OUTRE-MER grandeur Nature n°14 _ jan.-février 2023

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ÉDITO | Louis Mussington, prĂ©sident de La CoLLeCtivitĂ© de st-Martin MARTINIQUE | dĂ©MarChe innovante dans La baie de Fort-de-FranCe NOUVELLE-CALÉDONIE | ForMer Ă  L ’ agroForesterie syntropique SOMMAIRE 2 Ă©dito 3 actu outre-mer 7 Saint-Pierre-et-Miquelon 12 Saint-Martin 13 Saint-BarthĂ©lemy 16 Martinique 22 Guadeloupe 26 Guyane 30 Île de La RĂ©union 38 Mayotte 42 PolynĂ©sie française 44 Nouvelle-CalĂ©donie 46 Wallis-et-Futuna OcĂ©India grandeur Nature OUTRE-MER UNE n°14 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT JAN. | FÉVRIER 2023 WALLIS-ET-FUTUNA | BIENTÔT UNE PREMIÈRE AIRE MARINE PROTÉGÉE

ÉDITO

PAR LOUIS MUSSINGTON, PRÉSIDENT DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-MARTIN

C’est un rĂ©el honneur d’avoir l’opportunitĂ© de m’exprimer dans le magazine Outre-mer grandeur Nature et de pouvoir exposer les enjeux de mon territoire Ă  nos amis des outre-mer. Nous nous rencontrons rĂ©guliĂšrement Ă  travers les instances europĂ©ennes (RUP) et c’est pour moi un plaisir et un objectif que de dĂ©velopper cette coopĂ©ration ultramarine.

La CollectivitĂ© de Saint-Martin est une jeune collectivitĂ© d’outre-mer, rĂ©gie par l’article 74 de la Constitution depuis 2007. Nous avons traversĂ© ces derniĂšres annĂ©es des Ă©preuves difficiles Ă  l’instar du passage de l’ouragan Irma en septembre 2017 et comme l’ensemble de nos compatriotes la crise sanitaire du Covid19, qui a profondĂ©ment impactĂ© notre sociĂ©tĂ©.

J’ai pris mes fonctions de prĂ©sident en avril 2022 et nous avons, avec mon Ă©quipe, mis tout en Ɠuvre pour redonner confiance et espoir en l’avenir, en nous appuyant sur des fondamentaux comme la propretĂ© du territoire et l’accueil de nos touristes, le dĂ©veloppement Ă©conomique Ă  travers la rĂ©alisation de

projets structurants pour le territoire, l’accompagnement de notre jeunesse et la mise en Ɠuvre d’une politique environnementale adaptĂ©e aux enjeux actuels et Ă  venir.

Le tourisme demeure Ă  nos yeux le fleuron de notre Ă©conomie. PrĂšs de deux ans aprĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie mondiale, notre objectif est de renforcer le secteur touristique et de veiller Ă  ce qu’il continue de jouir d’un avenir dynamique axĂ© sur les atouts de Saint-Martin, l’accueil des habitants et la valorisation de notre culture et notre patrimoine, dans un souci de durabilitĂ©.

Saint-Martin et ses habitants ont prouvĂ© une fois de plus qu’ils Ă©taient douĂ©s d’une vĂ©ritable « capacitĂ© de rebond », une rĂ©silience Ă  toute Ă©preuve. Notre objectif prioritaire est de protĂ©ger ces atouts et de les promouvoir afin de les dĂ©velopper et les rendre plus forts. Alors que la vie renaĂźt et que les Ă©vĂ©nements culturels et les festivals ajoutent plus de joie Ă  l’expĂ©rience saint-martinoise, ils participent tous ensemble Ă  la relance du secteur touristique et Ă  sa redĂ©finition. La saison touristique 2022-2023 a dĂ©marrĂ© sur les chapeaux de roue, nous avons la chance d’avoir une clientĂšle amĂ©ricaine trĂšs attachĂ©e Ă  Saint-Martin tout comme nos clientĂšles europĂ©ennes et caribĂ©ennes qui sont fidĂšles Ă  notre Friendly Island.

L’autre grand enjeu politique que nous portons est la protection environnementale. Nous travaillons sur un projet de rĂ©vision de notre Loi Organique, afin d’obtenir la compĂ©tence Environnement, aujourd’hui dĂ©volue Ă  l’État. Le changement climatique est une menace pour la beautĂ© naturelle et les ressources de l’üle et notre objectif est de les prĂ©server, les protĂ©ger. Nous nous engageons progressivement sur ce chemin vertueux, nous allons par exemple crĂ©er notre propre agence de la biodiversitĂ© et nous travaillons avec la RĂ©serve naturelle de Saint-Martin, Ă  la crĂ©ation d’un Institut territorial de la biodiversitĂ©. Parce que Saint-Martin est une Ăźle moderne et progressiste, elle regorge d’opportunitĂ©s d’investissement. Chaque initiative doit orienter l’üle vers un avenir durable et Ă©cofriendly.

Je souhaite à tous les ultramarins une excellente année 2023. Santé et prospérité ! Que 2023 concrétise nos actions de coopération pour la reconnaissance des spécificités de nos territoires. TrÚs belle année à tous !

grandeur Nature 2 OUTRE-MER
Photos de couverture : le lagon de Wallis. © Matthieu Juncker | Louis Mussington, président de la Collectivité de Saint-Martin.

ACTU OUTRE-MER

Les

LES DÉCHETS DANS LES OUTRE MER : LA COTE D’ALERTE

Il y a un an, en fĂ©vrier 2022, GisĂšle Jourda et Viviane Malet, sĂ©natrices de l’Aude et de La RĂ©union, ont Ă©tĂ© dĂ©signĂ©es rapporteures d’une Ă©tude sur la gestion des dĂ©chets en outre-mer. AprĂšs plus de six mois de travaux, trois dĂ©placements Ă  La RĂ©union, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, et prĂšs de 160 personnes auditionnĂ©es, leur rapport d’information a Ă©tĂ© remis le 8 dĂ©cembre Ă  StĂ©phane Artano, prĂ©sident de la DĂ©lĂ©gation sĂ©natoriale aux outre-mer.

Dans la synthĂšse de ce rapport, on lit en prĂ©ambule que « la dĂ©lĂ©gation a constatĂ© le retard majeur des outre-mer en matiĂšre de gestion des dĂ©chets. Cette situation place certains territoires en urgence sanitaire et environnementale. La cote d’alerte y est dĂ©passĂ©e. Des plans de rattrapage exceptionnels, voire des plans Marshall pour la Guyane et Mayotte, sont indispensables. Des financements et une gouvernance consolidĂ©s permettront de prendre le virage d’une Ă©conomie circulaire rĂ©aliste et adaptĂ©e aux contraintes propres des territoires ultramarins. » Le rapport rĂ©vĂšle les retards majeurs des outre-mer par rapport Ă  l’Hexagone, avec par exemple un taux d’enfouissement moyen des dĂ©chets mĂ©nagers de 67 % en outre-mer, contre 15 % au niveau national.

10 propositions principales ont été rédigées, dont :

‱ l’objectif d’aller vers un opĂ©rateur unique par territoire en charge du traitement des dĂ©chets mĂ©nagers ;

‱ l’apport, en plus des aides actuelles de l’État, de prĂšs de 80 millions d’euros par an pour rĂ©aliser notamment les Ă©quipements prioritaires et structurants ;

‱ des obligations de rĂ©sultat pour les Ă©co-organismes, afin d’amĂ©liorer la prise en charge des Ă©quipements en fin de vie mis sur le marchĂ©.

La synthÚse du rapport, qui souligne par ailleurs la situation « fortement différenciée » de chacun des territoires, est accessible depuis le lien ci-dessous.

+ d’info ici : Le rapport d’information sur la gestion des dĂ©chets dans les outre-mer

SORTEZ VOS LONGUES VUES, VOICI VENIR AU LOIN LA MAJESTUEUSE GOÉLETTE 7E CONTINENT !

AprĂšs le succĂšs de sa tournĂ©e Ă©ducative en Corse, Patrick Deixonne et son Ă©quipe de chercheurs mettent le cap vers les outre-mer français de la CaraĂŻbe. DĂšs le mois de fĂ©vrier, c’est Ă  bord de sa goĂ©lette de 26 mĂštres et en compagnie de l’entreprise de recyclage Citeo, que l’ExpĂ©dition 7 e Continent fera escale en Guyane, Martinique, Guadeloupe et Ă  Saint-Martin. Le projet a pour but de sensibiliser les enfants et le grand public aux enjeux de la pollution plastique dans les ocĂ©ans, tout en formant aux gestes de tri pour prĂ©venir la pollution marine. En effet, environ 80 % des dĂ©chets en mer viennent de la terre, emportĂ©s par la pluie et le vent, ils terminent souvent leur voyage dans les ocĂ©ans. Comme beaucoup d’autres territoires, les outre-mer français sont tĂ©moins et acteurs de ce phĂ©nomĂšne, qu’il s’agit de canaliser tous ensemble.

Les Ă©quipes du 7e Continent et de Citeo vous invitent Ă  Ă©changer lors d’ateliers de dĂ©couverte pour petits et grands, afin de mieux comprendre les enjeux de la protection des ocĂ©ans, ainsi que les actions Ă  mettre en place au quotidien pour lutter contre les dĂ©chets abandonnĂ©s et protĂ©ger la biodiversitĂ© marine !

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 3
+ d’info ici
http://www.septiemecontinent.com/
:
rapporteures en mission Ă  Mayotte en juin 2022.

luth sur son site de ponte Ă  Awala-Yalimapo dans la RĂ©serve naturelle de l’Alama, au nord-ouest de la Guyane.

MERCI
VOTRE CONFIANCE ! L’ÉQUIPE DE L’E-MAG, QUI FÊTE SES DEUX ANS
HEUREUSE ANNÉE, SANTÉ, PROSPÉRITÉ À TOUS ET
DE
Tortue
| 97 px
Photographe : Mickaël Berteloot
2023

LANCEMENT D’UNE DESSERTE MARITIME À LA VOILE ENTRE LA MARTINIQUE ET LA GUADELOUPE

Depuis le 26 dĂ©cembre et jusqu’au 5 fĂ©vrier 2023, la coopĂ©rative Sailcoop propose de relier en voilier la Martinique et la Guadeloupe, soit environ 24 heures de traversĂ©e, au tarif de 180 euros l’aller simple pour un adulte. Cela inclut une nuit Ă  bord, les repas, bagages, l’assurance et les skippers professionnels. Une rĂ©duction est offerte aux moins de 12 ans, familles, Ă©tudiants et pour la rĂ©servation d’un trajet aller-retour. Le Belle Aventure, qui relie ainsi Le Marin et Pointe-Ă -Pitre, peut embarquer huit passagers et deux membres d’équipage.

« Sailcoop est une alternative aux ferries et avions. Il est essentiel de se tourner vers ce genre de transport inter-Ăźles afin de prĂ©server la biodiversitĂ© marine si riche en outre mer. Le slow tourisme est en plein essor et nous sommes heureux de pouvoir contribuer Ă sonexpansion», argumente Prisca Dorie, responsable commerciale de la coopĂ©rative. Sailcoop met en avant un modĂšle doublement vertueux : « dĂ©velopper un rĂ©seau de transport de passagers Ă  la voile et optimiser l’usage des voiliers qui passent le plus clair de leur temps au ponton, en offrant Ă  leurs propriĂ©taires une alternative utile, fiable et rentable. »

En structurant un rĂ©seau coopĂ©ratif (SCIC 1) ouvert aux propriĂ©taires de bateaux, aux passagers, skippers et autres professionnels du nautisme, mais aussi aux collectivitĂ©s locales, aux investisseurs et Ă  tout citoyen, Sailcoop souhaite contribuer Ă  la transition Ă©nergĂ©tique. En effet, ce mode de transport offre une indĂ©pendance Ă©nergĂ©tique exceptionnelle : le vent est une ressource inĂ©puisable et propre et les progrĂšs colossaux en termes de prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques permettent aujourd’hui d’en tirer un excellent parti.

de Pracontal,

LE GROUPE OUTRE-MER, LA PLATEFORME OÙ LES EXPERTS DE LA TERRE COMME DE LA MER PEUVENT NE PLUS SE TAIRE

Urbanisation galopante, projets majeurs destructeurs, pollutions des bassins versants, dĂ©rĂšglement climatique
 la nature est bien malmenĂ©e dans les territoires ultramarins, et il y a encore fort Ă  faire pour la mettre au cƓur des dĂ©cisions concernant l’amĂ©nagement des territoires.

Le Groupe Outre-mer (GOM) du ComitĂ© français de l’UICN 2 , qui regroupe aujourd’hui prĂšs de 200 experts, agit depuis les annĂ©es 1990 pour tenter de changer la donne. Ses membres – qui peuvent ĂȘtre des scientifiques, des naturalistes, des gestionnaires d’espaces naturels, des juristes, des anthropologues, des associatifs ou encore des fonctionnaires – ont une trĂšs bonne connaissance des problĂ©matiques biodiversitĂ© dans un ou plusieurs territoire(s) ultramarin(s), des annĂ©es d’expĂ©rience dans le milieu de la conservation et/ou jouent un rĂŽle clĂ© dans le paysage professionnel de la biodiversitĂ© ultramarine.

Ils contribuent par leur expertise Ă  l’élaboration des prises de position officielles du ComitĂ© français de l’UICN sur des projets rĂ©glementaires ou lĂ©gislatifs, des projets majeurs impactant la biodiversitĂ© de ces territoires, ou encore des problĂ©matiques conservatoires importantes pour les outre-mer.

Le GOM, dotĂ© d’un(e) prĂ©sident(e) et d’un Bureau, est donc Ă  la fois un rĂ©seau d’information et d’échange entre experts, et un groupe d’influence sur les politiques environnementales aux niveaux territorial, national, europĂ©en et international. IntĂ©ressĂ©(e) pour rejoindre le groupe ? Contactez : uicn@uicn.fr

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Nyls président actuel du Groupe Outre-mer.
1 Société
2
+ d’info ici : https://sailcoop.fr/
coopĂ©rative d’intĂ©rĂȘt collectif. |
Union internationale pour la conservation de la nature.

SAINT-PIERREET-MIQUELON

OPÉRATION REBOISEMENT POUR LES FORÊTS DE L’ARCHIPEL

Les forĂȘts de l’archipel offrent un cadre unique dans l’outre-mer français mais, comme dans de nombreux territoires, elles subissent depuis plusieurs annĂ©es des dĂ©gradations importantes. Ici, ce sont surtout les cerfs de Virginie et les liĂšvres, espĂšces introduites au cours du siĂšcle dernier, qui font des ravages. Deux raisons Ă  cela : une dynamique dĂ©mographique Ă©levĂ©e et l’absence totale de prĂ©dateurs sur place. Si la chasse ciblĂ©e constitue une partie de la solution, elle ne parvient pas Ă  enrayer le phĂ©nomĂšne.

Depuis 2014, un programme de gestion durable de la forĂȘt a donc Ă©tĂ© mis en place par la CollectivitĂ©. Dans un premier temps, entre 2015 et 2017, une vaste Ă©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour dresser l’inventaire des espĂšces prĂ©sentes. 37 981 arbres ont ainsi Ă©tĂ© identifiĂ©s et cartographiĂ©s sur l’archipel et l’on connaĂźt aujourd’hui mieux les sites oĂč la forĂȘt parvient Ă  se rĂ©gĂ©nĂ©rer naturellement et, au contraire, ceux oĂč elle est en voie de rĂ©gression.

ASSISTER LA RÉGÉNÉRATION

NATURELLE

Forte de cet Ă©tat de lieux de ses forĂȘts, la CollectivitĂ© territoriale a lancĂ© un plan de gestion forestiĂšre couvrant la pĂ©riode de 2019 Ă  2028. Celui-ci consiste notamment Ă  replanter des arbres dans les zones dĂ©gradĂ©es et, dans ce but, 7 500 plants ont Ă©tĂ© commandĂ©s Ă  une sociĂ©tĂ© canadienne. Par la suite, c’est l’entreprise de Saint-Pierre-et-Miquelon Arbora’l qui a

Ă©tĂ© retenue dans le cadre de l’appel Ă  projets de l’OFB Biodiv’Eco pour fournir les plants localement. « AprĂšs avoir produit du sapin baumier, du spruce blanc et noir, nous avons mis en culture pour les replantations de 2023 du mĂ©lĂšze d’AmĂ©rique, du bouleau Ă  papier et du picea blanc et noir », indique Nicolas Paturel, le gĂ©rant d’Arbora’l. Tous ces jeunes arbres sont destinĂ©s Ă  ĂȘtre plantĂ©s par les agents de l’ONF et de la CollectivitĂ© sur des zones dĂ©gradĂ©es. Une maniĂšre de lutter contre l’érosion des sites naturels tout en limitant l’introduction d’espĂšces exotiques envahissantes. En 2023, les replantations seront nombreuses et rĂ©parties sur tout le territoire afin de fournir une assistance Ă  la rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle des forĂȘts.

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À S aint -P ierre - et -M iquelon , la forĂȘt occu P e 12 % du territoire et S ubit de P ui S P lu S ieur S annĂ©e S un recul liĂ© À la foi S À la faune S auvage et À la P e S te fore S tiĂšre qui a fra PP Ă© de no M breux S ite S . P our re M Ă©dier À cela , la c ollectivitĂ© territoriale a entre P ri S un va S te P rogra MM e de revĂ©gĂ©tali S ation . L’équipe dynamique d’Arbora’l Ă  Saint-Pierre-et-Miquelon. Nicolas Paturel, gĂ©rant de l’entreprise agricole Arbora’l. Photos : © Arbora’l

LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE AU CƒUR DE L’ACTION DE L’AFD

dĂšS 2007, l ’agence françaiSe de dĂ©veloPPeMent S ’ eSt engagĂ©e en faveur du dĂ©veloPPeMent durable et de la lutte contre le changeMent cliMatique . avec PluS de

engagĂ© S en 2021, l ’agence PoSitionne PluS que jaMaiS le cliMat

Depuis 2015, l’AFD s’est engagĂ©e Ă  assurer une activitĂ© compatible Ă  100 % avec l’Accord de Paris 1 et dĂ©cline ses actions autour de trois axes principaux. L’Agence cherche en premier lieu Ă  rĂ©duire l’exposition aux alĂ©as climatiques des personnes et territoires. Dans l’ocĂ©an Pacifique, le projet Clipssa vise par exemple Ă  amĂ©liorer les prĂ©visions climatiques Ă  horizon 100 ans, afin de renforcer les connaissances pour anticiper les consĂ©quences du changement climatique et permettre aux territoires de s’adapter le plus en amont possible. L’AFD participe Ă©galement Ă  l’attĂ©nuation des effets du changement climatique. Avec l’Initiative Kiwa dans le Pacifique, l’AFD finance des solutions fondĂ©es sur la nature pour protĂ©ger et restaurer les Ă©cosystĂšmes. Enfin, l’Agence s’engage dans l’accompagnement des États et collectivitĂ©s pour la mise en place de trajectoires de dĂ©veloppement rĂ©silientes. Dans l’ocĂ©an Indien, le programme Varuna soutient ainsi la gouvernance de la biodiversitĂ© dans les secteurs public comme privĂ©.

grandeur Nature OUTRE-MER PUBLI-COMMUNIQUÉ 8
Six MilliardS d ’ euro S au centre de SeS interventionS . Ci-dessus : dans le sud de la Nouvelle-CalĂ©donie, la flore de la RĂ©serve naturelle provinciale de la Madeleine prĂ©sente un taux d’endĂ©misme exceptionnel de 95 %. © Marc Le ChĂ©lard 1 TraitĂ© international juridiquement contraignant sur les changements climatiques, adoptĂ© lors de la COP 21, en dĂ©cembre 2015. À ce jour, 194 Parties (193 pays et l’Union europĂ©enne) y ont adhĂ©rĂ©. | Ci-dessus : le jardin de Balata, visite incontournable en Martinique. © Luc Migozzi

INTERVIEW CROISÉE

‱ Quel rîle peut jouer un bailleur international au regard de la question climatique actuelle ?

Mathilde Bord-Laurans - Les sujets de lutte contre le changement climatique et d’aide au dĂ©veloppement sont intrinsĂšquement liĂ©s. L’engagement de l’AFD en faveur des objectifs du dĂ©veloppement durable implique nĂ©cessairement de travailler sur le climat et l’environnement, deux problĂ©matiques au cƓur du mandat de l’AFD. Aujourd’hui, plus de 50 % de notre activitĂ© bĂ©nĂ©ficie Ă  la lutte contre le changement climatique.

Charles Trottmann - Au-delĂ  des engagements financiers ciblĂ©s dans ces domaines, l’AFD joue un rĂŽle essentiel auprĂšs des politiques publiques. Notre exigence dans le dialogue autour de ces questions, ainsi que notre expertise et nos propositions de solutions techniques permettent de porter la question climatique au cƓur des prioritĂ©s des États et territoires dans lesquels nous intervenons.

‱ De quelle maniĂšre l’AFD intervient-elle sur la problĂ©matique de la rĂ©silience face au changement climatique ?

Charles Trottmann - Le dernier rapport du GIEC souligne que les petits États insulaires sont particuliĂšrement vulnĂ©rables face au changement climatique en raison de la taille des territoires, des prĂ©visions climatiques alarmantes et de la perte de la biodiversitĂ© impactante pour les populations. L’AFD intervient donc en mutualisant ses actions Ă  l’échelle des bassins ocĂ©aniques pour amĂ©liorer la rĂ©silience des territoires au niveau de la connaissance, au niveau de la planification, et au niveau du financement des investissements des collectivitĂ©s.

Mathilde Bord-Laurans - L’AFD s’est ainsi structurĂ©e autour d’un dĂ©partement « Trois OcĂ©ans » qui travaille sur la convergence des questions climat et biodiversitĂ© autour d’une stratĂ©gie spĂ©cifique sur l’ocĂ©an, cruciale pour les petits États et territoires insulaires. À titre d’exemple, les investissements « OcĂ©an » de l’Agence reprĂ©sentent plus de 750 millions d’euros en 2021. C’est un enjeu trĂšs important pour l’AFD.

‱ Comment s’est positionnĂ©e l’AFD vis-Ă -vis des COP 27 et COP 15 2 ?

Mathilde Bord-Laurans - L’AFD n’est pas nĂ©gociatrice au sein de ces confĂ©rences, mais elle fait partie de l’équipe France. Nous apportons notre comprĂ©hension trĂšs fine des problĂ©matiques des pays d’intervention, et nous Ă©changeons avec les partenaires sur les typologies de projets, leurs besoins en financement, la mise en place de politiques publiques futures, etc. L’AFD travaille donc avec la France et ses partenaires sur l’agenda de l’action.

Nous retiendrons de la COP 27 l’avancĂ©e sur la question des pertes et prĂ©judices, ainsi que la forte prĂ©sence de la problĂ©matique « OcĂ©an ».

L’Agence française de dĂ©veloppement a par ailleurs soutenu tout au long de la COP 15 l’idĂ©e d’une mobilisation financiĂšre pour la biodiversitĂ© qui s’inscrirait dans un cadre financier mondial, mobilisant les acteurs du Nord comme du Sud.

En tout Ă©tat de cause, ces confĂ©rences des Parties permettent de donner un cadre global et renforcent nos capacitĂ©s d’actions dans les pays, en faveur du climat et de l’environnement.

2 La COP 27, confĂ©rence des Nations unies sur les changements climatiques, s’est tenue en novembre 2022 Ă  Charm el-Cheikh en Égypte. Quant Ă  la COP 15, confĂ©rence des Nations unies sur la biodiversitĂ©, elle s’est tenue en dĂ©cembre 2022 au Canada, Ă  MontrĂ©al.

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Le pĂŽle Outre-mer de France TĂ©lĂ©visions s’engage pour le climat

Conscient de la responsabilitĂ© sociale et environnementale qui pĂšse sur la tĂ©lĂ©vision publique, plus que jamais le pĂŽle Outre-mer s’engage en faveur de la dĂ©fense de l’environnement.

MalgrĂ© un Ă©tĂ© particuliĂšrement difficile, les changements climatiques paraissent encore parfois lointains pour certains habitants de l’Hexagone, c’est pourtant dĂ©jĂ  une rĂ©alitĂ© quotidienne pour les habitants en Outre-mer : montĂ©e des eaux, cyclones plus frĂ©quents et plus violents, Ă©rosion des cĂŽtes


Face Ă  cette prise de conscience est arrivĂ©e une gĂ©nĂ©ration de rĂ©parateurs, ceux qui prennent en main les enjeux environnementaux, montrent un nouvel Ă©tat d’esprit, font part de nouvelles attentes.

Avec notre programme En 1Ăšre ligne, nous avons souhaitĂ© donner la parole Ă  ceux qui sont au combat, ces hĂ©ros du quotidien, tĂ©moins engagĂ©s pour l’environnement issus de la sociĂ©tĂ© civile. Ils sont lanceurs d’alerte, porteurs de projets et rĂ©inventent le rapport Ă  la terre. Ils font Ă©merger depuis les territoires des façons de faire et de se comporter face au dĂ©fi climatique. Nous avons souhaitĂ© un programme racontant les Ă©mergences, les grandes tendances qui animent l’Outre-mer et les prises de conscience de ses habitants en matiĂšre de climat, de relation Ă  la terre, d’évolution des cultures vivriĂšres
 Ce rĂ©seau de vigies, dĂ©ployĂ© au travers des territoires ultramarins, vise Ă  accroĂźtre la prise de conscience Ă©cologique des Français, crĂ©er de l’intelligence collective et de la connexion sociale, afin de proposer des solutions, de l’optimisme, et donner envie de faire bouger le monde. Nous nous sommes concentrĂ©s sur la jeune gĂ©nĂ©ration qui prend son mode de vie en main, ces acteurs de la « grande inversion », de l’hybridation des modes de vie, qui utilisent le virtuel comme outil d’échange, mais maintiennent un solide ancrage dans la terre pour mener leur action.

Luc de Saint-Sernin , directeur de la stratégie éditoriale transverse du pÎle Outre-mer

Un programme à retrouver sur le Réseau des 1 Úre et La1ere.fr

© Nathalie Guyon | FTV

PLANÈTE OUTRE-MER

CULTURE ET PROTECTION DE L’OCÉAN

Nageoire caudale de baleine à bosse photographiée à Moorea. © Pamela Carzon - 97px

l’ocĂ©an Pacifique couvre À lui Seul un tier S de la Surface du globe et diSP oSe d ’ une de S biodiver SitĂ© S le S PluS iMPortante S au Monde. Pour le S PeuPle S du Pacifique, l’ocĂ©an n ’ e S t Pa S vu co MM e l’élĂ© M ent qui S Ă© Pare le S Ăźle S , M ai S co MM e un trait d ’ union entre elle S

C’est l’ocĂ©an qui fĂ©dĂšre tous les peuples d’OcĂ©anie et qui forge leur identitĂ© jusqu’à leur nom : OcĂ©aniens.

La prĂ©servation d’une zone maritime par la crĂ©ation d’une aire marine protĂ©gĂ©e existe d’ailleurs dans la culture des OcĂ©aniens. On appelle cela en PolynĂ©sie un r āhui. Aujourd’hui, il existe bon nombre de r āhuis sur le fenua, mis en place bien souvent Ă  la demande des populations, et tout particuliĂšrement des pĂȘcheurs.

Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la Culture et de l’Environnement de la PolynĂ©sie française :

« Nous essayons de promouvoir justement cette vision oĂč l’homme fait partie de son environnement, il n’est pas dĂ©connectĂ© de l’environnement. On en revient toujours Ă  nos traditions et ce n’est pas propre

Ă  la PolynĂ©sie française, c’est le cas aux Ăźles Cook, c’est le cas Ă  Salomon, c’est le cas Ă  Tonga, c’est le cas Ă  Fidji...

Donc ce concept, il est ocĂ©anien. Si on veut vraiment dĂ©fendre les ocĂ©ans, protĂ©ger les ocĂ©ans, il faut ocĂ©aniser nos consciences et arrĂȘter de penser que ce que l’on fait sur terre n’a aucun impact sur nos ocĂ©ans.

Tout est liĂ©. C’est pour cela qu’il faut replacer l’homme Ă  nouveau dans son environnement. Il est un problĂšme, mais il peut ĂȘtre la solution aussi. Pour cela, il y a un peu de boulot encore. »

Pour les PolynĂ©siens, la mer commence en haut de la montagne, car tout ce qu’il se passe Ă  terre se retrouve en mer. Ils sont ainsi favorables Ă  une gestion globale des espaces.

Ce texte est issu de la chronique radio « PlanĂšte Outre-mer » prĂ©sentĂ©e par Caroline Marie Ă  Ă©couter sur La1ere.fr , l’offre numĂ©rique Outre-mer de France TĂ©lĂ©visions

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
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UN LAMANTIN OBSERVÉ EN 1984

DANS L’ANSE MARCEL

alorS qu ’ on PenSait que leS derniĂšreS obServationS de laMantinS À Saint-Martin dataient deS annĂ©eS 1950, une PhotograPhie Montre la PrĂ©Sence de ce MaMMifĂšre aquatique en 1984. M ichel v Ă©ly , chef de l ’ unitĂ© territoriale de S aint - b arthĂ©le My et de S aint -M artin P our l ’ aliMentation et l ’ agriculture et Ă©galeMent PrĂ©Sident de l ’ aSSociation MegaPtera, eStiMe que cette dĂ©couverte n ’ aurait Pa S e MP ĂȘchĂ© la con S truction de la M arina dan S l ’ a n S e M arcel, oĂč a Ă©tĂ© vu l ’ aniMal.

Le lamentin aperçu dans l’Anse Marcel en 1984, sans doute l’un des derniers Ă  avoir frĂ©quentĂ© l’üle de Saint-Martin.

‱ On pensait que les lamantins avaient dĂ©sertĂ© Saint-Martin depuis les annĂ©es 1950. Si cette photo avait Ă©tĂ© connue publiquement, pensezvous que la construction de la marina aurait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e pour protĂ©ger le mammifĂšre ?

- Je pense qu’à l’époque, personne ne s’est posĂ© la question. À Saint-Martin, l’environnement n’a jamais Ă©tĂ© la prioritĂ© numĂ©ro 1. Les gens qui ont pris cette image n’avaient pas idĂ©e qu’ils photographiaient l’un des derniers spĂ©cimens de l’üle. Dans les annĂ©es 1980, on gagnait des terrains en empiĂ©tant sur la mer et en crĂ©ant des zones artificielles, comme pour le front de mer de Marigot. Ces constructions font fuir les mammifĂšres marins, ceux qui restaient sont partis ou sont morts. Et mĂȘme dans le cas oĂč les travaux auraient Ă©tĂ© interrompus, ce dont je doute, le lamantin serait-il restĂ© dans l’Anse Marcel ou Ă  proximitĂ© ? Ce sont des animaux qui circulent, il aurait sans doute quittĂ© l’anse.

INTERVIEW

MICHEL VÉLY, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION MEGAPTERA

‱ Que montre cette photo d’archive datant de 1984, prise dans l’Anse Marcel ?

- Sur cette photo, on peut voir une tĂȘte de lamantin qui sort de l’eau, il n’y a aucun doute sur l’animal, on le distingue trĂšs bien. Ce clichĂ© a Ă©tĂ© pris au moment de la construction de l’Anse Marcel, lorsque le chenal a Ă©tĂ© creusĂ© pour construire la marina. Je suppose qu’avec les travaux, le mammifĂšre a dĂ» s’y rĂ©fugier.

‱ Quel est l’impact de ces constructions sur les animaux marins ?

- Les animaux souffrent de l’activitĂ© humaine car ils se nourrissent prĂšs du littoral. Les mammifĂšres se dĂ©placent selon deux facteurs : l’alimentation et la reproduction. Par exemple, les dugongs prĂ©sents dans l’ocĂ©an Indien se regroupent Ă  des endroits prĂ©cis. Ils se nourrissent d’une herbe trĂšs particuliĂšre, alors il suffit qu’il n’y en ait plus Ă  un endroit pour qu’ils n’y viennent plus. Comme pour le dugong, il se pourrait que la construction de la marina ait dĂ©truit les sites oĂč se nourrissaient les lamantins.

12
SAINT-MARTIN
Rédaction et interview : Marion Durand

Depuis dĂ©but 2022, « une forte mortalitĂ© des oursins diadĂšmes est observĂ©e sur la cĂŽte ouest de l’üle, mais aussi dans toute la mer des CaraĂŻbes », informe l’ATE de Saint-BarthĂ©lemy.

SAINTBARTHÉLEMY REDONNER VIE AUX OURSINS DIADÈMES

P our une rai S on encore M al dĂ©ter M inĂ©e , le S our S in S diadĂš M e S ont S ubi en 2022 une vĂ©ritable vague de M ortalitĂ© dan S toute la c araĂŻbe . À S aint - b arthĂ©le M y , l ’ a gence territoriale de l ’ environne M ent ( ate ) S ’ e S t P enchĂ©e S ur la que S tion P our tenter de relancer le cycle de vie de ce S Ă©chinoder M e S P ri M ordiaux P our le S Ă©co S y S tĂš M e S M arin S

Souvent malaimĂ©s en raison de leurs piquants particuliĂšrement vĂ©nĂ©neux, les oursins diadĂšmes des Antilles ( Diadema antillarum) sont pourtant Ă  la base de l’équilibre Ă©cologique des zones cĂŽtiĂšres. En effet, ces redoutables herbivores participent au bon Ă©tat de santĂ© des rĂ©cifs coralliens en les dĂ©barrassant des algues indĂ©sirables qui nuisent Ă  leur croissance.

Ainsi, dans les annĂ©es 1980, aprĂšs une terrible Ă©pizootie 1 qui a frappĂ© les oursins diadĂšmes du bassin caribĂ©en, 30 Ă  40 % des coraux ont subi une rapide dĂ©gradation liĂ©e Ă  l’envahissement algal. L’annĂ©e derniĂšre, les oursins ont Ă©tĂ© touchĂ©s par une seconde Ă©pizootie, probablement liĂ©e Ă  la dĂ©gradation des eaux marines, et les scientifiques ont cherchĂ© cette fois-ci Ă  rĂ©agir rapidement.

Ainsi, en partenariat avec l’ATE de Saint-BarthĂ©lemy, le docteur Elizabeth Duermit Moreau de l’UniversitĂ© de Floride, spĂ©cialiste de l’écologie des maladies chez les crustacĂ©s, est venue sur l’üle afin de tenter de comprendre l’origine, Ă©ventuellement gĂ©nĂ©tique, de la maladie.

Elle a ainsi rĂ©alisĂ© des prĂ©lĂšvements de liquide cƓlomique de 25 oursins diadĂšmes sur cinq sites diffĂ©rents, pour essayer de dĂ©terminer la ou les causes responsables des mortalitĂ©s massives chez cette espĂšce. En plus des Ă©chantillons, l’habitat immĂ©diat, les microorganismes prĂ©sents dans l’eau, de mĂȘme que la rugositĂ© du substrat et la densitĂ© des autres espĂšces d’oursins ont Ă©galement Ă©tĂ© analysĂ©s.

1 ÉpidĂ©mie qui frappe les animaux.

CAPTER DES LARVES D’OURSINS POUR REPEUPLER LES ZONES CÔTIÈRES

Dans un second temps, l’ATE a mis en place deux systĂšmes de capture de larves d’oursins sur la base d’un procĂ©dĂ© créé par Alwyn Hylkelma de la Van Hall Larenstein University of applied sciences de l’üle nĂ©erlandaise de Saba, dans le nord des Petites Antilles. L’objectif est de fournir aux larves d’oursins des supports de croissance afin, Ă  terme, de redynamiser ces populations en danger.

Les structures de captation des larves ont Ă©tĂ© conçues Ă  partir d’élĂ©ments biodĂ©gradables comme la palme de cocotier, la palme de latanier bala, ou encore Ă  partir d’une espĂšce invasive : la Belle mexicaine.

Toutes sont en expĂ©rimentation dans l’eau sous forme de balle ou de tressage. Ces Ă©lĂ©ments doivent fournir aux larves un moyen de se protĂ©ger de leurs prĂ©dateurs les plus connus comme le baliste royal, les casques, les labres et autres crabes marins.

La phase de test actuelle permettra de dĂ©terminer quelles sont les fibres vĂ©gĂ©tales les plus adaptĂ©es Ă  la croissance des larves d’oursins afin, par la suite, de mettre en Ɠuvre un programme de restauration plus large de ces Ă©chinodermes si prĂ©cieux pour l’équilibre des massifs coralliens.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 13
Rédaction : Mariane Aimar

À LA RENCONTRE DES ÉLUS D’INTERCO’ OUTRE-MER

e n ce dĂ©but d ’ annĂ©e 2023, nou S S o MM e S allĂ© S À la rencontre du P rĂ© S ident , de la viceP rĂ© S idente , du vice - P rĂ© S ident et du trĂ© S orier d ’ i nterco ’ o utre - M er . l ’ a SS ociation , créée en 2001, Ɠuvre P our de S territoire S dyna M ique S et S olidaire S en fĂ©dĂ©rant de trĂš S no M breu S e S interco MM unalitĂ© S de g uyane , M artinique , g uadelou P e , l a r Ă©union et M ayotte .

La Guadeloupe et la Martinique font face Ă  des difficultĂ©s d’indivision et ont une rĂ©flexion Ă  mener sur le type d’habitat Ă  mettre en place, compte tenu du vieillissement de la population. Mayotte se distingue par une dĂ©mographie galopante, sur seulement 374 km2, et donc un espace foncier rare et de plus en plus cher. Enfin, Ă  La RĂ©union, qui devrait atteindre le million d’habitants en 2044 d’aprĂšs l’Insee, nous aurons un double dĂ©fi Ă  relever : anticiper l’augmentation de la jeunesse et le vieillissement de la population.

INTERVIEW

‱ Quels seront en 2023, Monsieur le PrĂ©sident, les principaux dĂ©fis d’ Interco’ Outre-mer ?

- En prĂ©ambule, l’association Interco’ Outre-mer, dont je suis l’un des membres fondateurs, a Ă©tĂ© créée en 2001 pour que les pays d’outre-mer soient entendus par les pouvoirs publics au plus haut niveau et pour vĂ©hiculer le message que chaque territoire a ses spĂ©cificitĂ©s propres. Nous ne sommes pas « l’outre-mer ».

En 2023, Interco’ Outre-mer va beaucoup travailler sur l’enjeu foncier. Nous allons soumettre nos propositions aux diffĂ©rents ministĂšres notamment, pour faire prendre conscience que Mayotte, ce n’est pas La RĂ©union, que La RĂ©union ce n’est pas la Guyane, la Guadeloupe ou la Martinique. En Guyane, 95 % du foncier appartient Ă  l’État, c’est une particularitĂ© qui rend l’amĂ©nagement de ce territoire spĂ©cifique.

Cette annĂ©e encore, nous rappellerons que les pays d’outre-mer sont une chance pour la France. Ils abritent en effet 80 % de sa biodiversitĂ© et sont des sentinelles du dĂ©rĂšglement climatique, Ă  travers l’élĂ©vation du niveau de la mer, l’érosion des sols, les cyclones, les volcans... Nos territoires permettent Ă  la France d’ĂȘtre une immense puissance maritime, avec un trĂšs fort potentiel en termes d’économie bleue et notamment d’énergies renouvelables marines.

‱ Que vous inspire l’association de mots « transition Ă©nergĂ©tique et territoires » ?

Dans nos territoires, qui sont des « zones non interconnectĂ©es » (ZNI) au rĂ©seau Ă©lectrique mĂ©tropolitain, nous sollicitons une Ă©galitĂ© de traitement avec l’Hexagone. Par exemple, en outre-mer, l’obligation d’achat d’électricitĂ© photovoltaĂŻque – dont le tarif est fixĂ© par arrĂȘtĂ© pour soutenir la production d’énergies renouvelables – est plafonnĂ©e Ă  100 kWc. Nous attendons qu’un dĂ©cret Ă©lĂšve ce seuil Ă  500 kWc, comme c’est dĂ©jĂ  le cas en mĂ©tropole. Le projet de loi relatif Ă  l’accĂ©lĂ©ration de la production d’énergies renouvelables comporte des lacunes pour nos pays d’outre-mer. C’est pourquoi avec notre fĂ©dĂ©ration nationale, et les syndicats d’électricitĂ© de la Guadeloupe, la Martinique et La RĂ©union, nous avons fait 10 propositions concrĂštes (consultables ICI, ndlr) d’application immĂ©diate, coconstruites et consensuelles, pour accompagner dans nos territoires une transition Ă©nergĂ©tique crĂ©atrice de richesses et d’emplois durables.

grandeur Nature OUTRE-MER 14 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Photo : © Stéphanie Castre

LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, VICE-PRÉSIDENTE D’INTERCO’ OUTRE-MER

Que vous inspire l’association de mots « intercommunalitĂ© et environnement » ?

« Plus que jamais, l’intercommunalitĂ© ne peut travailler sans tenir compte de l’environnement. Je parle ici de l’environnement sur tous les plans : celui de la biodiversitĂ© bien sĂ»r, que nous devons prĂ©server, mais Ă©galement celui de la santĂ©, du social, de l’économie. L’environnement est ainsi l’un des piliers de notre engagement. Par ailleurs, nous ne pouvons aborder les questions environnementales sans Ă©voquer le foncier, qui est une thĂ©matique trĂšs spĂ©cifique Ă  nos dĂ©partements d’outre-mer, oĂč la pression et les enjeux sont accentuĂ©s de maniĂšre significative. Cela nĂ©cessite une vision partagĂ©e, active et rĂ©solument constructive. C’est lĂ  aussi, un de nos engagements Ă  Interco’ Outre-mer. Mais vous savez, rien de bien ne peut se faire sans une parcelle d’amour pour son pays. Bonne annĂ©e 2023 Ă  tous ! »

JOSEPH PÉRASTE, TRÉSORIER

D’INTERCO’

OUTRE-MER

Quel est le grand dĂ©fi des intercommunalitĂ©s d’outre-mer en matiĂšre d’environnement ?

« L’intercommunalitĂ© a-t-elle la possibilitĂ© d’agir ?

Il faudrait que les communes et les communautĂ©s d’agglomĂ©ration puissent se retrouver autour d’une table pour que ces discussions amĂšnent Ă  une synthĂšse. En pĂ©riode de Covid, nous avons fonctionnĂ© seulement par visioconfĂ©rences, et cela a Ă©tĂ© un frein Ă  l’aboutissement des discussions. Il conviendrait d’organiser un moment trimestriel de rencontre pour nous accorder sur l’essentiel et adopter une position commune qui soit ensuite remontĂ©e au gouvernement. Cela est difficile car nos problĂ©matiques locales diffĂšrent, mais je crois qu’il faut parvenir Ă  parler d’une seule et mĂȘme voix. Nous serons alors entendus. »

TÉMOIGNAGES

ELYASSIR MANROUFOU, VICE-PRÉSIDENT D’INTERCO’ OUTRE-MER

Que vous inspire l’association de mots « changement climatique et territoires » ?

«

Ça implique beaucoup de choses. En premier lieu, cela suppose de connaĂźtre dĂ©jĂ  son territoire et sa population. Quand on est issu d’un territoire comme Mayotte, cela demande forcĂ©ment qu’on intĂšgre le fait que le changement climatique crĂ©e de l’incomprĂ©hension au sein de la population, mĂȘme si c’est un fait rĂ©el et qu’il y a nĂ©cessitĂ© Ă  le prendre en compte.

En effet, notre population vit Ă  77% sous le seuil de pauvretĂ©, et 60% d’entre elle a moins de 20 ans. Nous devons donc construire des politiques publiques de proximitĂ© avec des outils qui accompagnent la population vers une acceptation d’abord du changement climatique, parce que mĂȘme si ce dernier a des impacts trĂšs forts sur nos vies, on se rend compte que pour la population, ce n’est pas la prioritĂ©.

Quand on demande Ă  la population de se projeter sur un projet Ă  long terme de lutte contre le changement climatique, on ressent de la frustration et de l’incomprĂ©hension chez les gens, car cela paraĂźt invisible. MĂȘme si on perçoit de plus en plus les impacts de ce phĂ©nomĂšne avec la montĂ©e des eaux, les embouteillages ou encore la dĂ©gradation de la qualitĂ© de l’air, dans le centre-ville de Mamoudzou par exemple oĂč l’air est de plus en plus irrespirable, la majoritĂ© des personnes ici ont d’abord des prĂ©occupations qui doivent combler les besoins quotidiens et primaires.

Ainsi tout l’enjeu que nous avons en tant qu’élus, c’est d’accompagner notre population Ă  adopter une posture rĂ©siliente face au changement climatique, sans ĂȘtre en confrontation avec le projet de dĂ©veloppement de Mayotte. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 15

MARTINIQUE

LANCEMENT DE LA DÉMARCHE D’ADAPTATION

AU

CHANGEMENT CLIMATIQUE DE LA BAIE DE FORT-DE-FRANCE

en nove Mbre 2021, le c onServatoire du littoral a lancĂ© une Ă©tude de faiSabilitĂ© d ’ une dĂ©Marche ProSPective en Martinique Sur le territoire de la baie de f ort - de - f rance , avec P our thĂ© M atique : l ’ adaPtation aux effetS du changeMent cliMatique a udrey P a S tel a Ă©tĂ© recrutĂ©e afin de S uivre le P rojet . l a M angrove e S t P lacĂ©e au cƓur de cette rĂ©flexion, coMPte tenu deS ServiceS Ă©coSyStĂ©MiqueS rendu S S ur le long ter M e

Le Conservatoire entend impulser cette dĂ©marche de territoire auprĂšs des partenaires institutionnels, tout en tissant de nouveaux liens avec des acteurs Ă©conomiques, associatifs ou de la sociĂ©tĂ© civile, pour la mise en Ɠuvre d’actions concrĂštes en termes d’amĂ©nagement futur du littoral notamment.

Cette dĂ©marche innovante bĂ©nĂ©ficie de l’accompagnement de l’Office de l’eau (ODE) Martinique.

Du fait de ses enjeux socioĂ©conomiques et Ă©cologiques et des dynamiques dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre, le territoire de la Baie de Fort-de-France en Martinique a Ă©tĂ© identifiĂ© comme pertinent pour la mise en place d’un tel projet. Il s’étend sur cinq communes, de Fort-deFrance aux Trois-Îlets. Il concentre plus de 40 % de la population de le Martinique, les principales infrastructures (port, aĂ©roport) et zones d’activitĂ© Ă©conomique. L’agriculture y est Ă©galement fortement prĂ©sente, mais la monoculture de la canne est menacĂ©e par la submersion et la salinisation des sols. Au sein de ce territoire, la mangrove de la Baie de GĂ©nipa, plus grande mangrove de Martinique, constitue un atout Ă©cologique majeur pour la mise en place de solutions fondĂ©es sur la nature face aux risques d’inondation

et de submersion marine. AffectĂ©e au Conservatoire du littoral depuis 2015, elle fait l’objet d’un projet de classement en rĂ©serve naturelle rĂ©gionale.

Dans l’optique de construire une vision partagĂ©e du territoire et d’impliquer tous les acteurs dans l’action, la phase de faisabilitĂ© devait proposer une mĂ©thodologie globale qui s’appuie sur des mĂ©thodes d’animation et de concertation adaptĂ©es au contexte local et aux objectifs spĂ©cifiques du projet.

grandeur Nature OUTRE-MER 16
Rédaction : Marie-MichÚle Moreau et Audrey Pastel Baie de Fort-de-France. © Pierre Le Den et Yoann Bit-Monnot

TÉMOIGNAGE

AUDREY PASTEL, CHARGÉE DE PROJET « ADAPTATION

AU

CHANGEMENT CLIMATIQUE » AU CONSERVATOIRE DU LITTORAL

« Quelques actions sont dĂ©jĂ  envisagĂ©es pour les cinq prochaines annĂ©es. Tout d’abord, il s’agira de rĂ©aliser une modĂ©lisation climatique, c’est-Ă -dire un modĂšle

qui prĂ©cisera les impacts possibles des phĂ©nomĂšnes de submersions marines sur la Baie de GĂ©nipa selon diffĂ©rents scĂ©narios d’augmentation du niveau de la mer, en intĂ©grant le paramĂštre de la mangrove –jusque-lĂ  non pris en compte – en partenariat avec le BRGM. Une analyse paysagĂšre, historique et prospective des paysages est Ă©galement prĂ©vue afin de stimuler l’imaginaire collectif. Notre projet pourrait par ailleurs donner lieu Ă  des rĂ©sidences d’artistes sur l’évolution du paysage littoral passĂ©, prĂ©sent et futur, Ă  partir de donnĂ©es scientifiques et en mobilisant divers modes d’expression artistiques. Ce volet tournĂ© vers les arts intĂ©grera aussi la perception sociale de la mangrove par les habitants d’un quartier situĂ© dans cet Ă©cosystĂšme, ainsi que des rĂ©flexions dans une approche linguistique : rĂ©cit, conte en crĂ©ole... Un volet pĂ©dagogique est lui aussi envisagĂ©, pour sensibiliser le public scolaire et les adultes Ă  l’adaptation au changement climatique. Et enfin, dans une approche prospective, des Ă©tudes sectorielles pourraient voir le jour sur des thĂ©matiques Ă  approfondir, comme le devenir de l’agriculture en Martinique... ».

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 17
Photographies ci-dessus et de la page précédente : la mangrove de la Baie de Génipa. © Frédéric Larrey | Conservatoire du littoral

LA PART IMPORTANTE DE LA PÊCHE RÉCRÉATIVE EN MER AUX ANTILLES

amĂ©liorer les premiers diagnostics sur les ressources dĂ©mersales, Ă©mis en 2019 et 2020, et qui constituent une des prioritĂ©s de la dĂ©lĂ©gation Ifremer Antilles. De plus, la question de l’extension Ă  l’outre-mer français du recueil d’informations sur la pĂȘche rĂ©crĂ©ative en mer – obligatoire sur certaines espĂšces dans l’Hexagone –se pose actuellement. La prĂ©sente Ă©tude permettra de participer Ă  la rĂ©flexion nationale inhĂ©rente Ă  la mise en Ɠuvre d’un dispositif de collecte de donnĂ©es pĂ©renne dans les territoires ultramarins.

le Projet recreafiSh a Ă©tĂ© lancĂ© À l ’ autoMne 2020 (voir iCi notre article oMgn d ’ avril 2021) Pour collecter deS donnĂ©eS Sur la PĂȘche de loiSir en Mer, Pratique MĂ©connue À l’échelle de la Martinique, la guadelouPe, Saint-Martin et Saint-barthĂ©leMy.

Ce projet a permis d’établir un Ă©tat des lieux prĂ©cis de la pĂȘche rĂ©crĂ©ative, d’estimer le nombre de pĂȘcheurs rĂ©sidents sur chaque Ăźle, de caractĂ©riser leurs pratiques et de dĂ©terminer les prises capturĂ©es, conservĂ©es ou rejetĂ©es. Il avait aussi l’objectif de quantifier l’impact Ă©conomique de l’activitĂ© et d’évaluer son importance pour la vie des territoires concernĂ©s. Les travaux s’intĂ©ressaient Ă©galement Ă  l’opinion des usagers sur l’environnement marin et la rĂ©glementation en vigueur.

La pĂȘche rĂ©crĂ©ative gĂ©nĂšre bien des retombĂ©es Ă©conomiques importantes et exerce des prĂ©lĂšvements significatifs sur la ressource, confirmant la nĂ©cessitĂ© de sa prise en considĂ©ration au niveau des socio-Ă©cosystĂšmes concernĂ©s. La connaissance des captures est un volet indispensable Ă  l’instauration d’une gestion Ă©cosystĂ©mique des pĂȘches aux Antilles. Ces informations seront prochainement prises en considĂ©ration pour

L’Ifremer souhaite remercier les partenaires financiers (OFB, PrĂ©fecture de Guadeloupe, ODE Martinique) et techniques (RĂ©serve nationale naturelle de Saint-Martin et Agence territoriale de l’environnement de SaintBarthĂ©lemy) ayant rendu possible la rĂ©alisation de ce projet, qui apporte des avancĂ©es significatives sur les connaissances de l’activitĂ© pĂȘche rĂ©crĂ©ative en mer.

Nos plus vifs remerciements s’adressent aux personnes interrogĂ©es au cours de l’enquĂȘte de cadrage, ainsi qu’aux panĂ©listes ayant acceptĂ© de renseigner durant une annĂ©e complĂšte les informations liĂ©es Ă  leurs parties de pĂȘche. Ils ont su retranscrire fidĂšlement leurs sorties et accorder un temps prĂ©cieux Ă  la mensuration des prises capturĂ©es. Ce projet n’aurait pu aboutir sans la participation active des pĂȘcheurs volontaires et les rĂ©sultats de cette Ă©tude sont avant tout le fruit de leur investissement personnel.

Les rĂ©sultats de l’étude, qui s’est achevĂ©e en octobre 2022, sont disponibles sur la page dĂ©diĂ©e du site de la DĂ©lĂ©gation Ifremer des Antilles : https://antilles.ifremer.fr/Activites-projets/Halieutique/RECREAFISH

Télécharger le document de la restitution finale et des prospectives de Recreafish : https://archimer. ifremer.fr/doc/00804/91574/

Contact : JérÎme Baudrier, Unité « Biodiversité et Environnement »Délégation Ifremer Antilles | jerome.baudrier@ifremer.fr

grandeur Nature OUTRE-MER 18 PUBLI-COMMUNIQUÉ

INTERVIEW

JÉRÔME BAUDRIER, HALIEUTE IFREMER EN MARTINIQUE

‱ Quelle est votre fonction, votre parcours, et quels sont les sujets scientifiques que vous abordez ?

- Je suis en charge des activitĂ©s halieutiques Ă  la DĂ©lĂ©gation Ifremer des Antilles basĂ©e en Martinique. J’y suis arrivĂ© en mars 2020 aprĂšs avoir Ă©tĂ© retenu sur une mobilitĂ© interne car j’assurais jusqu’à mon dĂ©part la coordination nationale de la surveillance halieutique au titre de la DCSMM Ă  Nantes. Ce poste m’a permis d’obtenir un emploi pĂ©renne au sein de l’institut en 2014. Avant cela, j’avais eu la chance de travailler pour des partenaires trĂšs variĂ©s (scientifiques, professionnels, administratifs, ONG, associatifs) et souvent Ă  l’étranger (Afrique, Europe du Sud) ou en outre-mer (Guyane, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon).

Les sujets scientifiques que je porte actuellement sont centrĂ©s sur l’évaluation des ressources qui se heurte Ă  l’extrĂȘme complexitĂ© d’une pĂȘcherie trĂšs plurispĂ©cifique et multi-mĂ©tiers ainsi qu’à la pauvretĂ© des donnĂ©es collectĂ©es. Pour combler certaines lacunes, nous avons notamment dĂ©ployĂ© les projets Recreafish et Accobiom. Ces travaux ont permis d’acquĂ©rir de nombreuses informations stratĂ©giques, respectivement sur la pĂȘche de loisir en mer et sur les paramĂštres biologiques des espĂšces benthodĂ©mersales exploitĂ©es aux Antilles.

‱ Qu’est-ce qui est passionnant dans les recherches que vous menez ?

- Par le passĂ©, la recherche scientifique en outremer a longtemps souffert d’un manque patent de moyens. Les sujets Ă  explorer, notamment en lien avec la biodiversitĂ© marine et sa prĂ©servation, sont donc vastes et passionnants. Recreafish en est une illustration concrĂšte : malgrĂ© l’importance du nombre de pratiquants, des captures et des dĂ©penses gĂ©nĂ©rĂ©es pour les Ăźles antillaises, l’activitĂ© Ă©tait restĂ©e mĂ©connue jusqu’à prĂ©sent.

Aujourd’hui, nous assistons Ă  un regain d’intĂ©rĂȘt pour nos rĂ©gions et cela entraĂźne une dynamique scientifique forte, partagĂ©e avec de nombreux partenaires, qu’ils soient basĂ©s dans la rĂ©gion CaraĂŻbe, au sein de l’Hexagone ou dans les autres RUPs.

À titre d’exemple, nous sommes actuellement en train de pĂ©renniser un groupe de travail d’experts pour l’évaluation rĂ©currente et annuelle de l’état des stocks Ă  donnĂ©es limitĂ©es exploitĂ©es par les pĂȘcheries artisanales dans les outre-mer intertropicaux. Les Ă©changes sont trĂšs riches ! En parallĂšle, nous devons maintenir une collecte en routine de donnĂ©es sur la pĂȘche professionnelle via le SystĂšme d’informations halieutiques (SIH), qui nĂ©cessite de dĂ©velopper de nouveaux outils : guides de dĂ©termination des espĂšces et rĂ©fĂ©rentiels, utilisation de l’imagerie camĂ©ra pour la reconnaissance automatique des poissons, etc. Les perspectives sont nombreuses et prometteuses pour notre travail au quotidien.

‱ Comment vous projetez-vous dans les annĂ©es Ă  venir ?

- À l’Ifremer, les mobilitĂ©s en outre-mer sont proposĂ©es sur une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e (deux ans, renouvelables deux fois). Il faudra donc me prĂ©parer un jour Ă  rentrer dans l’Hexagone ! Mais pour le moment, je me plais Ă©normĂ©ment sur ce poste et dans cette rĂ©gion, c’est pourquoi je souhaiterais poursuivre le plus longtemps possible mes activitĂ©s ici en maintenant notre effort sur l’évaluation des ressources halieutiques locales. Ces travaux sont des prĂ©alables indispensables pour le calcul des indicateurs permettant d’évaluer la soutenabilitĂ© des flottilles par rapport aux ressources, et d’ajuster les capacitĂ©s de capture au potentiel biologique des stocks.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 19

CARIBSAN : UNE SOLUTION ÉCOLOGIQUE POUR TRAITER LES EAUX USÉES DANS LA CARAÏBE

P ilotĂ© Par l ’ o ffice de l ’ eau M artinique ( ode ), carib S an e S t un P rojet de coo P Ă©ration caraĂŻbĂ©enne i nterreg M i S en Ɠuvre Par l ’ o ffice international de l ’ eau ( oi eau ) et l ’ inrae S on objectif e S t de valori S er dan S la c araĂŻbe le S filtre S P lantĂ© S de vĂ©gĂ©taux ( f P v ) co MM e technique de traite M ent de S eaux u S Ă©e S , ada P tĂ©e au contexte tro P ical .

CARIBSAN regroupe les acteurs de l’assainissement de Sainte-Lucie, la Dominique, Cuba, la Guadeloupe et la Martinique. Ce projet ODE initiĂ© en septembre 2021 s’efforce de rĂ©pondre Ă  un constat fort : la majoritĂ© de la population caribĂ©enne vit sur les zones cĂŽtiĂšres, aux abords d’écosystĂšmes sensibles, oĂč les infrastructures d’assainissement sont souvent insuffisantes. L’assainissement est la premiĂšre source de dĂ©gradation du littoral des Ăźles caribĂ©ennes.

FORUM CARIBSAN : premiĂšre rencontre technique en Martinique des acteurs de l’assainissement engagĂ©s pour un traitement Ă©cologique de l’assainissement

LE PROJET CARIBSAN, en bref...

5 Ăźles de la CaraĂŻbe, 7 acteurs, plus de 30 ingĂ©nieurs mobilisĂ©s, 4 financeurs (Europe, Agence française de dĂ©veloppement, Offices de l’eau Martinique et Guadeloupe), 18 mois de programmation, 4 composantes
 UNE COOPÉRATION, DES ENJEUX, UN PARTAGE.

Photo ci-dessus : station Ă  filtres plantĂ©s mise en place par l’usine Denel. Cette usine martiniquaise créée en 1908 au Gros-Morne produit des jus de fruits et confitures sur un site de 30 hectares exploitĂ© en agriculture biologique.

Du 5 au 9 dĂ©cembre 2022 s’est tenu Ă  la Martinique le 1er Forum CARIBSAN : l’équipe technique CARIBSAN composĂ©e d’une trentaine d’ingĂ©nieurs et experts en assainissement de Cuba, la Dominique, la Guadeloupe, la Martinique et de Sainte Lucie s’est rĂ©unie en ateliers techniques. Objectif : prĂ©parer la construction des futures stations d’épuration Ă  filtres plantĂ©s de vĂ©gĂ©taux programmĂ©es, faire un point sur les Ă©tudes prĂ©alables en cours, partager les retours et perspectives pour chaque site, y compris l’acceptabilitĂ© sociale, la sensibilisation, l’impact sur les milieux aquatiques, la communication
 Enfin, configurer la suite de la coopĂ©ration (CARIBSAN II). Les visites de terrain, les Ă©changes entre experts (botanistes, ingĂ©nieurs
) et une formation en communication ont permis de poursuivre la belle dynamique du projet. Les partenaires montrent une forte adhĂ©sion techniquement et humainement. Le vif intĂ©rĂȘt pour coopĂ©rer entre voisins caribĂ©ens est aussi le socle du succĂšs de CARIBSAN.

grandeur Nature OUTRE-MER 20 PUBLI-COMMUNIQUÉ

Ci-dessus : les ingĂ©nieurs et les experts rĂ©unis pour le 1er Forum CARIBSAN en dĂ©cembre 2022.| À droite : Lucien Saliber, prĂ©sident de l’ODE Martinique Ă  La Havane en mai dernier.

LES TEMPS FORTS DE CARIBSAN EN 2022

Plusieurs missions se sont dĂ©roulĂ©es Ă  Sainte-Lucie, Ă  la Dominique et Ă  Cuba durant l’annĂ©e. Ces rencontres entre les signataires du projet ont favorisĂ© le dialogue et consolidĂ© la coopĂ©ration. Des actions opĂ©rationnelles ont Ă©tĂ© engagĂ©es : Ă©tudes techniques prĂ©alables aux travaux, mise en Ɠuvre des plans de communication et de sensibilisation, plans de formation. Le projet favorise de riches Ă©changes entre les ingĂ©nieurs caribĂ©ens dans le domaine de l’eau et de l’assainissement.

LES OBJECTIFS D’ICI 2024 : construction, formation, sensibilisation

Les projets sont nombreux pour les mois Ă  venir et les Ă©quipes sont au travail pour les mener Ă  bien : construire des stations d’épuration FPV dans les pays partenaires, dĂ©ployer un programme de formation autour de l’assainissement en trois langues, coopĂ©rer entre acteurs caribĂ©ens de l’assainissement – Ă©changes d’expĂ©rience, partage des connaissances
 – et enfin sensibiliser et communiquer sur cette solution fondĂ©e sur la nature.

CARIBSAN : un rĂ©seau d’acteurs investis

Les services assainissement de chaque pays partenaire (INRH, DOWASO, WASCO) se mobilisent pleinement dans la mise en Ɠuvre du projet (Ă©tudes, formation, communication, travaux scientifiques
) : l’INRAE en tant qu’expert de la technologie joue un rĂŽle clĂ© par sa connaissance de la technologie et la CAWASA, en tant qu’association caribĂ©enne des acteurs de l’eau, est le facilitateur dans les Ă©changes et la mise en rĂ©seau.

Lucien Saliber, prĂ©sident de l’ODE Martinique, s’est exprimĂ© Ă  la Havane, le 20 mai 2022, lors de la signature des protocoles de coopĂ©ration CARIBSAN :

« N’oublions pas qu’en ces temps de changement climatique, la problĂ©matique de l’eau sera notre premiĂšre prĂ©occupation dans nos Ăźles caribĂ©ennes. Dans la difficultĂ©, c’est naturellement que nous nous tournons vers nos voisins ! CoopĂ©rer est une nĂ©cessitĂ© absolue ! »

CARIBSAN est sur Facebook : abonnez-vous ! https://www.facebook.com/CARIBSAN/

Visitez le site internet CARIBSAN (disponible dans les trois langues du projet) : www.caribsan.eu

Le projet CARIBSAN est cofinancĂ© par le programme INTERREG CaraĂŻbes au titre du Fonds europĂ©en de dĂ©veloppement rĂ©gional (FEDER), par l’Agence française de dĂ©veloppement (AFD) ainsi que par les Offices de l’eau Martinique et Guadeloupe.

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Ci-dessus : visite sur le terrain au cours du 1er Forum CARIBSAN.

GUADELOUPE

LES « RENCONTRES CHLORDÉCONE » PARTAGENT ET DIFFUSENT LES CONNAISSANCES

d an S le cadre du P lan c hlordécone iv, le S « r encontre S chlordécone 2022 » ont été organiSéeS en g uadelouPe du 12 au 16 déce Mbre autour du thÚMe « connaßtre Pour agir ». e ntre colloque S cientifique et rencontre S avec différent S P ublic S , la S e M aine a été riche en Partage de S avoir S et connai SS ance S

Le chlordĂ©cone est un pesticide particuliĂšrement persistant qui a Ă©tĂ© utilisĂ© dans les bananeraies des Antilles françaises entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Substance toxique pour l’ĂȘtre humain – perturbateur endocrinien qui augmente notamment les risques de cancer de la prostate – le chlordĂ©cone a contaminĂ© durablement les sols, les riviĂšres, le milieu marin, et l’ensemble des Ă©cosystĂšmes de Guadeloupe et de Martinique.

Le quatriĂšme plan de lutte contre la pollution par le chlordĂ©cone, d’un budget de 92 millions d’euros, a Ă©tĂ© mis en place pour la pĂ©riode 2021-2027. Il vise Ă  « renforcer les connaissances [
] en vue de protĂ©ger la santĂ© et l’environnement ». Si les impacts sur la santĂ© et l’exposition des populations sont des sujets Ă©tudiĂ©s depuis de nombreuses annĂ©es, les impacts sur les milieux restent Ă  approfondir.

Pour Guido Rychen, directeur de l’École nationale supĂ©rieure d’agronomie et des industries alimentaires et prĂ©sident du ComitĂ© de pilotage scientifique national chlordĂ©cone (CPSN), « l’impact du chlordĂ©cone sur la biodiversitĂ© est particuliĂšrement difficile Ă  Ă©valuer, notamment sur le milieu aquatique, en raison de la diffusion du pesticide et de l’impermanence des milieux. » Dans le cadre des Rencontres chlordĂ©cone 2022, un colloque organisĂ© par le CPSN et la Coordination locale de la recherche sur la chlordĂ©cone aux Antilles (CloReCA) a permis de faire le point sur l’avancĂ©e des connaissances, et d’échanger sur les perspectives scientifiques et leurs applications sur le terrain, en intĂ©grant les sciences humaines et sociales et en encourageant les croisements disciplinaires. Des rencontres avec les professionnels de santĂ©, du secteur agricole, avec la communautĂ© scolaire ou le grand public ont aussi Ă©tĂ© organisĂ©es.

Ci-dessus : visite d’une bananeraie. © ZDC | Parmi les actions menĂ©es dans le cadre du plan ChlordĂ©cone IV, nous pouvons citer : - la reconnaissance en tant que maladie professionnelle du cancer de la prostate liĂ© Ă  l’exposition aux pesticides ; - la mise en place d’un test gratuit pour tous en Guadeloupe et en Martinique, pour Ă©valuer la concentration du taux de chlordĂ©cone dans le sang. Sachant que cette concentration peut ĂȘtre divisĂ©e par deux en ne consommant plus d’aliment contaminĂ© pendant six mois.

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Le colloque scientifique « Connaßtre pour agir ». © Lucie Labbouz

INTERVIEW

JESSICA OUBLIÉ, AUTRICE DE TROPIQUES TOXIQUES, ROMAN GRAPHIQUE DOCUMENTAIRE SUR LE CHLORDÉCONE

‱ Comment vous ĂȘtes-vous intĂ©ressĂ©e au sujet de la pollution par le chlordĂ©cone aux Antilles ?

- J’ai dĂ©couvert ce sujet dĂ©but 2018, en revenant m’installer en Guadeloupe, dans un contexte d’agitation mĂ©diatique qui a créé un vĂ©ritable Ă©moi pour la population. J’ai assistĂ© Ă  un premier colloque scientifique en septembre 2018. J’y ai rencontrĂ© la quasi-totalitĂ© des personnes que j’ai ensuite interviewĂ©es pour rĂ©aliser la bande dessinĂ©e Tropiques toxiques, publiĂ©e en 2020, aprĂšs plus de deux ans de recherches ! Je suis depuis lors restĂ©e mobilisĂ©e sur le sujet en mettant en place des projets de sensibilisation auprĂšs des collĂšges, et en produisant un jeu de sociĂ©tĂ© sur le chlordĂ©cone, qui sera distribuĂ© dans les collĂšges et lycĂ©es de Martinique.

‱ Que retiendrez-vous de ces « Rencontres chlordĂ©cone 2022 » ?

- Que la recherche se poursuit ! Un appel Ă  projets scientifique a sĂ©lectionnĂ© six laurĂ©ats 1 annoncĂ©s le 8 dĂ©cembre, qui travailleront sur la dĂ©pollution des sols, ou sur des sujets issus des sciences humaines et sociales. Ces recherches permettront de questionner les perspectives en termes de dĂ©pollution des sols et de comprendre comment la pollution est perçue et vĂ©cue par les populations, afin de mieux rĂ©pondre aux demandes de rĂ©paration. Enfin, ce colloque m’a offert l’opportunitĂ© de retrouver de nombreux chercheurs et chercheuses rencontrĂ©s pour l’écriture de Tropiques toxiques, ce sont toujours des moments riches sur les plans scientifique et humain !

‱ Quel est selon vous l’enjeu majeur pour la Guadeloupe de demain ?

- Lors de la derniĂšre consultation sur le plan ChlordĂ©cone, seulement moins de 1 % de la population en Ăąge de voter a donnĂ© son avis ! L’enjeu Ă  mon sens est de trouver comment contribuer Ă  rendre la nouvelle gĂ©nĂ©ration consciente des questions Ă©cologiques et environnementales. Avec le plan ChlordĂ©cone IV, c’est la premiĂšre fois que la question Ă©ducative fait son apparition, pour que le chlordĂ©cone apparaisse dans les enseignements formels, et ne soit plus un non-sujet Ă  l’école. C’est de cette maniĂšre que nous pourrons, citoyens, tirer des leçons de cette histoire afin de repenser la place de l’agriculture dans notre sociĂ©tĂ©.

Rédaction et interview : Lucie Labbouz

+ d’info ici : Lien pour lire Tropiques toxiques

Une dĂ©cision qui Ă©tait redoutĂ©e en Martinique et en Guadeloupe : le 2 janvier 2023, la justice a prononcĂ© un non-lieu dĂ©finitif dans le dossier pĂ©nal du chlordĂ©cone, aprĂšs 16 annĂ©es de procĂ©dures. Les juges ont reconnu « un scandale sanitaire » mais n’ont pu « rapporter la preuve pĂ©nale des faits dĂ©noncĂ©s » et ont Ă©voquĂ© l’insuffisance, Ă  l’époque, de « l’état des connaissances techniques ou scientifiques ».

+ d’info ici : CommuniquĂ© du Gouvernement

1 L’Agence nationale de la recherche a lancĂ© pour la premiĂšre fois un appel Ă  projets spĂ©cifique au chlordĂ©cone.

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Extrait

de la bande dessinée Tropiques toxiques de Jessica Oublié.

GUYANE

GUYANE : UN CONSERVATOIRE D’ESPÈCES MÉDICINALES

INTERVIEW

MARC-ALEXANDRE TAREAU, ETHNOBOTANISTE

‱ En quoi consiste le mĂ©tier d’ethnobotaniste ?

- En Guyane, nous ne sommes pas plus de six ethnobotanistes. Le mĂ©tier d’ethnobotaniste est Ă  la conjonction entre les mĂ©tiers de botaniste et ethnologue. Sur le terrain, l’ethnobotaniste mĂšne d’une part des enquĂȘtes, des entretiens, des observations participantes et d’autre part, il rĂ©alise des collections d’herbier pour pouvoir identifier les plantes.

les vĂ©gĂ©taux et leurs divers usages : mĂ©dicinaux, artisanaux, alimentaires, rituels. Les recherches portent Ă©galement sur les modes de classification et de gestion de l’environnement vĂ©gĂ©tal, ou encore sur les critĂšres de sĂ©lection des plantes.

‱ Quelle est la dĂ©finition d’un jardin crĂ©ole ?

- Il s’agit de cultiver de façon harmonieuse un maximum d’espĂšces, mĂ©dicinales, alimentaires, sur une petite parcelle de terrain dans le cadre d’une agriculture familiale. Les espĂšces vont s’allier entre elles et agir les unes sur les autres pour lutter contre les insectes et autres pathogĂšnes. On va y trouver des bananiers, du curcuma, des piments, des papayers, des ignames, des aromatiques, des plantes mĂ©dicinales, etc. Le jardin crĂ©ole est basĂ© sur des techniques de cultures anciennes non mĂ©canisĂ©es. C’est un modĂšle de culture agroĂ©cologique, respectueux de l’environnement qui n’utilise en principe pas d’intrants chimiques. La stratification vĂ©gĂ©tale protĂšge les plantes basses du soleil ou de la pluie. Par exemple, sous les bananiers et papayers, on va planter des dachines (taro) et buttes d’ignames, et Ă  leurs pieds des herbacĂ©es mĂ©dicinales. C’est un jardin multifonctionnel !

‱

Quelques plantes magiques à nous citer pour leurs usages médicinaux ?

- Le douvan douvan2 est une plante reconnue par la PharmacopĂ©e française. Il est utilisĂ© en tisane pour faire diminuer le taux de cholestĂ©rol. Les tronçons de liane d’ail 3 sont utilisĂ©s par les Bushinenge pour en faire des toniques amers qui aident Ă  la digestion. 1

Par ailleurs, il s’intĂ©resse aux modes d’interrelations entre des sociĂ©tĂ©s et leur environnement vĂ©gĂ©tal, en collectant des savoirs et pratiques ethnologiques sur

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Ă© tudier , ob S erver , dĂ©crire la relation au vĂ©gĂ©tal au S ein de S S ociĂ©tĂ© S hu M aine S , telle e S t la MiSSion de Marc-alexandre tareau, ethnobotaniSte et anthroPologue de la SantĂ© À l’inSerM 1 , P rĂ© S ident de l ’ a SS ociation M Ă©li SS e r encontre Institut national de la santĂ© et de la recherche mĂ©dicale.| 2 Petiveria alliacea.| 3 Mansoa alliacea.

Photo de la page prĂ©cĂ©dente : prĂ©paration d’un bain vĂ©gĂ©tal Ă  visĂ©e mĂ©dico-magique par un tradipraticien saamaka. | Ci-dessus : une femme bushinenge en chemin vers son abattis, Ă  Mana, dans le nord-ouest de la Guyane. © Karl Joseph

Les femmes font des bains de vapeur d’écorces de manguier, d’avocatier, de courbaril pour faciliter le retour de couches. Le kwachi serait trĂšs efficace contre le paludisme. On trouve aussi des plantes dites magiques disposĂ©es autour des maisons pour chasser les mauvais esprits, comme la cordyline ou le tapis monseigneur.

‱ Les savoirs traditionnels se transmettent-ils Ă  la jeune gĂ©nĂ©ration ?

- En Guyane, la transmission demeure importante comparativement Ă  d’autres territoires. Il y a un niveau de connaissances autour des plantes mĂ©dicinales qui est assez fort. Mais l’occidentalisation des modes de vie, l’urbanisation, font qu’on note tout de mĂȘme une perte de savoir au sein de certaines communautĂ©s.

‱ Un Ă©vĂ©nement phare prĂ©vu en 2023 ?

- En collaboration avec le photographe Karl Joseph, un livre est en prĂ©paration. Une exposition itinĂ©rante est organisĂ©e Ă  Roura, sur le campus de l’UniversitĂ© de Cayenne, Ă  l’herbier de Cayenne et Ă  Stuttgart en Allemagne en fĂ©vrier. Elle traitera du rapport au vĂ©gĂ©tal chez les Afro-descendants autour de ces thĂ©matiques : cueillir, cultiver, se soigner, croire, faire. Pour cela, nous

avons menĂ© cinq missions photographiques sur tout le territoire. Plus de 7 000 photos ont Ă©tĂ© prises. Pour la premiĂšre fois en Guyane, l’association MĂ©lisse va porter en octobre, avec le soutien du ministĂšre de la Culture, les journĂ©es du Patrimoine culturel immatĂ©riel. Le workshop Ă©voquera la place des plantes dans la musique, l’artisanat... Des rencontres, confĂ©rences, visites, tables rondes seront organisĂ©es avec des acteurs des Antilles et de la mĂ©tropole. Il est important de ne pas abandonner ce riche patrimoine que constitue notre pharmacopĂ©e transmise depuis des gĂ©nĂ©rations et de passer le flambeau aux gĂ©nĂ©rations futures.

MÉLISSE (POUR ADHÉRER, TÉL. : 06 94 07 48 48)

L’association MĂ©lisse promeut, valorise et transmet les connaissances liĂ©es aux plantes mĂ©dicinales des diverses communautĂ©s culturelles guyanaises. Ses actions : - crĂ©ation de jardins de plantes mĂ©dicinales, pour des particuliers ou des collectivitĂ©s ; - confĂ©rences, formations, interventions en milieu scolaire, au sujet de la phytothĂ©rapie des communautĂ©s locales ; - rĂ©daction d’articles et d’ouvrages ethnobotaniques, Ă  vocation scientifique et de vulgarisation ; - Ă©change de plants, de semences et de conseils ; - mayouri (coups de main) dans le cadre de plantations ; - balades ethnobotaniques sur l’ensemble du territoire.

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Rédaction : Sandrine Chopot

LE CENTRE PANAKUH DES SAVOIRS DE LA

FORÊT,

À LA RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ GUYANAISE

au cƓur du Parc naturel rĂ©gional de guyane, danS la coMMune de Saint-georgeS de l’oyaPock SituĂ©e au nord-eSt du territoire, l ’ aSSociation Panakuh a créé un Ă©co-Site deStinĂ© À valoriSer leS Savoir-faire traditionnel S locaux : le c entre Panakuh deS SavoirS de la f orĂȘt u n Projet qui a bĂ©nĂ©ficiĂ© du Soutien financier de l ’ o ffice françai S de la biodiver S itĂ© ( ofb ).

Le « Centre Panakuh des Savoirs de la ForĂȘt » vise Ă  transmettre, promouvoir et valoriser les savoir-faire traditionnels amĂ©rindiens de Guyane, en particulier de la communautĂ© Paykweneh, appelĂ©e aussi Palikur. Le but du projet est Ă©galement de sensibiliser Ă  la prĂ©servation de la biodiversitĂ© exceptionnelle de l’est guyanais. ImplantĂ© sur une concession de l’ONF d’un hectare, le site s’étend jusqu’à la crique Gabaret en zone naturelle d’intĂ©rĂȘt faunistique et floristique (ZNIEFF). Il dispose d’un double accĂšs routier et fluvial permettant le dĂ©ploiement d’activitĂ©s « fleuve-forĂȘt ».

UNE AMBITION FÉDÉRATRICE

PortĂ© par Panakuh en partenariat avec l’association Nature Rights, le projet a pu se lancer grĂące Ă  l’appui de l’OFB Ă  travers la subvention obtenue dans le cadre de l’appel Ă  projets pour la ReconquĂȘte de la biodiversitĂ© dans les outre-mer en avril 2019. « Fort de cet accompagnement financier de l’OFB, le projet a gagnĂ© en crĂ©dibilitĂ© auprĂšs des acteurs institutionnels du territoire et des rĂ©alisations ont pu se concrĂ©tiser sur le terrain », indique Massiri AimĂ© Gueye, coordinateur du programme.

Le projet a reçu le soutien officiel du Parc naturel rĂ©gional de Guyane, du GRAINE Guyane, de la FĂ©dĂ©ration des organisations autochtones de Guyane (FOAG), de l’Organisation des nations autochtones de Guyane (ONAG) et du Grand conseil coutumier de Guyane. CĂŽtĂ© travaux, Panakuh a initiĂ© plusieurs chantiers solidaires avec l’association guyanaise Peupl’en Harmonie. Le dĂ©boisement, le nettoyage de la concession et la construction des bĂątis ont Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© de l’implication des jeunes du village amĂ©rindien d’EspĂ©rance lors de « Mayouris », qui sont des actions d’entraide agricole. Des membres du RĂ©seau des Savoirs de la ForĂȘt, dont Panakuh est membre fondateur, ont eux aussi participĂ© aux amĂ©nagements du site.

DES ACTIVITÉS CONCRÈTES POUR LES COMMUNAUTÉS LOCALES

Le Centre a ouvert ses portes en juillet 2021 pour accueillir les premiers groupes de volontaires, de stagiaires de la Maison familiale rurale de RĂ©gina et de l’EPLEFPA de Guyane (LycĂ©e agricole de Matiti) ainsi que des Ă©lĂšves des Ă©coles primaires de SaintGeorges de l’Oyapock. L’association a alors organisĂ© les premiers ateliers de transmission et des formations sur l’agroĂ©cologie.

Les activitĂ©s s’articulent autour de plusieurs carbets traditionnels, ces abris en bois sans mur typiques des cultures amĂ©rindiennes. Sont proposĂ©es aux Ă©coles et au grand public des ateliers d’initiation aux savoirs Paykweneh, ainsi que des sorties en forĂȘt de dĂ©couverte de la faune et la flore. Et grĂące Ă  la crĂ©ation d’une pĂ©piniĂšre forestiĂšre communautaire et Ă  l’amĂ©nagement du Centre selon des principes agroforestiers issus de pratiques traditionnelles, des projets d’agrotransformation pourront voir le jour. Cela inclut notamment la production d’huiles vĂ©gĂ©tales telles que l’huile de carapa ou encore la valorisation du manioc via la fabrication de couac – semoule de manioc – et autres produits dĂ©rivĂ©s.

Un site aménagé selon des savoirs respectueux de la nature.

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ENTRAIDE ET SOLIDARITÉ À LA SUITE D’UN INCENDIE CRIMINEL

Dans la nuit du 11 novembre 2022, le Centre Panakuh des Savoirs de la ForĂȘt a Ă©tĂ© victime d’un acte de vandalisme tristement destructeur : les carbets et le matĂ©riel ont Ă©tĂ© volontairement incendiĂ©s. Une enquĂȘte est en cours. Depuis, les actes de soutien et de solidaritĂ© se sont multipliĂ©s afin de remettre sur pied le site : les membres, les stagiaires et les volontaires de l’association Panakuh et les jeunes des communautĂ©s locales s’impliquent concrĂštement pour rĂ©parer les dĂ©gĂąts. Aujourd’hui, l’activitĂ© du Centre a repris avec la construction d’un Ă©co-bungalow accueillant un bureau et l’hĂ©bergement d’un gardien du site. Un premier carbet est en (re)construction et l’accueil des stagiaires de l’association, trĂšs motivĂ©s, se poursuit.

L’OFB apporte son soutien au Centre Panakuh et reste Ă  l’écoute de l’association pour l’accompagnement Ă©ventuel de futurs projets.

« Ce que l’on souhaite, c’est que l’association continue Ă  se dĂ©velopper. Nous sommes une rĂ©fĂ©rence dans notre domaine en Guyane, et souhaitons aussi le devenir Ă  l’échelle nationale et mĂȘme internationale (la coopĂ©ration transfrontaliĂšre avec le BrĂ©sil se met en place). La valorisation de notre patrimoine communautaire et la protection de nos ForĂȘts est un engagement qui se manifeste avec force Ă  travers notre action », tĂ©moigne Tania Leoncio Batista, cofondatrice et prĂ©sidente de l’association Panakuh.

Une cagnotte solidaire a été lancée par les associations Nature Rights et Panakuh : https://www. helloasso.com/associations/naturerights/collectes/ centre-des-savoirs-de-la-foret-panakuh

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 29
Chantier participatif de construction d’un carbet traditionnel avec des jeunes du village d’EspĂ©rance. Photographies : © Panakuh Le Centre valorisera les connaissances traditionnelles des communautĂ©s locales, vieilles de plusieurs millĂ©naires. L’essentielle transmission auprĂšs des plus jeunes.

ÎLE DE LA RÉUNION

DÉVELOPPEMENT DURABLE : LES ÉLÈVES RÉUNIONNAIS S’ENGAGENT

l ’ Ă©vĂ©ne M ent « a M bition P lanĂšte - le S jeune S S ’ engagent » a rĂ©uni , le 10 nove M bre dernier , P rĂš S de 3 000 Ă©co - dĂ©lĂ©guĂ© S de S collĂšge S et lycĂ©e S de l ’ a cadĂ© M ie de l a r Ă©union u ne M anife S tation d ’ une a MP leur inĂ©dite qui a P er M i S aux Ă©lĂšve S de S e rencontrer et de Partager leur S P rojet S en faveur du dĂ©velo PP e M ent durable

INTERVIEW

FABRICE SORBA, INSPECTEUR D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE ET RÉFÉRENT ÉDUCATION AU DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ACADÉMIE DE LA RÉUNION

‱ L’évĂ©nement « Ambition planĂšte - les jeunes s’engagent » a eu lieu rĂ©cemment. De quoi s’agit-il ?

- Cette manifestation a Ă©tĂ© organisĂ©e Ă  l’initiative du CrĂ©dit Agricole de la RĂ©union qui souhaitait proposer une action forte en faveur du dĂ©veloppement durable Ă  destination de la jeunesse.

Durant une journĂ©e, nous avons rĂ©uni les 3 000 Ă©co-dĂ©lĂ©guĂ©s de La RĂ©union (dans chaque classe du collĂšge au lycĂ©e, un Ă©lĂšve est Ă©lu pour participer Ă  la mise en Ɠuvre du dĂ©veloppement durable dans son Ă©tablissement, ndlr). Ainsi, 99 Ă©tablissements du second degrĂ© sur les 135 que compte l’üle ont participĂ© Ă  cet Ă©vĂ©nement dont l’objectif Ă©tait de mettre en valeur les actions portĂ©es dans les Ă©coles en faveur de l’environnement et du dĂ©veloppement durable.

‱ Cet Ă©vĂ©nement a Ă©tĂ© organisĂ© par le CrĂ©dit Agricole, l’AcadĂ©mie de La RĂ©union et Nordev. Quel est l’intĂ©rĂȘt de ce partenariat d’acteurs publics / privĂ©s ?

grandeur Nature OUTRE-MER 30
Sur ce stand, les Ă©lĂšves ont prĂ©sentĂ© leur projet pĂ©dagogique d’aire terrestre Ă©ducative, ainsi que les espĂšces emblĂ©matiques locales. Le passage de la rectrice de La RĂ©union, Chantal ManĂšs-Bonnisseau.

- De maniĂšre trĂšs pragmatique, l’AcadĂ©mie seule n’aurait pas pu organiser un Ă©vĂ©nement d’une telle ampleur. Nous avons les ressources humaines mais sur le plan financier, ce n’est pas toujours facile. Aussi, crĂ©er ce partenariat est une maniĂšre de montrer que le dĂ©veloppement durable ne peut fonctionner que si nous travaillons tous ensemble. Nous apportons le volet Ă©ducatif mais si on veut atteindre les objectifs de 2030, il est impĂ©ratif de rĂ©flĂ©chir collectivement.

‱ Les jeunes sont-ils plus attentifs Ă  l’environnement que leurs aĂźnĂ©s ?

- Depuis les marches pour le climat, il y a eu une prise de conscience forte de la part de la jeunesse. Il ne faut pas se leurrer, tous les jeunes ne sont pas conscients ou pleinement attentifs au développement durable.

Mais il y a un enthousiasme trĂšs fort, l’enjeu est de canaliser cette envie de changement et de la traduire par des actions fortes. L’éducation au dĂ©veloppement durable donne l’opportunitĂ© aux Ă©lĂšves de mettre en Ɠuvre concrĂštement un engagement ou une action en faveur de la sociĂ©tĂ©. On doit aussi leur apprendre Ă  agir selon les possibilitĂ©s et les contraintes. MĂȘme si on ne fait pas de politique Ă  l’école, on pointe aussi les limites auxquelles nous sommes confrontĂ©s lorsqu’on veut mettre en place des projets.

TÉMOIGNAGE

LÉA CASTETS, ÉCO-DÉLÉGUÉE AU LYCÉE ÉVARISTE DE PARNY À ST-PAUL

« Je suis Ă©co-dĂ©lĂ©guĂ©e depuis le dĂ©but de ma scolaritĂ©. J’ai commencĂ© en sixiĂšme aprĂšs un atelier de jardinage oĂč j’ai dĂ©couvert les valeurs du dĂ©veloppement durable. Je me suis ensuite portĂ©e volontaire chaque annĂ©e en tant qu’éco-dĂ©lĂ©guĂ©e pour ĂȘtre la porte-parole de ma classe.

C’est un travail de communication, par exemple, cette annĂ©e, nous avons mis en place un systĂšme de tri des dĂ©chets dans la cour. Pour que ça fonctionne, nous sommes intervenus dans chaque classe pour sensibiliser les Ă©lĂšves et leur rĂ©apprendre le tri grĂące Ă  un quiz que nous avons créé.

Je suis en classe de premiĂšre et j’ai dĂ©veloppĂ© une certaine passion pour l’environnement, ĂȘtre Ă©codĂ©lĂ©guĂ©e me permet de la partager et de l’approfondir. Je le fais sur mon temps libre, les rĂ©unions sont organisĂ©es sur nos temps de pause. Le dĂ©veloppement durable va construire notre avenir, il est important de partager ses valeurs Ă  tout le monde, mĂȘme si pour moi, c’est une Ă©vidence. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 31
Ce stand du collÚge Jean Le Toullec était dédié à la vente et au troc de jeunes plants et à la mise en avant du compostage. Rédaction et interview : Marion Durand

+ d’info ici : www.cirad.fr

LES

SOLS DES AGROÉCOSYSTÈMES RÉUNIONNAIS À LA LOUPE

À l a r Ă©union , le laboratoire d ’ analy S e S agrono M ique S du c irad P lanche S ur la valori S ation de S rĂ© S idu S organique S P our la fertili S ation de S agro S y S tĂš M e S , afin de li M iter le recour S aux engrai S de S ynthĂš S e i MP ortĂ© S et de P ro M ouvoir une ge S tion P lu S durable de S S ol S

Porter l’ambition d’une agriculture plus locale suppose Ă  la fois de rĂ©duire la dĂ©pendance aux importations, de miser sur l’économie circulaire et de prĂ©server le foncier dĂ©diĂ© ainsi que la qualitĂ© des sols.

Rencontre avec deux chercheurs de ce laboratoire, Ɠuvrant au quotidien en faveur de la transition agroĂ©cologique.

par an, dans l’optique d’étudier les phĂ©nomĂšnes biologiques, physiques ou chimiques qui se produisent dans les sols ou dans les plantes.

Nos analyses ont ainsi pour but de dĂ©terminer le potentiel agronomique d’un systĂšme, qu’il s’agisse du sol, des plantes ou des matiĂšres organiques.

Pour rĂ©aliser ces Ă©tudes, nous nous appuyons sur une variĂ©tĂ© d’outils innovants, tels que la SPIR, ou spectromĂ©trie dans le proche infrarouge, qui peut, Ă  titre d’exemple, effectuer en une seule mesure un diagnostic foliaire de la canne Ă  sucre ; et ainsi permettre d’identifier rapidement les besoins de la plante et dĂ©finir un plan de fertilisation adaptĂ©.

À la suite de la collecte d’échantillons de sol, mon rĂŽle consiste Ă  rĂ©aliser des dosages destinĂ©s Ă  dresser un diagnostic des sols, afin de pouvoir fournir un bulletin d’analyses et de prĂ©conisations aux agriculteurs.

En accompagnant les agriculteurs et partenaires dans la gestion de leur fertilisation et donc l’optimisation de la qualitĂ© de leur sol, le laboratoire joue un rĂŽle essentiel dans l’environnement local.

MARION COLLINET, RESPONSABLE DU LABORATOIRE D’ANALYSES AGRONOMIQUES DEPUIS 2018

« Le laboratoire d’analyses agronomiques du Cirad est installĂ© sur la station de la Bretagne Ă  Saint-Denis depuis 1983. Nous traitons autour de 6 000 Ă©chantillons de sols, de plantes et de matiĂšres organiques

À moyen terme, il est Ă©galement envisagĂ© de rĂ©aliser des analyses environnementales pour dĂ©tecter les traces de contaminants organiques (mĂ©dicaments, rĂ©sidus de pesticides, etc.) ou de mĂ©taux lourds dans les Ă©chantillons.

Et ainsi, répondre à la demande croissante de la part des consommateurs, pour davantage de transparence sur les conditions de production agricole. »

Photo en haut de la page : des Ă©chantillons de sols sont stockĂ©s au sein du laboratoire d’analyses des sols du Cirad Ă  La Bretagne (Saint-Denis de La RĂ©union) afin d’en analyser les propriĂ©tĂ©s. © Marion Dailloux | Cirad

grandeur Nature OUTRE-MER 32 PUBLI-COMMUNIQUÉ

ANTOINE VERSINI, BIOGÉOCHIMISTE DU CARBONE ET DE L’AZOTE ET CHERCHEUR EN VALORISATION AGRICOLE DES MATIÈRES ORGANIQUES

« Au sein de l’unitĂ© recyclage et risque du Cirad, nous cherchons Ă  identifier et promouvoir des solutions de recyclage des matiĂšres organiques, afin de limiter leur impact environnemental : Ă©mission de gaz Ă  effet de serre, production de particules fines et flux de nitrates. La valorisation de ces dĂ©chets organiques sous la forme de fertilisant est une des alternatives explorĂ©es dans le cadre du Soere PRO, observatoire de recherche sur l’environnement consacrĂ© Ă  l’étude d’impact de la fertilisation organique. Les effluents d’élevage porcin et avicole, et les boues de station d’épuration, sont les deux gisements de matiĂšres organiques dont nous Ă©tudions l’impact dans les champs de canne Ă  sucre.

En pratique, chaque annĂ©e depuis 2014, annĂ©e de lancement de cette expĂ©rimentation cofinancĂ©e par Veolia, nous comparons l’utilisation d’engrais de synthĂšse et l’épandage d’engrais organiques (qui peuvent ĂȘtre du lisier de porc, de la litiĂšre de volaille, des boues ou du compost de station d’épuration) sur les cultures et sur les sols. Pour ce faire, nous prĂ©levons des Ă©chantillons de sol Ă  diffĂ©rentes profondeurs, ainsi que de la canne et du paillis de canne, afin d’en mesurer la teneur en nutriments –azote, phosphore, potasse, etc. – et en contaminants :

Ă©lĂ©ments traces mĂ©talliques ou organiques, rĂ©sidus pharmaceutiques... Puis nous observons l’impact de ces apports organiques sur la biologie du sol et les flux de produits dans l’atmosphĂšre et l’hydrosphĂšre, c’est-Ă -dire, dans les nappes phrĂ©atiques. Les tests Ă©laborĂ©s sur la canne Ă  sucre dĂ©montrent que les matiĂšres organiques se rĂ©vĂšlent tout autant fertilisantes que les engrais de synthĂšse, avec des rendements Ă©quivalents. Il s’avĂšre qu’elles permettent d’amĂ©liorer Ă  la fois la qualitĂ© des sols – Ă©valuĂ©e en termes de stockage de carbone et de phosphore, ou encore de pH du sol – ainsi que leur fonctionnement biologique.

Il s’agit maintenant pour nous de dĂ©terminer le volume d’apport organique optimal pour ne pas gĂ©nĂ©rer d’externalitĂ© nĂ©gative, Ă  savoir une pollution des sols, de l’eau et de l’air. En parallĂšle, nous travaillons sur le dĂ©veloppement d’outils d’aide Ă  la fertilisation pour faciliter l’appropriation des nouvelles connaissances par les agriculteurs. »

FertilpĂ©i est un engrais issu de boues de station d’épuration sĂ©chĂ©es, hygiĂ©nisĂ©es puis granulĂ©es, dĂ©veloppĂ© par le Cirad en partenariat avec RunĂ©o (groupe Veolia). © Marion Dailloux | Cirad

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 33
Charles Detaille, ingĂ©nieur mĂ©trologue en charge de l’essai Soere PRO (en bas Ă  droite), rĂšgle une chambre climatique pour analyser les Ă©missions de gaz gĂ©nĂ©rĂ©es par l’épandage de fertilisants organiques dans un champ de canne. © R. Carayol | Cirad

LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE, UNE AMBITION FORTE DU GRAND PORT MARITIME

e n tant que lieu de tran S it de la M ajeure Partie de S S ource S d ’ Ă©nergie fo SS ile et lui - M ĂȘ M e con S o MM ateur d ’ Ă©nergie carbonĂ©e , P ort r Ă©union a naturelle M ent un rĂŽle M ajeur À jouer co MM e acteur de la tran S ition Ă©nergĂ©tique du territoire rĂ©unionnai S l e P oint S ur le S P rinci Pale S action S de S on P rojet S tratĂ©gique 2019-2023 M enĂ©e S dan S ce do M aine

Port RĂ©union s’est donnĂ© l’ambition d’ĂȘtre un Port Responsable et, depuis sa crĂ©ation il y a bientĂŽt 10 ans, a engagĂ© plusieurs actions relevant de la thĂ©matique Ă©nergĂ©tique. Afin de prendre part Ă  la lutte contre le changement climatique et se conformer aux orientations des documents cadres en matiĂšre de transition Ă©nergĂ©tique 1, Port RĂ©union a orientĂ© une partie des actions de son Projet StratĂ©gique 20192023 2 selon les axes suivants :

‱ Accompagner la conversion des importations de charbon comme combustible – 600 000 tonnes en 2021 – par celles de biomasse (environ 900 000 tonnes Ă  terme) Ă  travers notamment l’acquisition d’une grue mobile pour accĂ©lĂ©rer la cadence de dĂ©chargement, et la mise Ă  disposition d’espaces pour les phases chantier et le stockage temporaire.

‱ Mettre Ă  profit les espaces non exploitĂ©s du port pour y dĂ©velopper la production d’énergies renouvelables. Des panneaux photovoltaĂŻques ont pour cela Ă©tĂ© installĂ©s sur certains toits. D’autres sites seront Ă©quipĂ©s. La production d’énergie houlomotrice est aussi Ă  l’étude.

‱ Anticiper le rĂŽle de « port base » que pourrait jouer Port RĂ©union dans l’essor des Ă©nergies marines renouvelables, en termes d’installation et de maintenance.

‱ Encourager les escales de navires plus respectueux de l’environnement, plus sĂ»rs et plus Ă©conomes en Ă©nergie, en poursuivant la dĂ©marche Environmental Ship Index (ESI).

‱ Promouvoir l’autoconsommation et la maĂźtrise de la demande en Ă©nergie (MDE) dans le cadre des activitĂ©s portuaires.

‱ Diminuer l’empreinte carbone de l’entreprise. En effet, soucieux d’exemplaritĂ© et conscient de l’impact de ses activitĂ©s sur la consommation en Ă©nergie de l’üle, Port RĂ©union positionne la maĂźtrise de l’énergie (MDE) et la rĂ©duction de son empreinte carbone parmi ses prioritĂ©s. Sur ce dernier point, les actions particuliĂšres de MDE et de promotion des Ă©nergies renouvelables (ENR) pour 2019-2023 concernent notamment : - au Port Ouest et au Terminal Conteneur situĂ© au Port Est, la pose d’éclairages moins Ă©nergivores et plus respectueux de l’avifaune ; - l’élaboration d’un plan de mobilitĂ©, plus sobre en consommation d’énergie fossile ; - la promotion des vĂ©hicules Ă©lectriques pour rĂ©duire les Ă©missions polluantes, en particulier en aidant les salariĂ©s volontaires – Ă  hauteur de 30 Ă  70 %, selon leurs revenus – Ă  acquĂ©rir ou louer en longue durĂ©e un vĂ©lo de fonction Ă  assistance Ă©lectrique ; - le remplacement, sur le terminal bitumier, de la chaudiĂšre au fioul par une chaufferie biomasse ; - la mise en place d’un smart grid 3 couplant production d’énergies renouvelables et autoconsommation Ă©lectrique dans les entrepĂŽts frigorifiques...

À travers ces actions et bien d’autres, Port RĂ©union, qui fournit, en plus de son plan de mobilitĂ© employeur, un audit Ă©nergĂ©tique tous les quatre ans et un bilan de gaz Ă  effet de serre tous les trois ans, s’engage de maniĂšre concrĂšte dans la transition Ă©nergĂ©tique.

grandeur Nature OUTRE-MER 34 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Vue du Grand Port Maritime de La RĂ©union (GPMDLR) ou Port RĂ©union. |1 Programmation Pluriannuelle de l’Énergie – PPE – notamment. | 2 Feuille de route de dĂ©veloppement du port pour ces cinq annĂ©es. | 3 RĂ©seau Ă©lectrique intelligent qui adapte la production Ă  la demande.

1 Accompagner la substitution du charbon par la biomasse. |

2 Réfection des éclairages du Port Ouest et du réseau public environnant. | 3 Réfection des éclairages du Terminal Conteneur. |

4 Isolation des structures du terminal bitumier. | 5 Autoconsommation électrique pour les entrepÎts frigorifiques. | 6 Possible espace de développement des énergies marines renouvelables.

Pour zoomer sur ce plan aĂ©rien du Grand Port Maritime de La RĂ©union, merci de cliquer ICI. | À droite : la darse de pĂȘche hauturiĂšre, dĂ©jĂ  Ă©quipĂ©e d’un dispositif de branchement Ă  quai.

QUELQUES INDICATEURS DE L’ÉTAT D’AVANCEMENT EN MATIÈRE DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Voici quelques résultats révélés par les différentes études au sein du Grand Port Maritime :

‱ Audit Ă©nergĂ©tique : 15 GWh d’énergie finale consommĂ©s en 2019 (contre 16 GWh en 2015).

‱ Bilan de gaz Ă  effet de serre : 20 722 tonnes Ă©quivalent CO2 en 2019.

‱ Bilan kilomĂ©trique : la voiture reste le mode de transport majoritaire des agents, avec en un an au total plus de deux millions de kilomĂštres parcourus en voiture, contre 60 000 Ă  vĂ©lo.

‱ Part d’économie d’énergie et de diminution des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre calculĂ©e par rapport Ă  l’annĂ©e 2019

Le cumul des Ă©conomies d’énergie potentielles reprĂ©sente 40 % de la consommation globale du Grand Port Maritime. La rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre escomptĂ©e est de 17 % du total.

Les actions qui sont réalisées et en cours de réalisation représentent 73 % de cet objectif pour la sobriété énergétique et 68 % pour les émissions de gaz à effet de serre.

NOTRE PARTENARIAT AVEC EFFICACITY

Port RĂ©union a confiĂ© Ă  Efficacity, institut de transition Ă©nergĂ©tique créé Ă  l’initiative de l’État, l’étude de deux projets de recherche et dĂ©veloppement :

‱ Magasin 90 : ce hangar du Port Ouest va ĂȘtre Ă©quipĂ© de panneaux photovoltaĂŻques. Si leur pose sur 30 % de la toiture suffirait Ă  rĂ©pondre aux besoins des entrepĂŽts frigorifiques Ă  proximitĂ©, il s’agit ici de maximiser la production d’électricitĂ© renouvelable en couvrant toute la toiture et en Ă©tudiant des pistes de valorisation de l’énergie produite en surplus : stockage, autoconsommation avec d’autres usages, etc.

‱ Branchement Ă  quai des navires : ce projet vise Ă  Ă©tudier la faisabilitĂ© d’un raccordement Ă©lectrique des navires lorsqu’ils sont en escale au port. Cela leur permettrait de couper les moteurs, actuellement utilisĂ©s pour la production d’électricitĂ© Ă  bord, et rĂ©duirait dans le mĂȘme temps les nuisances sonores, l’émission de polluants et l’impact carbone des escales.

+ d’info ici : https://efficacity.com/

Contact : Nicolas Damesin | n.damesin@efficacity.com

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© GPMDLR

RENCONTRE AVEC TROIS ÉLÈVES DE L’ÉCOLE D’APPRENTISSAGE MARITIME DE LA RÉUNION (EAMR)

P our faciliter l ’ accĂš S À la S colaritĂ© de S futur S M arin S rĂ©unionnai S , la f ondation deS M er S au S trale S acco MPagne l ’ ea M r , Ă©cole qui forMe leS jeuneS aux MĂ©tierS de la Mer. troiS Ă©lĂšveS vou S livrent leur regard Sur leurS ProjetS de carriĂšre et l ’ i MP ortance de P rotĂ©ger l ’ environne M ent .

FiliĂšre pĂȘche rĂ©unionnaise demandeuse de main d’Ɠuvre qualifiĂ©e, mais Ă©galement tourisme maritime, rĂ©paration navale... Les mĂ©tiers auxquels l’EAMR forme les jeunes sont nombreux. En plus de son programme de formation continue, l’école accueille chaque annĂ©e une soixantaine d’élĂšves de 15 Ă  20 ans qui prĂ©parent un baccalaurĂ©at professionnel en trois ans. Sami Ouadrani est le directeur de l’EAMR. « Je tiens Ă  remercier ici la Fondation des mers australes, qui permet Ă  certains de nos Ă©lĂšves en situation financiĂšre difficile de s’inscrire dans notre Ă©tablissement. C’est une chance qui leur est offerte d’accĂ©der Ă  un travail valorisant, que ce soit Ă  bord d’un navire ou Ă  terre. L’EAMR leur ouvre de vraies perspectives de carriĂšres. » Rencontre avec trois Ă©lĂšves de l’école, en terminale bac pro navigant pont et machines.

TÉMOIGNAGE

« Je prĂ©pare actuellement un brevet de capitaine 200 et un brevet de mĂ©canicien 750 Kw Ă  l’EAMR, qui est situĂ©e au Port. J’ai choisi ce bac pro Ă  un bac gĂ©nĂ©ral. Pour moi, la mer reprĂ©sente un lieu oĂč je me sens bien, oĂč je peux m’évader car j’étais trĂšs tĂŽt au contact de l’eau. Je pratique la voile et le kayak depuis l’ñge de six ans. Ma passion m’a amenĂ© Ă  faire de la compĂ©tition de voile en Hobie 16 et SL 16, pour terminer aujourd’hui en formule 18, un catamaran de sport de 18 pieds (5,49 mĂštres) Ă  deux Ă©quipiers. Je suis champion de La RĂ©union pour la saison 2021/2022. Cela m’a conduit naturellement vers les mĂ©tiers de la mer.

ProtĂ©ger l’environnement maritime me semble une prioritĂ©. D’abord il faut assurer le vivier marin et pĂ©renniser nos emplois. Ensuite il faut lutter contre le changement climatique car la pollution en mer est importante, elle fluctue sur notre climat comme le Gulf Stream. Enfin, en tant que futur marin, chacun doit prendre conscience de son rĂŽle et changer les vieilles habitudes, comme passer au recyclage. »

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Parmi ses diverses formations, l’EAMR prĂ©pare par exemple au Certificat d’aptitude Ă  l’exploitation des embarcations et des radeaux de sauvetage (CAEERS). © EAMR

TÉMOIGNAGE

ALANE MÉTRO, 17 ANS

« Je suis le premier de ma famille Ă  commencer une carriĂšre dans le milieu maritime. Depuis le dĂ©but de ma formation, j’ai pu rĂ©aliser trois stages diffĂ©rents : le premier sur un catamaran de plaisance, le Bell’üle, qui sillonne l’ouest et le sud de La RĂ©union, le deuxiĂšme Ă  la Marine nationale, en batellerie, c’est-Ă -dire dans le transport fluvial, et le troisiĂšme sur le patrouilleur Osiris II, dont la mission premiĂšre est de contrĂŽler la pĂȘche au large de nos cĂŽtes. Être en immersion pendant une durĂ©e d’un mois et demi pour chaque stage, a confirmĂ© mon idĂ©e de travailler dans ce milieu.

J’ai compris que j’aimais la vie embarquĂ©e et qu’il Ă©tait important pour moi de protĂ©ger une si belle mer : protĂ©ger la ressource et la vie marine. J’envisage de faire carriĂšre dans la Marine nationale en tant que navigateur, et d’ici 2024, je naviguerai sur une frĂ©gate, un porte-avion ou un porte-hĂ©licoptĂšre. »

TÉMOIGNAGE

MARIE-KAREL COUTEYEN-CARPAYE, 18 ANS

« AprĂšs mon bac, j’aimerais me tourner vers la pĂȘche ou peut-ĂȘtre bien la Marine nationale.

La mer, pour moi, est un monde diffĂ©rent, dans lequel on se retrouve au sein d’un Ă©quipage oĂč chacun est indispensable et doit compter aussi sur les autres. C’est un monde solidaire et soudĂ©, c’est ce que j’apprĂ©cie particuliĂšrement.

L’un des principaux avantages est de voyager Ă  travers le monde. Être marin, c’est un mĂ©tier plein d’aventure mais il faut ĂȘtre trĂšs courageuse pour une fille car ce mĂ©tier est d’habitude rĂ©servĂ© aux hommes. Aujourd’hui, la mer est en danger, il est important de la protĂ©ger de façon Ă  Ă©viter la pollution, la surpĂȘche. Il faut sauvegarder la vie des animaux marins, en respectant absolument le rythme de renouvellement des ressources halieutiques. »

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+ d’info ici : https://ecolemaritime.re/

MAYOTTE

À LA RESCOUSSE DU CRABIER BLANC, L’OISEAU LE PLUS MENACÉ DE MAYOTTE !

Un crabier blanc, revĂȘtu de son beau plumage nuptial, s’alimente ici d’un gecko. © Steeve Mathieu | GEPOMAY

d e P ui S 2019, le crabier blanc bĂ©nĂ©ficie S ur l ’ Ăźle d ’ un P lan national d ’ action S ani M Ă© Par le gePoMay 1 . danS ce cadre, l ’ aSSociation ParticiPe au Projet euroPĂ©en life biodiv’oM. aPrĂšS neuf an S de S uivi de cette e SP Ăšce en danger critique d ’ extinction en f rance , et quatre an S d ’ action S Pour la ProtĂ©ger, le gePoMay dĂ©couvre encore leS SecretS de ce diScret hĂ©ron.

Le crabier blanc, Ardeola idae, est un petit hĂ©ron qui nidifie sur quatre Ăźles dans le monde : Madagascar, Mayotte, Aldabra aux Seychelles et Europa dans les Ăźles Éparses. L’espĂšce, qui apparaĂźt sous deux plumages bien distincts – corps striĂ© beige et marron ou corps blanc – selon les saisons, est considĂ©rĂ©e comme migratrice et se dĂ©place sur les cĂŽtes africaines hors pĂ©riode de reproduction.

Mayotte est le second territoire de nidification de l’espĂšce et reprĂ©sente donc un enjeu majeur pour sa conservation. « Sur l’üle, le crabier blanc niche en colonies mixtes dans les mangroves, Ă  la cime des palĂ©tuviers. Ses principales zones d’alimentation connues sont des zones humides : lac, retenues collinaires, prairies humides. Il s’y nourrit d’insectes, de petits reptiles et poissons », nous informe Steeve Mathieu, salariĂ© de l’équipe du GEPOMAY et chargĂ© d’études sur le crabier blanc.

Dans le cadre du projet europĂ©en Life BIODIV’OM, l’association mahoraise agit ainsi sur le terrain depuis 2018 pour protĂ©ger cet oiseau menacĂ©.

AmĂ©lie Van Gemert, prĂ©sidente du GEPOMAY, nous livre son Ă©clairage sur ces travaux : « Nous avons encore beaucoup Ă  apprendre sur le crabier blanc. Mieux connaĂźtre cette espĂšce, c’est comprendre son comportement et les Ă©cosystĂšmes dont elle fait partie pour mieux la protĂ©ger. Agir en faveur du crabier blanc rĂ©pond Ă  de forts enjeux de prĂ©servation de notre patrimoine naturel, car cela inclut la protection de tous les milieux et espĂšces auxquels il est liĂ© ».

1 Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte.

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Signaux GPS à Mayotte de la dizaine de crabiers blancs équipés par le GEPOMAY depuis décembre 2020. © GEPOMAY De gauche à droite : plumage internuptial (avril à septembre) et plumage nuptial (octobre à mars). © Cécile Rousse | LPO

SUIVI DES POPULATIONS

En plus du comptage mensuel des crabiers sur les sites d’alimentation connus, en pĂ©riode nuptiale les couples reproducteurs sont suivis par drone grĂące Ă  un photocomptage amĂ©liorĂ© depuis trois ans. Sur les images aĂ©riennes, les nids sont pointĂ©s, chacun correspondant Ă  un couple. Durant la reproduction 2021/2022, l’association a ainsi estimĂ© 415 couples Ă  Mayotte.

RESTAURATION DES PRAIRIES HUMIDES

Importants sites d’alimentation du crabier blanc, les prairies humides subissent urbanisation, espĂšces exotiques envahissantes (EEE) vĂ©gĂ©tales, Ă©levage et agriculture non raisonnĂ©s. Le GEPOMAY lutte contre ces menaces via des arrĂȘtĂ©s prĂ©fectoraux pour la protection de biotope, l’arrachage des EEE et la replantation de flore indigĂšne. En 2022, une convention 2 a Ă©tĂ© signĂ©e pour six ans renouvelables avec un Ă©leveur de zĂ©bus respectant la charte des bonnes pratiques pastorales.

LUTTE CONTRE LE RAT NOIR EN MANGROVE

En 2019, le GEPOMAY a illustrĂ© le dĂ©rangement des nids de crabiers blancs par le rat noir grĂące Ă  des piĂšges photographiques. La prĂ©dation des Ɠufs et des poussins de crabiers blancs est suspectĂ©e dans les mangroves. Un protocole de lutte mĂ©canique spĂ©cifique et Ă©thique s’accompagne de deux mĂ©thodes de suivi du rat noir dans les mangroves de l’üle.

2 Convention d’occupation temporaire à usage agricole (COTUA).

TÉMOIGNAGE

NADJIMA ISSOUFFOU, ANIMATRICE AU GEPOMAY

« Mayotte est une partie de mon identitĂ©, elle m’a vue naĂźtre, a bercĂ© mon enfance et m’a permis d’ĂȘtre aujourd’hui une amoureuse de la nature. À travers les sorties que je propose au GEPOMAY, je souhaite la faire briller, notamment en apprenant aux autres le respect de la biodiversitĂ©. La protection du crabier blanc, richesse mĂ©connue de l’üle, passe aussi par la sensibilisation de tous. En transmettant les informations aux autres, je m’assure de faire le lien avec tous les privilĂšges que la biodiversitĂ© nous procure ».

SUIVI TÉLÉMÉTRIQUE

De 2019 Ă  2021, le GEPOMAY a rĂ©alisĂ© trois missions d’équipement tĂ©lĂ©mĂ©trique, appareillant au total 16 crabiers blancs. Aujourd’hui 11 signaux sont perçus et ont permis d’en dĂ©couvrir davantage sur cet oiseau. Par exemple, en 2021, un nouveau site d’alimentation a Ă©tĂ© repĂ©rĂ© et fait depuis l’objet de suivis rĂ©guliers. On sait maintenant que les individus Ă©quipĂ©s sont plutĂŽt sĂ©dentaires : un seul s’est rendu sur l’üle voisine d’Anjouan, qui ne faisait d’ailleurs jusqu’ici pas partie des aires de rĂ©partition de l’espĂšce. Enfin, plusieurs individus semblent s’alimenter en forĂȘt, une nouvelle piste Ă  explorer ! Ces diffĂ©rentes donnĂ©es, couplĂ©es aux observations reportĂ©es depuis Madagascar nous informent sur les variabilitĂ©s comportementales au sein de l’espĂšce Ardeola idae : toutes sont encore loin d’ĂȘtre connues...

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Photographie aĂ©rienne d’une colonie mixte de crabiers blancs dans la mangrove, en saison de reproduction. © DroneGo RĂ©daction PiĂšge photographique d’un rat attirĂ© par un leurre : un faux nid muni d’Ɠufs de poule placĂ©s sous une hĂ©ronniĂšre. © GEPOMAY

«

LA

TRANSITION ÉCOLOGIQUE EST AU CƒUR DE NOS PRÉOCCUPATIONS »

l e 3 Ăš M e vice - P rĂ© S ident du c on S eil dĂ© P arte M ental de M ayotte , a li o M ar , fait le P oint P our l ’ e - M ag outre-Mer grandeur nature, S ur le S grand S axe S de l ’ action dĂ© P arte M entale en M atiĂšre de tran S ition Ă©cologique , dont il a la charge .

‱ La thĂ©matique des dĂ©chets est une question importante.

- De grands efforts ont Ă©tĂ© conduits ces derniĂšres annĂ©es : ‱ la fermeture des dĂ©charges ; ‱ la mise en service de l’ISDND (installation de stockage des dĂ©chets non dangereux) de DzoumognĂ© ; ‱ la crĂ©ation des quatre quais de transfert Ă  Hamaha, aux Badamiers, Ă  Malamani et Ă  Kahani ; ‱ le tri sĂ©lectif des emballages mĂ©nagers mis en place et qui poursuit son dĂ©veloppement avec le flux papier / cartons dĂ©ployĂ© depuis quelques annĂ©es.

INTERVIEW

‱ Parlez-nous de cette dĂ©lĂ©gation qui vous est confiĂ©e ?

- C’est une compĂ©tence majeure sans doute insuffisamment valorisĂ©e jusqu’alors, bien que nous agissions dans de nombreux domaines comme la prĂ©servation de la ressource en eau, la biodiversitĂ©, la transition Ă©nergĂ©tique, la gestion des dĂ©chets et l’amĂ©nagement du territoire – rĂ©alisation des travaux d’extension de rĂ©seau Ă©lectrique dans les communes – ou mĂȘme la sensibilisation des citoyens Ă  la protection de l’environnement. Le prĂ©sident m’a d’ailleurs confiĂ© cette dĂ©lĂ©gation Ă  la transition Ă©cologique, signe d’une volontĂ© partagĂ©e de nommer les enjeux et d’agir concrĂštement. Notre plan de mandature 2021-2028 porte une ambition forte dans ce domaine.

Mais le territoire souffre d’un Ă©norme retard et d’un coĂ»t trĂšs Ă©levĂ© du service public de gestion des dĂ©chets (SPGD). C’est ce qu’a pointĂ© le rĂ©cent rapport de la mission sĂ©natoriale sur les dĂ©chets outre-mer, qui propose des mesures concrĂštes. Pour l’heure, le Conseil dĂ©partemental finalise son Plan rĂ©gional de prĂ©vention et de gestion des dĂ©chets (PRPGD) appelĂ© aussi Plan Unique DĂ©chets. Ce document de planification et de cadrage est lĂ  pour organiser et fixer les objectifs Ă  atteindre en termes de gestion, mais Ă©galement de prĂ©vention des dĂ©chets. Pour la premiĂšre fois, la loi fixe des objectifs chiffrĂ©s de rĂ©duction et de valorisation des dĂ©chets. Nous avons Ă  cƓur d’y parvenir.

‱ Un mot à rajouter ?

- Quand on parle de dĂ©veloppement durable, de protection de la biodiversitĂ©, chacun peut jouer un rĂŽle mĂȘme modeste. Certes, notre territoire souffre de sa pauvretĂ©, et cette prĂ©occupation passe parfois au second plan. Mais le dĂ©veloppement durable est, par essence, transversal. C’est l’affaire de tous dans des domaines qui ne touchent pas qu’à l’environnement mais aussi Ă  l’économie et au social. Et je salue notamment le rĂŽle des associations qui nous accompagnent et que vous avez su mettre en valeur dans ces colonnes.

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L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
Coucher de soleil et baobab. © Marc Allaria | Tortue verte se nourrissant sur l’herbier de N’Gouja, dans le sud de l’üle. © Fabien Malhomme

POLYNÉSIE FRANÇAISE

En 2021, un collectif s’était montĂ© et avait organisĂ©, avec l’Église protestante Maohi, la manifestation Tahei‘auti ia Mo’orea, qui avait rĂ©uni prĂšs de 2 000 personnes (ci-dessus). Ce collectif a créé la fĂ©dĂ©ration et une 2Ăšme Ă©dition a eu lieu le 3 dĂ©cembre dernier. © Tahei Mo’orea

TAHEI’AUTI IA MO’OREA : MOBILISATION MASSIVE POUR LA SAUVEGARDE ET L’AUTHENTICITÉ DE MOOREA-MAIAO

v eille , P rotection , bien - ĂȘtre de la P o P ulation , lutte contre le S P rojet S de S tructeur S , notaMMent iMMobilierS, reStauration du Patri Moine culturel et environneMental coMMun de M oorea -M aiao , S ont le S M i SS ion S P hare S P ortĂ©e S Par l a f Ă©dĂ©ration t ahei ’ auti ia M o ’ orea , créée en M ar S 2022 À M oorea . r encontre avec S on P rĂ© S ident , r ahiti b uchin .

INTERVIEW

RAHITI BUCHIN, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION TAHEI’AUTI IA MO’OREA

‱ Que signifie Tahei ‘auti ia Mo’orea ?

- LittĂ©ralement, « couronner de auti Moorea ». Le auti est une plante largement utilisĂ©e ici dans les cĂ©rĂ©monies culturelles. Le tubercule Ă©tait surtout utilisĂ© dans l’alimentation traditionnelle. La tresse Ă  trois brins peut reprĂ©senter la terre (te fenua – te aru), la mer (te tai) et l’air (te reva). Cette couronne symbolise aussi la protection de notre Ăźle et de son authenticitĂ©.

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Rédaction et interview : Sandrine Chopot Photo : © G. C.

Les

‱ Pourquoi la crĂ©ation de cette FĂ©dĂ©ration ?

- De nombreux projets dĂ©vastateurs sont en cours sur Moorea. L’an dernier, plusieurs collectifs, avec le soutien de l’église protestante, se sont mobilisĂ©s et ont manifestĂ© Ă  Temae. Il y a eu plus de 2 000 personnes. Nous nous opposons Ă  ces projets pour tendre vers un dĂ©veloppement plus soucieux du bien-ĂȘtre de la population et de la protection de l’environnement.

‱ Quelles sont ses principales missions ?

- La culture et l’environnement sont les deux piliers de la FĂ©dĂ©ration. DirigĂ©e par un comitĂ© directeur, elle a pour objet d’une part, de veiller, de contribuer Ă  la sauvegarde, Ă  la protection et Ă  la restauration du patrimoine environnemental commun de Moorea-Maiao et d’autre part, d’Ɠuvrer pour la transition Ă©cologique et le dĂ©veloppement durable de Moorea-Maiao, en adĂ©quation avec les besoins rĂ©els de la population et de son bien-ĂȘtre sur le long terme. Son objectif est aussi de lutter contre toutes pollutions, nuisances et atteintes directes ou indirectes sur les espaces, les ressources et milieux naturels, les sites et paysages, sur la qualitĂ© de l’air, de l’eau et des sols, sur les espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales, sur les Ă©cosystĂšmes. Y compris les zones de biodiversitĂ© communes constituant un patrimoine qui participe au bien-ĂȘtre des habitants de l’üle. Moorea-Maiao doit garder son authenticitĂ© et rester digne du patrimoine matĂ©riel et immatĂ©riel qui lui a Ă©tĂ© transmis par les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes.

‱ Quelles actions « phares » pour 2023 ?

- Nous continuerons le combat pour prĂ©server l’emprise communale sur Temae, avec la demande d’une consultation populaire. Deux projets Ă  Opunohu verront le jour : la rĂ©alisation d’un refuge et d’un sentier de plantes mĂ©dicinales. Les dĂ©marches judiciaires Ă  Paetou vont ĂȘtre poursuivies. La terre, la mer, l’air seront cĂ©lĂ©brĂ©s autour de trois moments forts. Enfin, nous allons continuer les apprentissages culturels.

LA FÉDÉRATION A POUR BUT DE :

FĂ©dĂ©rer ses organismes membres et adhĂ©rents individuels ; reprĂ©senter et dĂ©fendre toute cause en relation avec son objet : ‱ Mener toute action en justice devant les juridictions administratives, civiles, pĂ©nales, europĂ©ennes ou internationales, se constituer partie civile et rĂ©clamer des dommages et intĂ©rĂȘts ; ‱ Échanger / nĂ©gocier avec les partenaires institutionnels ; ‱ Offrir des solutions aux problĂ©matiques sociales et environnementales aux acteurs Ă©conomiques et institutionnels.

Agir pour un dĂ©veloppement durable de Moorea-Maiao : ‱ En informant et en mobilisant tous les publics ; ‱ En soutenant toute initiative ou tout projet visant un dĂ©veloppement durable de Moorea-Maiao ; ‱ En veillant Ă  la pertinence des diffĂ©rents projets mis en Ɠuvre Ă  Moorea-Maiao.

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cĂ©rĂ©monies et rituels polynĂ©siens ont toute leur place dans les rassemblements proposĂ©s par Tahei‘auti ia Moorea . © Tahei Mo’orea

NOUVELLECALÉDONIE COOPÉRER

POUR

SYNTROPIQUE

1

AU CƒUR D’ÉCHANGES ENTRE AGRICULTEURS DU PACIFIQUE

d e S agriculteur S de f idji et de P olynĂ© S ie françai S e S e S ont rendu S rĂ©ce MM ent en n ouvelle - c alĂ©donie afin de S e for M er À l ’ agrofore S terie S yntro P ique , une nouvelle façon de cultiver P our le P acifique .

Comment rĂ©pondre au dĂ©fi de la sĂ©curitĂ© alimentaire dans un contexte de dĂ©rĂšglement climatique, sans dĂ©truire les Ă©cosystĂšmes qui nous rendent plus rĂ©silients face Ă  ses impacts ? Cette question, cruciale pour les territoires insulaires du Pacifique, est prĂ©sente dans tous les esprits alors que les agriculteurs sont de plus en plus confrontĂ©s Ă  des Ă©vĂ©nements climatiques significatifs – sĂ©cheresses, cyclones 
 – qui mettent en pĂ©ril le mode d’agriculture conventionnel.

expĂ©rience formatrice pour les agriculteurs polynĂ©siens et fidjiens prĂ©sents, facilitĂ©e par le ComitĂ© français de l’UICN 2

a fait appel Ă  un pionnier de cette technique en Nouvelle-CalĂ©donie, MickaĂ«l Sansoni, pour organiser une formation. Celle-ci a eu lieu dĂ©but octobre 2022 sur sa ferme Ă  DumbĂ©a, avec l’appui de l’association AGIR NC qui accompagne les agriculteurs dans leurs projets d’agroforesterie. Les participants venus de Fidji et de PolynĂ©sie française ont ainsi pu dĂ©couvrir l’agroforesterie syntropique en participant Ă  la plantation d’une nouvelle parcelle, et en taillant les arbres supports des parcelles existantes, une Ă©tape importante dans le cycle agroforestier.

MickaĂ«l Sansoni, Ă  l’origine ingĂ©nieur en biotechnologie, s’est reconverti en allant se former au BrĂ©sil et en Australie il y a huit ans. Il s’est installĂ© en 2017 avec sa famille en Nouvelle-CalĂ©donie, oĂč il a mis en place sa toute premiĂšre parcelle de maraĂźchage de 0,6 hectare, dont 6 500 arbres supports. Aujourd’hui, cette parcelle produit plus de 17 tonnes de lĂ©gumes, tubercules et bananes par an. « Si j’ai dĂ©cidĂ© de changer totalement de vie, c’est d’abord pour mes enfants », tĂ©moigne MickaĂ«l. « Je veux leur laisser un monde oĂč il est encore possible de produire sans dĂ©truire la terre qui nous nourrit, c’est-Ă -dire en restaurant la fertilitĂ© et la capacitĂ© de stockage d’eau des sols. » 1 « L’agriculturesyntropiquereposesurunediversitĂ©importantedeplantes,cultivĂ©esĂ hautedensitĂ©,dansleursconditionsoptimalesdelumiĂšre et de fertilitĂ© ». (Source : https://www.agroforesterie.fr/agriculture-syntropique/) | 2 Union internationale pour la conservation de la nature.

L’agroĂ©cologie est souvent avancĂ©e comme une solution, mais le mot englobe une multiplicitĂ© de techniques. L’agroforesterie syntropique est l’une d’entre elles : dĂ©veloppĂ©e au BrĂ©sil par l’agriculteur suisse Ernst Götsch, elle s’inspire du fonctionnement de la forĂȘt naturelle. Elle permet d’augmenter la diversitĂ©, la qualitĂ© et la quantitĂ© des productions agricoles, en utilisant des intrants locaux et durables et trĂšs peu d’eau. On rĂ©sume ainsi parfois cette technique par le terme « planter l’eau ». C’est dans l’optique de faire connaĂźtre rĂ©gionalement cette solution fondĂ©e sur la nature que le ComitĂ© français de l’UICN 2

grandeur Nature OUTRE-MER 44
Une

InspirĂ©s par ces rĂ©sultats encourageants, de plus en plus d’agriculteurs cherchent Ă  s’engager dans la dĂ©marche. L’agriculture syntropique permet de faire renaĂźtre certaines pratiques agricoles ancestrales des peuples du Pacifique, tout en apportant une comprĂ©hension scientifique des processus Ă  l’Ɠuvre. De quoi faire adhĂ©rer les derniers sceptiques !

Ce projet, montĂ© en collaboration avec la Pacific Islands Rainforest Foundation de Fidji et la Direction de l’agriculture de PolynĂ©sie française, et avec le soutien du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres via le Fonds Pacifique, pose les premiers jalons d’une collaboration rĂ©gionale autour de l’agroforesterie syntropique. Des parcelles expĂ©rimentales sont dĂ©jĂ  en place sur l’archipel des Tuamotu en PolynĂ©sie française, avec des premiers rĂ©sultats encourageants. C’est dĂ©sormais au tour des agriculteurs fidjiens de mettre en pratique les techniques apprises lors de la formation.

RĂ©daction : Elena Gorchakova et Anne Caillaud | ComitĂ© français de l’UICN

Ci-dessus : Maika Tabukovu, en pleine formation pratique.

TÉMOIGNAGE

MAIKA TABUKOVU, AGRICULTEUR FIDJIEN

« La formation m’a ouvert les yeux sur la maniĂšre dont l’agroforesterie peut ĂȘtre abordĂ©e. Il s’agit d’une technique qui repose sur une comprĂ©hension fine des interactions entre les arbres et les plantes pour crĂ©er un systĂšme productif rĂ©gĂ©nĂ©ratif. Ce systĂšme doit ĂȘtre encouragĂ© dans la rĂ©gion Pacifique, comme moyen d’amĂ©liorer la rĂ©silience des communautĂ©s rurales grĂące aux petits agriculteurs. Les agriculteurs intĂ©ressĂ©s par cette technique peuvent crĂ©er une association pour s’entraider et promouvoir l’agroforesterie comme moyen d’assurer la sĂ©curitĂ© alimentaire. C’est ce que nous envisageons de faire ici Ă  Fidji depuis notre retour. »

45 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
Ci-dessus et ci-contre : la formation dispensée par Mickaël Sansoni (en T-shirt vert) à Dumbéa, en Nouvelle-Calédonie.

WALLIS-ET-FUTUNA

UNE AIRE MARINE PROTÉGÉE BIENTÔT MISE EN PLACE, À L’INITIATIVE DES PÊCHEURS

d e P ui S quelque S dĂ©cennie S , le S P ĂȘcheur S ob S ervent un a PPauvri SS e M ent du lagon de W alli S . en 1972, le Service territorial de la PĂȘche Ă©voquait dĂ©jÀ un « dĂ©PeuPleMent rĂ©el du lagon ». P our tenter d ’ enrayer ce dĂ©clin de S re SS ource S halieutique S , le S P ĂȘcheur S S e regrou P ent P our P o S er le S jalon S de la P re M iĂšre aire M arine P rotĂ©gĂ©e du territoire

Le 26 novembre, le service de la pĂȘche pilotait la 3Ăšme Ă©dition de la JournĂ©e de la pĂȘche durable. À Hihifo, sur l’ülot Nukuteatea, les organisateurs ont par exemple rappelĂ© l’interdiction de la chasse sous-marine de nuit et l’importance de respecter les cycles de reproduction de la vie marine. « Nos analyses issues des mesures au dĂ©barquement indiquent que des espĂšces comme les perroquets ou certaines loches sont surexploitĂ©es. Des pĂȘcheurs professionnels “ sentinelles ” tĂ©moignent bien d’une rarĂ©faction des ressources », souligne Baptiste Jaugeon, animateur pĂȘche et aquaculture PROTÈGE. « Mais la pression sur les ressources est en nette diminution. La situation actuelle est plutĂŽt la consĂ©quence de nombreuses annĂ©es de pratiques de pĂȘches non durables qui ont mis Ă  mal les stocks », prĂ©cise-t-il. Ce mĂȘme jour, le concours « Ambassadeurs de la pĂȘche durable 2022 » a rĂ©compensĂ© trois projets proposĂ©s par des associations, des lycĂ©ens et collĂ©giens, qui vont ainsi bĂ©nĂ©ficier de subventions.

Le premier prix a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă  la 1Ăšre STI2D 1 du lycĂ©e d’État de Wallis-et-Futuna pour son projet « Balises intelligentes pour aire marine protĂ©gĂ©e ».

En effet il y a dĂ©sormais, d’aprĂšs les professionnels de la pĂȘche rĂ©unis au sein de l’association Faiva Tautai, urgence Ă  protĂ©ger et gĂ©rer durablement les ressources marines cĂŽtiĂšres. Les pĂȘcheurs locaux s’accordent Ă  dire que pour ramener du poisson, il faut aller de plus en plus loin des cĂŽtes et de plus en plus en profondeur... Et cela se vĂ©rifie pour toute technique employĂ©e, qu’il s’agisse de pĂȘche Ă  pied sur les platiers, de chasse sous-marine, de pĂȘche Ă  la ligne, Ă  la traĂźne ou au filet (senne, Ă©pervier, nasse...).

Afin de permettre au lagon de se rĂ©gĂ©nĂ©rer et pour garantir la sĂ©curitĂ© alimentaire de l’archipel, Tuitoafa Mikaele Neti, pĂȘcheur professionnel, a dĂ©cidĂ© il y a trois ans de lancer un projet d’aire marine protĂ©gĂ©e. Pour cela, il a fĂ©dĂ©rĂ© autour de lui la communautĂ© des pĂȘcheurs locaux et a obtenu le soutien prĂ©cieux de la chefferie et de la CollectivitĂ©. Le pĂ©rimĂštre de la zone oĂč la pĂȘche sera interdite pour une durĂ©e minimale d’un an, a d’ores et dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©fini. L’aire marine, qui s’étendra sur 2 km2 dans le nord du lagon de Wallis, devrait voir officiellement le jour dans les prochains mois.

Ci-dessus : trou de la tortue dans le lagon de Wallis. | 1 Sciences et technologies de l’industrie et du dĂ©veloppement durable.

grandeur Nature OUTRE-MER 46
Rédaction : Stéphanie Castre Photographie : © Matthieu Juncker

TÉMOIGNAGE

TUITOAFA MIKAELE NETI, CHEF DU VILLAGE DE MALA’E ET PÊCHEUR PORTEUR DU PROJET D’AIRE MARINE

« C’était mon idĂ©e de crĂ©er cette aire marine protĂ©gĂ©e, car je constate qu’il y a beaucoup moins de poissons qu’avant, moins de carangues, de chirurgiens, de perroquets, moins de toutes les espĂšces... Je vois un net changement depuis les annĂ©es 2000. Tout seul, je ne pouvais rien faire, alors j’ai rassemblĂ© les pĂȘcheurs de Wallis et nous avons créé l’association Faiva Tautai. L’aide de la chefferie, des services de l’État et du projet europĂ©en PROTÈGE est importante pour nous. Enfin, le dialogue est la clĂ© de ce projet, nous avons beaucoup de travail encore. Il faut continuer, il faut qu’on discute avec les locaux, les Ă©coles, les collĂšges et les lycĂ©es, pour sensibiliser vraiment la population. »

Dans l’archipel, comme ici Ă  Futuna, la pĂȘche, cĂŽtiĂšre et surtout vivriĂšre, fait partie du quotidien des habitants. © L. Manufekai L’établissement en 2020 d’un premier diagnostic de la future aire marine protĂ©gĂ©e par les pĂȘcheurs de l’association Faiva Tautai, qui se traduit par « savoir naviguer ». © Baptiste Jaugeon
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 47
La future aire marine protégée couvrira 2 km 2 dans le lagon nord du district de Hihifo, en face du village de Halele.
grandeur Nature L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX : dĂ©cideurs publics acteurs ultramarins de l ’ environnement acadĂ©mies d ’ outre-mer internautes via de nombreux sites web et rĂ©seaux sociaux SOMMAIRE 2 Ă©dito 7 actu outre-mer 9 Saint-Pierre-et-Miquelon 12 Saint-Martin 13 Saint-BarthĂ©lemy 16 Martinique 20 Guadeloupe 22 Guyane 26 Île de La RĂ©union 30 Mayotte 34 TAAF 38 PolynĂ©sie française 42 Nouvelle-CalĂ©donie 46 Wallis-et-Futuna OcĂ©India grandeur Nature OUTRE-MER UNE n°13 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT NOV. | DÉCEMBRE 2022 GUYANE | UN JOYAU DE BIODIVERSITÉ QUE WWF ƒUVRE À PRÉSERVER ÉDITO | Jules DeĂŻe, prĂ©siDent Du parc amazonien De Guyane GUADELOUPE | Des Ă©coloDGes « esprit parc national » MAYOTTE | nettoyaGe participatif sur l’ülot m’tsamboro FĂ©dĂ©rer L ’ outre-Mer, Favoriser Les Ă©Changes, Mettre en LuMiĂšre Les aCteurs de terrain, Les initiatives pour La proteCtion de La nature et Le dĂ©veLoppeMent durabLe OUTRE-MER Un support proposĂ© par aux Éditions Insulae 7 chemin LĂ©ona Revest - 97417 La Montagne, Ăźle de la RĂ©union StĂ©phanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com RĂ©daction : StĂ©phanie Castre, Lucie Labbouz, Axelle Dorville, Romy Loublier, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Marion Durand, Mariane Harmand, Bruno Cohen-Bacrie, Marie-MichĂšle Moreau, Audrey Pastel, Elena Gorchakova, Anne Caillaud, Caroline Marie Conception graphique : OcĂ©india OcĂ©India Page facebook « outre-Mer grandeur nature »

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OUTRE-MER grandeur Nature n°14 _ jan.-février 2023 by oceindia - Issuu