Dedans Dehors n°70-71 Prison : le recul de l'histoire

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Observatoire international des prisons Section française 10 € N°70-71 DĂ©cembre 2009

Prison : le recul de l’histoire Une illusion tenace s’est peu Ă  peu Ă©vanouie. Celle d’un projet de loi pĂ©nitentiaire emportant l’adhĂ©sion de tous les acteurs du monde de la prison et reflĂ©tant un large consensus politique. Reste la rĂ©alitĂ© crue. Un texte qui oscille entre la consĂ©cration du « pareil » et l’avĂšnement du « pire ». Inadmissible et effrayant. Une rĂ©forme dont il peut ĂȘtre certain qu’elle sera Ă  l’origine d’une substantielle et tragique dĂ©gradation de la condition carcĂ©rale. Tant ses tenants sont aux antipodes des constats du ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ©, tant ses aboutissants vont Ă  rebours des prĂ©conisations du Conseil de l’Europe. Un comble, quand la voie Ă©tait tracĂ©e de longue date, la feuille de route inlassablement rappelĂ©e. L’administration pĂ©nitentiaire, par delĂ  le ministĂšre de la justice et le gouvernement, est parvenue Ă  ses fins. C’est peu dire qu’elle ne souhaitait pas que son territoire soit rendu Ă  l’espace de la loi commune. Et que ses us et coutumes laissent place aux impĂ©ratifs de l’Etat de droit et aux exigences des droits de l’homme. PlacĂ© sous l’empire d’une politique pĂ©nale qui ne cesse de renforcer le bĂ©ton dont elle s’est armĂ©e et sous l’emprise d’une politique pĂ©nitentiaire qui dĂ©ploie sa chape de plomb, l’avenir des geĂŽles françaises est pour le moins inquiĂ©tant. « Le milieu carcĂ©ral, estil encore utile de le rappeler, constitue toujours une nĂ©gation de la dĂ©mocratie » dĂ©plorent d’une mĂȘme voix deux gĂ©nĂ©rations de criminologues canadiens, aprĂšs avoir constatĂ©s que « l’incarcĂ©ration, Ă©tat en quelque sorte contre nature, reste un problĂšme insoluble ». Insoluble, donc Patrick Marest pas Ă©ternel.

Loi pénitentiaire: du pareil au pire

Prisons d’autres temps et d’autres mƓurs ? Avec les interviews de Dominique Rousseau, Martine Herzog-Evans, GaĂ«tan Cliquenois, Catherine Paulet...

L’exposition photographique proposĂ©e par le musĂ©e Carnavalet sur les prisons parisiennes du milieu du XIXe siĂšcle jusqu’à nos jours est l’occasion d’un « arrĂȘt sur images » opportun. D’abord, parce que la capitale a vu apparaitre puis disparaitre pas moins d’une vingtaine de « bastilles » sur son territoire, depuis l’époque de l’invention de la chambre obscure par Niepce. Il est bon de ne pas l’ignorer et d’en garder mĂ©moire. Ensuite, parce que sa conceptrice, Catherine Tambrun, dit s’ĂȘtre intĂ©ressĂ©e au-delĂ  de la prison « aux reprĂ©sentations de la prison », ce qui l’a conduite Ă  s’inscrire dans une dĂ©marche qu’elle qualifie de « polyphonique ». Autrement dit, loin d’organiser un simple parcours thĂ©matique Ă  base de photos lĂ©gendĂ©es – au risque pour le visiteur d’en rester aux clichĂ©s d’une certaine imagerie carcĂ©rale – elle a voulu donner une place Ă  la vidĂ©o, et plus encore aux mots. C’est ainsi qu’elle a invitĂ© l’anthropologue Philippe ArtiĂšres, l’historien Christian Carlier, le sociologue Gilles Chantraine, et bien d’autres, Ă  poser leur regard sur le corpus qu’elle avait rassemblĂ©. Avec

la ferme volontĂ© de faire parler ces calotypes, phototypes et autres supports photographiques apparus au rythme des dĂ©couvertes techniques. Et nous donner accĂšs Ă  l’essentiel, Ă  tout ce que ces captations d’images nous disent de la condition pĂ©nitentiaire au fil des 150 derniĂšres annĂ©es. Et elles en disent long. Sur l’hybridation permanente de ces forteresses dĂ©diĂ©es Ă  une peine – l’enfermement – qui n’en finit pas de chercher son sens. Et, Ă  dĂ©faut de l’avoir trouvĂ©, sur l’extraordinaire capacitĂ© de l’homme Ă  se perdre dans la punition des corps, ou Ă  s’égarer dans le redressement des comportements et le relĂšvement des Ăąmes. À cet Ă©gard, l’initiative de Carnavalet ne nous enseigne pas seulement que la prison, comme l’enfer, peut se paver des meilleures intentions, elle nous avertit aussi de la perpĂ©tuelle dĂ©mesure des moyens de contrainte mis en Ɠuvre, du raffinement infini des mĂ©thodes de coercition employĂ©es, et de la nature profonde des souffrances infligĂ©es. Prisons d’autres temps SĂ©bastien Daniel et d’autres mƓurs ? À vous de juger !

Avec les contributions de Philippe Artiùres, Christian Carlier, Gilles Chantraine, Albert Jacquard...


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