PAR NATHALIE MERCIER-PERRIN, PRÉSIDENTE EXÉCUTIVE DU CLUSTER
MARITIME FRANÇAIS
Avec l’Année de la mer et la coprésidence française de la 3e Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC3) à Nice, l’océan s’est affirmé comme un bien commun planétaire et la France maritime a pu affirmer sa vocation océanique. La signature de la feuille de route de l’économie bleue ultramarine à l’horizon 2030, le 11 juin pendant cette conférence, a consacré l’engagement français pour ses territoires d’outre-mer. Dans les territoires ultramarins, en première ligne des dérèglements climatiques et des enjeux géostratégiques, cette dimension prend tout son sens : ils innovent, adaptent et coopèrent.
C’est là toute la force de l’économie bleue : une économie ancrée dans les territoires, tournée vers l’avenir et fondée sur le lien. À La Réunion, à Mayotte, en Guyane, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou aux Antilles, les clusters maritimes ultramarins rassemblent entreprises, collectivités, chercheurs et organismes de formation. Ensemble, ils conçoivent les solutions de demain : navires bas carbone, aquaculture durable, biotechs marines, recyclage, énergies marines…
Nos outre-mer deviennent les laboratoires de l’économie bleue mondiale. Des SWAC à Tahiti aux projets d’énergies marines renouvelables à La Réunion, l’innovation ultramarine irrigue désormais les solutions pour répondre au changement global. Cette dynamique ne portera pleinement ses fruits que si elle repose sur les compétences. Développer l’alternance, renforcer l’articulation entre formations initiales et besoins des filières, accompagner les reconversions : c’est un impératif. La pérennisation du CAP maritime de Matiti en Guyane, le nouveau baccalauréat professionnel pont-machine en Polynésie depuis septembre, ou encore le futur lycée des Métiers de la mer à La Réunion en 2027 témoignent de cette priorité, avec le concours de la FEDOM, des Régions, du SMA, des CFA et universités.
Les outre-mer occupent une position stratégique dans leurs bassins. Coopérations régionales dans un environnement parfois non européen, mobilité étudiante et entrepreneuriale : la solidarité ultramarine s’écrit aussi par la mer. L’intégration de la Martinique à la CARICOM, le programme Safe Seas Africa dans l’océan Indien, l’accord-cadre avec la Communauté du Pacifique illustrent ce rayonnement maritime français. Et ce dynamisme repose sur des femmes et des hommes engagés. La Journée des gens de mer, célébrée chaque 25 juin, rend hommage à ces professionnels qui, chaque jour, font vivre la mer et les littoraux. Sans leur savoir-faire, aucune ambition bleue ne pourrait se concrétiser.
Face aux défis immenses – recul du trait de côte dans 126 communes ultramarines prioritaires, échouages de sargasses combattus avec le Plan III – nos territoires ne subissent plus, mais innovent. Du GIP Sargasses Martinique à la valorisation en écomatériaux, les réponses sont locales et coordonnées. La feuille de route signée le 11 juin donne un cap clair : structurer les filières, renforcer la résilience, sécuriser les usages. Le Comité France maritime Outre-mer, coprésidé par le Secrétaire général de la mer et le Cluster Maritime Français, avec le concours de la DGOM, mobilise l’ensemble des parties prenantes au service d’un avenir maritime ambitieux. Il permet d’identifier comment la mer est un vecteur de croissance et de souveraineté : alimentaire, énergétique, industrielle. Intégrer les savoirs scientifiques, encourager la sobriété, stimuler les investissements bleus responsables : cette colonne vertébrale est essentielle pour donner du sens à notre jeunesse, à nos territoires, et plus largement à tous.
Premier film documentaire produit par la Fondation Albioma, « Outremers : terres d’actions » met en avant, à travers une série de témoignages, des initiatives ultramarines qu’elle accompagne en outremer dans deux domaines : l’insertion professionnelle et la préservation de la biodiversité.
En accès libre sur la plateforme en ligne Viméo, ce film de 45 minutes offre « une plongée au cœur des outre-mer, là où l’engagement citoyen prend racine et inspire ». La parole y est donnée aux membres d’associations partenaires de la Fondation, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte : les associations ACISE, Saint-Jean Bosco, LIANE, Nature Océan Indien, le CEDTM et le GEPOMAY sont notamment représentées. Albioma, spécialiste des énergies renouvelables et acteur du mécénat dans les territoires ultramarins, fait ainsi rayonner, via sa fondation, des projets locaux à fort impact social et environnemental.
CONCOURS DES ECO MAIRES
« LES OUTRE-MER DURABLES » :
LES CANDIDATURES SONT OUVERTES
Les Eco Maires, association des maires et des élus locaux pour le développement durable, agit pour et avec les collectivités en faveur de l’adaptation, de la résilience et de la protection de l’environnement.
Cette association créée en 1989 compte parmi ses adhérents de nombreuses collectivités ultramarines, particulièrement concernées par ces sujets de développement durable.
Chaque année, elle organise le concours « Les Outremer Durables », pour mettre en lumière les initiatives des collectivités ultramarines en valorisant à la fois l’exceptionnel patrimoine naturel de ces territoires et en montrant l’exemplarité des politiques locales en matière de protection de l’environnement.
Les collectivités intéressées sont amenées à candidater à l’édition 2025 du concours avant le 28 octobre. Une cérémonie de remise des prix se tiendra le 26 novembre au Sénat, occasion pour les collectivités lauréates de présenter et d’échanger sur leur projet avec un public d’élus locaux, parlementaires et acteurs de la transition écologique. Le concours « Les Outre-mer Durables » souhaite ainsi récompenser et valoriser le travail des collectivités territoriales ultramarines engagées dans une démarche d’amélioration continue de l’environnement sur leur territoire.
SOUS LES CIEUX D’OUTRE-MER
La1ere.fr, l’offre numérique outre-mer de France
Télévisions, dévoile son podcast « Sous les cieux d’Outre-mer », écrit et raconté par l’astrophysicienne Fatoumata Kebe. Entre rigueur scientifique et phénomènes naturels, cette série audio propose une exploration inédite et accessible à tous de l’astronomie depuis les outre-mer. Elle établit également des ponts entre savoirs contemporains et connaissances ancestrales liées au cosmos.
« Ce qui distingue fondamentalement l’observation astronomique depuis les territoires ultramarins de celle pratiquée dans l’Hexagone ou ailleurs dans le monde, ce sont les conditions géographiques, climatiques et géophysiques uniques qu’ils offrent. [...] Des territoires comme La Réunion, la Polynésie française, la Guyane ou Wallis-et-Futuna donnent accès à des régions du ciel invisibles depuis l’Hexagone, comme le centre de la Voie lactée », explique Fatoumata Kebe.
Le podcast « Sous les cieux d’Outre-mer » informe, émerveille et redonne aux outre-mer toute leur place sous la voûte étoilée. « J’espère qu’il permettra aussi de renforcer la reconnaissance des territoires ultramarins en tant qu’acteurs à part entière de la recherche française, tout en encourageant des collaborations internationales et des projets de recherche spécifiques à ces régions », poursuit la docteure en astronomie.
C’EST LA FRANCE ET RIEN N’EST COMME EN FRANCE
« Il existe une province de France sans pollution ni chômage. On y craint si peu la délinquance que toutes les habitations restent ouvertes, de jour comme de nuit. Il n’y a d’ailleurs ni tribunaux ni prisons, pas même de véritable police : cinq gendarmes au nord, faisant office de douaniers, quatre administrateurs au sud ayant la qualité d’officier de police judiciaire, dont ils s’efforcent d’user le moins possible. Les habitants de cette heureuse contrée ne paient pas de loyer. Il n’y a d’ailleurs pas de propriétaires privés et les rares clôtures héritées de l’Histoire ont été démantelées. »
C’est la France et rien n’est comme en France : dans l’hémisphère Sud, à plusieurs jours de navigation de toute vie urbaine, des aventuriers campent dans ces parages hostiles et fascinants. L’océan à perte de vue, le vent que rien n’arrête ; parmi les manchots et les mammifères marins, quelques abris humains au milieu de l’immensité : telle est la « France australe » devenue aujourd’hui le paradis des naturalistes et des ornithologues. Bruno Fuligni a visité ces terres lointaines : les îles Crozet, Kerguelen, Amsterdam, Saint-Paul, et leurs cousines tropicales les îles Éparses – Europa, Juan de Nova, Bassas da India, les Glorieuses, Tromelin. Embarquez avec lui à travers le temps et l’océan, vers les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
À LA RÉUNION, LES JEUNES S’ENGAGENT POUR LA PLANÈTE EN PODCASTS !
I n I t I é par l ’ a FD, le programme pé Dagog I que « r é I nventer le m on D e » I nv I te les collég I ens et lycéens à raconter et partager leur v I s I on D es o bject IF s D e D éveloppement D urable ( o DD). c ette année , pour la prem I ère F o I s , ce concours
D e po D casts a vu le jour en outre - mer , à l ’ île D e l a r éun I on .
Dans le cadre de ses actions éducatives, l’Agence française de développement (AFD) propose des outils et ressources pédagogiques, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Réseau Canopé et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
Lancé en 2019, le projet « Réinventer le monde » propose aux élèves du second degré d’explorer de façon créative les 17 ODD définis par l’Agenda 2030 des Nations unies. Accompagnés de leurs professeurs, ces jeunes se voient confier la mission de produire une fiction sonore de trois à sept minutes, fictive ou réelle, racontée à une ou plusieurs voix, dans laquelle ils évoquent le monde tel qu’ils le voient aujourd’hui et imaginent celui à réinventer à l’horizon 2030.
Chaque scénario doit intégrer les dimensions sociales, économiques et environnementales du développement durable. De plus, il s’agit de sensibiliser aux enjeux environnementaux en reliant les actions locales aux défis globaux, afin d’encourager les élèves à prendre conscience de leur rôle dans la construction d’un monde en commun. Au-delà d’améliorer les connaissances des jeunes sur les grands enjeux de développement tels le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau... l’objectif de « Réinventer le monde » est de susciter chez eux l’envie d’agir et de s’engager pour un monde plus juste et plus durable.
Ce concours a été adapté cette année à La Réunion et va être reconduit en 2026. Rencontre sur l’île avec les principaux acteurs du projet.
INTERVIEW
FRÉDÉRIC LEBLÉ, CHARGÉ DE MISSION
EN CHARGE DE LA COMMUNICATION ET DES PARTENARIATS, AGENCE AFD DE LA RÉUNION
• Êtes-vous satisfait de l’adaptation du concours « Réinventer le monde » à La Réunion ?
- Tout à fait, et compte tenu du succès de cette première édition, nous souhaitons lancer la saison 2 ! Nous avons noté un fort engouement de la part des élèves pour ce projet mis en œuvre pour la première fois en 2025 dans un territoire ultramarin. Les enseignants ont été impressionnés par la qualité des podcasts conçus par leurs élèves. De plus, il y a eu de bonnes retombées médiatiques. Nous espérons un effet d’essaimage, pour que les Réunionnais puissent peu à peu s’approprier le projet et le rendre pérenne.
• Comment s’est traduite localement la mobilisation en faveur de ce programme ?
- Dans le cadre de cette première édition, qui a eu pour thématique la protection du milieu marin, une vingtaine d’enseignants, répartis dans 10 établissements scolaires de l’île, se sont mobilisés. Aux côtés des collèges et lycées, nous nous sommes réjouis de la participation d’un institut spécialisé pour les élèves en situation de handicap. Cela a demandé un effort important aux éducateurs de mobiliser les élèves sur ce dispositif. Au total, 12 podcasts ont été créés, dont Mon ti pei : bord’mer et forêt, qui a reçu le coup de cœur du jury. Par ailleurs, étant donné que « Réinventer le monde » aborde des axes pédagogiques très transversaux, ce programme a impliqué des enseignants en français, en sciences et vie de la Terre, histoire, mathématiques et même anglais !
« “RÉINVENTER LE MONDE”
EST UN PROGRAMME LUDIQUE FORMIDABLE POUR FAIRE TRAVAILLER LES ÉLÈVES ENSEMBLE ET LES SENSIBILISER AUX GRANDS ENJEUX MONDIAUX »
• Quel est l’objectif de ce concours pour l’AFD ?
- En fait, c’est un excellent moyen d’amener les élèves à travailler ensemble. Ils ont beaucoup aimé se prêter à cet exercice. C’était ludique et stimulant pour eux. Ils ont su exprimer leurs émotions – un aspect qu’à titre personnel j’ai trouvé particulièrement présent chez les collégiens, qui ont peut-être moins de retenue que leurs aînés – et sensibiliser, avec leurs mots, aux enjeux de la préservation du milieu marin. Le podcast est un support innovant à utiliser en classe. En centrant leur attention sur le son – et non plus sur les écrans – les élèves pratiquent une écoute active, développent leur imagination, ainsi que des compétences d’écriture et d’oralité. À travers cette production, ils se sont découvert des valeurs. C’est cela que nous recherchons. Le but est que ces jeunes s’engagent, en devenant des ambassadeurs de l’environnement auprès de leur entourage, voire en devenant écodélégués dans leurs classes.
Nous remercions l’ensemble de nos partenaires, dont l’Académie de La Réunion et le Réseau Canopé, pour la concrétisation de ce projet qui pourrait, espérons-le, s’étendre à d’autres territoires ultramarins !
Visite de Rostane Mehdi, recteur de l’Académie de La Réunion, sur le stand tenu par l’Agence française de développement (AFD) et Réseau Canopé, lors de la Journée académique de l’éducation
« Au niveau national, Réseau Canopé et l’AFD ont formalisé un partenariat pour organiser le concours de podcasts “Réinventer le monde”, visant à mieux faire connaître les 17 Objectifs du développement durable au sein des établissements du secondaire.
En ce qui concerne la première édition du concours à La Réunion, j’ai accompagné techniquement les élèves et leurs enseignants sur l’enregistrement des sons de podcasts, sur le choix des sujets, l’écriture et la postproduction. Nous avons effectué des sorties scolaires afindecapter dans le milieu natureldessonsquisoient le plus pur possible. Par exemple, un enregistrement à la Saline a permis de saisir le vent soufflant dans les filaos, un arbre importé de Madagascar qui fait obstacle aux vagues et accélère l’érosion des plages. Les élèves ont été ravis de vivre ces expériences nouvelles pour eux et dans lesquelles ils ont été acteurs puisque les podcasts, même s’ils ont bénéficié de nos coups de pouce, n’en sont pas moins leurs créations. »
UNE AVENTURE PÉDAGOGIQUE ENRICHISSANTE, CRÉATIVE ET CITOYENNE
En embarquant des élèves ultramarins dans leur propre aventure « Réinventer le monde », l’AFD, l’Académie de La Réunion et Réseau Canopé déploient un programme innovant, dans lequel les jeunes, à travers des récits personnels, partagent leurs idées pour un monde plus durable en 2030.
+ d’info ici : Vidéo dédiée à « Réinventer le monde »
LA SIMULATION DE COP CLIMAT, UNE EXPÉRIENCE IMMERSIVE
u n autre projet pé D agog I que phare con D u I t par l ’ a FD est la s I mulat I on D e cop par les jeunes , un jeu D e rôle
Dans lequel I ls représentent D es é tats chargés De négocIer collectIvement Des mesures D ’atténuatIon et D ’ aDaptatIon au changement cl I mat I que .
Afin de sensibiliser les jeunes aux enjeux climatiques et mieux leur faire comprendre le fonctionnement des négociations internationales, l’AFD a souhaité créer à La Réunion un événement territorial inspiré des COP 1 climat. Une soixantaine de lycéens de terminale 2 vont ainsi se livrer à un jeu de rôle grandeur nature, comme s’ils participaient réellement à l’un de ces sommets internationaux rassemblant chaque année les pays signataires de la Convention des Nations unies pour lutter contre les changements climatiques.
Si des simulations de COP climat et biodiversité ont déjà été expérimentées dans l’académie par des professeurs d’histoire-géographie, c’est la première fois qu’un tel projet aura lieu sur l’île en dehors des classes, lors d’un événement grand public, le « Congrès-Expo Ambition Planète », qui se tiendra au Parc des expositions de Saint-Denis les 5 et 6 novembre. « Nous avons voulu donner de la visibilité à ces COP », se réjouit Mariela Navaza, professeure de SVT et chargée de mission Éducation au développement durable académique.
Les jeunes participants vont ainsi débattre entre eux, comme les grands, sur les mesures à prendre à partir d’un texte qui représentera les engagements en faveur du climat des États représentés. « Par exemple, si le texte de négociation demande aux États d’augmenter la part des énergies renouvelables de 20%, 30%, 40% ou 60% dès 2025, les délégations d’élèves devront trouver un consensus sur un pourcentage. »
Pour outiller les jeunes aux savoirs essentiels sur le changement climatique, une préparation, actuellement en cours, est nécessaire. « Il faut qu’autour de la table des négociations, ils puissent s’appuyer sur des connaissances scientifiques. Par exemple, une confusion habituelle chez les élèves est de penser que la fonte de la banquise est à l’origine de l’élévation du niveau des océans. À travers des travaux pratiques, je leur montre que la cause de cette élévation réside dans la fonte des glaciers terrestres et dans la dilatation thermique », poursuit la professeure de SVT.
Dans sa classe, alors que seul un élève a su définir le terme d’« empreinte carbone », l’enseignante utilise le calculateur en ligne de l’Office Climate Education (OCE), spécialement conçu pour les élèves, afin que ces derniers puissent mesurer de manière simplifiée l’impact de leurs activités sur l’environnement. Pour préparer les jeunes négociateurs à la COP, Mariela Navaza aborde aussi les principes de la modélisation climatique, qui permet de prédire les changements du climat. Pour cela, l’OCE a publié un jeu de plateau grâce auquel les élèves comprennent les liens entre les facteurs – forêts, atmosphère, glaciers... – qui ensemble forment le système climatique de la Terre.
Autant d’éclairages scientifiques et pédagogiques au service d’un projet en droite ligne avec la volonté de l’AFD d’impulser des actions mobilisatrices, en faveur d’un monde plus juste et durable.
1 Acronyme de « Conference of Parties » (Conférence des Parties). | 2 Élèves des lycées Leconte-de-Lisle, Levavasseur et Mémona Hintermann-Afféjee, à Saint-Denis, ayant choisi la spécialité HGGSP (Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques).
D epu I s 2020, la F erme maraîchère vert I cale l I gne v erte , à s a I nt - p I erre , pro D u I t sala D es , aromates et champ I gnons en c I rcu I t court l a techn I que D e l ’ hy D ropon I e , novatr I ce D ans l ’ arch I pel , permettra I t D e ré D u I re la très F orte D épen Dance al I menta I re D u terr I to I re , à con DI t I on D e composer avec le pr I x D e l ’ énerg I e .
Produire des laitues, des piments ou des herbes aromatiques sous le rigoureux climat de Saint-Pierreet-Miquelon ? C’est possible depuis 2020 grâce à Ligne Verte, une ferme verticale en hydroponie, un type de culture hors-sol sur substrat neutre – en l’occurrence un buvard – et où les nutriments et sels minéraux nécessaires à la croissance des plants sont artificiellement distribués au compte-gouttes.
Dans un bâtiment de 350 m2 où tous les paramètres atmosphériques – température, humidité… – sont informatiquement optimisés et où la photosynthèse se fait par lumière LED, les plates-bandes forment autant de murs végétaux productifs toute l’année. Bien que non « bio », le label étant réservé aux cultures en terre, celles-ci n’ont besoin ni d’intrants, ni de pesticides. Le concept, déjà bien répandu en Amérique du Nord et expérimenté dans l’Hexagone, est totalement novateur sur l’archipel.
OPTIMISER LES RESSOURCES, DANS UNE LOGIQUE D’ÉCONOMIE CIRCULAIRE
La production maraîchère qui n’est pas vendue directement sur les marchés est valorisée dans une conserverie qui transforme aromates et piments en pestos et autres sauces et, depuis 2022, dans une distillerie qui fournit l’archipel en gins, rhums et cocktails.
« L’idée, c’était d’avoir une économie circulaire où nous pouvons transformer ce que nous produisons d’une manière ou d’une autre. Nous en sommes encore à la phase de test, mais nous nous développons bien », se réjouit Stéphane Bry, Saint-Pierrais à l’origine de ce projet né en 2018 et dont le coût d’investissement se chiffre à plus d’un million d’euros.
Les champignons, autre production phare de Ligne Verte, ont par exemple vocation à finir en soupe ou en rillettes. Au-delà du plaisir d’expérimenter, la raison est économique : les produits transformés sont plus rentables, a fortiori sur un marché aussi étroit et concurrencé par les importations que celui de Saint-Pierre-et-Miquelon. « À terme, nous avons aussi l’objectif d’exporter nos produits. C’est déjà le cas pour nos spiritueux qui sont vendus depuis cette année dans l’Hexagone », poursuit le président de Ligne Verte.
UN SYSTÈME TRÈS ÉNERGIVORE
Avec trois salariés permanents – épaulés occasionnellement par un quatrième – et une production de laitue qui s’élève à plus d’une tonne par an, l’expérience de Ligne Verte est pour l’instant un succès. « Notre production est encore très faible au regard du volume importé, mais comme nos produits sont frais et en circuit ‘’ultra-court’’, nous arrivons à tirer notre épingle du jeu », explique Stéphane Bry.
En plus de s’émanciper des contraintes bioclimatiques, la ferme verticale permet d’économiser deux ressources précieuses : la surface et l’eau. Le système fonctionnant en circuit fermé, chaque goutte est recyclée. Seulement, l’informatisation généralisée et le maintien artificiel de conditions climatiques idéales en font aussi un procédé très énergivore. « C’est le seul point noir de notre système, qui tire nos prix vers le haut. La consommation électrique de la ferme est assez énorme et nous sommes les premiers impactés quand le prix de l’énergie augmente », reconnaît Stéphane Bry. Enfin, l’impact environnemental est loin d’être neutre, puisque l’archipel dépend d’une centrale thermique pour sa consommation électrique.
DES VUES SUR LE CANADA
Malgré cette contrainte, l’expérience de Ligne Verte laisse penser que l’hydroponie pourrait être élargie à plus grande échelle, afin d’accroître l’autonomie alimentaire de l’archipel. En 2022, l’ADEME estimait que Saint-Pierre-et-Miquelon était le territoire ultramarin qui comptait le plus sur les importations hexagonales pour se nourrir, avec un taux de dépendance de 98 %.
L’année dernière, la Chambre d’agriculture, de commerce, d’industrie, de métiers et de l’artisanat de l’archipel avait justement lancé son Projet alimentaire territorial (PAT) dont le but est, d’ici 2028, d’atteindre une meilleure résilience alimentaire.
Concrètement, plusieurs mesures ont été prises pour à la fois soutenir la production locale et encourager les consommateurs à plus de « patriotisme économique ». Une dynamique dont bénéficiera l’équipe de Ligne Verte. En attendant, elle continue d’étoffer, test par test, son catalogue de produits avec des objectifs ambitieux en tête comme, par exemple, s’insérer sur le marché canadien, très difficile d’accès en matière de spiritueux, mais autrement plus dynamique que celui de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Rédaction : Enzo Dubesset
QU’EST-CE QUE L’HYDROPONIE ?
Ce mot vient du grec « hydro » – « eau » – et « ponos » signifiant « effort, travail ». L’agriculteur en hydroponie travaille l’eau. Cette méthode prend peu de place et permet d’économiser l’eau. De plus, les plantes poussent en toute saison et sont moins sensibles aux maladies.
LE RETOUR DE LA VIE MARINE GRÂCE À LA TECHNOLOGIE BIOROCK
s ur l ’ éperon rocheux D e la ba I e D e s a I nt - j ean , l ’ hôtel e D en r ock - s t b arths accue I lle l ’ e D en r ee F . e n partenar I at avec l ’ assoc I at I on I slan D n ature s a I nt - b arth e xper I ence (I ne ), ce programme sc I ent IFI que ut I l I se D es supports art IFI c I els qu I Favor I sent la cro I ssance D u cora I l , créant a I ns I un hab I tat pour D e nombreuses espèces mar I nes
Pierre Andrieux, biologiste marin pour l’INE et chef de ce projet, essentiellement financé par l’hôtel Eden Rock, nous décrit le fonctionnement de la méthode Biorock. Des structures métalliques immergées sont soumises à un faible courant électrique diffusé dans l’eau, grâce à des câbles transportant respectivement une charge positive et négative. Ceci favorise la calcification de l’armature et, par la suite, la croissance de boutures de corail, fixées dessus. Les Biorocks, construits à partir de treillis à souder, revêtent des formes variées : d’après Pierre, « plus nous créons une structure complexe, plus la vie s’y développe ». L’objectif de ce système est en effet de recruter la vie marine associée au corail, en restaurant son habitat.
Les massifs coralliens érigés à partir des Biorocks font l’objet d’un suivi régulier, afin de répertorier la biodiversité qui s’y installe et d’évaluer la vitesse de croissance des coraux. Les résultats, encourageants, montrent que la vie marine est plus abondante au niveau des habitats artificiels que sur les massifs naturels alentour. Certains défis demeurent tout de même, tels que le blanchissement corallien, dû à la température élevée de l’eau, ou encore la prolifération d’algues, difficile à contrôler. Le projet ambitionne aujourd’hui de contribuer à protéger le littoral de Saint-Barthélemy de l’érosion, en restaurant la barrière de corail pour renforcer sa fonction de brise-lame.
« Nos clients sont invités à participer au projet Eden Reef en explorant le récif en plongée, en assistant aux plantations de coraux avec l’INE, voire en adoptant une bouture de corail dont ils suivent l’évolution. Ces activités les sensibilisent à la protection du récif », indique Chloé Gansoinat, en charge du RSE à l’Eden Rock. En 2024, 115 fragments de corail ont été fixés, sur deux Biorocks de 10 mètres de long chacun. Le dispositif couvre actuellement 300 m2, avec l’objectif d’atteindre 500 m2 d’ici fin 2026.
Rédaction : Justine Taugourdeau + d’info ici : Vidéo « Voices of Change » présentant le projet (en français)
é tabl I ssement publ I c sans équ I valent en e urope , le c onservato I re D u l I ttoral F ête ses 50 ans . s a m I ss I on : acquér I r D es parcelles menacées par l ’ urban I sat I on ou D égra D ées pour en Fa I re D es s I tes restaurés , aménagés et accue I llants , Dans le respect D es équ I l I bres naturels . é tat D es l I eux et perspect I ves en outre - mer , où 29 % D u l I néa I re côt I er est protégé
INTERVIEW
ALAIN BRONDEAU, DÉLÉGUÉ OUTRE-MER
AU CONSERVATOIRE DU LITTORAL
• Le Conservatoire du littoral a été créé en 1975. Que représente pour vous cette longévité ?
- Je suis très fier de pouvoir apporter ma pierre à ce bel édifice qu’est le Conservatoire et auquel je suis attaché. Même si l’établissement reste assez modeste par sa taille – avec 180 agents au niveau national dont 30 en poste en outre-mer – il obtient grâce à toutes ses acquisitions quelque chose de tout à fait considérable. Un demi-siècle plus tard, le littoral et les rivages lacustres ultramarins forment un bien précieux, commun à tous. Aujourd’hui, 29 % du linéaire côtier en outre-mer, soit 216 sites, sont désormais protégés, avec une maîtrise foncière suffisante pour pouvoir y mener des actions. Le Conservatoire du littoral assure la protection de 220 000 hectares d’espaces naturels, dont 70 000 1 en outre-mer.
• Comment se déroule actuellement en outre-mer le cinquantenaire du Conservatoire ?
- Il est célébré dans toute la France, dont huit territoires ultramarins, lors d’événements labellisés « 50 ans de littoral en commun ». Portés par des associations locales, par nos partenaires et les gestionnaires de nos sites, ces balades, expositions, spectacles, conférences et autres ateliers invitent le public à découvrir, fêter et partager cette aventure collective. Le 18 octobre, nous proposons par exemple une balade-découverte sur le site des marais de Port-Louis, en Guadeloupe, pour mieux faire connaître nos actions. Lors de ces rencontres avec les visiteurs, nous mettons en évidence le fait que sur le littoral, il y a une place pour de nombreux usages : les activités humaines, l’urbanisation, les infrastructures, l’agriculture... et pour la nature, qui ne doit pas être oubliée.
Le Conservatoire n’a pas la prétention de pouvoir tout protéger, mais il apporte des contributions et l’anniversaire permet de le souligner. Quand l’établissement a été créé, il était urgent de mettre en place des outils pour éviter que l’on construise partout, donc il fallait devenir propriétaire de ces terrains. Sans cette structure, les usagers du littoral ne pourraient plus se promener librement. Certains de ces sites seraient aujourd’hui privatisés, artificialisés et il n’y aurait plus autant de paysages remarquables.
• À quels principaux enjeux les littoraux sont-ils exposés en outre-mer ?
- Tout d’abord à une forte pression foncière et urbaine. Les populations se concentrant près des rivages, un équilibre est à trouver entre le développement des infrastructures et la préservation des espaces naturels. Il s’agit notamment de contribuer à maintenir durablement des coupures d’urbanisation. Cette approche
nécessite un dialogue permanent avec les services de l’État et les collectivités locales ou associations auxquelles nous confions la gestion des sites. Par ailleurs, nous composons aussi avec de nouveaux usages des territoires littoraux, à l’image de certaines activités comme les courses de trail, qui s’y développent de plus en plus. Sur le littoral comme ailleurs, les Hommes ont besoin de la nature pour se sentir bien, et notre rôle est de sensibiliser les usagers au respect de la faune et la flore peuplant ces écosystèmes fragiles. Notre opération « Attention, on marche sur des œufs ! » vise ainsi à préserver les oiseaux nichant sur les côtes. Dans nos missions, nous devons également prendre en compte les enjeux globaux que sont l’influence du changement climatique, l’érosion côtière et de la biodiversité, domaine dans lequel le Conservatoire et ses gestionnaires conduisent d’ambitieux projets de restauration écologique et de sauvegarde d’espèces menacées.
• Quelques actions phares menées en outre-mer ?
- Les mangroves insulaires des Antilles et de Mayotte sont pratiquement toutes protégées et c’est près de la moitié en Guyane. À travers la mise en protection du site du Cap La Houssaye, dernière grande savane de l’ouest de La Réunion, l’objectif était d’éviter une urbanisation continue. Nous pouvons évoquer aussi la presqu’île de la Caravelle, l’un des fleurons paysagers et naturels de la Martinique. C’était d’ailleurs l’une des premières acquisitions du Conservatoire, tout comme la Pointe des Châteaux en Guadeloupe, où nous avons inauguré cette année une plateforme d’observation et de sensibilisation sur l’avifaune.
Nous travaillons aussi sur le patrimoine culturel, comme en Guyane où nous avons acquis il y a une quinzaine d’années, à Montsinéry-Tonnegrande, le bagne des Annamites : un vestige de grande valeur patrimoniale au milieu d’une forêt extrêmement riche en biodiversité.
• L’état de l’océan et des littoraux vous inquiète-t-il ?
- Les milieux évoluent car le climat change. La mer monte, le trait de côte a plutôt tendance à reculer, l’eau avance dans les terres et salinise les sols... Raisonnablement, l’état de l’océan est source d’inquiétudes : baisse des quantités de carbone absorbées en raison de l’élévation des températures de surface, quantités considérables de plastiques déversés tous les jours en mer... De plus, l’état de santé des récifs coralliens est particulièrement préoccupant. Si ces tendances persistent, il risque d’y avoir un effondrement, qui impactera directement les habitants des littoraux. En outre-mer, nous remarquons aussi de fortes progressions démographiques. Il faut loger la population qui arrive et, de plus en plus, les résidences secondaires. En Guadeloupe et Martinique, beaucoup de communes perdent de la population, mais presque toutes veulent continuer à développer la construction sur le littoral.
• Votre rêve pour les 50 prochaines années, c’est de voir ces terres à jamais protégées ?
- Oui, j’aspire au maintien de cette conservation du domaine public, c’est une évidence ! Et je souhaite plus de connexions vers l’intérieur des terres, c’est-à-dire nous éloigner du littoral pour remonter le long des fleuves et des bassins versants. Et puis, le rêve, c’est un accès libre et continu tout au long du rivage. Il reste encore en outre-mer beaucoup de travail. Actuellement, nous travaillons par exemple sur le projet de Sentier Littoral Ouest à Saint-Paul, en partenariat étroit avec le Territoire de l’Ouest, une nouvelle offre de randonnée pédestre aux Réunionnais et aux touristes, accessible à tous. D’ici trois ans, nous devrions ouvrir neuf kilomètres. Le parcours est encore long, c’est un véritable travail de fourmi. Comme, en définitive, chacun des projets que le Conservatoire du littoral porte et défend, depuis 50 ans !
le projet one shark vIse à étuDIer la populatIon De requIns-tIgres autour De saInt-martIn, a FI n De protéger à la FoIs les usagers De la mer et l ’espèce les résultats De ces recherches pourront , à l ’ aven I r , amél I orer la gest I on D es I nteract I ons huma I n - requ I n
INTERVIEW
HADRIEN BIDENBACH, DIRECTEUR DU GIP « ONE SHARK » À SAINT-MARTIN
• Comment a débuté le projet One Shark ?
- Il est né à la suite de deux morsures consécutives de requin-tigre fin 2020 à Saint-Martin [une baigneuse décédée à la Baie Orientale] puis en janvier 2021 à Saint-Kitts-et-Nevis, des îles à près de 80 kilomètres. Dans ce contexte, les instances de gouvernance locale ont demandé la création d’un GIP. Créé en 2023, il se compose de la préfecture, de l’AGRNSM, de l’ATE de Saint-Barth, de l’Ordre des médecins, des associations Métimer et Swali Fisherman. À partir des recherches en cours, je prépare une thèse en écologie comportementale sur le requin-tigre dans la Caraïbe.
ONE SHARK, UN PROJET AU SERVICE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DE LA POPULATION
• Quelle est l’idée directrice de One Shark ?
- Les analyses réalisées après les deux morsures de 2020 ont montré qu’elles provenaient du même requin. Cela soutient l’hypothèse du Dr Éric Clua, spécialiste des requins et directeur du conseil scienti fi que du GIP, selon lequel le risque de morsure ne serait pas lié au nombre de requins évoluant à proximité, mais à la présence d’un ou plusieurs « individus problématiques », suf fi samment téméraires pour essayer de prédater l’homme. Ma thèse, coencadrée par le Dr Clua, doit tester cette hypothèse. Ces recherches sont précieuses car elles permettront d’améliorer la gestion du risque requin et notamment de sécuriser le tourisme balnéaire.
• Quelles sont les actions mises en place ?
- Une partie du travail se fait sur le terrain : les requins sont peu à peu identifiés, afin de créer un protocole de gestion et diminuer, à terme, le risque de morsures. À plus grande échelle, ma thèse porte sur la compréhension de la population locale de requins-tigres, via une étude génétique. J’évalue aussi le nombre d’individus et les trajectoires suivies. Le GIP tient à communiquer sur les requins. Les usagers de la mer et le personnel médical sont formés à la prévention des morsures, tandis que les publics scolaire et politique sont sensibilisés pour ajuster leur perception des requins.
• Comment procédez-vous sur le terrain ?
- Nous effectuons des captures non létales, à l’aide d’hameçons conçus pour ne pas blesser le requin lorsqu’il est relâché. Une fois placé sur le dos, le requin s’endort, on appelle ça l’immobilité tonique. Nous le rendons reconnaissable par photo-identification, notamment grâce à une petite encoche faite sur l’aileron, qui sert par ailleurs pour le prélèvement d’ADN. Nous procédons aussi à la pose d’un tag visuel unique, fonctionnant comme un code-barre. Les branchies, propres à chaque individu chez les requins-tigres, sont prises en photo. Avant de relâcher l’animal, s’il est adulte on l’équipe d’une balise pour connaître ses futurs déplacements. Ces balises GPS sont programmées pour se détacher et remonter à la surface au bout de six mois.
• Comment voyez-vous la suite du projet ?
- Les activités du GIP One Shark sont récentes. Les objectifs sont de stabiliser le projet, de développer la formation et la sensibilisation du public sur le requintigre, mais aussi de poursuivre la collecte de données.
ONE SHARK EN CHIFFRES
Depuis le début de cette étude principalement financée par l’État, 124 requins-tigres ont été identifiés et balisés, ce qui permet d’améliorer progressivement le suivi de cette population et d’en affiner la compréhension. En parallèle, une quinzaine d’interventions en milieu scolaire ont eu lieu au cours des six derniers mois, afin de démystifier les requins auprès des jeunes.
+ d’info ici : Instagram @one_shark_project Petit film dédié au projet One Shark
Si à moyen terme, nous avons l’ambition de réussir à fédérer la Caraïbe autour de One Shark, l’objectif à long terme serait de pouvoir exporter la stratégie issue du projet dans les autres bassins de l’outre-mer français notamment. Voire de créer une base de données commune pour les différentes régions du globe concernées par les mêmes problématiques.
a rt & F act I nnovat I on , start - up basée au F ranço I s , a réal I sé une prem I ère mon DI ale en créant une I n F rastructure télécom à part I r D e matér I aux b I osourcés Favor I sant l ’ I ntégrat I on
D e la b I o DI vers I té . r encontre avec D en I s W ehrlé , son F on Dateur , et m atth I eu s égaux , assoc I é D ans cette soc I été I né DI te créée en 2019 en m art I n I que .
INTERVIEW CROISÉE
DENIS WEHRLÉ, FONDATEUR, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE ART & FACT INNOVATION, ET MATTHIEU SÉGAUX, DIRECTEUR FINANCIER, ASSOCIÉ DE LA START-UP
• Pouvez-vous nous présenter la start-up Art & Fact Innovation, fondée en Martinique ?
Denis Wehrlé - Mon expérience de plus de 20 ans dans les télécommunications m’a amené à créer Art & Fact Innovation, dans la commune du François. Il me tenait à cœur de pouvoir proposer aux opérateurs de téléphonie mobile d’autres formes de structures que celles en acier qui bien souvent polluent le paysage urbain et rural, et notamment sur les îles comme la Martinique. Nous avons consacré quatre années au développement du projet. La première installation a vu le jour à Évry-Courcouronnes en juin 2023 dans l’Essonne, pour le compte de Bouygues Telecom.
• En quoi cette solution est-elle innovante ?
Matthieu Ségaux - La structure, de 15 mètres de haut, est dotée d’une armature en métal traditionnel puis revêtue d’un matériau appelé « béton de terre ».
Ce béton se compose de terres excavées récupérées sur les chantiers de construction. L’empreinte carbone est neutre et l’impact environnemental est fortement réduit. On ne parle plus de pylônes, mais d’œuvre artistique ! Les structures au design novateur répondent aux exigences architecturales des communes, évitant ainsi la pollution visuelle. Elles sont modulables et personnalisables en hauteur, forme, aspect, couleur, texture, etc.
Autre avantage, ces structures conçues par Art & Fact Innovation peuvent intégrer des éléments de biodiversité. On peut y installer des plantes grimpantes pour les recouvrir, mais également des nichoirs et des hôtels à insectes. À Évry-Courcouronnes, une nichée de faucons crécerelles a trouvé refuge sur l’un de nos aménagements. C’est notre plus grande fierté ! Enfin, nous ne sommes pas sur un marché luxueux, les prix restent très attractifs.
• Quid de la Martinique ?
Denis Wehrlé - Ici en Martinique, on note un réel engouement pour notre projet. Nous avons répondu à plusieurs appels à projets localement, mais pour le moment nous n’avons pas de commandes fermes. Nos clients directs sont les opérateurs de télécommunications, ce sont eux qui achètent la structure. Ils doivent au préalable obtenir l’accord de la commune, de la mairie, et la plupart des projets mettent du temps à voir le jour faute d’entente avec les décideurs.
Matthieu Ségaux - Pouvoir redonner de la crédibilité aux territoires en proposant des structures qui s’intègrent parfaitement à l’environnement, en particulier aux Antilles, est l’un de nos objectifs. Sur le plan économique, la Martinique, et les îles en général, ont besoin de connectivité. Notre démarche consiste à proposer des structures fonctionnelles qui répondent aux exigences des opérateurs de télécoms, tout en combinant esthétique et écologie.
• Quelles sont vos perspectives ?
Denis Wehrlé - Le monde des télécoms est en difficulté, particulièrement en France, les investissements sont ralentis et ne semblent pour l’instant pas rentables. Nous avons décidé de prospecter également à l’international pour développer nos projets.
En mai 2024, nous avons réalisé une maquette de deux mètres de haut présentée au Salon VivaTech de Paris. Elle a retenu l’adhésion de nombreux opérateurs français et étrangers. Et plus récemment, en mars dernier, nous étions présents au Mobile World Congress (MWC) à Barcelone.
Matthieu Ségaux - Nous avons fait partie des trois finalistes outre-mer du concours Tech for Future 2025, dans la catégorie environnement et énergie, organisé par le journal économique et financier La Tribune, ce qui nous a permis d’avoir encore plus de visibilité sur les réseaux sociaux. Il faut espérer que le marché des télécoms redémarre en France et en Europe. Art & Fact Innovation est avant tout une aventure humaine dans laquelle nous sommes pleinement investis !
PODCAST DE L’OFFICE DE L’EAU, QUI DÉCRYPTE L’OR BLEU DE LA MARTINIQUE
l ongtemps réservé aux pass I onnés D e ra DI o , le po D cast s ’ I mpose aujour D ’ hu I comme un mé DI a D e Fon D , access I ble , mob I le et I nt I me . p rès D ’ un F rança I s sur D eux en écoute régul I èrement . entre scIence, envIronnement et culture locale, le poDcast « eau-là-là », lancé FIn septembre, est un nouvel out I l D e sens I b I l I sat I on pour l ’ o FFI ce D e l ’ e au m art I n I que
LE PODCAST, UN MÉDIA
AUJOURD’HUI EN PLEIN BOOM
L’anglicisme « podcast » désigne un fichier audio ou vidéo diffusé via Internet, organisé en épisodes et téléchargeable sur différents appareils. Les formats natifs, c’est-à-dire conçus spécifiquement pour l’écoute en ligne, et non issus du replay radio, gagnent chaque année du terrain, notamment auprès des jeunes adultes hyperconnectés, urbains et curieux. 1
L’OFFICE
DE L’EAU
MARTINIQUE, ACTEUR DE LA SENSIBILISATION
L’Office de l’Eau (ODE) Martinique est un établissement public local à caractère administratif, au service d’une
gestion durable de l’eau et des milieux aquatiques. Au-delà de ses missions techniques et financières, l’ODE place l’information et la sensibilisation au cœur de son action. Préparer les générations actuelles et futures à mieux comprendre les enjeux de l’eau est un impératif pour agir efficacement sur notre territoire.
Dans un contexte actuel de tension sur la ressource, de changement climatique et d’enjeux sanitaires majeurs, comprendre le cycle de l’eau, son partage, son coût et sa préservation devient indispensable pour chaque citoyen.
Avec le lancement du podcast « Eau-là-là », l’ODE Martinique investit un format innovant pour répondre aux interrogations du quotidien, déconstruire les idées reçues et reconnecter les Martiniquais à leur ressource la plus précieuse.
Séance d’enregistrement pour Michéla Adin, directrice générale de l’ODE Martinique, dans le cadre du projet « Eau-là-là », réalisé par Tann, agence spécialisée dans le podcast en Martinique. | Loïc Mangeot, directeur adjoint en charge de la connaissance et des interventions.
LE PODCAST « EAU-LÀ-LÀ », UN MÉDIA INÉDIT DE DÉCRYPTAGE
« Eau-là-là » est un podcast pédagogique, accessible à tous, qui explore les coulisses de l’eau en Martinique. Il donne la parole aux experts de l’Office de l’Eau et vulgarise des questions à la fois simples et fondamentales.
En huit épisodes bimensuels d’une durée d’environ 10 minutes, « Eau-là-là » propose une plongée à la fois scientifique, sociohistorique et environnementale dans la gestion de l’eau sur notre île.
Un récit vivant, documenté, pensé pour tous publics, des scolaires aux décideurs, en passant par les usagers.
LAURA CHATENAY-RIVAUDAY, UNE VOIX ENGAGÉE POUR RACONTER L’EAU
À la réalisation éditoriale du podcast, Laura ChatenayRivauday met sa plume et sa voix au service de la vulgarisation scientifique et environnementale.
Journaliste de profession, elle débute sa carrière à France-Antilles en Martinique, avant de s’orienter vers la réalisation audiovisuelle. Pendant plus de 15 ans, elle signe des documentaires, reportages et émissions en lien avec les sociétés ultramarines, les migrations, les patrimoines et les enjeux culturels.
Avec « Eau-là-là », elle choisit de mettre sa voix au service d’un sujet de proximité : l’eau comme bien commun, comme enjeu écologique, mais également comme fil conducteur de notre quotidien. Laura Chatenay-Rivauday propose un traitement à la fois rigoureux, accessible et incarné, en valorisant les savoirs locaux et les réalités du terrain.
« Eau-là-là » n’est pas un podcast parmi d’autres : c’est un outil d’intérêt général, un vecteur de sensibilisation et un support pédagogique mis à disposition de toute la population martiniquaise, qu’elle soit sur le territoire ou ailleurs !
En misant sur l’audio, l’Office de l’Eau Martinique propose une autre façon d’apprendre, d’écouter et de comprendre. Parce que mieux connaître l’eau, c’est déjà commencer à la protéger.
+ d’info ici : Lien pour écouter le podcast Eau-là-là, initié par l’ODE Martinique
Rédaction
Mathilde
Edmond-Mariette Minoton / ODE Martinique
GUADELOUPE
EN PROIE
AUX DÉPÔTS SAUVAGES
e n g ua D eloupe , les D épôts I llégaux D e D échets ne cessent D e se mult I pl I er . 64 % D es
D échets sont encore aujour D ’ hu I en F ou I s et non valor I sés . l ’ I nqu I étu D e est D ’ autant plus F orte que l ’ arch I pel ant I lla I s abr I te 6 % D e la b I o DI vers I té nat I onale .
Ils envahissent la Guadeloupe et y laissent des traces… Cartons, bouteilles, mobiliers et même appareils électroménagers ! Ces dépôts sauvages s’amoncellent dans les milieux naturels ou sont présents sur les plages.
« C’est invivable ! », souffle Karel Tarer, habitant de Pointe-à-Pitre. « Plus jeune, lorsque j’allais à la plage, je ne trouvais pas de bouchons. Aujourd’hui, il y a moins de coquillages, mais plus de plastiques. Les gens n’ont pas forcément le réflexe de les ramasser, ils préfèrent détourner le regard. » Médusé, le Guadeloupéen ne cache plus son exaspération face à la prolifération des dépôts illégaux d’ordures sur son île. « C’est vraiment dommage de gâcher un joyau de la biodiversité mondiale. Tous ces résidus abandonnés terminent sur les côtes ou dans les eaux, et sont mangés par les poissons que nous consommons. »
Comme lui, Christelle Diochot, directrice d’une agence de gestion des déchets, C2D Consulting, semble impuissante. « Il est de notre devoir de montrer une belle image des Antilles, car ce qui va faire la différence, c’est la propreté. Même si le tri des poubelles commence à rentrer dans les mœurs, ces résidus pourrissent notre quotidien et la nature avec elle. »
DES INITIATIVES LOCALES POUR TENTER DE STOPPER LES INCIVILITÉS
Malgré les 11 déchetteries présentes sur le territoire, le constat est sans appel. « J’ai vu des professionnels jeter des pneus en pleine forêt car ils n’ont pas voulu aller à la déchetterie, ou attendre le jour de la collecte. Il y a cinq ans, dans le nord de Grande Terre, j’ai aperçu une unité de climatisation rouillée près d’une falaise », se souvient Karel Tarer. « Ce sont souvent des jeunes qui vont oublier leurs canettes. Un jour, sur le parking d’un supermarché, quelqu’un a abandonné le carton du maxi-cosi qu’il venait d’acheter », poursuit Christelle. Alors chacun milite à son échelle pour essayer d’enrayer le phénomène.
La Guadeloupéenne a créé il y a 10 ans une société de gestion des déchets pour améliorer la propreté du territoire. Aux côtés de trois autres collaborateurs, la jeune femme travaille avec des éco-organismes pour sensibiliser et accompagner les collectivités, le Conseil départemental ou régional... Développeur informatique, Karel Tarer, lui, a lancé une application de lutte contre les dépôts sauvages : Ully.
En partenariat avec la Ville de Pointe-à-Pitre, cette application permet aux citoyens de signaler les dépôts sauvages, mais aussi de localiser les points de rendez-vous des collectes, entre autres. Depuis 2018, 6 000 utilisateurs l’ont expérimentée. L’application a même été récompensée du premier prix d’action innovante en 2024. « Nous sommes en retard dans la politique de gestion des déchets. La population a gardé ses mauvaises habitudes et aujourd’hui, on essaie d’en sortir. Il faut une prise de conscience », affirme le Pointois. Car le travail et les efforts doivent se faire de manière collective, mais le jeune homme ne veut pas noircir le tableau. « Grâce à la multiplication des déchetteries, des campagnes publicitaires et des associations, on parle beaucoup plus de ces fléaux. »
PAS ASSEZ DE SANCTIONS… MAIS DES PROJETS DURABLES !
Pour identifier les auteurs de ces infractions, des caméras ont été installées par les collectivités afin de traquer les dépôts sauvages. « C’est une bonne idée, mais les gens ne sont pas dupes, ils ne vont pas déposer leurs ordures en étant filmés. Il faut que les élus soient presque sans pitié », affirme Christelle Diochot. « À l’heure des réseaux sociaux, il faut susciter la honte en dénonçant ces personnes. La personne a pollué, elle doit payer. »
ULLY, L’APPLICATION 100 % LOCALE
Ully permet à tout citoyen de signaler, via son téléphone portable. les incivilités écologiques aux services de la Ville de Pointe-à-Pitre.
Même si ces actes sont trop souvent impunis, faute de pouvoir en identifier les auteurs, ils sont répréhensibles. Une amende de 500 à 14 000 euros peut être infligée en fonction de l’infraction. Objectif zéro déchet pour la Guadeloupe d’ici 2035, avec la construction de huit déchetteries en Basse-Terre. « Les collectivités mobilisent de l’énergie et de l’argent pour pouvoir rendre un territoire propre, mais il est toujours sale ! », soupire la militante. « Je reste tout de même optimiste, les collectivités, les opérateurs de collecte et de traitement sont quand même montés en compétence. On est sur une bonne trajectoire, les décharges sauvages se sont atténuées. »
Pour Karel Tarer, la clé se trouve donc près de chez soi. « En construisant des usines de traitement pour le recyclage des déchets, nous pourrions créer de l’emploi et transformer les déchets en richesse. Sans usines, une bonne partie quitte nos frontières pour enrichir les autres territoires, alors qu’on aurait pu traiter et valoriser ces déchets localement. »
Rédaction : Solène Anson
TRICOT : UNE MÉTHODE D’ÉVALUATION
PARTICIPATIVE DE NOUVELLES VARIÉTÉS DE
BANANES
D epu I s plus I eurs D écenn I es , le c I ra D trava I lle à la créat I on et la sélect I on D e var I étés I nnovantes D e bananes , notamment évaluées selon la métho D e t r I cot , une métho D olog I e D e test gran D eur nature , D es champs aux étals , pour les pro D ucteurs et les consommateurs .
Cultivée par les agriculteurs et plantée dans les jardins particuliers, la banane est prépondérante en Guadeloupe ainsi qu’à l’exportation. Pour autant, la diversification variétale des bananes demeure faible. La variété Cavendish représente ainsi 99 % des produits exportés vers l’Hexagone tandis qu’en Guadeloupe, seules trois variétés de bananes dessert sont présentes : les figues pommes, les poyo et les ti sucrés.
Du fait de cette faible diversification, les bananiers s’avèrent vulnérables aux maladies ainsi qu’aux événements climatiques. Le Cirad a par conséquent initié une plateforme de création et de sélection dédiée au développement de variétés multirésistantes, porteuses de caractéristiques agronomiques avantageuses et de bonne qualité commerciale. Ces variétés de bananes sont évaluées sur des stations d’expérimentation, puis testées par les producteurs eux-mêmes.
DES RESSOURCES PRÉCIEUSES
POUR ORIENTER LES STRATÉGIES DE CROISEMENTS
Au sein de l’équipe Génétique et amélioration des bananiers (GABA) du Cirad, la chercheure Lucile Toniutti et ses collègues entreprennent des travaux d’amélioration conventionnelle, c’est-à-dire de croisement de bananiers existants. L’objectif : mieux comprendre l’architecture génétique des caractères d’intérêt des bananiers, en retraçant dans le génome de la plante les parties qui codent pour des caractères particuliers jugés intéressants, afin d’optimiser la création de variétés résistantes.
Parmi ces caractères recherchés, on retrouve notamment l’absence de tâches brunes sur la peau du fruit ou encore le fait que les bananes d’une main ne se décrochent pas d’elles-mêmes ; mais aussi la résistance à des maladies telles que la cercosporiose noire, ou encore le rendement. De 10 à 15 années peuvent être nécessaires au développement d’une nouvelle variété, avec notamment une phase d’évaluation in situ. C’est dans ce contexte qu’a été utilisée de 2022 à 2024 la méthode d’évaluation Tricot, qui s’appuie fortement sur la prise en compte des demandes et avis des agriculteurs.
INTERVIEW
LUCILE TONIUTTI, CHERCHEURE EN GÉNÉTIQUE ET AMÉLIORATION DES PLANTES AU CIRAD EN GUADELOUPE
• Qu’est-ce que le projet RéVAI, dans le cadre duquel la méthode Tricot a été testée ?
- Le projet RéVAI (Réseau d’évaluation participative de variétés innovantes), soutenu par le FEADER, l’ODEADOM et la Région Guadeloupe porte sur l’évaluation participative de cultures locales. Son ambition était tout d’abord d’intégrer les préférences et le savoir des agriculteurs dans la création variétale, à travers la construction du cahier des charges pour le marché guadeloupéen, mais aussi la sélection des variétés à proposer. Un deuxième volet a été consacré à l’étude du comportement des variétés dans divers environnements répartis sur le territoire guadeloupéen.
En résumé, l’objectif était de sortir du cadre de la recherche pure, en transférant et évaluant les innovations variétales chez, mais aussi, avec les agriculteurs. Tricot est la méthode d’évaluation participative qui a été choisie. Sur la base du volontariat, 28 agriculteurs aux systèmes de culture variés – bio, conventionnel, jardin créole, raisonné – ont ainsi intégré le réseau d’évaluation dédié à la banane dessert, tout comme par ailleurs 89 consommateurs.
• En quoi consiste exactement la méthode Tricot ?
- Cette méthode repose sur le principe de classement. Les agriculteurs sont invités à classer les variétés en fonction de critères coconstruits et définis en amont, et les consommateurs font de même, afin de tester leurs préférences. Au sein du réseau de producteurs, il s’est agi d’évaluer quatre variétés aux stades juvéniles, de floraison et de récolte. Chaque agriculteur a reçu
trois variétés et a indiqué sa préférence, selon des critères tels que la hauteur, l’intervalle plantationfloraison, la résistance à la cercosporiose, le nombre de mains et la taille du fruit. Du côté des consommateurs, quatre variétés ont également été testées ainsi que deux témoins, la banane figue pomme et la banane Cavendish. Chaque consommateur a reçu aléatoirement trois variétés. La préférence globale a été évaluée selon des critères de forme, goût, texture, acidité, sucre et aspect de la peau.
• Pourriez-vous partager quelques résultats ?
- Il a été intéressant de constater que dans le contexte du jardin créole, les variétés Cirad étaient beaucoup plus stables et appropriées que la Cavendish, dont l’intervalle plantation-floraison est extrêmement long ; ce qui signifie qu’il n’y a habituellement que très peu de récoltes. Face à la banane figue pomme, les consommateurs ont globalement préféré toutes les variétés Cirad. En ce qui concerne les agriculteurs, leurs préférences ont varié en fonction des critères, mais il est apparu qu’au stade de la floraison, les variétés Cirad ont eu plus de 50 % de chances d’être préférées à la Cavendish.
Les prochaines étapes seraient de parvenir à relier ces préférences à des modes de production pour mieux cibler les variétés, mais aussi de faire le lien entre les préférences des consommateurs et leurs habitudes de consommation. Ces résultats ouvrent la voie à un changement d’échelle, peut-être jusqu’au lancement commercial de nouvelles variétés de bananes dans les prochaines années.
Rédaction et interview
Parcelle
GUYANE
POUR RESTER VIVABLE, LA GUYANE PRÉPARE SON ADAPTATION AU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE
I ntensIFIcatIon Des saIsons sèches, phénomènes extrêmes, rIsque D ’ hyperthermIe… les prévIsIons cl I mat I ques pour la g uyane ten D ent à montrer que ce terr I to I re pourra I t être DIFFI c I lement hab I table à la FI n D u s I ècle l a c ollect I v I té planche sur un p lan rég I onal D ’ a Daptat I on au changement cl I mat I que pour év I ter les scénar I os catastrophes
Comment s’adapter pour que la Guyane soit encore habitable en 2100 ? C’était, en somme, la réflexion qui animait les quelque 400 participants aux premières Journées d’adaptation au changement climatique (JACC), organisées à Cayenne du 3 au 5 juin. C’est aussi l’objectif politique du premier Plan régional d’adaptation au changement climatique, initié en janvier par la Collectivité territoriale de Guyane et dont ces « JAAC » ont été une sorte d’incubateur. Ce plan se concentre sur six thématiques comme l’érosion du littoral, l’impact sur les ressources naturelles du territoire ou les leviers financiers à mobiliser pour financer l’adaptation. L’objectif ? Une meilleure prise en compte du contexte local dans la déclinaison des mesures nationales d’adaptation aux changements climatiques. Les premiers résultats du plan devraient être présentés lors de la COP 30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre à Belém, au Brésil.
Les enjeux sont immenses, tant le climat, déjà rude, de la Guyane, risque de devenir invivable à la fin du siècle, à en lire les projections du rapport GuyaClimat.
Coréalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et Météo-France en 2022, cette étude a été la première à modéliser précisément les impacts locaux du dérèglement climatique.
DES NUITS PLUS CHAUDES
Selon les différents scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les températures maximales augmenteront par exemple de 2,5 à 4,1 °C d’ici 2100, tandis que la pluviométrie diminuera de 15 à 25 % sur la même période. Cette évolution sera particulièrement sensible pendant la saison sèche, d’août à novembre, qui sera donc plus intense et plus longue.
Sur l’île de Cayenne, « tous les après-midis dépasseront les 34 °C d’août à novembre à l’horizon 2100 pour le scénario ssp5-8.5 [échec des politiques d’atténuation et continuité des tendances de consommation d’énergies fossiles]. Le seuil des 36 °C sera dépassé
une journée sur trois en octobre, alors que ce ratio concernait plutôt le seuil des 32,5 °C durant la période de référence de 1980 à 2014 », détaille Marine Bresteaux, ingénieure à Météo-France en Guyane, dans cette étude. Les températures minimales vont suivre la même tendance avec une augmentation de 3,2 ° C à 4,2 ° C d’ici la fin du siècle, ce qui empêchera les corps de se refroidir pendant la nuit, accentuant le risque d’hyperthermie. « Les températures minimales de 28 °C deviendront la norme presque tout au long de l’année, alors qu’aujourd’hui elles sont exceptionnelles », explique Marine Bresteaux.
DES PHÉNOMÈNES EXTRÊMES
Selon plusieurs spécialistes intervenus aux JAAC, dans ces conditions, poursuivre une activité sportive en plein air ou travailler dehors deviendront de véritables pratiques à risque, même pour un individu en bonne santé. Ces prévisions contraignent aussi les pouvoirs publics à adapter rapidement l’architecture des habitations – en privilégiant la ventilation naturelle et des matériaux plus respirants – mais plus globalement l’urbanisme, par exemple en végétalisant les villes et en multipliant les points d’accès à l’eau potable.
Au-delà de ce risque de surchauffe, les projections du rapport GuyaClimat confirment aussi la tendance, déjà identifiée ces dernières années, de multiplication des phénomènes extrêmes. « Sur quatre ans, nous avons connu les deux années les plus pluvieuses et les deux années les plus sèches depuis le début des relevés météorologiques. Et la tendance va continuer à aller dans ce sens », confirme Marine Bresteaux.
En effet, la baisse globale de la pluviométrie n’empêche pas la résurgence épisodique de pluies diluviennes, comme celles ayant causé de violentes inondations en 2022. De même pour les sécheresses de 2023 et 2024 qui ont complètement isolé les communes guyanaises dépendantes des fleuves pour leur transport – les pirogues ne pouvaient plus naviguer. Ces épisodes restent aussi un traumatisme pour les agriculteurs du territoire qui ont enregistré des pertes massives – 60 à 70 % des 6 100 exploitations ont été touchées par la dernière sécheresse. Autant de problématiques locales, auxquelles le Plan régional d’adaptation au changement climatique, qui se coconstruit doucement avec les élus du territoire, devrait proposer des réponses.
Rédaction : Enzo Dubesset
UN NOUVEAU COMITÉ LOCAL IFRECOR EN GUYANE
POUR LA PROTECTION DES MANGROVES
l ’I n I t I at I ve F rança I se pour les réc IF s corall I ens (IF recor ), créée en 1999, œuvre à la protect I on et à la gest I on D urable D es réc IF s corall I ens et D es écosystèmes assoc I és –mangroves, herbIers – Dans les collectIvItés FrançaIses D ’ outre-mer elle est constItuée D ’ un com I té nat I onal et D e com I tés locaux , D ont le 11 e a vu le jour en g uyane cette année
DES ÉCOSYSTÈMES PRÉCIEUX…
Les mangroves occupent plus de 80 % des 320 kilomètres de côtes en Guyane. Leur superficie, incluant les estuaires à mangroves, dépasse 60 000 hectares, soit plus de 65 % des mangroves ultramarines. Il s’agit de la plus grande région de mangroves en Europe.
Ces forêts pouvant atteindre 45 mètres de haut ont un rôle essentiel dans le maintien et le renouvellement de la biodiversité côtière. Véritables nurseries et nourriceries, de nombreuses espèces de poissons, oiseaux et mammifères dépendent des mangroves pour exister. Ces dernières ont un rôle clé à jouer pour la préservation et une meilleure gestion de l’environnement côtier guyanais.
… AUX DYNAMIQUES PARTICULIÈRES EN GUYANE
Les côtes guyanaises sont soumises au système de dispersion des sédiments amazoniens, qui s’agrègent en gigantesques bancs de vase dans la région du cap Orange, frontalière avec le Brésil.
L’évolution du trait de côte, étudiée depuis 1950, montre des phénomènes d’érosion et d’envasement extrêmes : le trait de côte mer-mangrove peut ainsi reculer vers la terre ou au contraire avancer vers la mer de plus de 500 mètres par an ! Cette instabilité côtière exceptionnelle a des conséquences socioéconomiques et culturelles majeures, rendant indispensable la bonne connaissance de ces phénomènes.
TÉMOIGNAGE
VIRGINIE TSILIBARIS, ANIMATRICE DU RÉSEAU D’OBSERVATION ET D’AIDE
À LA GESTION DES MANGROVES (ROM), PÔLE-RELAIS ZONES HUMIDES TROPICALES, COMITÉ LOCAL DE L’UICN
« Nous travaillons à la structuration du réseau “mangroves” de l’IFRECOR, à l’instar des réseaux “coraux” et “herbiers”. Nous avons pour objectif de développer des outils communs de suivi de l’état écologique des mangroves adaptés aux spécificités de chaque territoire. Le 28 mai dernier, le ROM et le centre IRD de Cayenne ont ainsi organisé un atelier pour explorer les différentes approches de suivi et discuter de leur adaptabilité dans le contexte guyanais. »
INTERVIEW CROISÉE
CHRISTOPHE PROISY, DIRECTEUR DE RECHERCHE À L’INSTITUT POUR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT (IRD), ET LÉA ACKERER, COORDINATRICE DE L’ATLAS DE LA BIODIVERSITÉ COMMUNALE À L’ASSOCIATION SEPANGUY
• Quels principaux projets portez-vous en cette fin d’année 2025 ?
Christophe Proisy - Au sein de l’unité mixte de recherche « botAnique et Modélisation de l’Architecture des Plantes et des végétations » (AMAP), nous cherchons à comprendre comment les plantes se développent dans le temps et dans l’espace.
En tant que physicien du signal utilisant des images satellitaires, je tente de décrire et de suivre l’évolution des mangroves. La Guyane est mon chantier principal d‘étude et nous organisons, du 4 au 6 novembre à Cayenne, trois journées consacrées aux stratégies de recherche innovantes, dont des solutions fondées sur la nature, mettant en avant le potentiel des mangroves pour aider à adapter activités et mode de vie sur le littoral guyanais.
Léa Ackerer - Je suis chargée de l’Atlas de la biodiversité communale de Montsinéry-Tonnégrande, à 36 kilomètres de Cayenne. Dans le cadre de ce programme porté par l’OFB, je travaille en partenariat avec les populations locales pour améliorer la connaissance de la biodiversité de leur quotidien. Nous essayons notamment de collaborer avec les acteurs du territoire pour recenser et encourager des pratiques respectueuses de la biodiversité, mais aussi des usages traditionnels : techniques de chasse et de pêche, saisonnalité des captures...
La dynamique singulière de la mangrove guyanaise, qui connaît une alternance d’épisodes d’envasement et d’érosion, en fait un lieu unique pour étudier la résilience naturelle d’un écosystème côtier.
• Que va permettre la mise en place du comité local de l’IFRECOR en Guyane ?
Léa Ackerer - Nous avons besoin de faire passer des messages sur la mangrove guyanaise et sur ses dynamiques vraiment spécifiques. Grâce à la création de ce comité local, nos mangroves pourront avoir une véritable voix au chapitre, être valorisées dans l’Hexagone et dans les territoires ultramarins.
L’IFRECOR est, à mon sens, une passerelle incontournable pour faire prendre conscience de la richesse des écosystèmes de Guyane et garantir, in fine, une meilleure protection.
Christophe Proisy - Derrière les recherches que nous menons, nous souhaitons nous inspirer de la capacité de résilience des mangroves, ces forêts parmi les plus fascinantes du monde, pour aborder les défis socioenvironnementaux en Guyane.
La création du comité local de l’IFRECOR en Guyane va offrir une meilleure visibilité à nos travaux et permettre de partager et diffuser les résultats au-delà du territoire. Nous allons ainsi pouvoir, pour la première fois, participer à l’élaboration du prochain bilan de l’IFRECOR « État de santé des récifs coralliens, herbiers marins et mangroves des outre-mer français », pour les mangroves de Guyane !
l’électr I c I té à part I r D e la b I omasse est présentée en F rance comme une énerg I e verte sauF que même sI Dans « bIomasse », I l y a « b I o », ce n ’ est r I en D ’ autre que brûler D u bo Is pour Fa I re D e l’électr I c I té.
Les outre-mer mettent actuellement les bouchées doubles en matière de transition énergétique, pour atteindre les 100 % d’électricité d’origine renouvelable en 2033. La Guyane espère y arriver dès 2028 et, pour l’île de La Réunion, la bascule est en cours avec 92 % d’énergie renouvelable produite en 2024, contre 31 % en 2019 [source : EDF 2025).
Pour les aider, la France a adopté deux dérogations. Elles permettent de brûler à La Réunion des plantes exotiques envahissantes et, en Guyane, du bois issu des friches agricoles ou des plantations à vocation énergétique. Pourtant, brûler du bois ou des plantes émet plus de gaz à effet de serre que brûler du pétrole ou qu’une centrale à charbon. Théo Bonnet, de l’association Maiouri Nature Guyane : « Il faut avoir en tête que quand on brûle du bois dans une centrale, cela émet 1,5 tonne de CO2 par mégawattheure. Le pétrole, c’est moins d’une tonne. Donc quand on brûle du bois directement, on pollue plus qu’avec une centrale à pétrole. Par contre, on mise sur le fait que dans 25 ans, des arbres auront repoussé et qu’on pourra à nouveau les utiliser et petit à petit, venir atténuer cette dette. »
Une centrale à biomasse est donc considérée comme une énergie verte, et également comme une énergie renouvelable, car les arbres sont censés repousser. Alors qu’à l’instant où on les coupe, ces arbres n’ont
pas encore repoussé et rien ne garantit qu’ils vont effectivement repousser. « En coupant les forêts, c’est sûr que l’argent va rentrer tout de suite dans les caisses des industriels. L’énergie va pouvoir sortir tout de suite. Mais est-ce que derrière, ça va repousser dans un contexte de changement climatique en plus, où on parle de “savanisation” de l’Amazonie ? Est-ce que ces arbres pourront repousser ? Est-ce que la dette sera remboursée ? Nous avons de sérieux doutes. Et même la communauté scientifique – j’ai épluché un paquet d’articles – n’est pas d’accord sur le sujet. Typiquement, au moment où la RED II [directive européenne sur les énergies renouvelables] a été écrite, 800 scientifiques ont produit une lettre en disant : “Ne faites pas ça, n’encouragez pas tout simplement les centrales à biomasse dans le cadre de l’Europe” ».
En Europe, les centrales à biomasse sont donc considérées comme de l’énergie verte car, dans la loi, il est écrit qu’elles n’émettent pas de gaz à effet de serre. Le relargage de CO2 est comptabilisé lors de la déforestation. Pourtant, selon les lois de la physique, une centrale à biomasse émet trois fois plus de polluants et bien plus de CO2 , de particules fines et même de méthane que le pétrole ou le charbon. Elle n’a rien de neutre. Et la biodiversité qui disparaît lorsqu’on coupe une forêt n’est quant à elle comptabilisée... nulle part.
ÎLE DE LA RÉUNION
PRÉPARATION D’UNE
COURSE
MYTHIQUE
: LA DIAGONALE DES FOUS, DU 16 AU 19 OCTOBRE
o r I g I na I re D e s alaz I e , F rancel I ne c hapel I n a été nommée DI rectr I ce D e course D e la D I agonale D es F ous 2025, la 33 e é DI t I on D e cette épreuve sport I ve connue Dans le mon D e ent I er , avec ses 175 k I lomètres et 10 500 mètres D e D én I velé pos I t IF ! r encontre avec une I ncon DI t I onnelle D u tra I l , qu I abor D e sa nouvelle m I ss I on avec pass I on et engagement .
INTERVIEW
FRANCELINE CHAPELIN, DIRECTRICE DE COURSE DE LA DIAGONALE DES FOUS 2025
• Ce doit être une grande satisfaction de diriger la Diagonale des Fous !
- C’est un honneur pour moi d’avoir été choisie pour diriger cette course qui va avoir lieu du 16 au 19 octobre. Plus qu’un trail de l’extrême, c’est avant tout une formidable aventure humaine et sportive
• Avez-vous une ambition particulière dans le cadre de cette édition 2025 ?
- Je souhaite avant tout préserver l’âme de cette course. Pour cela, il faut savoir écouter, dialoguer, échanger, que ce soit avec les bénévoles, les partenaires, les coureurs. Le défi est de taille, entre la reconnaissance des parcours, la coordination des équipes et des approvisionnements… Les journées sont bien remplies et je n’ai même plus le temps de m’entraîner ! [sourire]
• Cette course mondialement réputée constitue une belle vitrine pour l’île de La Réunion ?
La première édition de la Diagonale des Fous, qui fait partie du club très fermé des plus grands trails, s’est déroulée en 1989. Le départ est donné tous les ans sur le front de mer de Saint-Pierre. L’objectif est de traverser l’île en diagonale, jusqu’au stade de la Redoute à Saint-Denis.
- La Diagonale des Fous, épreuve emblématique du Grand Raid, bénéficie d’une renommée qui contribue largement au rayonnement international de l’île. Elle génère des retombées économiques et touristiques importantes. Cette année, nous attendons près de 7 600 participants, toutes courses confondues, dont 3 000 coureurs engagés sur la Diagonale !
• Autour de vous, à l’approche de la course, nous imaginons une équipe très mobilisée ?
- Je tiens à remercier chaleureusement les 2 500 bénévoles, l’ensemble de nos partenaires publics et privés, l’ONF, le Parc national de La Réunion, les propriétaires privés qui nous autorisent, avec confiance, à traverser leurs terrains. Grâce à la mobilisation de tous ces acteurs, cet événement peut continuer de faire vibrer La Réunion chaque année.
• Qu’en est-il de l’état des sentiers après le passage du cyclone Garance en février dernier ?
- Un tiers des sentiers doit être remis en état. Le Département et l’ONF réalisent un travail de réhabilitation remarquable. Le point le plus préoccupant reste le sentier du Colorado, fortement impacté par un important mouvement de terrain. Il demeure fermé à ce jour. Cette année, les coureurs emprunteront le sentier de la Vigie pour rejoindre la Redoute. Les sentiers seront donc un peu plus techniques et exigeants pour les participants.
• Quels sont les dispositifs mis en place en matière de protection de l’environnement ?
- À l’écoute des recommandations du Parc national de La Réunion et de l’ONF, nous adaptons les parcours afin d’éviter les zones sensibles. Le Grand Raid ne passe plus par la Roche Écrite de façon à protéger l’habitat naturel du tuit-tuit, un oiseau endémique menacé. L’utilisation des bâtons est également interdite sur l’ensemble des courses pour limiter l’impact sur les sentiers.
Chaque coureur s’engage à respecter l’environnement en signant une charte dédiée à la protection de la faune et de la flore. Il lui est demandé d’emprunter uniquement les sentiers balisés, d’utiliser une éco-tasse
LES CINQ COURSES DU GRAND RAID
Le Grand Raid regroupe cinq courses pensées pour différents niveaux, de la Diagonale des Fous (175 km / 10 500 m de dénivelé positif) pour les plus experts, au Metis Trail (50 km / 2 500 m), en passant par la Mascareignes (70 km / 4 000 m), le Trail de Bourbon (100 km / 6 000 m) et le Zembrocal Trail (149 km / 9 115 m).
ou un gobelet réutilisable lors des ravitaillements –aucun gobelet plastique n’étant distribué sur le parcours – et de veiller à emporter l’ensemble de ses déchets avec lui. Un coureur surpris en train de jeter ses déchets dans la nature s’expose à une pénalité pouvant aller jusqu’à une heure, voire à l’exclusion de la course.
Sur les différents postes de ravitaillement, des poubelles seront installées à l’entrée et à la sortie. Nous nous engageons à laisser chaque site propre après le passage des coureurs. Un système de balisage réutilisable d’une année sur l’autre permet de limiter les déchets liés à l’organisation.
Lors de la remise des dossards, nos partenaires, notamment la CIVIS, rappellent aux coureurs les bons gestes à adopter. À l’arrivée, des animations et ateliers de sensibilisation à l’environnement seront proposés au public et aux participants.
Nous encourageons aussi le covoiturage et mettons en place des systèmes de navettes pour les coureurs et le grand public.
Enfin, pendant l’événement, les serre-files sont chargés de retirer le balisage, de contrôler l’état des sentiers et de ramasser les éventuels déchets. Après la course, l’équipe de direction repasse sur le parcours pour s’assurer que tout a bien été remis en état.
• Un message à adresser aux coureurs ?
- La Réunion est un magnifique terrain de jeu, mais c’est aussi un patrimoine naturel qu’il faut préserver. Lors de vos reconnaissances, veillez à emprunter les sentiers balisés et accessibles tout en respectant les règles et l’environnement !
L’ENVIRONNEMENT AU CŒUR DES DEUX PREMIÈRES ÉCOLES DU BONHEUR
D epu I s plus I eurs années , la v I lle D e s a I nt -D en I s entrepren D D ’ amb I t I eux I nvest I ssements à long terme pour trans F ormer les espaces D e v I e scola I res en l I eux plus con F ortables , accue I llants et ver D oyants . c e Fa I sant , la cap I tale D es outre - mer souha I te amél I orer les con DI t I ons D ’ apprent I ssage à l ’ école et ren D re les élèves plus sens I bles à l ’ env I ronnement
Lancée en 2023 par la municipalité avec l’ensemble de ses partenaires éducatifs, l’École du Bonheur vise à favoriser l’épanouissement global des jeunes dans leur milieu scolaire. Parmi les axes stratégiques de ce projet phare, la Ville s’engage à améliorer les conditions d’accueil et le cadre de vie dans les écoles publiques du premier degré établies sur son territoire. En effet, certains établissements, qui ont déjà accueilli plusieurs générations d’élèves, ne répondent plus aujourd’hui aux exigences de qualité, de confort et d’accueil que mérite la communauté éducative.
Des projets d’aménagement sont ainsi mis en œuvre au sein des quartiers, afin de proposer des écoles modernisées, plus fonctionnelles et lumineuses, dans lesquelles l’architecture, le choix de matériaux durables ou encore le verdissement des espaces extérieurs ont été pensés pour créer un cadre adapté à tous les besoins. Zoom sur deux projets majeurs de la Ville : la restructuration complète d’une école élémentaire et la rénovation d’une école maternelle, à Vauban.
UN GRAND PROJET DE RENOUVELLEMENT URBAIN POUR AMÉLIORER LE CADRE DE VIE
Porté depuis 2017 par la Ville de Saint-Denis et la Cinor, le Projet de renouvellement urbain du nord-est littoral (PRUNEL) prévoit de revitaliser trois quartiers confrontés à un habitat dégradé et à des équipements vieillissants : Butor, Vauban et bas Maréchal Leclerc. La participation citoyenne anime ce programme coconstruit depuis ses débuts avec les habitants.
Dans le quartier Vauban, édifié au cours des années 1970, la reconstruction de l’école élémentaire de Bouvet sera une étape clé de cette transformation. L’agence Co-Architectes, spécialisée en architecture bioclimatique tropicale, a été sélectionnée dans le cadre d’un concours pour piloter ce projet, dont les travaux devraient commencer début 2027.
Un tel projet d’aménagement ne consiste pas seulement à construire une école, mais à la faire entrer dans son quartier, pour devenir un lieu de vie et de rencontres partagées. « À certaines heures, les portes s’ouvriront au-delà de la classe. Le terrain de sport deviendra terrain de jeu pour tous et la cour, parfois, pourra devenir square. Modulable et généreuse, l’école se pliera aux envies, aux besoins, aux usages qui changent. Et au centre, une forêt prendra racine. Une véritable canopée urbaine, qui offrira son ombre bienfaisante aux enfants, qui rafraîchira l’air et nourrira l’imaginaire », souligne Co-Architectes.
Par ailleurs, dans ce même quartier, l’école maternelle de Vauban va être entièrement rénovée et agrandie. Dès la rentrée 2027, ces enfants et ceux des écoles de Bouvet, soit plus de 600 élèves, seront accueillis dans une école transitoire à Champ Fleuri, le temps du chantier, qui devrait commencer début 2026.
Pour construire les futures écoles, des matériaux durables, comme le bois, seront privilégiés. Les élèves de l’école élémentaire de Bouvet, très investis, ont formulé ces vœux : « dans notre école, il y aura des brise-soleil pour empêcher le soleil d’entrer dans les pièces, de longues jalousies sur chaque façade qui servent à faire entrer l’air frais pour une ventilation naturelle, des brasseurs d’air pour ventiler les salles, de la végétation pour apporter de l’ombre et rafraîchir la cour de récréation, des couleurs claires pour ne pas absorber la chaleur ».
LA NATURE S’INVITE À LA RÉCRÉATION
Après sa démolition partielle, la nouvelle école élémentaire de Bouvet verra le jour. L’établissement, à taille humaine, a d’ores et déjà été pensé comme une école-paysage, qui réintégrera en ville un corridor de biodiversité en pleine terre. Une particularité forte du projet réside en effet dans l’aménagement d’une cour de récréation ombragée, débitumisée et végétalisée.
Plus largement à l’échelle de Saint-Denis, une dynamique de verdissement des écoles est à l’œuvre, impliquant activement les « marmailles » dans l’amélioration de leur cadre de vie. À titre d’exemple, des enfants de Champ Fleuri ont participé récemment à un escape game ludique sur le thème des îlots de chaleur, afin de les sensibiliser de façon originale à l’importance de créer une cour plus fraîche.
Face au réchauffement climatique, la Ville de SaintDenis souhaite transformer progressivement les cours de récréation des écoles maternelles et élémentaires en véritables « oasis ». Plantations d’arbres, toitures et murs végétalisés, ombrières, limitation des zones bétonnées, jardins pédagogiques, cabanes végétales... l’École du Bonheur promet d’offrir à tous un meilleur confort climatique et un lien apaisé avec la nature.
FOCUS RÉUNION
RENCONTRE AVEC LE PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE
DU GRAND PORT MARITIME DE LA RÉUNION
a lors que sur l ’ île , 99 % D e l ’ I mport et l ’ export D e marchan DI ses trans I tent par ses qua I s , comme tout acteur économ I que , p ort r éun I on D o I t ré D u I re ses ém I ss I ons D e gaz à e FF et D e serre et répon D re aux object IF s D e D écarbonat I on .
INTERVIEW
JULIEN DUJARDIN, PRÉSIDENT
DU DIRECTOIRE DU GRAND PORT MARITIME DE LA RÉUNION (GPMDLR)
• Un peu plus d’un an après votre prise de fonction à la tête de Port Réunion, quel bilan faites-vous ?
- Le principe d’un grand port maritime, c’est d’être un outil au service de son territoire. Port Réunion est un maillon logistique qui fait le lien entre la terre et la mer, mais aussi une plateforme industrielle, en tant que seul port de commerce de l’île. Avec un trafic d’environ six millions de tonnes par an, l’enjeu phare reste de sécuriser l’approvisionnement des Réunionnais. Au-delà de cette excellence opérationnelle, je suis très satisfait du fait que Port Réunion s’affirme aujourd’hui comme un hub de transbordement au sein de l’océan Indien. Ce hub a permis aux trois plus
grandes compagnies maritimes mondiales de faire escale au port et a apporté de nombreux avantages socioéconomiques. Notre offre est compétitive, ce qui n’est pas forcément le cas dans tous les territoires. De plus, prochainement, nous mettrons en place un dock flottant de 120 mètres de long et 32 mètres de large, doté des technologies les plus avancées. Nous allons ainsi structurer une filière de maintenance et de réparation navale créatrice d’emplois sur l’île et indispensable aux ambitions du Grand Port Maritime.
• Quelle est la place accordée à la préservation des écosystèmes marins du domaine portuaire ?
- Selon le ministère de la Transition écologique, le transport maritime représente environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et elles pourraient atteindre 130 % de leur niveau de 2008 en 2050. Il est donc essentiel d’aller vers la durabilité. C’est pourquoi nous nous sommes dotés d’un Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN) qui nous permet de mieux connaître nos écosystèmes, d’anticiper les impacts de nos activités sur les milieux terrestres et marins.
• Quelles sont les actions mises en place en faveur de la préservation des ressources ?
- Le Grand Port Maritime agit de manière globale, à la fois sur ses moyens de production, de déplacement et de consommation. Le but est de mettre en œuvre des plans d’adaptation pour émettre le moins possible de gaz à effet de serre.
• La décarbonation des activités maritimes dépend massivement des échanges internationaux. Quels sont les principaux défis ?
Un important volet de nos actions concerne le transport et la logistique, domaines dans lesquels nous encourageons nos partenaires, transporteurs routiers et maritimes, à limiter leur empreinte carbone. Concrètement, nous accompagnons les grandes industries émettrices de CO2 dans leur transformation, qui est évidemment progressive, en ayant un rôle de gestionnaire ou d’animateur d’une zone industrialo-portuaire, pour tenter d’éviter ces émissions. Il est à noter que La Réunion se différencie des grands ports industriels métropolitains, par exemple, où l’on peut retrouver de la sidérurgie, du raffinage et de la pétrochimie, qui émettent des millions de tonnes de CO2
- Les grands navires porte-conteneurs qui transitent par La Réunion fonctionnent principalement au fioul ou au gaz naturel liquéfié, qui est moins carboné. La question est de savoir comment les ports peuvent encourager des alternatives écologiques pour ces flottes. Il s’agit d’opérer la transition vers les nouvelles motorisations, les biocarburants... Nous n’avitaillons pas les navires à Port Réunion. Il est difficile de les attirer en leur proposant le plein ou l’appoint. En revanche, dans les années à venir, nous agirons sur l’escale par le raccordement à quai.
Par ailleurs, à travers les services que nous proposons au Grand Port Maritime, nous faisons en sorte de favoriser les décarbonations, et cela passe par les nouveaux carburants, ceux de demain. Nous avons ainsi engagé un travail avec les compagnies maritimes et les transporteurs pour savoir quels types d’installations, d’équipements et d’outillages il fallait envisager afin de rendre l’escale à Port Réunion la plus vertueuse possible. Le secteur de la croisière par exemple est concerné, parce qu’il faudra pouvoir brancher les navires sur les réseaux électriques, et c’est la même chose pour les porte-conteneurs.
Enfin, nous nous attelons à renforcer la capacité à traiter les déchets d’exploitation des navires.
La décarbonation des navires est un sujet de négociation mondial discuté au sein de l’Organisation maritime internationale, des compagnies maritimes et des États. Le cadre réglementaire diffère selon les zones et les pays. Ce contexte actuel pousse à une amélioration continue des navires, notamment au niveau européen pour avoir un impact sur les ports, car nous sommes aussi des acteurs clés de cette décarbonation.
Rédaction
LUTTER CONTRE
L’INTRODUCTION
D’ESPÈCES EXOTIQUES
ENVAHISSANTES (EEE)
u ne c omm I ss I on D e D éveloppement
Durable Du granD port marItIme De la réunIon s ’ est tenue le 16 septembre
D ern I er . l ’ occas I on D ’ échanger entre
acteurs D e l ’ île sur ce sujet sens I ble , pour lequel I l apparaît nécessa I re D e trouver D es solut I ons .
Une vingtaine d’organismes publics, privés et associatifs étaient représentés à la Commission de Développement Durable du Grand Port Maritime, présidée par Isabelle Erudel, conseillère départementale. Pour cette nouvelle séance, l’ordre du jour portait sur la problématique d’introduction des espèces exotiques envahissantes (EEE), première cause de perte de la biodiversité locale sur l’île de La Réunion
Comme le mentionne le président du directoire Julien Dujardin dans l’interview précédente, il est primordial « d’anticiper les impacts de nos activités sur les milieux terrestres et marins ». En matière de lutte contre les EEE, le mot d’ordre est en effet l’anticipation, essentielle pour prévenir de nouvelles introductions. Une mission particulièrement complexe, qui suppose une vigilance de tous les instants, mais surtout l’élaboration d’une feuille de route précise coordonnée avec l’ensemble des acteurs.
LA MOBILISATION DES ACTEURS POUR ENVISAGER UN PLAN D’ACTION
« Le Grand Port Maritime se situe au cœur des voies d’entrée des espèces exotiques envahissantes », a rappelé Ève Balard, chargée de mission EEE à la DEAL de La Réunion, qui anime le Plan opérationnel de lutte contre les invasives (POLI), pilote des actions réglementaires, de communication et d’innovation sur la thématique de ces espèces susceptibles d’appauvrir la biodiversité réunionnaise. « Par exemple, le corbeau familier, passager clandestin arrivé par bateau et qui représente une menace pour les oiseaux endémiques, fait l’objet de plusieurs signalements par an. » Fin août, un individu de cette espèce d’oiseau parmi les plus envahissantes au monde a par exemple été aperçu au Port et les habitants ont été invités à en signaler toute observation auprès de l’association IRI ou de l’OFB.
Jérôme Dulau, directeur de la Transition écologique à la Région Réunion, a indiqué que le groupement BRLBiotope avait été mandaté par la Région pour réviser la Stratégie régionale de biodiversité (2026-2035).
« Je vais mettre les pieds dans le plat : après quatre POLI et trois SRB, on répète de document-cadre en document-cadre qu’il faut traiter le sujet ». Après avoir salué l’initiative de cette réunion au Grand Port Maritime mettant en musique « les forces vives » investies contre les EEE, lutte nécessitant « un plan Marshall pour la biodiversité », Jérôme Dulau a suggéré l’idée de confier
à l’Agence régionale de la biodiversité de l’île de La Réunion la rédaction d’une feuille de route. En effet, pour que la prévention des EEE puisse s’opérer efficacement, il est apparu important de disposer d’un document opérationnel : équipements et mesures concrètes de biosécurité, sensibilisation de tous les acteurs des chaînes d’importation, formation des douaniers...
Aldo-Maurice Maillot, de la direction des Douanes, tout en regrettant le manque de moyens humains et techniques mobilisables contre les EEE au sein de ses équipes, a indiqué qu’un moyen scanner serait particulièrement bienvenu pour le contrôle des conteneurs. Et qu’en outre, avant tout départ de navire d’un port étranger, on pourrait renforcer et partager les documents règlementaires afin de mieux cibler les conteneurs à l’arrivée.
Le longose à fleurs jaunes, introduit sur l’île dans les années 1980 comme plante ornementale et à parfum, grignote les milieux humides de moyenne altitude. Des espèces issues de jardineries se retrouvent dans la nature », déplore Nicolas Payet, ingénieur Travaux ruraux au Département de La Réunion.
UNE FEUILLE DE ROUTE QUI ACTIONNE LE NIVEAU OPÉRATIONNEL
Or, les porte-conteneurs acheminent des marchandises pouvant provenir de diverses zones géographiques. « Il faut savoir ce qu’on veut chercher. Sinon, nous allons créer une vraie tension sur la logistique des marchandises importées », a ajouté Philippe Leleu, qui préside l’Union maritime interprofessionnelle de La Réunion (UMIR), et estime qu’ « un port est un lieu de fluidité, et non d’immobilisation ou de stockage. » Fabrice Brunetti, directeur de la Capitainerie, a précisé qu’à l’entrée des navires, « nos contrôles, c’est à peine 10% du trafic ». En dehors des horaires de travail habituels, « nous n’avons qu’un agent pour les Port Est et Ouest. Or, la lutte contre les EEE suppose un réseau d’astreinte en permanence. » Le commandant Brunetti a également reconnu le manque d’information de ses équipes sur ces espèces. Priscille Labarrère, responsable du service Environnement et Aménagement du GPMDLR, a alors proposé de créer un livret de sensibilisation qui pourrait être publié sur le site internet de la Capitainerie du GPMDLR.
Enfin, Gilles Ham-Chou-Chong, directeur général adjoint du GPMDLR, a conclu sur l’importance « de réagir très vite, car toute action menée aura un impact sur l’économie : retard de navire, navire dérouté, risque de contentieux avec l’importateur... Nous devrons, 24 heures sur 24, nous entourer de lanceurs l’alerte. »
1 Étude menée en partenariat avec le GPMDLR
FOCUS RÉUNION
Ci-dessus : vue aérienne de Port Est à La Réunion | Le Projet Stratégique 2024-2028 du Grand Port Maritime de La Réunion vise à le positionner comme un acteur stratégique et moteur du développement durable dans l’océan Indien.
« LA CHANSON DES TORTUES », UN SLAM ENGAGÉ, PORTÉ PAR DE JEUNES MAHORAIS
Rédaction : Stéphanie Castre
l es plages D e m ayotte sont D es s I tes majeurs D e repro D uct I on pour les tortues vertes et I mbrIquées. or, plusIeurs menaces, Dont en premIer lIeu le braconnage, pèsent sur ces espèces pourtant protégées et mettent en pér I l leur surv I e . I l est D onc cruc I al D e cont I nuer à sens I b I l I ser la populat I on , notamment les jeunes , à leur protect I on .
Carrefour de migration des tortues marines du sudouest de l’océan Indien, les eaux de Mayotte sont fréquentées par cinq des sept espèces de tortues de mer existant dans le monde. Deux d’entre elles – la tortue verte et la tortue imbriquée – sont observées communément sur les plages de l’île et dans son lagon.
D’après les données de l’association Oulanga na Nyamba [« Environnement et Tortue » en shimaoré], une centaine de tortues imbriquées et de 3 000 à 5 000 tortues vertes viennent pondre chaque année sur les plages mahoraises. L’île au lagon abrite ainsi d’importants sites de reproduction à l’échelle de l’océan Indien pour ces deux espèces emblématiques. « Notre association a été créée en 1998 pour alerter la population de Mayotte sur la problématique du braconnage des tortues marines, une menace malheureusement toujours d’actualité », déplore Jessica Coulon, chargée de mission Valorisation écotouristique de la tortue marine à Oulanga na Nyamba
UN CLIP VIBRANT ET POÉTIQUE, POUR SENSIBILISER À LA CAUSE DES TORTUES MARINES
« Nos multiples actions visent la connaissance, la sensibilisation et la protection. Mieux connaître le lagon et transmettre cette connaissance à tous est la clé de la préservation de ce milieu extraordinaire », continue Jessica Coulon.
Parmi ses récentes actions, l’association a participé à la concrétisation d’un projet original, mêlant voix, danse et images. Le slam « La chanson des tortues », clip poétique tourné sur les plages de l’île, a été imaginé, écrit et interprété par des jeunes du quartier de la Vigie pour défendre un patrimoine naturel menacé. Fruit d’une collaboration artistique et humaine forte, le clip, réalisé par Coline Le Moing, a bénéficié notamment de l’accompagnement de Musique à Mayotte et de la compagnie de danse Kazyadance.
Pour Oulanga na Nyamba, à travers ce projet de clip ancré localement, conçu comme un appel à la prise de conscience et à l’action collective, les jeunes disent : « Nous voyons ce qui se passe, nous sommes inquiets et nous voulons agir. »
FAIRE ENTENDRE LA PAROLE DES JEUNES, PARLER D’ENVIRONNEMENT
AUTREMENT, PAR LE BIAIS DE L’ART
« À travers des paroles simples et puissantes, faisant appel à l’émotion, les jeunes racontent leur lien avec les tortues, leur tristesse face aux dangers qu’elles affrontent, et leur espoir d’un avenir meilleur pour cet animal qui fait partie de leur quotidien. Ce texte engagé devient un cri du cœur, un appel à la conscience collective », observe Jessica Coulon. Le choix de réaliser un clip porté par les jeunes eux-mêmes visait à les mobiliser davantage en faveur de la protection des tortues marines. Dans cette forme de narration, l’effet recherché était de « parler aux jeunes », loin des supports classiques de sensibilisation. « C’est une autre manière de faire de l’éducation à l’environnement, plus créative et participative. »
Avec ce slam que l’on peut découvrir sur YouTube, les jeunes participants ont fait entendre leur voix afin d’alerter sur la situation des tortues marines, espèces emblématiques et sentinelles, dont la présence est signe du bon état des milieux marins. Plus largement, ils ont voulu montrer qu’ils étaient concernés par l’avenir de leur île et de sa biodiversité.
haut et ci-dessus : préparatifs et tournage de la chorégraphie. + d’info ici : Le lien vers « La chanson des tortues »
À Mayotte, les tortues marines sont confrontées à plusieurs menaces, dont le braconnage, toujours d’actualité. Au total, 514 cas ont été recensés par l’association Oulanga na Nyamba de 2018 à 2024. Cette pression du braconnage persiste sur les femelles venant pondre.
LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, FER DE LANCE DU DÉPARTEMENT DE MAYOTTE
D epu I s le 1 er octobre , a D ballah s ou FF ou occupe la F onct I on D e DI recteur a D jo I nt D e la t rans I t I on écolog I que au se I n D u D épartement D e m ayotte . n ous l ’ avons rencontré pour connaître sa v I s I on et son amb I t I on en mat I ère D e trans I t I on énergét I que pour le terr I to I re .
INTERVIEW
ADBALLAH SOUFFOU, DIRECTEUR ADJOINT
DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
AU DÉPARTEMENT DE MAYOTTE
• Comment appréhendez-vous votre mission ?
- C’est une grande fierté. Ce nouveau poste s’inscrit dans la continuité de mon parcours puisque, depuis 10 ans, j’étais le chef du bureau de l’énergie pour le Département. En termes de management, c’est un vrai challenge, car la direction compte 135 agents répartis en un pôle administratif et différents services : transition énergétique, électrification rurale, biodiversité, sites protégés et éducation à l’environnement.
Mon rôle est avant tout d’accompagner le directeur, pour mettre en place les politiques territoriales en faveur de la transition écologique et énergétique, conformément au plan de mandature fixé par le président de notre collectivité. Le travail est important car notre département est jeune et nous avons beaucoup à faire en matière de transition énergétique.
• Justement, quelles sont les principales actions à entreprendre dans ce domaine ?
- Tandis que la production électrique sur l’île est à plus de 94 % à base de diesel, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de Mayotte, en accord avec la Stratégie nationale bas-carbone, représente un outil structurant du pilotage de notre transition énergétique. Le territoire souhaite développer le biocarburant d’ici 2029. Le recours à l’énergie solaire, via l’installation de panneaux photovoltaïques en autoconsommation pour les particuliers et les entreprises, est un point fort de notre stratégie. Par exemple, nous encourageons les agriculteurs à répondre aux appels à projets sur l’agrivoltaïsme qui permet d’équiper en panneaux photovoltaïques des exploitations, tout en contribuant durablement au maintien ou au développement de ces productions agricoles.
Par ailleurs, l’Ademe a mené des études sur le potentiel de la géothermie profonde du territoire. Des forages d’exploration vont être réalisés prochainement. Enfin, une étude portée par le Cerema – expert en problématiques d’environnement, d’infrastructure, de climat et d’énergie – sur le potentiel du soleil offshore au niveau du lagon est en cours.
• La mobilité électrique, votre cheval de bataille ?
- Lauréat de l’appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte », le Département a initié dès 2016 une expérimentation avec l’achat de cinq véhicules électriques et la pose de sept bornes de recharge. Cela a été concluant. Nous allons d’ailleurs bientôt créer avec nos partenaires, un Schéma directeur de la mobilité électrique pour le territoire. Le Département a pour ambition d’installer 26 stations de recharges solaires protégées par des ombrières.
• Un message à adresser à vos équipes ?
- Notre autonomie énergétique est aussi stratégique qu’urgente ! Le Département de Mayotte doit être moteur pour relever avec brio ce grand défi du monde contemporain. Je suis très motivé par ce challenge et tiens à dire à mes équipes que je serai à leurs côtés et à leur écoute pour faire en sorte que chacun s’épanouisse dans son travail. Ensemble, nous devons absolument réussir à renforcer la résilience de notre territoire à travers des projets structurants et innovants.
2360 € D’AIDES
POUR INSTALLER
SON CHAUFFE-EAU SOLAIRE
Le Département de Mayotte propose aux particuliers, en plus de l’aide d’environ 1560 € allouée par son comité Maîtrise de la demande en énergie (MDE) pour un chauffe-eau solaire de 300 litres, une aide supplémentaire et pérenne de 800 €, ce qui porte à 2 360 € l’aide globale, sachant que le coût d’une installation est de l’ordre de 3 000 €. Pour l’obtenir, il convient de faire appel aux entreprises partenaires locales habilitées. « Avant 2017, on comptait moins de 50 chauffe-eaux solaires par an, aujourd’hui on est à 200 ! Il est à noter que les chauffe-eaux solaires ne sont pas branchés au réseau électrique. Ce dispositif est bon pour la planète et pour le portefeuille des ménages ! »
Dans le caDre De sa stratégIe pour renForcer la résIlIence Face aux DéFIs envIronnementaux et cl I mat I ques , la c ommunauté D ’ agglomérat I on D u g ran D n or D D e m ayotte ( cagnm ) a engagé la créat I on D e son p lan I ntercommunal D e sauvegar D e ( p I cs ), un out I l essent I el pour ant I c I per et coor D onner la gest I on D es cr I ses
UNE INITIATIVE INÉDITE, À LA SUITE
DU PASSAGE DU CYCLONE CHIDO
Le 14 décembre 2024, le cyclone tropical intense Chido frappait durement Mayotte, rappelant avec force la vulnérabilité du territoire face aux aléas climatiques. En réponse à cet événement naturel, la Communauté d’agglomération du Grand Nord de Mayotte (CAGNM) engage l’élaboration de son premier Plan intercommunal de sauvegarde (PICS), une démarche inédite et pionnière à l’échelle de l’île.
QU’EST-CE QU’UN PLAN
INTERCOMMUNAL DE SAUVEGARDE ?
Le PICS est un outil stratégique qui vise à organiser la protection et l’accompagnement des populations lors de crises majeures : catastrophes naturelles, accidents technologiques ou tout autre événement mettant en péril la sécurité des habitants. Il permet de coordonner les moyens humains, logistiques et techniques de l’intercommunalité et des communes membres pour répondre efficacement aux urgences.
LA MISE EN PLACE D’UN LARGE RÉSEAU DE PARTENAIRES
L’élaboration de ce plan mobilise un large réseau de partenaires : la préfecture de Mayotte, la Sécurité civile, la délégation mahoraise de la Croix-Rouge française, ainsi que l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 976. Les quatre communes membres de la CAGNM sont également pleinement impliquées afin d’assurer une cohérence d’action au plus près des habitants.
En s’inscrivant dans une logique de prévention et d’anticipation, le Grand Nord trace la voie d’un avenir plus résilient, où la sécurité des habitants reste la priorité absolue.
TÉMOIGNAGE
SOUMAÏLA DAOUDOU, 2 E VICE-PRÉSIDENT DE LA CAGNM, EN CHARGE DE LA COMMUNICATION ET DES RELATIONS PUBLIQUES, SUPPLÉANT DU RÉFÉRENT PICS
« Le Plan intercommunal de sauvegarde, ce n’est pas un document de plus. C’est une réponse collective, structurée, opérationnelle, à des vulnérabilités que nous ne pouvons plus ignorer.
C’est aussi une boussole pour notre action publique en cas de catastrophe : un outil qui permettra de mobiliser, de coordonner et de mutualiser les moyens de nos communes et de notre intercommunalité pour protéger les vies, sécuriser les infrastructures, maintenir les compétences essentielles. »
D ans la cont I nu I té D u projet « r éc IF s I solés » mené au large D e m ayotte et D es g lor I euses , « r éc IF s I solés 2 », également porté par l ’ a D m I n I strat I on D es taa F, v I se l ’ acqu I s I t I on D e
D onnées et la m I se en œuvre D ’ une ve I lle env I ronnementale à l ’ échelle , cette Fo I s , D e toutes les îles é parses q uel b I lan peut - on établ I r à son I ssue en cette FI n D ’ année ?
Les Éparses, îles-confettis dont la surface cumulée s’étend à 43 km ² , sont dotées d’écosystèmes marins exceptionnels. Si les noms de Glorieuses, Juan de Nova, Europa, Bassas da India, Tromelin ne sont pas familiers pour le grand public, ces zones présentent des habitats essentiels à la vie marine et à la biodiversité : récifs coralliens, mangroves et herbiers.
Avec 103 jours de mer, 509 plongées et 10 protocoles différents, les objectifs du programme « Récifs isolés 2 » ont été globalement atteints, et certains ont même été dépassés avec davantage de données collectées que prévu, notamment sur le blanchissement des coraux, et plus de protocoles innovants déployés. Ce sont 95 % des données qui ont été bancarisées puis analysées, et l’étape de valorisation se poursuit actuellement, jusqu’à la fin de l’année.
PRINCIPAUX RÉSULTATS À RETENIR
88 espèces supplémentaires ont été recensées, ce qui amène à 3 847 le nombre d’espèces observées dans les îles Éparses. On sait maintenant que les herbiers marins y couvrent 38 km². Au large des Glorieuses et d’Europa, les herbiers plurispécifiques [dominés par plusieurs espèces] se portent plutôt bien en termes de biodiversité, comme Thalassodendron ciliatum observé à Geyser et aux Glorieuses. La mangrove, qui s’étend sur 800 hectares, reste toujours aussi belle.
En revanche, les résultats sont un peu moins enthousiasmants concernant les 800 km² de récifs coralliens
des îles Éparses, qui représentent 80 % de la surface totale des récifs coralliens français de l’océan Indien. Alors que la couverture corallienne est en décroissance aux Glorieuses et à Juan de Nova depuis 2015, Europa, la plus grande et aussi la mieux préservée des îles Éparses, maintient un haut niveau. Tromelin, Geyser et Bassas da India montrent quant à elles des dynamiques « mixtes » en fonction des habitats, et la biodiversité y demeure heureusement élevée.
Heureux hasard du calendrier, le phénomène de blanchissement des coraux a pu être étudié grâce à un retour des scientifiques sur les mêmes stations de plongée, explorées six mois auparavant. Un gradient de blanchissement a été observé : au sud, Europa et Bassas da India n’ont pas été touchées, contrairement à Tromelin, aux Glorieuses et à Juan de Nova, île affichant jusqu’à 50 % de mortalité corallienne. Toutefois, la situation n’est pas désespérante : le banc du Geyser et Tromelin montrent une bonne résilience, la biodiversité reste très riche à Juan de Nova, et surtout, ces îles ne subissent pas de pression humaine, ce qui devrait inciter à une recolonisation.
Par ailleurs, les peuplements de poissons changent assez peu, avec une biodiversité toujours exceptionnelle, graduellement croissante du nord au sud. On trouve ainsi une biomasse importante à Bassas de India, Europa et Juan de Nova, mais en déclin marqué pour Geyser et Glorieuses, paradoxalement les deux sites possédant la plus forte richesse spécifique. Enfin, la découverte d’engins de pêche illégale appelle au renforcement du contrôle des pêches.
CLÉMENT
LELABOUSSE, CHARGÉ DU PLAN
LOCAL IFRECOR ET DU SUIVI
DES ÉCOSYSTÈMES
RÉCIFAUX DES ÎLES
ÉPARSES (TAAF)
« La mesure de gestion la plus importante à mettre en place est sans conteste la mise en réserve naturelle nationale de l’ensemble des îles Éparses. Cela prend du temps, car elle dépend également de négociations diplomatiques avec les pays de la zone. En attendant l’avancée des discussions, on étaie le dossier, via ”Récifs isolés 2” et d’autres projets en parallèle, en consolidant les connaissances. Nous voulons montrer en quoi les Éparses sont si importantes pour la connectivité des zones, la dispersion des larves de poissons et de coraux qui vont ensuite être disséminées sur les côtes de l’Afrique, Madagascar, Mayotte.
Sans oublier la surveillance, qui est déjà en place avec des patrouilleurs dans les eaux et des militaires. À plus petite échelle, je pense aussi à la création de mouillages sur les îles. Par le passé, il y en a eu, mais les corps-morts sont abîmés, certains ont glissé. Aujourd’hui, quand un navire met l’ancre, il y a un risque de casse du corail en dessous. »
GRÉGOIRE
MOUTARDIER, CHARGÉ DE LA CONNAISSANCE
ET DU SUIVI DES MILIEUX MARINS (TAAF)
« Si je devais décrire les Éparses en quelques mots, ce serait ”îles sauvages”, loin de tout, loin des humains. Arrivés là-bas, on a déjà traversé tellement de défis logistiques en amont, rien que pour y mettre le pied et faire une plongée… Elles sont parfaitement cachées, isolées.Quand on arrive à Europa par exemple et qu’on se retrouve près d’un mérou patate ou de lutjans, on reste scotché ! Ce sont des poissons qui n’ont encore jamais vu un plongeur. Les coraux y sont magiques.
Mais quand on retourne sur des sites après un épisode de blanchissement et que tout est mort, ça fait un pincement au cœur. Certes, il existe des techniques de restauration des récifs, comme des structures artificielles, le recours à la reproduction sexuée, le bouturage local… Mais faire de la restauration corallienne avec de petits fragments, c’est impossible sur de très grandes distances comme aux Éparses. L’investissement en temps et financier n’est pas rentable. Notre meilleur plan de bataille, c’est la protection de l’existant. »
a près l ’ annonce F a I te à la con F érence D es n at I ons u n I es sur les océans en ju I n à n I ce par le prés ID ent m oeta I b rotherson , l ’ assemblée D e la p olynés I e F rança I se a approuvé à l ’ unan I m I té le changement D e statut D e l ’ a I re mar I ne gérée en a I re mar I ne protégée
LE RÉSULTAT DE PLUSIEURS ANNÉES DE CONSTRUCTION
L’aire marine gérée de Polynésie française – Tainui
Atea – a été créée en 2018 et s’étend sur l’ensemble de la ZEE du territoire, soit 4,55 millions de km2. Elle a pour objectif la préservation des espèces marines, notamment les mammifères marins, requins, raies, tortues et oiseaux marins qui ont fait l’objet d’une protection réglementaire progressive depuis 2002. Elle vise aussi l’utilisation durable des ressources à travers l’accompagnement d’un modèle de pêche local soutenable. La Polynésie a graduellement fait le choix depuis 1997 d’interdire dans ses eaux les pratiques les plus impactantes, comme la pêche à la senne ou à la palangre de fond, pour n’autoriser que les navires palangriers locaux, certifiés depuis 2018 par l’écolabel MSC. Enfin, la récente consolidation de son plan de gestion et de ses instances de gouvernance ont été des étapes structurantes pour la reconnaissance de cet espace en aire marine protégée au niveau international.
UNE PROTECTION RENFORCÉE
En septembre, la Polynésie a accentué par arrêté la protection de Tainui Atea en précisant les règles d’encadrement de la pêche, en délimitant des secteurs, autour des Gambier et au nord-ouest des îles de la Société, où toute activité extractive est interdite ou encore en excluant toute possibilité d’exploitation des grands fonds marins. Un calendrier de travail a par ailleurs été défini pour aboutir, en juin 2026, au renforcement de la protection sur les îles Australes et aux Marquises. « La Polynésie française a fait le choix ambitieux d’une protection élevée de son espace maritime pour lequel l’État français met déjà en place d’importantes actions de surveillance qui seront encore accrues, notamment sur les espaces côtiers et proche côtiers », explique le service État des Affaires maritimes.
La France, deuxième espace maritime mondial, s’appuie sur cette décision de classement en aire marine protégée pour atteindre ses objectifs de 30 % d’océans protégés d’ici 2030.
L’ACCOMPAGNEMENT DE L’OFB
« Ces dernières années, l’OFB s’est fortement impliqué aux côtés des services du Pays pour accompagner la création de cette aire protégée, notamment en coordonnant la rédaction de son plan de gestion en concertation avec l’ensemble des acteurs. L’OFB soutient aussi, en partenariat avec l’État (Fonds vert) et le Pays, divers projets de connaissance des espèces protégées et des écosystèmes marins portés par les associations et acteurs locaux pour éclairer la gestion de Tainui Atea », souligne Sophie Marinesque, déléguée territoriale de l’OFB en Polynésie française.
INTERVIEW CROISÉE
MOETAI BROTHERSON, PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE, ET ALEXANDRE ROCHATTE, HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE EN POLYNÉSIE
FRANÇAISE
• Comment va se traduire concrètement la mise en œuvre en Polynésie française de la plus grande aire marine protégée du monde ?
Moetai Brotherson - Cette aire protégée ambitieuse prend vie grâce à de nouvelles règles fortes, dont l’interdiction de l’exploitation minière des fonds marins et des dispositifs de concentration de poissons (DCP) dérivants, l’encadrement de la pêche durable et la création de zones réservées aux activités traditionnelles, vivrières et scientifiques afin de protéger les écosystèmes fragiles.
Les instances de gouvernance redéfiniront bientôt, à travers une actualisation du plan de gestion, les actions concrètes pour préserver les espèces marines emblématiques, renforcer les écosystèmes et soutenir un développement bleu vertueux.
Alexandre Rochatte - Cette nouvelle aire marine protégée vient consacrer un modèle polynésien de préservation de l’Océan qui a montré sa force lors de la 3e Conférence des Nations unies sur l’Océan, à Nice en juin dernier. Il prône une approche respectueuse de l’Océan, qui concilie développement soutenable d’une pêche locale et préservation des espèces marines.
Je salue l’inscription de l’interdiction d’exploiter les grands fonds marins dans le nouveau cadre réglementaire adopté pour consolider cet espace protégé. Je salue également l’approche progressive retenue par le Pays pour mettre en œuvre ce classement de manière concertée.
Lors de la 3 e Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC-3) en juin 2025 à Nice, la France a annoncé la création de la plus grande aire marine protégée du monde en Polynésie française.
• Quels seront les défis à relever pour répondre à cette ambition de protection du milieu marin polynésien ?
Moetai Brotherson - Ils portent sur l’équilibre entre conservation, pêche durable et tourisme responsable, essentiels à nos archipels. Garantir l’application des nouvelles mesures s’avère crucial.
La protection d’un espace maritime aussi étendu [presque autant que l’Europe, NDLR] demande des moyens accrus, une bonne coordination locale et une coopération internationale. Il s’agit aussi d’œuvrer en faveur d’une gouvernance mondiale de l’océan pour réduire les pressions exogènes : effets du changement climatique, pêche non durable, usage massif de DCP dérivants et velléités d’extraction minière, qui menacent directement la biodiversité polynésienne.
Alexandre Rochatte - L’État et le Pays doivent poursuivre le travail engagé ensemble bien avant Nice. Au regard du défi que représente la préservation d’un tel espace, l’accompagnement de l’État en matière de surveillance et de contrôle, mais aussi d’expertise pour sa connaissance et sa gestion, sera décisif pour être à la hauteur de l’ambition.
C’était tout l’enjeu de la réunion du comité d’orientation stratégique maritime que nous avons organisée à la rentrée avec le Président Brotherson et le Cluster maritime de Polynésie française. Je peux vous assurer que l’État mettra tout en œuvre pour être au rendezvous de cet engagement historique.
La pêche artisanale et les pratiques traditionnelles seront autorisées dans l’ensemble de la zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie française, où les contrôles seront renforcés, l’extraction minière interdite et des actions de biosécurité mises en place.
Dans les 900 000 km2 d’espace maritime placés sous protection stricte, seules des activités liées à la recherche, à l’éducation et à l’écotourisme contrôlé seront autorisées. Enfin, une zone côtière protégée de 200 000 km2 sera réservée à la pêche vivrière et aux usages locaux.
LE BOIS DES ÎLES MARQUISES SE CRÉE UNE PLACE SUR LE MARCHÉ LOCAL
m algré l ’ étro I tesse D u marché local D es matér I aux D e construct I on et l ’ élo I gnement D e l ’ arch I pel , un opérateur pr I vé D e t ah I t I a lancé l ’ explo I tat I on D es p I ns D es c araïbes plantés I l y a une quaranta I ne D ’ années aux îles m arqu I ses .
À la fin des années 70, la Polynésie française a réalisé un programme de plantation de milliers de pins des Caraïbes dans tous les archipels sauf celui des Tuamotu-Gambier. Le Service du développement rural (SDR) avait testé plusieurs essences (Douglas, radiata…) ainsi que plusieurs sous-familles de résineux, avant de porter son choix sur le pin des Caraïbes. Avec un triple objectif : stabiliser et enrichir les sols des îles hautes, agir sur leur trop grande acidité –notamment aux Marquises – et anticiper une exploitation économique de cette ressource une fois les pins arrivés à maturité, vers 30-35 ans.
C’est donc avec un peu de retard que la valorisation industrielle du pin des Caraïbes à Nuku Hiva a débuté, en 2022, à l’initiative d’un opérateur privé. Les appels à projets du Pays pour le grand gisement de 655 hectares du plateau de Toovii étaient jusqu’alors restés infructueux. « Créer de toutes pièces une nouvelle filière à 1500 kilomètres de Tahiti, c’est un pari très risqué », admet Gérard Siu, le patron de la Société d’exploitation de bois marquisienne (SEBM), qui connaît parfaitement le marché des matériaux de construction.
Et pour cause : il dirige, à la suite de son père, le groupe Sin Tung Hing (STH), actionnaire majoritaire de la SEBM qui possède plusieurs grandes surfaces de bricolage et d’entrepôts de matériaux à Papeete et Taravao. Selon lui, sans l’accompagnement du Pays, cette aventure ne pourrait se concrétiser
TRONÇONNER EST DE MISE AUX MARQUISES
La plus grande exploitation est située à 22 kilomètres du village de Taiohae et à 900 mètres d’altitude, au centre du cratère de l’ancien volcan. La zone est pluvieuse et plus fraîche de 5 °C qu’au niveau de la mer.
À Hiva Oa, la SEBM a repris une ancienne scierie expérimentale fondée en 2014 tandis qu’à Nuku Hiva, elle a créé une nouvelle unité industrielle complète pour un investissement d’environ 800 millions de Fcfp, soit 6,7 millions d’euros. Les résidus de l’exploitation, quasiment 50 % du volume traité, prennent beaucoup de place. Une chaudière va bientôt brûler ces résidus
GÉRARD SIU, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE BOIS MARQUISIENNE (SEBM)
GÉRARD SIU :
«
LA SCIERIE EST LE PREMIER EMPLOYEUR PRIVÉ AUX MARQUISES »
pour sécher le bois et ainsi augmenter sa qualité. Les copeaux de bois issus du sciage et du rabotage partent dans des élevages de poules ou sont utilisés en biomasse pour produire de la chaleur ou de l’énergie électrique. Sur place, le bois est traité par autoclave et catégorisé classe 4, il peut donc être stocké au contact du sol. La nouvelle scierie de Nuku Hiva produit sa propre électricité, avec une centrale hybride.
Plus tard, lorsque l’offre existera, la SEBM envisage le recours à des véhicules électriques, car les camions chargés de grumes sont en descente durant 22 kilomètres vers le quai de Taiohae puis remontent à vide, configuration idéale ! Le relief des Marquises est très accidenté, le transport terrestre y est souvent délicat et dangereux, a fortiori pour ces camions. L’entretien des pistes, à la charge du Pays, y semble insuffisant.
Le Régiment du service militaire adapté (RSMA) a créé à Hiva Oa une filière bois qui a permis la formation des jeunes Marquisiens. Gérard Siu projette la mise en place d’un cluster pour rassembler tous les acteurs publics et privés de cette filière qu’il entend consolider.
« Plus de 90% des 37 salariés sont des Marquisiens âgés de moins de 25 ans. La Société d’exploitation de bois marquisienne est déjà le premier employeur privé de l’archipel.
Le pin des Caraïbes offre un bois dur, presque autant que le chêne, et très résistant. Nous avons signé deux conventions avec le Pays qui prévoient 15 000 m3 de bois exploités chaque année au maximum, soit 7 500 m3 de produits finis. Cela représente un peu moins de 20% des besoins locaux. C’est un pari économique car le secteur est très concurrentiel. Le Pays taxe très peu à l’entrée le bois importé et finance son transport vers les îles. C’est donc difficile pour le bois local, même de qualité mécanique supérieure pour la construction, d’être compétitif.
La filière a besoin d’être structurée et accompagnée par le Pays. Créer une activité à 1 500 kilomètres de Tahiti, sans détaxe carburant, sans compétences au départ, c’est probablement le défi le plus musclé de ma carrière.
Le bois local offre davantage de souplesse par rapport à l’import. La réponse à la demande est très rapide et les prix peuvent être maintenus sur une année entière. Nous avons fait naître de nouvelles activités, y compris le reboisement pour assurer la pérennité de la filière pour les générations futures. »
FAIRE BLOC POUR L’OUTRE-MER : L’INTERCOMMUNALITÉ EN ACTION
I nterco ’ o utre - mer est née D ’ une conv I ct I on s I mple : les terr I to I res ultramar I ns mér I tent une coopérat I on amb I t I euse , luc ID e et porteuse D ’ aven I r . a u quot IDI en , son réseau œuvre pour accompagner les IntercommunalItés Dans la prIse De hauteur, la montée en compétences et la valor I sat I on D e leur rôle , au serv I ce D e l ’ I ntérêt général
INTERVIEW
LYLIANE PIQUION-SALOMÉ,
PRÉSIDENTE D’INTERCO’ OUTRE-MER
• Dans les outre-mer, on observe aujourd’hui une véritable dynamique intercommunale ?
- En effet, nous avons d’ailleurs consacré à cette thématique notre récent cycle de webinaires. Le succès rencontré témoigne de la détermination des élus et techniciens d’avancer ensemble.
La 13e Conférence d’Interco’ Outre-mer, organisée en juin aux Sables-d’Olonne, illustre cette dynamique. Accueillie par Yannick Moreau, maire et président de l’Agglomération, cette édition que j’ai ouverte en présence de Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, a eu pour fil rouge : « Intercommunalité-communes : jouer collectif pour le territoire ». Ce titre reflète une réalité : face aux urgences économiques, environnementales, sociales, climatiques, je suis convaincue que coopérer entre intercommunalité et communes est une priorité.
Réussir l’intercommunalité suppose clarté dans les rôles, respect des responsabilités, vision partagée et engagement mutuel. Cette Conférence a été pensée comme un laboratoire d’idées et d’actions. Durant quatre jours, élus, techniciens, experts et partenaires se sont retrouvés pour proposer des solutions concrètes aux défis de l’outre-mer. Des leviers de transformation des territoires ont été explorés : de la contractualisation avec l’État à la gestion des littoraux, des finances intercommunales au développement économique, sans oublier la gouvernance et la gestion des crises.
• La coopération est ainsi au cœur de vos actions ?
- Bien sûr. Cette 13e édition, de même que nos travaux sur les évolutions possibles de la loi littoral, ou encore sur l’enjeu du foncier, démontrent que lorsque les élus, techniciens et partenaires se réunissent avec la volonté d’agir ensemble, les idées fusent, les solutions émergent et les ambitions se concrétisent. Nous partageons des constats et surtout, nous réaffirmons que l’intercommunalité n’est pas un simple outil administratif : c’est une vision collective du territoire, un levier d’action au service de nos concitoyens. Au sein d’Interco’ Outremer, nous croyons que la coopération est notre plus grande force. Dans un monde traversé par des crises multiples et des transformations rapides, nos intercommunalités doivent rester unies, ambitieuses et résolument tournées vers l’avenir. C’est dans cet esprit que nous poursuivrons, ensemble, le chemin engagé.
• D’autres actualités à Interco’ Outre-mer ?
- Nous avons l’honneur d’accueillir deux nouvelles communautés de Polynésie, Terehēamanu et la CODIM, dont les présidents s’expriment ci-après sur les projets environnementaux de leurs territoires.
TÉMOIGNAGES
TEARII TE MOANA ALPHA, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES TEREH Ē AMANU
BENOÎT KAUTAI, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DES ÎLES MARQUISES
« Créée le 1er janvier 2021, la Communauté de Communes Terehēamanu regroupe les communes de Teva I Uta – dont je suis maire depuis 2014 –, Papara, Taiarapu-Est, Taiarapu-Ouest et Hitia’a O Te Ra. Notre vision partagée est d’organiser la métamorphose de notre territoire en agençant autour de la ville de Afa’ahiti, notre pôle de convergence. Notre ambition est de réussir les transitions économique, environnementale, énergétique, numérique, démographique et sociétale de notre territoire. Pour y parvenir, nous aménagerons entre autres des zones d’activités et des centralités de développement dans toutes nos communes, tout en respectant les deux piliers de notre projet : la Nature Vivante et l’Identité.
Une gouvernance équilibrée et multipartenariale avec les institutions du Pays et de l’État, les acteurs privés de l’entreprenariat, les associations et confessions religieuses et enfin les experts et le monde scientifique, assurera le pilotage et la programmation des politiques publiques et des investissements à réaliser. »
« La Communauté de communes des Îles Marquises (CODIM) agit de longue date afin de préserver le patrimoine naturel et culturel des Marquises, fidèle à la philosophie de l’UNESCO.
Par exemple, notre conseil communautaire a fixé l’objectif d’atteindre 75% d’énergies renouvelables d’ici 2027 grâce au photovoltaïque, mais aussi à l’hydroélectricité et à un projet de centrale biomasse adossée à la scierie de Nuku Hiva.
Depuis 12 ans, la CODIM porte le projet Te Tai Nui a Hau [« L’océan de paix » en langue marquisienne], qui vise à instaurer une vaste aire marine protégée conciliant pêche artisanale et zones de protection forte. Face aux sécheresses récurrentes, qui entraînent parfois des coupures d’eau, un schéma directeur de l’eau potable et agricole apparaît indispensable. Mutualisé à l’échelle intercommunale, il renforcerait l’autonomie de l’archipel et soutiendrait son développement durable. »
L’OFB SOUTIENT LA GESTION DURABLE DE L’EAU ET LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ
la DélégatIon De l ’oFFIce FrançaIs De la bIoDIversIté (oFb) en polynésIe FrançaIse, rattachée à la DI rect I on D es o utre - mer , I nterv I ent en appu I au p ays Dans les D oma I nes D ’ expert I se D e l’établIssement, parmI lesquels la surveIllance, la préservatIon, la gestIon et la restauratIon De la bIoDIversIté terrestre, aquatIque et marIne, aInsI que la gestIon équIlIbrée et Durable De l ’ eau
La délégation compte cinq agents et est dirigée depuis janvier 2025 par Sophie Marinesque, arrivée de l’île de La Réunion où elle travaillait depuis plusieurs années à la direction de l’Environnement des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), et qui a pris la suite de Franck Connan.
UN PARTENARIAT FORT AVEC LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
En Polynésie française, les compétences en matière d’environnement relèvent du gouvernement local. La mission de la délégation est donc de l’accompagner dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique environnementale. « Nosprioritésd’intervention,fixées dans une convention de partenariat pluriannuelle avec le Pays, s’organisent autour de deux axes principaux », explique Sophie Marinesque.
Le premier concerne l’eau. « Nous travaillons aux côtés du Pays, des communes et de l’État à améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour aider à limiter les pressions sur les milieux naturels et assurer une gestion durable de la ressource. C’est un enjeu important en Polynésie, où près d’un tiers de la population n’a pas accès à l’eau potable et où seulement 9 % des habitants bénéficient de l’assainissement collectif ».
L’OFB a ainsi participé à l’élaboration de la politique sectorielle de l’eau à l’horizon 2030 du Pays et contribue sur la période 2023-2027 à hauteur de 10 millions d’euros, dans le cadre de son dispositif de solidarité interbassins, au financement de projets d’infrastructures et d’équipements structurants. « Sur l’île de Rurutu aux Australes, l’OFB a par exemple investi près de 800 000 euros dans une unité de traitement des boues de vidange sur filtre de roseaux plantés », illustre Sophie Marinesque.
Le second axe porte sur la biodiversité, avec l’objectif de soutenir techniquement et financièrement les acteurs locaux qui œuvrent pour connaître, protéger et gérer durablement le patrimoine naturel polynésien, étroitement lié au patrimoine culturel.
« L’OFB a par exemple accompagné les services du Pays dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans de gestion d’espaces classés tels que l’aire marine gérée Tainui Atea ou celui du bien UNESCO Te Henua Enata – les îles Marquises », indique encore l’Office. « Cela passe aussi par le financement de projets de connaissance et de préservation d’espèces protégées, souvent portés par les associations, comme c’est le cas des projets en cours sur les baleines à bosse, le grand requin-marteau à Rangiroa, les oiseaux endémiques menacés ou encore le tiare ‘apetahi à Raiatea. »
La délégation est aussi attachée au soutien des aires marines éducatives dont le concept est né en 2012 aux Marquises et dont elle a historiquement accompagné le développement auprès des services du Pays en charge de l’éducation.
SOPHIE MARINESQUE, DÉLÉGUÉE DE L’OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ EN POLYNÉSIE FRANÇAISE
• Comment préserver la biodiversité ?
- Protéger la biodiversité, cela implique de prendre soin de son environnement en général, et limiter son propre impact. Cela peut parfois être perçu comme une contrainte, une limitation des libertés individuelles ou une entrave au développement d’activités économiques. Or, c’est l’inverse, car préserver la biodiversité, c’est garantir l’accès aux ressources vitales et préserver le bien-être sur le long terme. C’est aussi garder des écosystèmes en bonne santé, capables de fournir les services qui sous-tendent les activités économiques : pêche, aquaculture, perliculture, tourisme, etc. Les Polynésiens sont très conscients de ce lien vital à la Nature. Pour accompagner les changements de pratiques et réduire les impacts sur les milieux, le plus important est de proposer des solutions techniques, pragmatiques, concrètes aux acteurs de terrain.
« APPORTER DES SOLUTIONS TECHNIQUES ET MOBILISER LES ACTEURS LOCAUX »
• L’éloignement de la Polynésie française rend-il cette tâche plus délicate ?
- Tout devient complexe lorsque l’on est extrêmement loin, les ressources et les moyens humains sont limités. Il faut savoir être très autonome et inventif. Il est remarquable de voir comment ces difficultés sont contrebalancées par l’engagement des acteurs locaux qui connaissent parfaitement leur territoire et sont soucieux de le préserver. Les communes et les associations jouent un rôle clé.
La délégation de l’OFB a aussi pour mission prioritaire de les accompagner à travers des outils et des financements dédiés, tels que les Atlas de la biodiversité communale (ABC) ou les appels à projets annuels comme TeMeUm qui subventionne, jusqu’à 15 000 euros, des projets portés par ces acteurs.
La délégation polynésienne de l’OFB en mission sur le mont Temehani sur l’île de Raiatea, qui abrite une fleur odorante très particulière et menacée : la fleur du tiare ‘apetahi,
créée en 1994 par les aquaculteurs De nouvelle-caléDonIe, la socIété Des proDucteurs aquacoles calé D on I ens ( s opac ) F é D ère les acteurs D e la FI l I ère , D es écloser I es jusqu ’ aux DI str I buteurs , a FI n D e garant I r la qual I té D e la crevette bleue D u terr I to I re s on DI recteur , p ascal l ep I tre , expl I que que le secteur a opté pour une log I que D urable D onc écoresponsable .
INTERVIEW
PASCAL LEPITRE, DIRECTEUR DE LA SOCIÉTÉ DES PRODUCTEURS AQUACOLES CALÉDONIENS (SOPAC)
• Que représente la filière de la production de crevettes dans l’économie calédonienne ?
- L’aquaculture des crevettes représente plus de 13 % en va leur de l’activité agricole animale et végétale de la Nouvelle-Calédonie. Il y a 17 fermes, toutes situées sur la côte ouest de l’île. Il y a également trois écloseries et deux provendiers 1. Enfin, il existe une usine de surgélation.
Une ferme produit en moyenne 70 tonnes par an, soit une production totale de 1 200 tonnes. 1 000 tonnes de crevettes sont surgelées et 200 tonnes sont vendues fraîches sur le marché local.
• Quel est l’impact sur l’emploi local ?
- Cette filière génère environ 300 emplois directs, soit 900 emplois au total avec les emplois indirects. Le chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de trois milliards de Fcfp (25 millions d’euros). De façon générale, le marché de la crevette est très porteur dans le monde et celui-ci est passé devant le saumon. C’est donc la première protéine de la mer !
• Quelle est la part de la production destinée à l’export ? Vers quels pays ? La hausse des droits de douane américains, premier pays consommateur de crevettes au monde, est-elle une menace pour la filière ?
- Environ 70 % de la production sont exportés vers le Japon prioritairement puis l’Europe, les États-Unis puis l’Australie. La hausse des taxes d’entrée sur le sol américain n’est pas une menace. Notre produit est déjà très cher, il le sera un peu plus. C’est tout. Initié à un stade expérimental dès 1970, avec le soutien de l’Ifremer, l’élevage de crevettes n’a atteint le stade industriel qu’en 1988. Un cahier des charges extrêmement rigoureux a été mis au point dans les années 90 avec le partenaire japonais. La commercialisation crue surgelée de la crevette bleue pour les préparations sashimi au Japon témoigne de la reconnaissance de sa très haute qualité.
• Existe-t-il en Nouvelle-Calédonie d’autres productions liées à l’aquaculture ?
- Non pas encore, mais il y a des projets sur les poissons, les algues et les huîtres.
• La Sopac rassemble-t-elle tous les opérateurs, quelles sont ses missions et rapports avec les autorités du Pays et de l’État ?
- Il ne s’agit pas d’un syndicat professionnel mais d’un groupement des aquaculteurs qui réunit toutes les fermes et écloseries. Il défend les intérêts techniques et économiques de la filière. Ses rapports avec les autorités du Pays, de l’État et des Chambres consulaires sont très orientés sur la recherche/développement et la préservation des avantages dont bénéficie la filière.
• Quels sont les engagements environnementaux que s’impose le secteur de la crevette ?
- Le focus est sur la certification ASC, c’est certain. Aquaculture Stewardship Council (ASC) est un label international créé en 2010 par le WWF 2, qui encourage les pratiques d’élevage responsables. C’est un label qui est basé sur l’environnement, garantissant notamment un processus de production 100 % durable, protecteur de la biodiversité. Mais aussi sur
le social (interdiction du travail forcé, salaire minimum garanti…) et pour finir sur le bien-être animal (plan de santé pour les crevettes, contrôles de la qualité des aliments…). Notre filière fournit aussi beaucoup d’efforts sur la baisse de consommation d’électricité et la sauvegarde de la mangrove.
• Le dérèglement climatique suscite-t-il des inquiétudes ?
- Oui, c’est une préoccupation mais pour le moment l’aquaculture de la crevette n’est pas trop atteinte par ces dérèglements climatiques en Nouvelle-Calédonie.
• La pollution aux microplastiques constitue-telle une menace ?
- Non, pas vraiment, car nous bénéficions ici encore d’une qualité d’eau plutôt bonne. La difficulté principale vient de l’exploitation minière par endroit. Autre problème : la qualité de l’eau des rivières dans les embouchures après de grosses pluies.
• Quels sont selon vous la principale menace environnementale, et les principaux bénéfices environnementaux de l’activité aquacole ?
- Concernant la Nouvelle-Calédonie, la principale menace est la qualité de l’eau. Le principal bénéfice environnemental de l’activité aquacole est la faible densité d’ensemencement. On est sur des élevages extensifs.
l e pré F et b la I se g ourtay a évoqué pour outre-mer granDeur nature les prIncIpales problémat I ques D e l ’ arch I pel D u p ac IFI que su D D ont le F onct I onnement s I ngul I er est organ I sé autour De l ’ aDmInIstratIon supérIeure ou préFecture, l ’assemblée terrItorIale élue, et la cheFFerIe, composée Des troIs royaumes eaux De baIgnaDe, surpêche côtIère, orDures ménagères , trans I t I on al I menta I re , r I sques naturels : tour D ’ hor I zon D es D é FI s .
INTERVIEW
BLAISE GOURTAY, PRÉFET ET ADMINISTRATEUR SUPÉRIEUR DES ÎLES
• Comment s’effectue le partage des compétences à Wallis-et-Futuna ?
- La protection de l’environnement relève du Territoire, l’État intervient en appui, notamment sur les volets sanitaires, maritimes et climatiques. Les circonscriptions administratives sont chargées de la collecte des déchets et de l’hygiène publique. Les chefferies coutumières, détentrices du foncier, ont un rôle central dans la gestion des terres et la médiation sociale. La coordination est cruciale pour répondre aux enjeux environnementaux.
• Vous évoquez spontanément le problème des eaux de baignade, pourquoi ?
- L’environnement littoral est affecté par les rejets directs d’eaux usées, l’absence ou le manque de systèmes d’assainissement, une gestion défectueuse des eaux pluviales, les effluents agricoles comme les lisiers d’élevages porcins.
• Comment les ordures ménagères sont-elles gérées ?
- Principalement via des centres d’enfouissement techniques (CET) destinés à évoluer en centres de transfert et de valorisation.
Depuis 2017, une écotaxe encourage la collecte des contenants triés et le tri à la source. Un projet de fonderie artisanale et de ressourcerie de pièces d’occasion est soutenu. Les déchets électroniques sont stockés, en attente de solutions de valorisation ou d’exportation, les déchets dangereux – batteries, huiles usagées – sont expédiés en Nouvelle-Zélande.
« DE MAUVAISES PRATIQUES PERSISTENT »
• Quel est l’état de la biodiversité ?
- Riche mais très vulnérable, en particulier face aux espèces envahissantes – rat noir, cochon sauvage, liane Merremia peltata –, à la pollution et la pression humaine. Le manque de moyens pour surveiller, restaurer et protéger les milieux naturels complique la gestion durable.
De mauvaises pratiques persistent : décharges sauvages, incinérations non maîtrisées ou encore surpêche côtière. Malgré des campagnes de collecte, il existe encore des rejets illégaux d’huiles usées et de batteries. Des épaves sont laissées à l’abandon. (…) Il faut une montée en compétence des services, un meilleur maillage des points de collecte et une sensibilisation continue, en lien avec les autorités coutumières.
• Quel lien la population a-t-elle avec la nature ?
- La culture locale entretient encore un lien fort avec la nature, les terres coutumières et les pratiques vivrières, aux côtés d’habitudes de consommation plus modernes. L’archipel fait face à une transition alimentaire rapide, avec des conséquences sanitaires majeures. L’enjeu est de réconcilier traditions et santé publique, en valorisant les savoir-faire locaux, l’agriculture vivrière et l’éducation à la nutrition.
• Comment l’intervention financière de l’État estelle ventilée ?
- Elle est structurée autour de plusieurs axes essentiels destinés à garantir les missions régaliennes, le développement du territoire, et l’adaptation aux enjeux
environnementaux et climatiques. Plusieurs actions relèvent directement ou indirectement de la transition écologique : la gestion des déchets (cofinancement des centres d’enfouissement techniques, collecte des déchets dangereux, écotaxe), l’assainissement, la lutte contre les espèces invasives, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, la prévention des risques climatiques ou encore l’éducation. Une part significative des financements est orientée vers les services publics essentiels, les infrastructures et la cohésion sociale. Les dépenses environnementales et climatiques sont croissantes et stratégiques.
« LA MONTÉE DES EAUX
SALINISE CERTAINES NAPPES PHRÉATIQUES »
• Quels sont les moyens de protection de la population ?
- La préfecture décline les dispositifs classiques et dispose d’un plan ORSEC, les risques majeurs étant les cyclones, séismes et tsunamis. Il existe des centres d’accueil et de regroupement en situation de crise. Des chemins de repli sont prévus contre le risque tsunami, surtout à Futuna. Dengue et chikungunya sont les maladies présentes, ainsi que la filariose et la gratte, notamment à Futuna. Des campagnes de prévention et dépistage sont régulièrement conduites.
• Le dérèglement climatique s’observe-t-il ?
- Oui, clairement, à travers plusieurs phénomènes affectant les écosystèmes, les ressources et les infrastructures. Des phénomènes d’érosion côtière sont constatés, notamment à Wallis. La montée des eaux salinise certaines nappes phréatiques et zones agricoles littorales. Les infrastructures côtières sont de plus en plus exposées. Les températures marines plus élevées entraînent des épisodes de blanchissement des coraux. Le dérèglement climatique accentue les événements extrêmes : cyclones plus intenses, fortes pluies, périodes de sécheresse prolongées. Cela affecte l’agriculture locale basée notamment sur l’igname et le taro, ainsi que l’approvisionnement en eau et la sécurité alimentaire.
fédérer l ’ outre-mer, favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable
grandeur Nature OUTRE-MER
page Facebook « e-mag outre-mer »
OcéIndia
Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com