siècle à nos jours. Comme à l’accoutumée, Charles Couty et son épouse Myriam, respectivement fondateur et directrice artistique du musée, ont sélectionné des pièces rares dans des collections privées, afin d’offrir aux visiteurs une majorité d’œuvres inédites. Le parcours débute avec trois découvertes spectaculaires. « Une toile de Jean Fusaro

Plein cadre

de 2,50 m, représentant des archers ; le plus grand tableau existant de Jacques Truphémus (une vue de Saint-Georges) ; et une toile de mon père, Jean Couty, jamais montrée, de 3,50 m de long ! », souligne Charles Couty. Le festin pictural se poursuit avec de multiples versions de la place Bellecour, signées en virtuoses par Patrice Giorda, Micheline Colin, Alain Chevrette, Michèle Caussin-Bellon… Ces trésors voisinent avec des vues de Saint-Jean et de Fourvière peintes par Gilbert Pécoud, Antonin Ponchon, René Chancrin ou encore Pierre Combet - Descombes. Impossible de se lasser tant ces artistes livrent, par leurs styles singuliers, des interprétations dissemblables d’un même sujet. Au détour d’une cimaise, les girafes du parc de la Tête d’Or sculptées par

Damien Colcombet, et les célèbres Anooki du 8 décembre attendrissent les visiteurs. Tandis qu’à l’étage, les toiles architecturées par Jean Couty font battre le cœur de la ville dans une explosion de couleurs. Le musée profite aussi de l’exposition pour rendre hommage à Jean Fusaro, qui vient de fêter ses 100 ans. La vingtaine de toiles magistrales, réunies pour l’occasion, témoignent de son amour inconditionnel pour Lyon. Le parcours s’achève avec plusieurs portraits de Jean Couty (1907-1991), réalisés en grande partie par des artistes contemporains. En faisant cohabiter toutes ces vues emblématiques de la ville, Myriam Couty célèbre l’immense talent de nos artistes régionaux.

C’était le 12 décembre 2014. « La police me réveille à 7 h du matin et je découvre mon atelier détruit par le feu. La faute à un court-circuit… », raconte Thierry Bounan, le créateur de Autour de l’image. Le lieu, ouvert en 1995 rue de Fleurieu, est un atelier d'encadrement et une boutique dédiée aux affiches de cinéma et à l'image sous toutes ses formes. Après l’incendie, il faut trouver un nouvel endroit pour redémarrer l’activité. Ce sera rue Sala, toujours dans le quartier d’Ainay, avec la volonté décuplée « de créer un endroit qui corresponde à mon univers, un petit chez moi », se rappelle Thierry Bounan. Alors, l’artisan esthète à la clientèle fidèle se fait aussi galeriste, « pour aider de jeunes artistes, des gens que j’aime, et présenter leurs créations avec de beaux cadres, de beaux accrochages comme je veux les voir dans les musées ». Cet automne, Autour de l’image a choisi de célébrer trois décennies de création, mais aussi de rencontres et de passion partagée. Dessin, photographie, peinture, gravure… 32 artistes (Dorothée Richard, Pascal Baudry, Léopold Poyet…) composent cette exposition anniversaire des dix ans, avec des œuvres à format et prix uniques (300 €). Chaque encadrement est conçu sur mesure. De quoi donner de belles idées de cadeaux. EB

30 ANS DÉJÀ ! > 24 DÉC

Galerie Autour de l’image 44 rue Sala, Lyon 2 autourdelimage.fr

> 18 JAN. 26
Musée Jean Couty Lyon 9 museejeancouty.fr
ARIEL, ARIEL ET LYON, 2024
ADAGP, Paris 2025 ©

VALEUR SENTIMENTALE

Joachim Trier

Sortie : 20 août 25

TOUCH – NOS

ÉTREINTES PASSÉES

Baltasar Kormákur

Sortie : 30 juil. 25

THE OUTRUN

Nora Fingscheidt

Sortie : 02 oct. 24

LES GRAINES

DU FIGUIER

SAUVAGE

Mohammad Rasoulof

Sortie : 18 sept. 24

IÀ l’ombre des pères

LONGTEMPS RELÉGUÉE À L’ARRIÈRE-PLAN, LA RELATION PÈRE-FILLE CONNAÎT UN REGAIN D’ATTENTION

AVEC DES FILMS RÉCENTS QUI FONT APPARAÎTRE DES FIGURES PATERNELLES MOINS ARCHÉTYPALES, PLUS VULNÉRABLES, SOUVENT EN CRISE. DERRIÈRE CES RÉCITS INTIMES SE DESSINE UNE CARTOGRAPHIE DE L’ABSENCE, DU MANQUE OU DE LA RÉCONCILIATION.

ntéressons-nous pour commencer à Joachim Trier. Il signe avec Valeur sentimentale (2025) une chronique bouleversante autour d’un père et de sa fille comédienne, réunis dans la maison familiale. Le père veut reconquérir sa fille Nora – Renate Reinsve, d’une présence incandescente. Mais Nora refuse de se laisser manipuler voire aimer par ce père, réalisateur égocentrique et absent. Elle décline le rôle qu’il lui propose dans son prochain film. Les gestes anodins laissent transparaître une tension sourde, faite d’attentes déçues, de pudeur maladroite et de tendresse inavouée. Chez Trier, la filiation se construit dans la fragilité des retrouvailles et de la répétition transgénérationnelle. Plus radical, The Outrun (2024), adapté du roman autobiographique d’Amy Liptrot, met en scène une jeune femme en convalescence psychique sur les écossaises îles Orcades. Le père, taiseux et

enraciné, incarne à la fois la terre natale et l’obstacle à fuir. La communication entre cet homme bipolaire et sa fille borderline est compliquée. Nora Fingscheidt capte avec justesse cette tension entre dérive et attachement et Saoirse Ronan incarne de tout son corps cette plongée dans les ténèbres et le retour à soi, brutal et nécessaire.

C’est dans une histoire d’amour perdue que nous entraîne Touch – Nos Étreintes passées (2025) de l’Islandais Baltasar Kormákur. Ici, la figure paternelle s’esquisse en arrière-plan, tout en restant présente et déterminante. Kristofer aime Miko, jeune Japonaise immigrée à Londres avec son père. Entre eux cependant, une histoire secrète liée à la tragédie d’Hiroshima : Miko ne peut défier les ordres de son père convaincu qu’elle est porteuse d’un enfant condamné, à cause des radiations. Le père enferme sa fille dans son statut d’hibakusha, littéralement

« une personne affectée par la bombe », lui refusant le bonheur qui s’offre à elle.

À l’opposé de ces trois films nordistes, c’est un cinéma plus politique que propose le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, avec son œuvre clandestine Les Graines du figuier sauvage (2024). On suit un père juge confronté à la révolte de ses filles engagées. Ici, le conflit est frontal. Mais derrière l’affrontement idéologique perce une douleur plus intime : celle d’un amour filial empêché par les systèmes de domination et la machine sécuritaire qui anéantit la jeunesse iranienne en révolte. Rasoulof filme avec une acuité rare la fissure entre deux générations.

Ce qui relie ces œuvres, au-delà de leurs différences de ton ou de contexte ? Tout ce qui se dit sans mots, ce qui se transmet malgré soi. Le père est un personnage fragile, parfois dépassé, souvent aimant et après tout humain.

VALEUR SENTIMENTALE
JOACHIM TRIER
Kasper

AUX BEAUX ÉcARtS D’IDENtItÉ

EN CROISANT ROCK, RAÏ, CHAÂBI ET « RHORHO » (UN ARABE DE BANLIEUE MÂTINÉ D’ANGLICISMES ET D’ARGOT LYONNAIS), CARTE DE SÉJOUR FUT UN FER DE LANCE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET POUR LA JUSTICE SOCIALE – À L’INSTAR DE THE CLASH OUTRE-MANCHE. EN DEUX ALBUMS PHARE, LE GROUPE A DÉGELÉ LA MUSIQUE FRANÇAISE ET LA FRANCE TOUT COURT. HISTORIEN ET ANTHROPOLOGUE, PHILIPPE HANUS LEUR REND HOMMAGE ET MESURE LEUR APPORT À LA "DOUCE FRANCE" DES ANNÉES 1980…

ICARTE DE SÉJOUR

UN GROUPE ROCK

DANS LA DOUCE FRANCE DES ANNÉES

1980

Philippe Hanus

Éditions Le mot et le reste

Sortie : 22 août

ls ont failli s’appeler The Strangers pour faire simple mais ils ont finalement trouvé leur ironie à la française : Carte de Séjour. Comme du poil à gratter le pouvoir (façon Poète, vos papiers ! de Ferré), un droit de cité revendiqué. Enfants de la Movida punk lyonnaise, ce combo multiculturel né entre Rillieux et Croix-Rousse a grandi vite : un premier 45 tours (Zoubida) en mai 1982 sur le label lyonnais Mosquito (cf Boul’dingue, Fa Musique) et en avant la zizique ! Poussé par les premières radios libres (Bellevue, Canut), les fanzines (Zaâma d’Banlieue, Kanaï) et quelques émissions télé (Alain Maneval et Michel Polac), le groupe écume fissa les scènes de l’Hexagone, des plus modestes MJCs aux prestigieuses salles (aux côtés de Téléphone, Higelin…), toujours là pour soutenir la cause : contre le racisme (comme la Marche pour l’égalité fin 1982 et le mouvement "black-blanc-beur"), contre les violences policières, contre le fascisme ordinaire des années Pasqua et consorts. Tout en évitant les ornières militantes (dogmatisme et moraline indignée) qui conduiront aux récupérations du genre "Touche pas à mon pote", le groupe d’arab rock trace son chemin sans coup férir, avec quelques roulements dans le line-up certes, mais aussi de nombreuses amitiés au long

cours, tant sur la scène locale (Ganafoul, Babylon Fighters, Haine Brigade) que nationale (OTH, LSD, Bérurier noir, Pigalle). En 1986, la reprise de Charles Trenet propulse le groupe au beau milieu du TOP 50 : sous la houlette de Jack Lang, Douce France résonne même jusque dans les travées de l’Assemblée nationale lorsqu’elle s’avise de réviser le Code de la nationalité ! Le groupe tourne en Europe, au Maghreb, et vite fait aux États-Unis. Avec des textes sensibles sur les questions sociétales de la France mitterrandienne (des tiraillements des enfants d’immigrés face à l’extrême droite naissante à la condition des femmes sous influence patriarcale), dans une langue insolente « étrangeant » tant les Français puristes que les Arabes lettrés, Carte de Séjour a obligé son monde à faire des grands écarts d’identité pour brasser les cultures de ses membres. C’est là l’apport singulier de cette biographie : avec un attirail de sources empruntant tant à la musique qu’à la sociologie, Philippe Hanus démontre que la culture n’est pas affaire d’ontologie, d’être, mais de devenir. Et force est de constater, à l’aune de la scène rap que la France a enfantée (d’NTM à Médine en passant par DJ Mehdi, La Rumeur ou Rocé), que les graines semées par Carte de Séjour ont fait rhizome et florès.

CARTE DE SÉJOUR, 1982
Michel

LE StREEt MUSÉE DU MOIS

PAR ENNA PAtOR & LENDASKIN
CHRYSTÈLL.T
CYBERPETRUS
LASCO
BARCLAY DU BON PASTEUR
SP.RAY.ART
KRAPCRAP THE END OF ANIMALS

Broco-gaufres

Chut… laissez-nous vous livrer une arme secrète. Vous voyez ce petit arbuste vert de la famille des choux, plein de vitamines ? Celui que certains considèrent comme l’ennemi public numéro un ? Oui, le brocoli et ses pimpants bouquets ! Et bien, préparez-vous à l’infiltrer en douce dans les assiettes, ni vu ni connu.

Comment ? Grâce à une couverture infaillible : la gaufre !

On commence par neutraliser le suspect : on sépare ses mini-bouquets, on les plonge 10 minutes dans un bain chaud salé, jusqu’à ce qu’ils deviennent bien coopératifs. Ensuite, on en prélève quatre cuillerées et, hop, on les écrase férocement histoire de leur régler leur compte. Ça donne une discrète pâte verte. À cette purée camouflée, on associe deux complices (les œufs), un peu de poudre blanche (la farine), une pluie de fromage râpé, et quelques épices pour tromper l’adversaire. On brasse le tout avec force conviction, histoire que personne ne distingue le traître vert. Puis arrive la planque : le gaufrier. On l’enduit d’un voile d’huile, on le chauffe telle une scène d’interrogatoire, et on enferme la mixture.

Quelques minutes plus tard, on libère… une gaufre dorée, croustillante, absolument innocente à l’œil nu. Le coup de grâce ? On ajoute un topping trompe-l’œil –fromage frais, tomates, jambon, saumon… -, le basilic frais, la petite salade comme si de rien n’était. Résultat : tout le monde dévore joyeusement et avec appétit votre brocoli de choc. Vous savourez discrètement votre victoire fort de… la mission accomplie !

1 BRO c OLI 4 ŒUFS EN t IERS 4 c ÀS EMMEN t AL RÂPÉ 2 c ÀS FARINE 2 c ÀS HUILE NEU t RE POUR LE GAUFRIER SEL, POI v RE E t ÉPI c ES AU c HOIX ( c URRY, PAPRIKA FUMÉ, ROMARIN, HERBES DE PRO v EN c E) SALADE v ER t E (LAI t UE, ROQUE tt E, MES c LUN) QUELQUES FEUILLES DE BASILI c FRAIS t OPPING*FROMAGE FRAIS À t AR t INER, t OMA t ES c ERISES, JAMBON BLAN c OU DE v OLAILLE, SAUMON FUMÉ, PARMESAN...

Horizontalement

jugeote

1. Pas du meilleur effet sur un beau lainage. 2. Cherchaient à piéger ? 3. Se carapata. 4. Relève le plat, mais point l’haleine. "Sweet home" amérindien. 5. Jolie petite Hellène. Circule à Paris en tous sens. 6. Bien ou mal, question de sort ! Cadeaux de naissance pleins de surprises. 7. Manifestations de joie collective. N’est plus solfié ainsi. 8. Préposition contractée. Teste la résistance. 9. Pas bien malins. Ne plus trouver son chemin. 10. Genre pictural. Belle Italienne qui vit naître les Frères Mineurs.

verticalement

A. Celle d’Hernani ne fut pas des plus sanglantes. B. Enlevai. Trop jeune pour être gavé. C. Publique, il y va de l’intérêt de tous. Personnel de l’intimité. D. Habitantes d’une ancienne capitale des ducs de Bourgogne. E. Bordures héraldiques. Pour les biologistes, signifie espèce. F. Sur le court, service explosif… ici explosé. Fais marcher ta boutique ? G. Exclamation de joie. Leurs découvertes ravissent l’explorateur. H. Des plus légers ! Cité fondatrice de nos voisins helvètes. I. Tête de gnome. Sans elles, pas d’accusation. J. Soutien des vieux monuments. Unité de chauffage traditionnel. solutions arkuchi 51

Emmanuel Monneron ©
PAR PONIA DUMONt

Annecy Bonlieu. Bourg-en-Bresse théâtre de Bourg-en-Bresse. Musée du Brou. Bourgoin-Jallieu Les Abattoirs. MBJ (Musée). Maison de Launay. Office de tourisme. Brignais Briscope. Bron Espace Albert camus. ciné Les Alizés. Ferme du vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire-et-Cuire cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant-Bellevue. tRIBE Hôtel. Chalon-sur-Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan théâtre. Chazelles-sur-Lyon Musée du chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L’Aqueduc. Décines Le toboggan. Écully Écully cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Médiathèque. Firminy Site Le corbusier. Francheville L’Iris. Les Grandes voisines. Givors Médiathèque Max Fouché. théâtre de Givors. Grenoble Mc2:. Musée de l’Ancien Évêché. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À chacun sa tasse. À thou bout d’chant. Antoinette. Archipel. Art Génération. Atelier terreaux. BistrO d’à côté. Bloom. Boîte à café. BROKK’ARt café 203. cAUE Rhône. cinéma Polycarpe. cinna. cocol. clef de voûte. condition des Soies. Dangerhouse. Delicatessen. Diable!. DRAc. ESMOD. Fromagerie B.O.F. Galerie ceysson & Bénétière. Galerie Estades. Galerie Françoise Besson. Galerie Mainguy. Galerie Regard Sud. Gd-Hôtel des terreaux. Hello cutie. Hot club de Lyon. Hôtel Fort St-Laurent. Hôtel de Paris. Item Galerie. Kraspek Myzik. L’Alcove. L’Âne sans queue. La BF15. La corniche. La Madone. La Menuiserie. Labelalyce. Le Bal des Ardents. Le Bleu du ciel. Le cloître A.-c. Le Lavoir Public. Le voxx. Léon de Lyon. Leptine. Les Arcades. Les clochards célestes. Les SUBS. Librairie À Soi.e. Librairie Ouvrir l’œil. Livre en Pente. Lucky Records. Luthier charlemagne. Maison cobalt. Maison Nô. MangaLyon. Manifesta. Matisse & cow. Mongi Guibane. NAFAS. Nuage café. Ô tao Bom. Opéra de Lyon. Perko café. Pilo Hôtel. Première Loge. Rat des villes*Rat des champs. Relie-Délivre. Sans contrefaçon. SLO Hostel Pentes. SOÉM. Sofffa terreaux. Spacejunk. the Zenith. tikki Records. tomé. Un Brin de folie. Unité centrale. villemanzy. Lyon 2 Agnès B. Ambiances & Mâtières. Archives Municipales. Atelier Parfumé. Autour de l’Image. Baralo & coste. Boscolo Hôtel. Boulangerie Saint-Marc. cave aux curiosités. chez camille. cité de la Gastronomie. cJB. cRAIE cRAIE. cycles Marchi. David & David Studio. Docks 40. Émilie Ettori Illustration. Fondation Bullukian. Galerie Dettinger. Galerie Em’Arts. Galerie O. Houg. Galerie JL Mandon. Galerie Masurel. Galerie MI. Galerie tatiss. Galerie valérie Eymeric. Globe & cecil. Hôtel 71/Heat. Hôtel L’Abbaye d’Ainay. Hôtel carlton. Hôtel des Artistes. Hôtel des célestins. Grand Hôtel-Dieu. In cuisine. Indies. Jaja Bistro. Kave Home. KLS Lunettes. Les Ateliers. Les créations lyonnaises. L’Institution. La cloche. Librairie Adrienne. Librairie L’Œil cacodylate. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Librairie Passages. Marché Gare. Mercure Lyon Beaux-Arts. MJc confluence. MOB Hôtel. Musée des confluences. Musée de l’Illusion. Ninkasi cordeliers. Nose. OBBO Design. Office tourisme Lyon. Omart. Ories Galerie. Rose. Sociality Family. Sofitel Bellecour. Solis. Spa 5 Mondes. Strate Design. théâtre-comédie Odéon. tNG-Les Ateliers. théâtre des célestins. théâtre des Marronniers. UcLY. XS Bar. Lyon 3 Auditorium de Lyon. AURA Spectacle vivant. BM Part-Dieu. BO concept. café du Rhône. cOt contemporain. création contemporaine. École E. cohl. F.O.L. Hooper. KARE. Kartell. Kommet. Les Assembleurs. Librairie Le tramway. Métropole de Lyon. Nuance & Lumière. Pieds-compas. Salle des Rancy. tandem. velcroc. Lyon 4 Agend’arts. Aquarium ciné café. Aux trois cochons. Bistrot fait sa Broc. Boîte à vape. Bonnesœurs. Boulangerie Jadis. Büfé. canut & Les Gones. café Bouillet. cavavin. cave tabareau. cave valmy. chez Robert. chez Simone. cinéma Saint-Denis. coop du Zèbre. Diable Rouge. Flow. Flowers. Fromagerie Galland. INSPÉ. KLS Lunettes. L’Assiette du vin. La  curieuse. La  valise d’Élise. Le Grain de Folie. Librairie LaBd. Maison des Assos. Maison des canuts. Paddy’s  corner. Paume de Pain. Poussineau Musique. Sibilia. théâtre croix-Rousse. Un Grain dans le Grenier. villa Gillet. vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. Armada. Atelier Marinette. caillou café. collège Hôtel. cRR de Lyon. École de cirque Ménival. ENSAtt. Espace Gerson. Fourvière Hôtel. Galerie de La tour. Holy Street Gallery. L’Œil Écoute. Librairie virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJc du  vieux-Lyon. MJc Saint-Just. Musées Gadagne. Le Sonic. Phénix Hôtel. Puzzle café. têtedoie. théâtre de Guignol. théâtre du Point-du-Jour. villa Maïa. Lyon 6 Amal Gallery. Galerie Wawi. Institut vendôme. Jobaar. L’Astragale. Librairie Derain. Librairie Rameau d’Or. Librairie tsukimi. Librairie Les Biblios. MAc Lyon. via Barcetta. Lyon 7 Amours chauds. Arts en Scène. Atelier chalopin. Athénium. Bibliothèque Diderot. Bistrot des Fauves. Blue Monday. B.U. chevreul. café Botani. cHRD. cinéma comœdia. comics Zone. cOREP. EAc Lyon. École de condé. ENS. La case en plus. La commune. Le 5 du mois. Le Flâneur. Galerie tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kulte. Librairie terres des Livres. Librairie La Madeleine. Librairie La voix aux chapitres. Librairie Rive Gauche. Livestation DIY. Mama Shelter. Mécanique des Fluides. MIMO. Palmarosa café. théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Le ciel. Institut Lumière. Librairie la tanière. Maison de la Danse. Médiathèque de Bachut. MJc Monplaisir. MUtG. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. cave valmy. ciné-Duchère. cNSMD. Fondation Renaud. L’Attrape-couleurs. Les Mangeurs d’Étoiles. Médiathèque de vaise. Musée Jean couty. tNG. tomaselli collection. Mâcon cave à Musique. Musée des Ursulines. théâtre de Mâcon. Miribel L’Allégro. Mornant Espace Jean carmet. Neuville-sur-Saône Médiathèque. Oullins La Mémo. MJc d’Oullins. théâtre de La Renaissance. Pierre-Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. triolet. Rillieux-la-Pape ccNR. ciné-Rillieux. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJc Ô  totem. Saint-Étienne cité du Design. comédie de Saint-Etienne. La  comète. Le Fil. Le MAMc. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint-Étienne. Saint-Fons Médiathèque Roger Martin du Gard. théâtre Jean Marais. Saint-Genis-Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint-Priest cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. théâtre théo Argence. Sainte-Foy-lès-Lyon Bibliothèque. ciné-Mourguet. Tassin-la-Demi-Lune cinéma Le Lem. L’Atrium. Librairie Pleine Lune. Médiathèque. MJc Omega. Vaulx-en-Velin Atelier L. de vinci. c c charlie chaplin. cinéma Les Amphis. ENSAL. ENtPE. Planétarium. Valence comédie de valence. Vénissieux Bizarre! c.A.P. Madeleine Lambert. cinéma Gérard-Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. théâtre de vénissieux. Vienne théâtre de vienne. Villefontaine Le  vellein. Villefranche-sur-Saône Auditorium. Atelier corlin. Atelier valentina & co. ciné Les 400  coups. conservatoire. Le 116art. Les Grands Gourmets. Librairie des Marais. Maison vermorel. Médiathèque Mendès France. Musée Paul Dini. Office tourisme. Premier Acte. Quai 154. Sunfish. théâtre de villefranche. théâtre Pêle Mêle. villefranche culture. Villeurbanne campus de la Doua. ccO. ccvA. ciné Le Zola. Galerie Domus. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace tonkin. F.t. Scènes & Images. IAc. La MLIS. Le Rize. Librairie carbone. Pôle Pixel. théâtre Astrée. théâtre de l’Iris. tNP. transbordeur. URDLA... Mais aussi dans vos mairies, bibliothèques municipales, écoles & facs, MJcs, hôtels...

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