Les « apprentissages dans le travail » et leurs reconnaissances
La contribution des « apprentissages dans le travail » dans lâaccĂšs Ă une qualification reconnue pour des jeunes sans bagage initial : un enjeu de justice sociale
![]()
La contribution des « apprentissages dans le travail » dans lâaccĂšs Ă une qualification reconnue pour des jeunes sans bagage initial : un enjeu de justice sociale
Auteurs Anaïs Chatagnon, Christine Fournier, Françoise Kogut-Kubiak, Matteo Sgarzi
(Centre dâEtudes et de Recherches sur les Qualifications - CĂ©req)
Coordination Alexandre Berthon-Dumurgier (AFD)
Les nombreux rapports, Ă©tudes de faisabilitĂ©s, analyses de cas et enquĂȘtes de terrain produits par lâAFD contiennent des informations trĂšs utiles, en particulier pour les praticiens du dĂ©veloppement. Lâobjectif de cette sĂ©rie est de partager des informations techniques, gĂ©ographiques et sectorielles sur une dimension du dĂ©veloppement et dâen faire un retour dâexpĂ©rience.
Les opinions exprimĂ©es dans ce papier sont celles de son (ses) auteur(s) et ne reflĂštent pas nĂ©cessairement celles de lâAFD. Ce document est publiĂ© sous lâentiĂšre responsabilitĂ© de son (ses) auteur(s) ou des institutions partenaires.
The various reports produced by AFD (feasibility, case studies and field surveys) contain very useful informations, especially for development practitioners. This series aims to provide technical, geographic and sectoral informations on development issues and to share experiences.
The opinions expressed in this paper are those of the author(s) and do not necessarily reflect the position of AFD. It is therefore published under the sole responsibility of its author(s) or its partner institutions.
La contribution des « apprentissages dans le travail » dans lâaccĂšs Ă une qualification reconnue pour des jeunes sans bagage initial : un enjeu de justice sociale
Auteurs : AnaĂŻs Chatagnon, Christine Fournier, Françoise Kogut-Kubiak, Matteo Sgarzi (Centre dâEtudes et de Recherches sur les Qualifications - CĂ©req)
Le prĂ©sent Rapport technique sâappuie sur les travaux menĂ©s dans le cadre dâun projet dâĂ©tude coordonnĂ© par le CĂ©req en France, en partenariat avec le CIS-CONICET en Argentine, lâINE-CSEFRS au Maroc et lâONFP au SĂ©nĂ©gal. Ces travaux ont donnĂ© lieu Ă des restitutions intermĂ©diaires rĂ©alisĂ©es respectivement pour chacun des quatre pays par lâĂ©quipe-projet de lâinstitution partenaire concernĂ©e. Le prĂ©sent Rapport technique a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© Ă partir de lâanalyse et de la mise en perspective de ces restitutions nationales.
Coordination : Alexandre Berthon-Dumurgier (AFD)
Résumé :
Permettre Ă chacun et chacune dâaccĂ©der Ă une qualification reconnue qui concourt Ă une meilleure employabilitĂ© et Ă un Ă©largissement des opportunitĂ©s dâemploi dĂ©cent tout au long de la vie constitue un dĂ©fi majeur Ă relever Ă travers le monde. Il rĂ©sonne dâautant plus fort pour des jeunes sans ou avec trĂšs peu de bagage initial, entrĂ©s trĂšs tĂŽt sur les marchĂ©s du travail formels ou informels, et pour qui lâaccĂšs ou le retour vers les appareils formatifs apparaĂźt complexe. Pour ces jeunes, les « apprentissages dans le travail » peuvent reprĂ©senter un chemin pour se qualifier. LâĂ©tude exploratoire faisant lâobjet du prĂ©sent Rapport technique a ainsi cherchĂ© Ă voir si et comment de tels jeunes rĂ©alisent des « apprentissages dans le travail », si et comment les acquis de ces apprentissages sont reconnus, et ce, dans quatre contextes nationaux trĂšs contrastĂ©s, Ă partir dâune dĂ©marche qualitative menĂ©e sur un terrain sectoriel commun aux quatre pays, auprĂšs de jeunes travailleurs, dâentreprises et dâacteurs institutionnels. Le rapport rend compte dâune part, des mĂ©canismes, des conditions favorables et des freins aux « apprentissages dans le travail » qui se recoupent dans les quatre contextes considĂ©rĂ©s tout en sâexprimant de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e, et dâautre part, de la faiblesse et/ou du manque partagĂ© de reconnaissance, en particulier via la certification, des acquis de ces apprentissages, bien que se manifestant dans des cadres institutionnels Ă gĂ©omĂ©trie et maturitĂ© variables. Il sâouvre finalement sur des pistes Ă envisager, Ă diffĂ©rentes Ă©chelles, pour encourager la contribution des « apprentissages dans le travail », quel que soit le statut de lâindividu ou son environnement de travail, dans des parcours qualifiants.
Mots-clĂ©s : « apprentissages dans le travail » ; voies dâaccĂšs Ă la qualification ; dĂ©veloppement et reconnaissances des compĂ©tences professionnelles ; certification professionnelle ; validation des acquis de lâexpĂ©rience ; formel et informel ; jeunes peu qualifiĂ©s
Géographies : Argentine, France, Maroc, Sénégal
Abstract
Enabling everyone to access to a qualification that improves employability and increases the opportunities for decent jobs, is a key challenge for all countries. The challenge is stronger for the young people who did not attend school or left school early, and who cannot access or go back to the educational and vocational training system. For those young people, 'learning from and through work' may be a way to acquire skills and get a qualification Thus, the exploratory study behind this Technical Report investigated, in four different national contexts, if and how young people, who enter the (formal or informal) job market with no prior qualification, develop their skills from and through work, and if and how those learning outcomes are recognized. A qualitative approach was chosen for carrying out the study. The Construction sector of activity was selected as field of investigation. Low-skilled young
workers, employers and institutional actors were interviewed. On the one hand, the Report presents the mechanisms and conditions that support âlearning from and through work', as well as the obstacles that limit it, pointing out the differences from one context to another. On the other hand, the Report presents the weak or lack of recognition (especially recognition leading to a vocational certification) of the skills acquired by âlearning from and through workâ, even though the institutional frameworks are not the same in the four countries. Then, the Report proposes some lines for possible actions to be taken in order to foster the contribution of 'learning from and through work' (regardless of the status of the individual or the type of work environment) in upskilling pathways.
Keywords : âlearning from and through workâ, ways leading to a qualification, vocational skills development and recognition, validation of acquired experience, formal and informal, low-qualified young people
Areas : Argentina, France, Morocco, Senegal
Resumen
Ofrecer a cada persona la posibilidad de tener una cualificaciĂłn reconocida que contribuya a mejorar su empleabilidad y a aumentar las oportunidades de trabajo digno a lo largo de su vida, representa un desafĂo en todos los paĂses. El desafĂo es mĂĄs importante para los jĂłvenes sin educaciĂłn escolar o los jĂłvenes que abandonaron prematuramente la escuela, que no pueden acceder o volver al sistema de educaciĂłn o formaciĂłn tĂ©cnico-profesional, y que ingresaron al mercado laboral (formal o informal) precozmente. Para esos jĂłvenes, los «aprendizajes en el trabajo» pueden constituir un camino de calificaciĂłn. Este Informe TĂ©cnico se basa sobre un estudio exploratorio que investigĂł, en cuatro contextos nacionales muy diferentes, si esos jĂłvenes adquieren competencias a travĂ©s de los aprendizajes en el trabajo, cĂłmo lo hacen, y si se reconocen los resultados de esos aprendizajes, y de quĂ© manera. El estudio adopta un enfoque cualitativo, se concentra en el sector de la construcciĂłn, y se apoya en entrevistas a trabajadores jĂłvenes sin o con escasas cualificaciones, a empleadores y a actores de instituciones claves. Por una parte, el Informe da cuenta de los mecanismos, las condiciones favorables y los obstĂĄculos a los aprendizajes en el trabajo, que coinciden en los cuatro paĂses, aunque se manifiestan de varias maneras. Por otra parte, el Informe da cuenta de la falta y/o debilidades de reconocimiento, especialmente a travĂ©s de la validaciĂłn y certificaciĂłn de las competencias laborales, observable en los cuatro paĂses, aĂșn en marcos institucionales variables. Finalmente, el Informe propone pistas de acciĂłn a diferentes escalas para favorecer la contribuciĂłn de los aprendizajes en el trabajo en las trayectorias de cualificaciĂłn (cualquiera que sea el estatuto del individuo o su entorno laboral).
Palabras clave : âaprendizajes en el trabajoâ, desarrollo y reconocimiento de las competencias, certificacion de las competencias laborales, formal e informal, jovenes con escasa calificacion
Areas geograficas : Argentina, Francia, Marruecos, Senegal
Permettre Ă chacun et chacune dâaccĂ©der Ă une qualification reconnue dans une perspective Ă la fois de progression personnelle et professionnelle, dâinsertion socio-Ă©conomique et de participation au dĂ©veloppement durable, demeure un dĂ©fi majeur Ă relever Ă travers le monde. Celui-ci encourage la recherche de rĂ©ponses qui offrent Ă toutes et tous des possibilitĂ©s de se qualifier et de faire reconnaĂźtre cette qualification ; qualification qui concourt Ă une meilleure employabilitĂ© et Ă un Ă©largissement des opportunitĂ©s de travail dĂ©cent tout au long de la vie. Depuis 2015, ces enjeux sâinscrivent dans lâAgenda 2030 des Nations Unies au travers de plusieurs Objectifs de DĂ©veloppement Durable (Ă lâinstar des ODD 4.4 et 8.5 par exemple). Ils se posent avec dâautant plus dâacuitĂ© pour les jeunes nâayant pas frĂ©quentĂ© les bancs de lâĂ©cole ou les ayant prĂ©cocement quittĂ©s, et Ă©tant entrĂ©s trĂšs tĂŽt sur les marchĂ©s du travail, formels ou informels, pour exercer une nĂ©cessaire activitĂ© rĂ©munĂ©ratrice, mais aussi, selon les contextes, pour apprendre un mĂ©tier. Cet apprentissage peut ĂȘtre non-institutionnalisĂ© et dĂ©veloppĂ© dans des environnements informels, tout en rĂ©pondant Ă un certain degrĂ© de structuration et de codification
Ces enjeux prennent des formes et intensitĂ©s de manifestation variables selon les pays Dans le cadre de cette Ă©tude, les quatre pays considĂ©rĂ©s ne disposent pas nĂ©cessairement des mĂȘmes donnĂ©es statistiques ni des mĂȘmes dĂ©finitions des catĂ©gories statistiques. Les donnĂ©es retenues permettent dâindiquer uniquement des ordres de grandeur et de mettre en relief des enjeux saillants dans chaque contexte, sans ĂȘtre directement comparables. En outre, si lâindicateur NEET (Neither in Employment nor in Education or Training) qui sâintĂ©resse aux populations jeunes qui ne sont ni dans un cursus scolaire, ni en formation ni en activitĂ© professionnelle, est mobilisĂ© pour les quatre pays, il nâen prĂ©sente pas moins des limites, dans la mesure oĂč il ne prend pas en compte les formations et activitĂ©s professionnelles se dĂ©veloppant dans des environnements informels et qui, selon les pays, peuvent prĂ©senter un caractĂšre structurant.
Ainsi, en Argentine, environ un jeune (18-24 ans) sur cinq nâest ni scolarisĂ© ni en activitĂ© professionnelle (formelle pourrait-on prĂ©ciser), le dĂ©crochage scolaire au secondaire concerne prĂšs de 40% des jeunes de 18-24 ans et prĂšs de 70% des jeunes nâayant pas achevĂ© le secondaire Ă©voluent dans des emplois informels. En France, 13% des jeunes de 16-24 ans et 19% des jeunes de 24-29 ans sont considĂ©rĂ©s en situation de NEET, suite parfois Ă des sorties prĂ©coces du systĂšme scolaire et se cumulant parfois Ă des situations dâillettrisme (qui concernent environ 5% des jeunes de 18 Ă 25 ans en MĂ©tropole mais par exemple prĂšs de 15% des jeunes en Martinique ou 29% des jeunes en Guyane). Au Maroc, prĂšs de 29% des jeunes de 15-24 ans sont considĂ©rĂ©s en situation de NEET et environ un tiers des travailleurs informels, dont la majoritĂ© nâa pas dĂ©passĂ© le niveau scolaire primaire, ont moins de 35 ans. Au SĂ©nĂ©gal, lâanalphabĂ©tisme demeure une problĂ©matique prĂ©gnante, prĂšs de 33% des jeunes sont considĂ©rĂ©s en situation de NEET et environ 40% des travailleurs informels ont entre 15 et 35 ans.
Pour ces jeunes, la question se pose du pĂ©rimĂštre (et des limites actuelles) des systĂšmes de dĂ©veloppement et de reconnaissance de la qualification (entendue comme la somme des savoirs, savoir-faire, aptitudes et compĂ©tences dâun individu lui permettant dâexercer un emploi, et davantage encore dâaccĂ©der et se maintenir dans un emploi dĂ©cent). Cette question sous-tend lâenjeu de la variĂ©tĂ©, et de lâarticulation possible, des modes dâacquisition et de validation des compĂ©tences. Des
systĂšmes plus globaux intĂ©grant et intriquant des voies formelles, non-formelles et informelles invitent Ă (re)considĂ©rer les chemins qui mĂšnent Ă une qualification reconnue, et notamment la contribution que peuvent y jouer les « apprentissages dans le travail ». Une telle Ă©volution vers des systĂšmes plus inclusifs et englobants suppose concomitamment une Ă©volution des conceptions de ces systĂšmes, pensĂ©s davantage selon leurs finalitĂ©s (le dĂ©veloppement et la reconnaissance des compĂ©tences) plutĂŽt quâĂ partir des chemins (souvent acadĂ©miques) Ă emprunter pour y parvenir.
Les apprentissages dans le travail sont apprĂ©hendĂ©s ici dans une acception large, quâils sâinscrivent, ou non, dans des formes dĂ©jĂ plus ou moins structurĂ©es de dĂ©veloppement des compĂ©tences (y compris des formes dâapprentissage traditionnel ou informel). Ils renvoient Ă des apprentissages (au sens de lâanglais learning) expĂ©rientiels via le travail, engendrĂ©s par lâexercice-mĂȘme du mĂ©tier ou par des organisations spĂ©cifiques de travail. Ils ne sont pas nĂ©cessairement organisĂ©s selon des objectifs prĂ©alablement dĂ©finis, ne sont pas nĂ©cessairement structurĂ©s avec des ressources et moyens dĂ©diĂ©s, et prĂ©sentent parfois un caractĂšre non-intentionnel (Fournier, Lambert, Marion-Vernoux, 2017) Bien que les frontiĂšres soient poreuses, ils se distinguent ainsi des formes de work-based learning (WBL), souvent associĂ©es Ă une programmation et des objectifs de formation professionnelle, et pouvant parfois avoir lieu en milieu professionnel sans contribution au travail productif.
SâintĂ©resser aux apprentissages dans le travail dans le cadre de lâĂ©tude exploratoire faisant lâobjet du prĂ©sent Rapport technique câest regarder, dans quatre contextes contrastĂ©s (en Argentine, en France, au Maroc et au SĂ©nĂ©gal), si et comment des jeunes travailleurs, sans ou avec trĂšs peu de bagage initial, quel que soit leur statut et leur environnement de travail, dĂ©veloppent des compĂ©tences, aptitudes, savoirs et savoir-faire via le travail, si et comment les acquis de ces apprentissages dans le travail sont reconnus, notamment par des dispositifs dâĂ©valuation et validation amenant Ă une certification professionnelle 1. Ces questions ont Ă©tĂ© investies au travers dâenquĂȘtes exploratoires menĂ©es dans chacun des quatre pays considĂ©rĂ©s sur un terrain sectoriel commun, celui de la Construction. Dans les quatre contextes, ce secteur dâactivitĂ© occupe une place significative dans lâĂ©conomie, rassemble un grand nombre de (trĂšs) petites entreprises, concernĂ©es par des formes plus ou moins prononcĂ©es dâinformalitĂ©, et constitue une voie trĂšs empruntĂ©e dâentrĂ©e sur le marchĂ© du travail pour des jeunes pas ou trĂšs peu qualifiĂ©s.
Tout comme les mĂ©canismes et les freins aux apprentissages dans le travail se recoupent dans les quatre contextes considĂ©rĂ©s en sâexprimant de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e, la faiblesse ou le manque de reconnaissance, en particulier via la certification des acquis de ces apprentissages, est Ă©galement partagĂ©, bien que se manifestant dans des cadres institutionnels Ă gĂ©omĂ©trie et maturitĂ© variables. La reproduction des gestes voire « lâaction participante », la verbalisation et lâĂ©change avec les pairs et avec les travailleurs plus expĂ©rimentĂ©s, en amont ou simultanĂ©ment Ă la rĂ©alisation de la tĂąche, apparaissent comme des canaux dâapprentissages dans le travail dans les quatre contextes. Par endroits, ressortent davantage les rĂŽles jouĂ©s par les figures traditionnelles des « maĂźtres » ou « tuteurs » Ă qui sont confiĂ©s des jeunes pour Ă la fois leur transmettre des savoirs et savoir-faire propres Ă lâexercice dâun mĂ©tier et parfaire leur Ă©ducation. Le retour rĂ©flexif sur le travail effectuĂ©, ou encore la prise dâinitiative et la participation Ă la recherche de solutions, sont aussi identifiĂ©s comme
1 La certification professionnelle est entendue comme la validation des acquis dâapprentissage (savoirs, savoir-faire, aptitudes, compĂ©tences) dâun individu Ă lâissue dâun processus dâĂ©valuation basĂ© sur un rĂ©fĂ©rentiel, qui se traduit par la dĂ©livrance dâun document (diplĂŽme, titre, certificatâŠ) reconnu sur un plan institutionnel attestant de cette validation.
des canaux dâapprentissages dans le travail Dans les quatre contextes, ces diffĂ©rents canaux sont mobilisĂ©s Ă des degrĂ©s divers et de façon plus ou moins complĂ©mentaire et plus ou moins cumulative les uns des autres.
Selon les pays, ils perdent de leur potentiel apprenant dĂšs lors quâils sont contrariĂ©s par des barriĂšres linguistiques, par des dĂ©fauts de disposition et/ou de motivation (tant du cĂŽtĂ© du jeune travailleur que du cĂŽtĂ© de son binĂŽme plus expĂ©rimentĂ© Ă qui il est souvent associĂ©), par une dilution du mĂ©tier du fait dâune fragmentation des tĂąches et dâun cantonnement aux tĂąches les plus basiques, par une organisation du travail et des Ă©quipes sous-tendue par une logique de rendement et de productivitĂ© Ă court-terme. En outre, si lâabsence dâinstruction initiale ou des carences dans les savoirs fondamentaux ne sâavĂšrent pas rĂ©dhibitoires aux apprentissages dans le travail (ces derniers pouvant parfois mĂȘme pallier certaines lacunes), elles peuvent ralentir leur dĂ©veloppement et limiter leur Ă©tendue.
En tout Ă©tat de cause, la reconnaissance de lâexistence et de lâintĂ©rĂȘt des apprentissages dans le travail est partagĂ©e par lâensemble des acteurs (jeunes travailleurs, employeurs, acteurs institutionnels). Pour autant, la reconnaissance des acquis de ces apprentissages au travers de dispositifs dâĂ©valuation et validation permettant la dĂ©livrance dâune certification, dispose encore dâune belle marge de progression. Ce constat est posĂ© dans les quatre contextes nationaux considĂ©rĂ©s bien quâils recouvrent des dispositifs de « validation des acquis de lâexpĂ©rience » (VAE) ou de « certification des compĂ©tences professionnelles » qui se distinguent les uns des autres sous plusieurs aspects : historique, anciennetĂ©, type et effectivitĂ© du cadre rĂ©glementaire, place des partenaires sociaux, modalitĂ©s dâĂ©valuation et de validation, valeur sociale de la certification⊠Au manque dâinformation sur les dispositifs existants, sâajoute souvent une perception limitĂ©e des avantages auxquels ils peuvent conduire tant pour le travailleur que pour lâemployeur. Dans certains cas, lâabsence de valorisation et de reconnaissance pour le travailleur « transmettant » constitue, par ailleurs, un frein non-nĂ©gligeable. La lourdeur et lâinadĂ©quation Ă certains profils de travailleurs des conditions dâaccĂšs et des procĂ©dures font Ă©galement partie des problĂ©matiques relevĂ©es, tout comme les difficultĂ©s de prise en charge des coĂ»ts liĂ©s au dĂ©ploiements des dispositifs de VAE
En outre, la reconnaissance en termes dâaugmentation salariale ou dâĂ©volution professionnelle par exemple, quâelle intervienne ou non Ă lâissue dâun processus de certification, apparaĂźt variable dâun contexte Ă un autre, dâune entreprise Ă une autre, souvent soumise Ă lâapprĂ©ciation de lâemployeur et influencĂ©e par la dynamique et les contraintes du secteur dâactivitĂ©.
Les apprentissages dans le travail peuvent constituer un puissant levier de qualification pour des jeunes sans bagage initial. Il pourrait ĂȘtre dâautant plus porteur et influent pour ces jeunes, comme pour les entreprises, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics, en encourageant des pistes dâaction qui permettraient de lâactiver de maniĂšre plus effective et structurante. Il sâagirait ainsi de soutenir :
- des parcours amĂ©nagĂ©s (sans ĂȘtre enfermĂ©s dans des contraintes rigides qui en dilueraient les bĂ©nĂ©fices) qui favorisent la diversitĂ© et la progressivitĂ© des situations professionnelles et dĂ©dient du temps (distinct du temps productif) Ă un retour rĂ©flexif, accompagnĂ©, sur le travail rĂ©alisĂ© ;
- la participation des travailleurs expérimentés, dont le rÎle de transmission est valorisé et dont les capacités et statuts sont confortés ;
- des formes de combinaison complĂ©mentaire entre les apprentissages dans le travail et des modes dâacquisition ou de consolidation dâun socle de fondamentaux ;
- la conjugaison du dĂ©veloppement des apprentissages dans le travail et de la reconnaissance objective et outillĂ©e des acquis de ces apprentissages ; reconnaissance qui peut ĂȘtre protĂ©iforme et ne pas nĂ©cessairement emprunter les rails des processus de VAE, mais qui sâappuie nĂ©anmoins sur des mesures et cadres partagĂ©s par les acteurs parties prenantes de lâĂ©chelle considĂ©rĂ©e (ex : Ă©chelle de la branche) ;
- la construction, plus largement, avec les partenaires sociaux, de cadres contextualisĂ©s, et adossĂ©s Ă des rĂ©fĂ©rentiels, de validation des acquis des apprentissages dans le travail, qui puissent sâabstraire de la validation de lâenvironnement dans lequel ils ont eu lieu et concourir Ă la transfĂ©rabilitĂ© intersectorielle des compĂ©tences ;
- la mise en Ćuvre dâactions dâinformation et de mesures incitatives pour les travailleurs et pour les employeurs qui encouragent lâinscription dans des parcours professionnels apprenants et la mobilisation de dispositifs (et de soutiens correspondants) concourant Ă la valorisation, tant pour lâindividu que pour lâentreprise, de ces parcours.
Quel(s) chemin(s) emprunter pour disposer dâune qualification reconnue pour des jeunes Ă©loignĂ©s des sentiers institutionnalisĂ©s et Ă©voluant trĂšs tĂŽt sur des marchĂ©s du travail, formels ou informels ? Quels ressorts peuvent favoriser lâacquisition dâune qualification reconnue qui permette Ă des jeunes, sans ou avec trĂšs peu de bagage initial, dâamĂ©liorer leur employabilitĂ©, leur accĂšs et leur progression dans un emploi dĂ©cent ? Ces enjeux trouvent un Ă©cho dans lâAgenda 2030 des Nations Unies au travers de plusieurs Objectifs de DĂ©veloppement Durable (ODD), dont, par exemple, lâODD 4.4 qui ambitionne « dâici Ă 2030, dâaugmenter considĂ©rablement le nombre de jeunes et dâadultes disposant des compĂ©tences, notamment techniques et professionnelles, nĂ©cessaires Ă lâemploi, Ă lâobtention dâun travail dĂ©cent et Ă lâentrepreneuriat », ou encore lâODD 8.5 qui vise « dâici 2030, Ă parvenir au plein emploi productif et Ă garantir Ă toutes les femmes et tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapĂ©es, un travail dĂ©cent et un salaire Ă©gal pour un travail de valeur Ă©gal »
Le projet dâĂ©tude faisant lâobjet du prĂ©sent Rapport technique questionne la variĂ©tĂ©, et lâarticulation possible, des modes dâacquisition et de validation de la qualification, entendue comme la somme des savoirs, savoir-faire, aptitudes et compĂ©tences dâun individu lui permettant dâexercer un emploi, et, davantage encore, dâĂ©voluer vers, et dans, un emploi dĂ©cent. Il a Ă©tĂ© impulsĂ© Ă partir dâune vision globale des systĂšmes de dĂ©veloppement et de reconnaissance de la qualification, qui puissent rassembler et imbriquer des voies formelles, non-formelles et informelles. Le projet dâĂ©tude sâintĂ©resse plus particuliĂšrement Ă la contribution des « apprentissages (au sens de lâanglais learning) informels » (qui, au fil du cadrage de lâĂ©tude, sont devenus les « apprentissages dans le travail », voir 1.2) dans le milieu professionnel comme voie valorisante et valorisĂ©e de qualification, au sein de systĂšmes plus inclusifs, soutenables et en phase avec les dynamiques des Ă©conomies.
Le projet dâĂ©tude sâinscrit dans quatre contextes nationaux (Argentine, France, Maroc et SĂ©nĂ©gal) prĂ©sentant de fortes disparitĂ©s notamment en termes dâĂ©conomies, de formations professionnelles et dâ« informalitĂ©s ». En effet, selon les contextes, les « apprentissages informels » sâapprĂ©hendent aussi au prisme des enjeux du caractĂšre informel des environnements (Ă©conomie, entreprise, emploiâŠ) dans lesquels ils sâinscrivent, et qui se manifestent dans des termes et des degrĂ©s diffĂ©rents entre, et dans, les quatre pays considĂ©rĂ©s. SâintĂ©resser aux « apprentissages informels » dans des environnements contrastĂ©s invite ainsi Ă en interroger les dĂ©finitions, les formes et les positionnements, notamment par rapport aux modes institutionnalisĂ©s et traditionnels de dĂ©veloppement et de reconnaissance de la qualification, Ă en proposer une acception large et partagĂ©e, hors cadres de dispositifs spĂ©cifiques (voir 1.2) afin de pouvoir en identifier les manifestations, les leviers et les obstacles, au regard des hypothĂšses de dĂ©part
InitiĂ© en dĂ©cembre 2020, le projet sâappuie sur un consortium de quatre partenaires : le CIS-CONICET (Centro de Investigaciones Sociales, (Consejo Nacional de Investigaciones CientĂficas y TĂ©cnicasInstituto de Desarrollo EconĂłmico y Social)) en Argentine, le CĂ©req (Centre dâEtudes et de Recherches sur les Qualifications) en France, lâINE-CSEFRS (Instance Nationale dâEvaluation auprĂšs du Conseil SupĂ©rieur de lâEducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique) au Maroc et lâONFP (Office National de la Formation Professionnelle) au SĂ©nĂ©gal. Sa mise en Ćuvre a suivi plusieurs Ă©tapes,
jalonnées de plusieurs temps de coordination en visioconférence (distance géographique et contexte pandémique Covid 19 obligent).
Un panorama non-exhaustif de lâĂ©conomie, de lâemploi et de la formation professionnelle a dâabord Ă©tĂ© dressĂ© par chaque partenaire pour chacun des quatre pays en vue de 1/ disposer des toiles de fond nationales sur lesquelles se profile lâĂ©tude, 2/ mettre en exergue les enjeux et rĂ©formes en cours au regard desquels positionner lâobjet de lâĂ©tude, 3/ dĂ©velopper des cadres de rĂ©fĂ©rence pour assurer une comprĂ©hension et une mise en perspective contextualisĂ©es de lâobjet de lâĂ©tude, 4/ affiner les orientations de lâĂ©tude.
A la suite et sur la base de ces profils-pays, quatre enquĂȘtes exploratoires de terrain (une dans chaque pays considĂ©rĂ©) ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es. Elles se sont appuyĂ©es sur une dĂ©finition, par les quatre partenaires, des Ă©lĂ©ments de cadrage communs. Dâune part, un accord sĂ©mantique autour de lâobjet de lâĂ©tude a Ă©tĂ© recherchĂ© et sâest notamment traduit par un changement de terminologie : des « apprentissages informels » aux « apprentissages dans le travail » (voir 1.2). Dâautre part, la question des « apprentissages dans le travail » a Ă©tĂ© orientĂ©e vers les publics de jeunes travailleurs (moins de 30 ans), sortis tĂŽt voire prĂ©cocement du systĂšme scolaire, peu qualifiĂ©s, pas ou peu diplĂŽmĂ©s (maximum premier niveau de diplĂŽme post-premier cycle du secondaire) avec une (petite) expĂ©rience professionnelle formelle et/ou informelle. Par ailleurs, les enquĂȘtes ont Ă©tĂ© circonscrites Ă un mĂȘme secteur dâactivitĂ© dans les quatre pays, en lâoccurrence celui de la Construction (voir 1.4). Il constitue une source dâinspiration pour questionner le dĂ©veloppement de la qualification via les apprentissages dans le travail ainsi que les formes de reconnaissance (voir 1.3) des acquis de ces apprentissages. Enfin, le pĂ©rimĂštre des enquĂȘtes a Ă©tĂ© bornĂ© Ă un bassin dâactivitĂ©âemplois par pays, pertinent au regard du secteur de la Construction : rĂ©gion de Buenos Aires en Argentine, rĂ©gion Provence Alpes CĂŽte dâAzur en France, rĂ©gion de FĂšs au Maroc, rĂ©gion de Dakar au SĂ©nĂ©gal. Les quatre enquĂȘtes exploratoires 2 ont suivi une dĂ©marche qualitative par entretiens semi-directifs auprĂšs de trois grands types dâacteurs : des jeunes travailleurs correspondant aux publics cibles, des employeurs (ou leurs reprĂ©sentants) dâentreprises de Construction de tailles diverses, des acteurs institutionnels sectoriels et publics. Elles ont Ă©tĂ© conduites Ă partir dâun canevas de questionnements commun, dĂ©clinĂ© et contextualisĂ© ensuite pour chacune dâelles. Elles se sont dĂ©roulĂ©es entre novembre 2021 et mai 2022. Au total, 96 jeunes travailleurs, des reprĂ©sentants ou employeurs de 18 entreprises et de 15 acteurs institutionnels ont participĂ© Ă des entretiens individuels ou des focus groups (voir annexe 1) Chaque enquĂȘte exploratoire a Ă©tĂ© restituĂ©e dans un rapport suivant un mĂȘme canevas. Les enquĂȘtes exploratoires en Argentine et au SĂ©nĂ©gal ont, par ailleurs, fait lâobjet dâateliers de restitution, respectivement Ă Buenos Aires et Ă Dakar, au cours desquels des informations complĂ©mentaires ont pu ĂȘtre recueillies auprĂšs des parties prenantes publiques et sectorielles.
Le prĂ©sent Rapport technique se base sur ces rapports dâenquĂȘtes exploratoires, adossĂ©s aux profilspays antĂ©rieurs, pour dĂ©gager des invariants (qui, soit se retrouvent de façon similaire, soit sont dĂ©clinĂ©s selon les contextes nationaux) et des Ă©lĂ©ments de diffĂ©renciation propres Ă chaque contexte. AprĂšs avoir prĂ©cisĂ© et remis lâobjet de lâĂ©tude dans ces contextes nationaux et sectoriels (partie 1), le rapport met en exergue les ressorts sur lesquels sâappuient les « apprentissages dans le travail » et les
2 Les enquĂȘtes ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, dans leur pays respectif, par les Ă©quipes-projet des quatre partenaires, qui ont Ă©galement bĂ©nĂ©ficiĂ© de la contribution, en Argentine, des membres de lâInstituto de Ciencias Sociales del Trabajo y Accion Sindical (ITRAS), et au Maroc, dâun consultant recrutĂ© Ă cet effet (voir annexe 1)
freins quâils rencontrent et qui viennent contrarier le dĂ©veloppement de la qualification (partie 2), puis, il sâintĂ©resse aux formes et aux conditions de reconnaissance des acquis de ces apprentissages, en particulier celles en lien avec les processus de certification professionnelle (partie 3), avant de proposer la formulation de prĂ©conisations, qui tendent Ă sâĂ©manciper du champ sectoriel retenu pour les enquĂȘtes exploratoires, pour encourager la contribution des apprentissages dans le travail dans lâacquisition dâune qualification reconnue (partie 4).
Le chapitre de contextualisation nâa pas vocation Ă prĂ©senter de maniĂšre exhaustive les systĂšmes et politiques (Ă©conomiques, de formation professionnelleâŠ) de chaque pays ni Ă fournir une liste dĂ©taillĂ©e de dĂ©finitions, mais Ă donner quelques Ă©lĂ©ments qui favorisent la comprĂ©hension et la mise en perspective de lâobjet de lâĂ©tude.
LâĂ©tude sâinscrit dans quatre contextes disparates dâun pays dâAmĂ©rique du Sud, dâun pays dâEurope de lâOuest, dâun pays dâAfrique du Nord et dâun pays dâAfrique de lâOuest.
LâĂ©conomie argentine, en grande partie basĂ©e sur lâagro-exportation, est lâune des plus importantes dâAmĂ©rique latine. Mais elle se caractĂ©rise par une forte instabilitĂ©. Les crises qui se succĂšdent depuis plusieurs dĂ©cennies ont conduit Ă un accroissement des inĂ©galitĂ©s (liĂ©es au genre, au niveau de qualification, au milieu socio-Ă©conomique, au territoireâŠ), Ă une montĂ©e du chĂŽmage et Ă une prĂ©carisation de lâemploi, en particulier chez les jeunes, ainsi quâĂ une augmentation de la part des jeunes (environ un sur cinq) (Instituto Nacional de Estadistica y Censos (INDEC), 2018) ni scolarisĂ©s ni en
3 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.CD
activitĂ© professionnelle (formelle pourrait-on prĂ©ciser). Une forme dâĂ©conomie dite « populaire » 4 de subsistance est apparue et si lâinformalitĂ© concernait surtout les formes dâauto-emploi jusquâaux annĂ©es 1990, elle sâest Ă©tendue aux formes salariĂ©es de lâemploi. Lâemploi informel, prĂ©sent dans les activitĂ©s Ă©conomiques informelles et dans les activitĂ©s Ă©conomiques formelles, touche surtout les jeunes et les femmes, en particulier celles et ceux issus de mĂ©nages Ă bas revenus et avec une moindre qualification (niveau secondaire non achevĂ©). Le dĂ©crochage scolaire au niveau secondaire apparaĂźt dâailleurs comme une problĂ©matique majeure en Argentine puisque 40% des jeunes de 18-25 ans sont dans ce cas (Rivas, 2017) Les secteurs dâactivitĂ© de primo-insertion des jeunes (commerce, hĂŽtellerie/restauration, Construction ou encore services domestiques), sont aussi les secteurs dâactivitĂ© qui sont marquĂ©s par un haut niveau dâinformalitĂ©. La pandĂ©mie Covid 19 et les confinements ont contribuĂ© Ă une forte dĂ©tĂ©rioration de la situation socio-Ă©conomique Ă la fois Ă lâĂ©chelle macro et Ă lâĂ©chelle micro et ont renforcĂ© ces problĂ©matiques
Au regard de ces difficultĂ©s, depuis les annĂ©es 1990, le Gouvernement argentin dĂ©ploie de nombreux programmes sociaux Ă destination des jeunes les moins qualifiĂ©s, issus des foyers Ă bas revenus. Ils visent, dans un premier temps, essentiellement Ă accroĂźtre leur employabilitĂ© par un renforcement de leurs capacitĂ©s professionnelles, puis sâouvrent, depuis les annĂ©es 2000, Ă un accompagnement socio-professionnel articulĂ© Ă des expĂ©riences en milieu professionnel en contrepartie dâaides financiĂšres. Ces programmes sâappuient sur un Ă©ventail dâacteurs dont les services municipaux de lâemploi, les organisations de la sociĂ©tĂ© civile et les centres de formation professionnelle. Ils renvoient Ă un type de formation professionnelle dans le cadre de politiques actives de lâemploi, avec une logique sociale.
En Argentine, la formation professionnelle relĂšve de deux systĂšmes aux frontiĂšres peu poreuses, rattachĂ©s respectivement au ministĂšre du Travail et au ministĂšre de lâEducation (au niveau fĂ©dĂ©ral et au niveau des 24 Provinces). Les syndicats des salariĂ©s jouent un rĂŽle important dans le champ de la formation professionnelle, en participant au dĂ©veloppement des politiques publiques, en dispensant des cursus au sein de leurs centres, soit pour le ministĂšre de lâEducation soit pour le ministĂšre du Travail. Ils servent parfois aussi dâintermĂ©diaires entre les services municipaux de lâemploi et les entreprises.
Lâorganisation de la formation professionnelle du cĂŽtĂ© de lâEducation dĂ©pend de la Loi Education Technique Professionnelle (ETP) promulguĂ©e en 2005 5. Elle Ă©tablit notamment un Catalogue national des titres et certifications et met en place un processus dâhomologation des titres et certifications (pour la reconnaissance des diplĂŽmes dâune Province Ă une autre, Ă lâĂ©chelle nationale). Elle instaure Ă©galement un Registre fĂ©dĂ©ral des Ă©tablissements dâETP et crĂ©e un Fonds national pour lâETP (qui ne peut ĂȘtre infĂ©rieur Ă 0.2 % du PIB). La Loi distingue le secondaire technique (une des voies possibles de lâĂ©ducation obligatoire), le supĂ©rieur technique et la Formation Professionnelle, subdivisĂ©e en trois niveaux. Cette derniĂšre sâadresse Ă des jeunes ou Ă des adultes ayant ou non achevĂ© lâĂ©ducation obligatoire. Elle propose des cursus de quelques mois, soit dans le cadre de la formation continue, soit sous forme de blocs modulaires rattachĂ©s Ă des parcours formalisĂ©s de formation et approuvĂ©s dans le rĂ©pertoire des certifications. Le secondaire technique (qui reprĂ©sente environ 18 % des effectifs du secondaire) (Ministerio de EducaciĂłn de la NaciĂłn, 2016) apparaĂźt aujourdâhui plutĂŽt lâapanage des
4 https://www.argentina.gob.ar/desarrollosocial/renatep
5 Ley de EducaciĂłn tĂ©cnico profesional NÂș 26.058, sancionada en 2005
jeunes issus de familles de classes moyennes. Cette voie favorise davantage que le secondaire gĂ©nĂ©ral la poursuite dâĂ©tudes et lâobtention dâun emploi de qualitĂ©.
Du cĂŽtĂ© du ministĂšre du Travail, la formation professionnelle est intĂ©grĂ©e, depuis 2006, Ă une Direction nationale de lâorientation et de la formation professionnelle. Les conseils sectoriels (qui rassemblent pour chaque secteur dâactivitĂ© le syndicat des salariĂ©s et la chambre professionnelle) mais aussi les services municipaux de lâemploi jouent un rĂŽle important en la matiĂšre. Les formations professionnelles, souvent de courte durĂ©e, et les programmes de renforcement des capacitĂ©s sâadressent aux personnes salariĂ©es et aux personnes sans emploi, en particulier aux moins qualifiĂ©s. Les cursus sectoriels, qui reprĂ©sentent environ 41 % de la formation professionnelle continue, peuvent dĂ©boucher sur une certification professionnelle avalisĂ©e par le ministĂšre du Travail (Granovsky, Verchelli, 2021) Depuis 2006, Ă la suite dâune phase expĂ©rimentale de deux ans, un dispositif national de certification des compĂ©tences professionnelles est reliĂ© au ministĂšre du Travail. La certification professionnelle est entendue comme la « reconnaissance publique, formelle et temporaire de la capacitĂ© professionnelle dĂ©montrĂ©e dâun travailleur, effectuĂ©e sur la base dâune Ă©valuation de ses compĂ©tences par rapport Ă une norme, et sans forcĂ©ment faire suite Ă un processus Ă©ducatif » 6 AprĂšs une phase dâencouragement, les dĂ©marches de certification professionnelle ont Ă©tĂ© freinĂ©es par une conjoncture politique moins favorable et le contexte pandĂ©mique Covid 19. Jusquâen 2019, environ 220 000 certifications professionnelles ont Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©es.
Le concept dâ « apprentissages informels » nâest pas vraiment utilisĂ© en Argentine en dehors du champ acadĂ©mique et nâest pas intĂ©grĂ©, en tant que tel, aux politiques publiques. NĂ©anmoins, ce sur quoi sâaccordent de plus en plus les pouvoirs publics, câest lâidĂ©e dâune qualification qui sâacquiert par une nĂ©cessaire articulation dâenseignements gĂ©nĂ©raux et techniques et de formes dâapprentissage en situation de travail (ce qui renvoie gĂ©nĂ©ralement Ă des formes de stage ou dâalternance). Cela est notamment perceptible dans lâĂ©volution des offres de formation et des programmes dâemployabilitĂ© des jeunes qui intĂšgrent progressivement des temps en situation de travail. Toutefois, les stages et formations en alternance sont encore peu dĂ©veloppĂ©s. Les contrats dâapprentissage (au sens dâapprenticeship) sont perçus plutĂŽt nĂ©gativement par les syndicats qui considĂšrent quâils sâapparentent surtout Ă des modes de contractualisation dâune main dâĆuvre bon marchĂ© dans lesquels les aspects formatifs sont relĂ©guĂ©s au second rang.
Le modĂšle Ă©conomique français sâappuie sur une combinaison des principes de lâĂ©conomie de marchĂ© et de la protection sociale. La production et lâemploi sont fortement tertiarisĂ©s mĂȘme si environ 1/5 du PIB et des emplois (INSEE, 2019) 7 sont issus du secteur industriel. Ainsi, le commerce, les services aux entreprises, lâadministration publique et lâindustrie constituent les principaux viviers dâemplois. Contrairement aux autres pays impliquĂ©s dans lâĂ©tude, la France nâest que trĂšs peu concernĂ©e par lâenjeu de lâinformalitĂ© de lâĂ©conomie et de lâemploi. Dans le contexte français, il sâagit davantage de
6 « La certificaciĂłn de competencias laborales es definida como el reconocimiento pĂșblico, formal y temporal de la capacidad laboral demostrada por un trabajador/a efectuado con base a la evaluaciĂłn de sus competencias en relaciĂłn con una norma y sin estar necesariamente sujeto a la culminaciĂłn de un proceso educativo » (Ministerio de Trabajo, Empleo y Seguridad social).
NB : Si la norme par rapport à laquelle le travailleur a été évalué et a obtenu la certification est actualisée, alors le travailleur devra de nouveau passer une évaluation pour valider ses compétences par rapport à la norme modifiée.
7 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277765?sommaire=4318291
formes de travail dissimulĂ© (Ă lâAdministration) qui procĂšdent soit de dissimulation dâactivitĂ©s soit de dissimulation dâemplois salariĂ©s. TrĂšs minoritaires, elles se retrouvent dans quelques secteurs dâactivitĂ© tels que la Construction, lâhĂŽtellerie-restauration ou encore le commerce de dĂ©tails. Les profils des individus les plus exposĂ©s au travail non-dĂ©clarĂ© sont plutĂŽt jeunes, masculins, tour Ă tour chĂŽmeur, intĂ©rimaire, travailleur indĂ©pendant. Des zones grises de travail ou salariat plus ou moins dissimulĂ© sont observables et peuvent concourir au maintien de situations de prĂ©caritĂ©.
Plus que les formes dissimulĂ©es de travail ou de salariat, câest le chĂŽmage qui constitue une problĂ©matique centrale des politiques publiques, et ce depuis les annĂ©es 1970, notamment en direction des seniors et des jeunes. Ces derniers se retrouvent, par ailleurs, pour une part significative dâentre eux (13% des 16-24 ans et 19% des 24-29 ans) (Francou, 2020), en situation de NEET (Neither in Employment, nor in Education and Training), câest-Ă -dire quâils ne sont ni dans un cursus scolaire, ni en formation ni en activitĂ© professionnelle (formelle pourrait-on prĂ©ciser). Celle-ci peut parfois faire suite Ă des sorties prĂ©coces du systĂšme scolaire (le taux avoisine les 9% et est plus Ă©levĂ© pour les garçons) (MinistĂšre Education Nationale Jeunesse Sport, MinistĂšre Enseignement SupĂ©rieur Recherche Innovation (MENJS/MESRI), 2019). Elle peut aussi parfois se cumuler avec une situation dâillettrisme (qui concerne environ 5% des jeunes de 18 Ă 25 ans en MĂ©tropole mais par exemple prĂšs de 15% des jeunes en Martinique ou 29% des jeunes en Guyane) (Agence Nationale de Lutte Contre lâIllettrisme (ANLCI), 2018) 8
Pour remĂ©dier Ă ces problĂ©matiques, les mesures gouvernementales prises jusquâĂ prĂ©sent se sont principalement orientĂ©es vers la rĂ©duction du coĂ»t du travail et la recherche dâune hausse de la qualification. En outre, lâĂ©conomie française fait actuellement face Ă des enjeux de compĂ©titivitĂ© et dâadaptation aux grandes mutations liĂ©es aux transitions Ă©cologique, numĂ©rique, dĂ©mographique⊠auxquels le Gouvernement français entend rĂ©pondre notamment en bĂątissant une « sociĂ©tĂ© de la compĂ©tence ». Câest dans ce cadre-lĂ que sâinscrivent les politiques publiques actuelles de formation professionnelle, trĂšs axĂ©es vers le marchĂ© du travail Quant au systĂšme français de formation professionnelle, il est marquĂ© par une forte distinction entre la formation professionnelle initiale et la formation professionnelle continue.
La formation professionnelle initiale, au niveau secondaire, est accessible aprĂšs le collĂšge (premier cycle du secondaire) avec ou sans lâobtention du diplĂŽme national du brevet. Elle peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par voie scolaire ou en apprentissage (au sens dâapprenticeship) et conduire Ă des diplĂŽmes de niveau EQF 3-4 (principalement Certificat dâAptitude Professionnelle â CAP â et BaccalaurĂ©at professionnel â bac pro). Les demandes de crĂ©ation de spĂ©cialitĂ©s de diplĂŽmes et de titres professionnels viennent le plus souvent du monde professionnel et sont relayĂ©es au sein des Commissions professionnelles consultatives (CPC) par les reprĂ©sentants de branches. Les 11 CPC interministĂ©rielles regroupent des reprĂ©sentants des pouvoirs publics, des employeurs et des salariĂ©s et donnent des avis conformes sur la crĂ©ation, la rĂ©vision et la suppression des diplĂŽmes et titres professionnels. Elles jouent aussi un rĂŽle dans lâĂ©laboration des rĂ©fĂ©rentiels dâactivitĂ©s, de compĂ©tences et dâĂ©valuation des diplĂŽmes et titres créés ou rĂ©novĂ©s. Elles ne sont pas impliquĂ©es dans leur diffusion et mise en Ćuvre. La formation professionnelle initiale, qui souffre encore dâune mauvaise image (voie de relĂ©gation des Ă©lĂšves en difficultĂ©), concerne environ 28% des lycĂ©ens dont, en moyenne toutes filiĂšres confondues, une minoritĂ© en apprentissage. Il est Ă noter que la rĂ©novation de lâapprentissage
8 http://www.anlci.gouv.fr/Illettrisme/Les-chiffres/Niveau-regional/Journees-Defense-Citoyennete-en-region
a fait partie de la rĂ©forme de la formation professionnelle via la Loi du 5 septembre 2018 « LibertĂ© de choisir son avenir professionnel » et a conduit Ă une hausse significative du nombre dâapprentis.
La formation professionnelle continue est quant Ă elle au cĆur de la rĂ©forme initiĂ©e par la Loi du 5 septembre 2018. Elle sâest accompagnĂ©e dâun vaste Plan dâinvestissement dans les compĂ©tences (PIC) dont les publics prioritaires sont celles et ceux qui sont les moins qualifiĂ©s, en particulier les plus jeunes. Un accent a notamment Ă©tĂ© mis sur des parcours certifiants, se basant sur des Ă©valuations initiales des compĂ©tences, intĂ©grant des actions de formation individualisĂ©es avec des sĂ©quences en milieu professionnel. Outre la recherche dâune montĂ©e en compĂ©tences des individus, il sâagit de tenter dâapporter une rĂ©ponse aux besoins actuels et Ă venir des entreprises. La rĂ©forme a Ă©galement introduit quelques rĂ©visions par rapport au dispositif de Validation des acquis de lâexpĂ©rience (VAE), introduit dĂšs 2002 en France, en vue dâen encourager le dĂ©veloppement qui apparaĂźt bien en-deçà des attentes initiales (de lâordre de 60 000 certifications par an). En 2020, 18 000 certifications complĂštes et 8 100 parties de certification ont Ă©tĂ© dĂ©livrĂ©es (Annexe au projet de loi de finances pour 2022 â Formation professionnelle, 2022) 9 par les principaux ministĂšres certificateurs. La rĂ©forme a aussi modifiĂ© et Ă©largi la dĂ©finition de lâaction de formation qui correspond dorĂ©navant à « un parcours pĂ©dagogique permettant dâatteindre un objectif professionnel ». Elle inclut, par exemple, les Actions de formation en situation de travail (AFEST) dont les modalitĂ©s et composantes sont dĂ©finies dans un dĂ©cret dâapplication. LâAFEST peut permettre « dâintĂ©grer des apprentissages qui se rĂ©alisaient de maniĂšre informelle, « sur le tas » , dans le cadre de la formation professionnelle continue, intentionnelle, planifiĂ©e et organisĂ©e » (RĂ©seau ANACT-ARACT, 2019) Il est Ă noter ici que la nĂ©cessitĂ© de construire des catĂ©gories Ă des fins statistiques au niveau europĂ©en a conduit Ă la dĂ©finition de trois types de formation (formelle, non-formelle et informelle), reprise dans le contexte national français. La formation informelle renvoie alors aux situations dans lesquelles la personne a lâintention de se former sans quâil y ait de formateur, professeur ou moniteur. La personne apprend par elle-mĂȘme ou Ă lâaide de personnes proches, dans un cadre informel.
Le Maroc a connu une tertiarisation progressive de son Ă©conomie ; le secteur tertiaire devance ainsi le secteur primaire qui fut pendant longtemps le premier pourvoyeur dâemplois. Dans les annĂ©es 20102020, de grandes stratĂ©gies sectorielles ont Ă©tĂ© lancĂ©es pour dynamiser lâĂ©conomie marocaine, qui compte beaucoup sur les exportations (dans le secteur automobile par exemple) ou encore sur le tourisme. La conjugaison de la pandĂ©mie de Covid 19 et dâune sĂ©cheresse sĂ©vĂšre a rĂ©cemment entraĂźnĂ© une forte rĂ©cession.
Une StratĂ©gie nationale pour lâemploi (2015-2025) a Ă©galement Ă©tĂ© initiĂ©e, ambitionnant une hausse de la crĂ©ation dâemplois, de qualitĂ©, pour rĂ©pondre aux attentes des jeunes, rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s et les disparitĂ©s territoriales. Les jeunes, dont 28.5 % (Observatoire National du DĂ©veloppement Humain (ONDH), 2021) sont considĂ©rĂ©s en situation de NEET, reprĂ©sentent dâailleurs une prioritĂ© des politiques publiques marocaines qui se manifeste au travers de la StratĂ©gie nationale intĂ©grĂ©e de la jeunesse 2015-2030, mais aussi au travers de la Vision stratĂ©gique 2015-2030 du systĂšme Ă©ducatif ou encore de la StratĂ©gie nationale de la formation professionnelle 2021, initiĂ©e en 2016. Cette derniĂšre vise
9 https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/14446
notamment Ă ĂȘtre plus inclusive, Ă toucher davantage les populations rurales ou de certains quartiers urbains, Ă bas revenus, Ă impliquer davantage les acteurs socio-Ă©conomiques, en particulier les entreprises. Elle ambitionne aussi lâaccroissement de lâemployabilitĂ© des jeunes Ă©voluant dans lâinformel via des programmes de formation et de requalification de courte durĂ©e. Un tiers des travailleurs informels ont, en effet, moins de 35 ans. La contribution du secteur informel non-agricole (les donnĂ©es intĂ©grant le secteur agricole nâĂ©tant pas disponibles) au PIB est estimĂ©e aux alentours de 11.5 % et lâemploi informel hors secteur agricole concernerait plus de 2.3 millions de postes (HautCommissariat au Plan, 2014) Il apparaĂźt plutĂŽt urbain, masculin, de moindre qualification.
Outre lâĂ©ducation nationale, la formation professionnelle et lâenseignement supĂ©rieur, le systĂšme marocain englobe des dispositifs de lutte contre lâanalphabĂ©tisme et dâenseignement non-formel (type Ă©cole de la deuxiĂšme chance). Des progrĂšs notables sont Ă souligner en matiĂšre de scolarisation et achĂšvement du primaire mais aussi de lutte contre lâanalphabĂ©tisme mĂȘme si les taux restent encore Ă©levĂ©s dans les zones rurales et parmi la population fĂ©minine.
Au niveau secondaire, la voie gĂ©nĂ©rale concentre la majeure partie des effectifs (environ 991 000 Ă©lĂšves) (MinistĂšre de lâEducation Nationale, de la Formation Professionnelle, de lâEnseignement SupĂ©rieur et de la Recherche Scientifique (MENFPESRS), 2018/19) 10 La voie professionnelle, comme dans les trois autres pays de lâĂ©tude, pĂątit dâune image nĂ©gative, considĂ©rĂ©e pendant longtemps comme une voie au rabais pour des jeunes en Ă©chec scolaire. La formation professionnelle se structure autour de 340 filiĂšres et de 6 niveaux, de la spĂ©cialisation (accessible Ă partir de la 6e annĂ©e du primaire) au technicien supĂ©rieur. Les effectifs de la formation professionnelle initiale rassemblent environ 426 000 stagiaires (Direction de la Formation Professionnelle (DFP), 2019) 11 . Elle sâappuie principalement sur un opĂ©rateur public, lâOffice de formation professionnelle et de promotion du travail (OFPPT).
Les rĂ©formes entreprises visent Ă revaloriser la formation professionnelle et en faire un levier de qualification des ressources humaines. Elles cherchent Ă dĂ©concentrer lâoffre de formation (essentiellement urbaine), mais aussi Ă dĂ©velopper davantage les modes de formation en alternance, jusquâici peu usitĂ©s. Ceux-ci peuvent prendre trois formes : les stages pour les formations rĂ©sidentielles, la formation alternĂ©e depuis 1996 (au moins 50 % du cursus en entreprise) et la formation en apprentissage depuis 2000 (au moins 80 % du cursus en entreprise) qui sâadresse plutĂŽt aux jeunes ne rĂ©unissant pas les conditions dâĂąge et de niveau scolaire pour les autres voies.
Outre la formation professionnelle formelle, existent aussi la formation non-formelle organisĂ©e par des Ă©tablissements publics Ă caractĂšre social, des organisations non-gouvernementales ou des organisations de la sociĂ©tĂ© civile, mais aussi lâapprentissage traditionnel (au sens de lâanglais traditional apprenticeship) et lâapprentissage sur le tas (au sens de lâanglais on-the-job learning process) ; ces deux modalitĂ©s renvoyant aux apprentissages informels dans le contexte marocain. Lâapprentissage traditionnel concerne surtout des jeunes, souvent dĂ©crocheurs, issus de familles dĂ©favorisĂ©es. Il dĂ©bouche souvent sur une activitĂ© Ă©conomique autonome dans le secteur informel. Il est basĂ© sur une entente entre un jeune (et sa famille) et un tuteur/maĂźtre dâapprentissage. Il a pour but de prĂ©parer Ă lâexercice dâun mĂ©tier et de parfaire lâĂ©ducation (sociale, culturelleâŠ) de lâapprenti.
10 https://www.men.gov.ma/Fr/Pages/Indices-sysp%C3%A9dag.aspx
11 https://dfp.gov.ma/publications/330-la-formation-professionnelle-en-chiffres.html
Lâapprentissage traditionnel est un moyen important, bien quâun peu moins rĂ©pandu aujourdâhui, de transfert des habiletĂ©s professionnelles. Il sâest historiquement organisĂ© dans le cadre des corporations professionnelles dont le chef (amin) dĂ©signait les maĂąlems (ouvriers ou artisans qualifiĂ©s) pour former des jeunes en apprentissage.
Quant Ă la formation continue, reconnue depuis 1970, elle a Ă©tĂ© profondĂ©ment rĂ©formĂ©e avec la loi n°60-17 du 5 octobre 2018. La formation continue est financĂ©e par une Taxe de formation professionnelle, en place depuis 1974, dont sâacquittent les entreprises, Ă hauteur de 1.6 % de la masse salariale. PrĂšs dâun tiers de ces fonds sont dĂ©diĂ©s Ă la Formation en cours dâemploi (FCE) qui comprend notamment les actions de formation pour les salariĂ©s. Des barriĂšres administratives restreignent le recours Ă ces soutiens financiers, en particulier de la part des petites entreprises. La rĂ©forme de 2018 qui rĂ©organise la formation continue comprend aussi le processus de validation des acquis de lâexpĂ©rience dont la dĂ©finition des contours a notamment intĂ©grĂ© des Ă©lĂ©ments de capitalisation dâexpĂ©rimentations sectorielles. Les dĂ©crets dâapplication relatifs au processus de VAE sont encore en cours dâĂ©laboration.
Les politiques Ă©conomiques sĂ©nĂ©galaises, souvent influencĂ©es par des institutions (financiĂšres) internationales, se traduisent en une succession de Plans et StratĂ©gies visant la croissance et le dĂ©veloppement. Depuis 2014, le Plan SĂ©nĂ©gal Ă©mergent (PSE) se dĂ©cline autour de trois ambitions principales : la croissance inclusive, le dĂ©veloppement du capital humain et la bonne gouvernance. JusquâĂ la crise sanitaire Covid 19, la croissance Ă©conomique du SĂ©nĂ©gal figurait parmi les plus fortes du continent africain (aux alentours de 6 % par an) 12 .
LâĂ©conomie sĂ©nĂ©galaise se tertiarise de plus en plus, mĂȘme si le secteur primaire demeure important en termes dâoccupation de la population active. Lâinformel apparaĂźt singuliĂšrement marquĂ© dans la mesure oĂč il reprĂ©senterait prĂšs de 85 % de lâĂ©conomie et concernerait prĂšs de 90 % des travailleurs (Bureau International du Travail, 2020) Sâil sâinscrit dans tous les secteurs dâactivitĂ© (bien que certains comme lâagriculture, le textile ou encore le commerce soient prĂ©pondĂ©rants), selon le Bureau international du travail (BIT), des distinctions sont Ă opĂ©rer entre un « gros informel ou semi-formel » et un « informel de subsistance » 13. Hors secteurs agricole et domestique (pour lesquels les statistiques manquent), lâinformel regroupe en trĂšs grande partie des hommes, Ă leur compte, avec au maximum un niveau scolaire primaire. Quarante pourcent des travailleurs informels ont entre 15 et 35 ans. Lâinscription dans lâinformalitĂ© nâest pas sans lien avec lâanalphabĂ©tisme ou lâillettrisme mais aussi les sorties prĂ©coces du systĂšme scolaire qui demeurent des problĂ©matiques majeures. Si le taux dâachĂšvement du primaire atteint 69 % pour les filles 14 et 56 % pour les garçons 15, le taux dâachĂšvement du moyen gĂ©nĂ©ral ne dĂ©passe pas 40 % pour les filles et 33 % pour les garçons (MinistĂšre Education Nationale SĂ©nĂ©gal, 2018)
12 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?end=2019&locations=SN&start=2000
13 Sont ainsi distinguĂ©s « dâune part, un gros informel ou semi âformel qui rassemble des entreprises qui se comportent de façon informelle tout en Ă©tant comparables aux entreprises formelles, et dâautre part, un informel de subsistance qui regroupe des entreprises de petite taille et des entrepreneurs de nĂ©cessitĂ© qui sont vulnĂ©rables et exposĂ©s Ă la prĂ©caritĂ©, et ne sont pas Ă mĂȘme de faire croĂźtre leur activitĂ© » (Ibid.)
14 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SE.PRM.CMPT.FE.ZS?locations=SN
15 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SE.PRM.CMPT.MA.ZS?locations=SN
Beaucoup de jeunes dĂ©scolarisĂ©s ou nâayant pas frĂ©quentĂ© les bancs de lâĂ©cole se tournent vers des formes dâapprentissage traditionnel ou informel (au sens de lâanglais traditional or informal apprenticeship). Lâ« apprentissage traditionnel » peut ĂȘtre dĂ©fini comme un mode dâacquisition de savoirs et savoir-faire professionnels, basĂ©s sur des liens affectifs et/ou parentaux entre le maĂźtre dâapprentissage et lâapprenti. Il vise la rĂ©plication voire la perpĂ©tuation du mĂ©tier auquel sâidentifie la famille au sein de la sociĂ©tĂ©. Il existe dans tous les secteurs dâactivitĂ©, et surtout dans lâartisanat, la mĂ©canique automobile, la Construction. Lâ« apprentissage informel » correspond ici Ă lâapprentissage traditionnel qui nâest plus basĂ© sur des liens affectifs et parentaux mais sur la nĂ©cessitĂ© dâacquĂ©rir des compĂ©tences professionnelles pour exercer un mĂ©tier Ă la fois comme activitĂ© rĂ©munĂ©ratrice et comme activitĂ© ouvrant Ă un statut, une place dans la sociĂ©tĂ©. Lâ« apprentissage traditionnel » et lâ« apprentissage informel » contribuent Ă la fois Ă la poursuite de lâĂ©ducation des jeunes et Ă lâacquisition des rudiments des savoirs de base nĂ©cessaires Ă lâexercice dâun mĂ©tier. Ils sâexercent principalement dans le secteur informel et, jusquâĂ rĂ©cemment, apparaissaient hors champ du systĂšme institutionnalisĂ© de formation professionnelle alors mĂȘme quâils concernent environ 400 000 jeunes chaque annĂ©e, soit presque 5 fois plus que les effectifs des centres de formation professionnelle, selon le Directeur de lâapprentissage du ministĂšre de la Formation Professionnelle, de lâApprentissage et de lâInsertion (en 2022)
La Loi n°2015-01 portant loi dâorientation de la Formation professionnelle et technique (FPT) introduit une dĂ©marche de reconnaissance de ces formes dâapprentissage notamment via lâ « apprentissage rĂ©novĂ© » qui est dĂ©fini comme « un processus de FPT qui vise lâacquisition dâune qualification professionnelle essentiellement Ă travers une formation pratique dans une unitĂ© de production. Lâapprentissage est une voie permettant aux apprenants dâaccĂ©der aux titres, certificats et diplĂŽmes dĂ©livrĂ©s dans le systĂšme de FPT ». Lâapprentissage rĂ©novĂ© peut ainsi aboutir Ă lâobtention dâun Certificat professionnel de spĂ©cialisation (CPS), introduit par le dĂ©cret 2019-644 du 28 mars 2019 et qui entre dans la nomenclature des diplĂŽmes officiels de la formation professionnelle.
La loi dâorientation de la FPT introduit Ă©galement le principe de validation des acquis de lâexpĂ©rience qui « donne la possibilitĂ© Ă toute personne, quels que soient son Ăąge, son niveau dâĂ©tude ou son statut, dâobtenir un diplĂŽme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle » ; dĂ©marche qui avait fait lâobjet dâexpĂ©rimentations Ă partir de la fin des annĂ©es 2000, dans le cadre de programmes soutenus par des partenaires techniques et financiers Le travail du ComitĂ© technique VAE au niveau ministĂ©riel est toujours en cours.
La Loi dâorientation de la FPT dĂ©tache la Formation Professionnelle de lâEducation Nationale pour faire de celle-ci un levier de compĂ©tences et de performance de lâĂ©conomie via la qualification des ressources humaines. Elle dĂ©pend aujourdâhui du ministĂšre de la Formation Professionnelle, de lâApprentissage et de lâInsertion et mobilise un Ă©ventail large dâacteurs au-delĂ des ministĂšres et organismes nationaux sous tutelle (dont lâONFP), quâil sâagisse des collectivitĂ©s locales, des Ă©tablissements publics et privĂ©s de formation professionnelle, des organisations de la sociĂ©tĂ© civile et des organisations non gouvernementales, des partenaires sociaux, ou encore des Partenaires techniques et financiers (PTF) (dont PTF internationaux).
Les esquisses des toiles de fond nationales prĂ©cĂ©demment exposĂ©es mettent en Ă©vidence la diversitĂ© des contextes dans lesquels sâinscrit lâobjet de lâĂ©tude mais aussi la diversitĂ© des conceptions de la notion mĂȘme dâ « apprentissages informels ».
Ainsi, en Argentine, la notion est peu usitĂ©e hormis dans le champ de la recherche acadĂ©mique et les rĂ©flexions des politiques publiques portent plutĂŽt sur le renforcement des apprentissages en situation de travail dans le cadre de programmes Ă visĂ©e formative. En France, la notion est liĂ©e Ă celle de formation informelle qui renvoie aux situations oĂč la personne apprend (avec cette intention) dans un cadre informel, sans lâappui dâune figure formatrice. Au Maroc, la notion est largement connectĂ©e Ă lâapprentissage traditionnel (au sens de lâanglais traditional apprenticeship) et dans une moindre mesure au processus dâapprentissage sur le tas. Au SĂ©nĂ©gal, la notion est aussi largement rattachĂ©e Ă lâapprentissage traditionnel ou informel (au sens de lâanglais traditional or informal apprenticeship). Ces diversitĂ©s semblent, a priori, rendre complexes lâapprĂ©hension partagĂ©e de lâobjet de lâĂ©tude ; complexitĂ© renforcĂ©e, dâune part, par le flou linguistique entourant lâusage du terme « apprentissage » en Français (quand lâAnglais permet de distinguer learning et apprenticeship), dâautre part, par la superposition des notions renvoyant Ă lâ« informel » (apprentissages informels, emploi informel, secteur informelâŠ).
Un accord sĂ©mantique a donc Ă©tĂ© recherchĂ© par les quatre partenaires du projet dâĂ©tude pour proposer un concept qui puisse faire sens dans les quatre contextes considĂ©rĂ©s, qui puisse ĂȘtre saisi dans un Ă©ventail large dâenvironnements (diffĂ©renciĂ©s entre les pays ou au sein mĂȘme dâun pays), qui puisse attĂ©nuer le flou au croisement des informels et les connotations parfois nĂ©gatives entourant le qualificatif « informel », qui puisse sâapprĂ©hender distinctement et indĂ©pendamment dâautres concepts tels que :
- lâapprentissage (au sens de lâanglais apprenticeship) : formation professionnelle en alternance entre centre de formation et lieu de travail, encadrĂ©e juridiquement, basĂ©e sur des relations contractuelles entre les parties (apprenti, employeur, centre de formation), suivant un programme dâenseignement formel dont la durĂ©e est prĂ©dĂ©terminĂ©e et visant lâobtention dâune certification reconnue. Lâapprenti se forme Ă lâexercice dâun mĂ©tier et perçoit une rĂ©munĂ©ration en contrepartie de sa participation Ă lâactivitĂ© de production.
- lâapprentissage traditionnel ou informel (au sens de lâanglais traditional or informal apprenticeship) : selon lâOrganisation Internationale du Travail, apprentissage relevant de lâĂ©conomie informelle, permettant Ă des artisans ou ouvriers expĂ©rimentĂ©s de transmettre des compĂ©tences Ă des jeunes, nĂ©cessaires Ă lâexercice dâun mĂ©tier. RĂ©gis par des normes sociales et des traditions plus que par des lois et rĂ©glementations, ils ne suivent pas de programmes dâenseignement formels et ne donnent pas lieu Ă des certifications reconnues 16. Ces formes dâapprentissage Ă gĂ©omĂ©trie variable selon les contextes, parfois rattachĂ©es Ă des liens familiaux et dotĂ©es dâune fonction Ă©ducative, peuvent faire systĂšme bien quâelles ne soient pas (bien, encore) intĂ©grĂ©es dans la formation professionnelle institutionnelle.
- le concept englobant de work-based learning (WBL) : il intĂšgre gĂ©nĂ©ralement, parmi dâautres formes dâapprentissage, les deux concepts prĂ©cĂ©dents, mais il ne bĂ©nĂ©ficie pas dâune dĂ©finition univoque. La littĂ©rature relative au WBL le dĂ©crit comme un ensemble de pratiques qui se distinguent de lâapprentissage purement scolaire. Cette description conduit Ă des dĂ©finitions du WBL qui incluent des formes de formation professionnelle pratiques en contexte scolaire (basĂ©es sur la reconstitution de contextes de travail, par exemple, via des ateliers pratiques, des simulations dâentreprisesâŠ). Les dĂ©finitions du WBL varient dâune approche stricte qui le distingue de lâapprentissage en classe et nâenglobe pas ce dernier, Ă une approche large qui fait du WBL une composante dâun programme dâapprentissage qui combine apprentissage en classe et apprentissage sur le lieu de travail. A titre dâexemple, selon une dĂ©finition donnĂ©e par lâOrganisation Internationale du Travail 17, le WBL « renvoie Ă toutes les formes dâapprentissage dans un environnement de travail rĂ©el. Les apprentissages (au sens anglais de apprenticeship), formel et informel, les stages, les formations sur le tas sont les formes les plus courantes de WBL. Elles combinent gĂ©nĂ©ralement, mais pas toujours, des Ă©lĂ©ments dâapprentissage sur le lieu de travail avec un apprentissage en classe ».
La clarification conceptuelle sâest dâabord traduite par un glissement terminologique des « apprentissages informels » vers les « apprentissages dans le travail » et sâest grandement inspirĂ©e de travaux prĂ©cĂ©demment menĂ©s par le CĂ©req sur le sujet (Fournier, Lambert, Marion-Vernoux, 2017) Elle a abouti Ă une acception Ă la fois large (car valable dans des environnements trĂšs contrastĂ©s) et plus resserrĂ©e que le concept de WBL des « apprentissages dans le travail » Intervenant ou non dans le cadre de formes plus ou moins structurĂ©es de dĂ©veloppement des compĂ©tences, ils renvoient Ă des apprentissages (au sens de lâanglais learning) expĂ©rientiels via le travail, engendrĂ©s par lâexercicemĂȘme du mĂ©tier ou par des organisations spĂ©cifiques de travail. Ils ne sont pas nĂ©cessairement organisĂ©s selon des objectifs prĂ©alablement dĂ©finis, ne sont pas nĂ©cessairement structurĂ©s avec des ressources et moyens dĂ©diĂ©s, et prĂ©sentent parfois un caractĂšre non-intentionnel voire non-conscient de prime abord pour lâapprenant. Bien que les frontiĂšres soient poreuses, ils se distinguent ainsi des formes dâapprentissage chapeautĂ©s par le concept englobant de WBL, souvent associĂ©es Ă une programmation et des objectifs de formation professionnelle, et pouvant parfois avoir lieu en milieu professionnel sans contribution au travail productif
1.3 Une appréhension multi-dimensionnelle de la reconnaissance des apprentissages dans le travail et de leurs acquis
Sâil est proposĂ© une acception large des apprentissages dans le travail, il en est de mĂȘme pour leur reconnaissance. Cette derniĂšre est, en effet, ouverte Ă plusieurs dimensions ; quâil sâagisse de la reconnaissance des apprentissages dans le travail (câest-Ă -dire de lâadmission de leur existence, de lâidentification de leurs formes de manifestation, de leurs dĂ©terminants, de leurs apportsâŠ) ou quâil sâagisse de la reconnaissance des acquis de ces apprentissages, liĂ©e ou indĂ©pendante de leur validation. Elle peut alors ĂȘtre perçue, Ă©ventuellement de façon cumulative, au travers de la reconnaissance dans le regard des autres (reconnaissance par ses pairs, reconnaissance par ses supĂ©rieurs, reconnaissance sociale ou familiale) ; la reconnaissance dans le travail (Ă©volution des missions, des responsabilitĂ©s, de lâautonomie, de la place dans lâĂ©quipe) ; la reconnaissance dans la rĂ©munĂ©ration ; la reconnaissance dans le passage de lâinformel au formel (de lâemploi) ; la
17 https://www.ilo.org/skills/areas/work-based-learning/lang en/index.htm
reconnaissance via la certification (ouvrant Ă une possible transfĂ©rabilitĂ© dans dâautres contextes professionnels).
LâĂ©tude met nĂ©anmoins un accent particulier sur la reconnaissance via la certification entendue comme la validation des acquis dâapprentissage (savoirs, savoir-faire, aptitudes, compĂ©tences) dâun individu Ă lâissue dâun processus dâĂ©valuation basĂ© sur un rĂ©fĂ©rentiel, qui se traduit par la dĂ©livrance dâun document officiel (diplĂŽme, titre, certificatâŠ) attestant de cette validation. De plus, compte-tenu de la thĂ©matique des apprentissages dans le travail, un focus est mis sur la validation des acquis de lâexpĂ©rience comme processus de certification professionnelle, hors voie scolaire, permettant de valider, par rapport Ă une norme, les acquis dâapprentissage obtenus via des expĂ©riences professionnelles.
1.4 Le secteur de la Construction, terrain commun dâexploration du dĂ©veloppement et de la reconnaissance des apprentissages dans le travail
Comme Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment (voir Introduction), lâĂ©tude, au travers de ses enquĂȘtes exploratoires en Argentine, en France, au Maroc et au SĂ©nĂ©gal, sâappuie sur un terrain sectoriel commun Si le choix dâun mĂȘme secteur dâactivitĂ© dans les quatre pays relĂšve dâun intĂ©rĂȘt comparatif, le choix de la Construction relĂšve dâautres considĂ©rations. Si les secteurs de la Construction des quatre pays ne sont Ă©videmment pas superposables, ils prĂ©sentent tout de mĂȘme quelques traits communs. Dans les quatre contextes, il sâagit de secteurs dynamiques dont le poids est significatif tant en termes de PIB que dâemplois. Ils apparaissent plutĂŽt segmentĂ©s avec quelques grandes entreprises qui concentrent les chantiers dâenvergure et rassemblent la plus grande partie des chiffres dâaffaires, et une kyrielle de (trĂšs) petites entreprises, particuliĂšrement concernĂ©es par des formes, plus ou moins prononcĂ©es, dâinformalitĂ© de lâactivitĂ© et de lâemploi. Ils reprĂ©sentent des portes dâentrĂ©e importantes du marchĂ© du travail pour les jeunes, et en particulier pour des jeunes peu voire pas qualifiĂ©s. Ils constituent Ă©galement des terrains de rĂ©alisation de processus (plus ou moins nombreux) de validation des acquis de lâexpĂ©rience, quâils soient expĂ©rimentaux ou non.
En Argentine, la Construction reprĂ©sente environ 4,5 % du PIB et compte environ 1,6 millions de travailleurs, soit plus de 8 % des actifs occupĂ©s. Ces travailleurs (dont prĂšs dâun tiers ont moins de 30 ans) Ă©voluent principalement (71 %) dans des entreprises de moins de 5 personnes et occupent surtout (85 %) des postes aux deux niveaux de qualification les plus bas. Pour prĂšs des trois quarts dâentre eux, il sâagit dâun emploi informel. Une grande partie des travailleurs du secteur (62 %) ont un niveau scolaire infĂ©rieur au secondaire (INDEC, 2021). La Construction en Argentine est marquĂ©e par un recours Ă©levĂ© Ă la sous-traitance et par une grande hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des entreprises entre les trĂšs grandes, souvent Ă la pointe de la technologie, en charge des grands chantiers, et les trĂšs petites, plutĂŽt orientĂ©es vers la rĂ©novation des maisons privĂ©es et/ou la construction de petites maisons La convention collective prĂ©voit surtout des contrats de travail temporaire et un fonds sectoriel pour le chĂŽmage a Ă©tĂ© introduit afin d'indemniser les travailleurs (formels) entre deux chantiers. La Construction constitue le secteur le plus prolifique en matiĂšre de processus de certification des compĂ©tences professionnelles depuis sa mise en place, avec prĂšs de 138 000 certifications professionnelles dĂ©livrĂ©es, soit environ la moitiĂ© dâentre elles ; 44 % ont concernĂ© des jeunes de moins de 30 ans (Granovsky y Verchelli, Ibid.).
Le secteur de la Construction occupe une place importante dans lâĂ©conomie française, reprĂ©sentant environ 5% de la valeur ajoutĂ©e créée et 5% des emplois salariĂ©s. Il compte quelques grands groupes, de dimension internationale, et une multitude dâentreprises artisanales. Il rassemble environ 694 100 entreprises, principalement dans le BĂątiment et essentiellement de petite taille (moins de 10 salariĂ©s). Il compte environ 1.34 millions de salariĂ©s ; les 2/3 dans une fonction de production et plus dâÂŒ ĂągĂ©s de 25 Ă 34 ans. En 2020, le secteur a recrutĂ© 320 000 entrants, dont 71 % qui nâavaient jamais travaillĂ© dans la Construction et 21 % Ă©tant ĂągĂ©s de moins de 25 ans (Observatoire des mĂ©tiers du BTP, 2020) 18. Les mĂ©tiers de la Construction font partie des mĂ©tiers dits « porteurs » dans les toutes les rĂ©gions mĂ©tropolitaines et de lâoutre-mer. Concernant la VAE, le constat a Ă©tĂ© fait de son faible recours dans le secteur de la Construction qui, en 2017, ne comptait pas plus de 700 personnes certifiĂ©es par cette voie (BeaupĂšre, Kogut-Kubiak et al., 2020)
Au Maroc, la Construction contribue Ă hauteur de 6 % du PIB et compte plus de 1.2 millions de travailleurs, ce qui le positionne comme le deuxiĂšme secteur employeur du pays (Haut-Commissariat au Plan (Maroc), 2021). Il constitue un levier stratĂ©gique de mise en Ćuvre des Plans de dĂ©veloppement sectoriels dont sâest dotĂ© le Maroc et apparaĂźt plutĂŽt dynamique (71 000 crĂ©ations de postes entre 2020 et 2021). Le secteur compte environ 38 000 entreprises formelles et est marquĂ© par une certaine concentration, 22 % des entreprises rĂ©alisant 80 % du chiffre dâaffaires (FNBTP (Maroc), 2017). Mais, prĂšs des 2/3 des entreprises du secteur sont de petite taille et ne sont pas dĂ©clarĂ©es Ă la Caisse nationale de sĂ©curitĂ© sociale (CNSS). Lâinformel domine dans le rĂ©sidentiel et lâauto-construction. Beaucoup de jeunes, y compris entre 15 et 18 ans, Ă©voluent dans lâinformel. La Construction est le deuxiĂšme secteur dans lequel des expĂ©rimentations de dĂ©marches VAE ont Ă©tĂ© menĂ©es, entre 2008 et 2010. Elles ont concernĂ© 13 mĂ©tiers qui se situent parmi les trois niveaux de qualification les plus Ă©levĂ©s (Qualification, Technicien et Technicien SupĂ©rieur) 19
Au SĂ©nĂ©gal, le secteur de la Construction est en pleine croissance, portĂ© par des chantiers de grande envergure, lancĂ©s par lâEtat, notamment dans le cadre du Plan SĂ©nĂ©gal Emergent (2014-2023). Ces chantiers (ex : aĂ©roport international Blaise Diagne, autoroutes, logementsâŠ) bĂ©nĂ©ficient dâinvestissements publics et de partenaires au dĂ©veloppement. Lâenjeu de lâhabitat, associĂ© Ă celui du logement social et de la maĂźtrise de lâurbanisation, est central. La rĂ©gion de Dakar concentre la majeure partie de lâactivitĂ© de Construction du pays. On y retrouve plus de 70 % des entreprises du secteur. Ces derniĂšres se rĂ©partissent principalement (Ă plus de 80 %) entre des « petites entreprises », des « trĂšs petites entreprises » et des « entreprenants » (ministĂšre de lâEconomie, des Finances et du Plan du SĂ©nĂ©gal, 2017) Le milieu de la Construction apparaĂźt relativement organisĂ© et structurĂ© (par rapport Ă dâautres secteurs dâactivitĂ©), et est rĂ©gi par une convention collective datant de 1956, Ă laquelle ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es des annexes en 1996 portant sur le barĂšme des salaires et la rĂ©partition des salariĂ©s par
18 https://dataviz.metiers-btp.fr/
19 https://dfp.gov.ma/vaep.html
catĂ©gories. Mais câest un secteur qui emploie beaucoup de jeunes issus de lâinformel. Des expĂ©rimentations de dĂ©marches de VAE en 2008-2009 ont concernĂ© des mĂ©tiers du second Ćuvre de la Construction
Le dĂ©veloppement des compĂ©tences des jeunes se rĂ©alise par le biais dâapprentissages qui peuvent prendre place dans le cadre de formations formalisĂ©es ou dans lâexercice du travail. Lâacquisition des compĂ©tences sâopĂšre par la combinaison des deux types dâapprentissages, dans des proportions variables selon les parcours (Fournier et al, 2018). Câest la seconde modalitĂ© qui nous intĂ©resse : les apprentissages dans le travail (voir 1.2). Comment se rĂ©alisent ces apprentissages dans le travail ? Quelles conditions les favorisent ? Quels prĂ©requis sâavĂšrent nĂ©cessaires et quels freins viennent contrarier le dĂ©veloppement des compĂ©tences ?
La mise en perspective des enquĂȘtes rĂ©alisĂ©es dans les quatre pays met en relief des traits et des mĂ©canismes communs quant au dĂ©veloppement des compĂ©tences dans le travail. Quâil sâagisse des moyens, des conditions favorables ou encore des prĂ©requis, les mĂȘmes constats ressortent qui dĂ©signent, au final, les mĂȘmes freins au dĂ©veloppement des compĂ©tences. Ce qui permettra de dessiner des pistes dâamĂ©lioration communes aux quatre pays.
Apprendre dans le travail suppose de se trouver en situation de travail. Cette proposition qui peut apparaĂźtre comme une lapalissade signale pourtant une condition sine qua non qui pointe la nĂ©cessitĂ© premiĂšre dâune motivation Ă travailler et dâun marchĂ© du travail ouvrant des opportunitĂ©s dâemploi.
La motivation qui conduit un jeune Ă travailler est dĂ©terminante, non seulement de lâaccĂšs aux possibilitĂ©s de dĂ©veloppement des compĂ©tences mais aussi de la tĂ©nacitĂ© quâil montrera par la suite pour progresser. Cette motivation nĂ©cessaire pour trouver puis exercer un emploi est commune Ă tous les jeunes qui accĂšdent au travail mais les ressorts de cette motivation diffĂšrent selon les pays. Quel que soit le pays, le rapport Ă la famille joue un rĂŽle dĂ©terminant dans la volontĂ© de travailler.
En France, il sâagit gĂ©nĂ©ralement pour lâenfant de gagner en indĂ©pendance financiĂšre pour quitter le foyer familial. En Argentine, il sâagit souvent dâexercer une activitĂ© permettant de contribuer aux ressources de la famille. Les jeunes commencent frĂ©quemment Ă travailler avec leur pĂšre ou quelquâun de leur entourage. Au SĂ©nĂ©gal comme au Maroc, il sâagit plutĂŽt de rĂ©pondre, dans une large mesure, au souhait parental. Au SĂ©nĂ©gal, le jeune peut ĂȘtre amenĂ© Ă travailler pour rĂ©pondre au dĂ©sir des parents de le voir « sortir dâune situation dâoisivetĂ© » ou encore lâaĂźnĂ© des garçons peut ĂȘtre incitĂ© Ă quitter lâĂ©cole prĂ©cocement pour assurer le soutien financier de la famille grĂące Ă ses gains professionnels. Au Maroc, les jeunes entrants dans le secteur sont le plus souvent originaires des zones rurales. Ils quittent leur village pour rejoindre la ville oĂč ils vont travailler et pour la plupart enverront
par la suite la moitiĂ© de leur salaire Ă leur famille. Ainsi, ils gagnent en indĂ©pendance tout en mĂ©nageant un apport de ressources pour la famille dâorigine.
Outre la motivation, lâaccĂšs Ă une situation de travail tient Ă©galement aux facilitĂ©s dâentrĂ©e en emploi. De ce point de vue, le secteur de la Construction, porteur en termes dâemplois et peu exigeant en qualification initiale pour les catĂ©gories ouvriĂšres, prĂ©sente dans les quatre pays un profil favorable. Le besoin en main dâĆuvre y est intense et permanent et le jeune peut accĂ©der Ă lâemploi sans aucune qualification initiale, voire sans maĂźtriser les savoirs de base (lire, Ă©crire et compter).
Les voies dâaccĂšs Ă lâemploi dans la Construction diffĂšrent selon les pays. LâentrĂ©e dans le secteur sâopĂšre via des institutions pour lâemploi ou le rĂ©seau relationnel du jeune, dans des proportions variables selon les pays. En Argentine, si la « bourse du travail » du syndicat ou le « bureau pour lâemploi » jouent un rĂŽle dans lâaccĂšs des jeunes aux emplois de la Construction, dans la plupart des cas, il est favorisĂ© par des rĂ©seaux familiaux ou des rĂ©seaux informels de quartier. En France, ce sont souvent les agences de PĂŽle Emploi ou les agences dâintĂ©rim qui vont orienter le jeune vers un employeur. En outre, une part non nĂ©gligeable des jeunes recrutĂ©s Ă©taient dĂ©jĂ prĂ©sents dans lâentreprise dotĂ©s dâun contrat dâapprentissage au cours des deux ou trois annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Au SĂ©nĂ©gal, les jeunes concernĂ©s quittent frĂ©quemment leur village dâorigine pour rejoindre les pĂŽles urbains, particuliĂšrement la rĂ©gion de Dakar qui concentre la majeure partie de lâactivitĂ© de Construction du pays. LâĂ©mulation joue un rĂŽle majeur dans lâaccĂšs Ă lâemploi, soutenue par la « rĂ©plication » du mĂ©tier exercĂ© par des membres de lâentourage (parents ou camarades dâenfance). Les jeunes issus de familles fortement impliquĂ©es dans ce domaine dâactivitĂ© bĂ©nĂ©ficient dâun avantage relatif. Au Maroc, les jeunes qui se retrouvent sur un chantier sont souvent issus de la mĂȘme tribu, voire de la mĂȘme famille. La mobilitĂ© gĂ©ographique les amĂšne Ă rĂ©sider sur le chantier mĂȘme oĂč ils partagent des logements destinĂ©s Ă les accueillir. En effet, entrer dans lâemploi peut impliquer une mobilitĂ© gĂ©ographique. Câest plus souvent le cas au Maroc et au SĂ©nĂ©gal oĂč les pĂŽles dâemploi (pĂŽles urbains) sont Ă©loignĂ©s des zones dâoĂč sont issus les jeunes travailleurs (zones rurales).
Les moyens par lesquels le jeune apprend dans le travail relÚvent essentiellement de la pratique du métier (Fournier et al, 2017A). Les moyens mobilisés pour assurer une montée en compétences indiquent les canaux par lesquels celle-ci va se réaliser.
Quel que soit le pays, ce sont les Ă©changes avec les autres qui sâaffirment comme le premier vecteur dâapprentissage dans le travail. Si plusieurs moyens sont mobilisĂ©s, le principal mis en avant est sans conteste lâinteraction avec un ou plusieurs travailleurs expĂ©rimentĂ©s qui peut sâexercer selon deux modalitĂ©s. Elle peut consister en un acte de mimĂ©tisme et il sâagit alors de reproduire un geste, une dĂ©marche, une procĂ©dure. Elle peut aussi consister en un Ă©change verbal, auquel cas, câest alors la parole qui prime. Il sâagit ici de rendre explicite lâacte Ă rĂ©aliser en utilisant si nĂ©cessaire un langage technique appropriĂ© ou simplement de donner une consigne. Le plus souvent, les deux modalitĂ©s se
conjuguent. Du point de vue du jeune, en matiĂšre dâĂ©changes, câest donc lâobservation, lâĂ©coute, la reproduction et les paroles Ă©changĂ©es sur le travail au moment de sa rĂ©alisation qui fondent pour une large part le dĂ©veloppement des compĂ©tences.
Au SĂ©nĂ©gal, cette implication dans le travail est dĂ©signĂ©e comme « action participante ». Celle-ci sâinscrit dans un ensemble qui inclut Ă©galement des rĂ©unions de travail pendant lesquelles a lieu un briefing sur les Ă©tapes du travail et les erreurs pointĂ©es dans la mise en Ćuvre des opĂ©rations de construction Ă tous les niveaux. Câest un moment fort dâenseignement-apprentissage pour les jeunes par les anciens. En Argentine, il est soulignĂ© que travailler sur le chantier implique un apprentissage constant, mais en mĂȘme temps diffus, câest-Ă -dire quâil nây a pas de moments spĂ©cifiques de formation ou de formation Ă une tĂąche, mais que les apprentissages se produisent en parallĂšle de la rĂ©alisation du travail.
Quel que soit le pays, il semble que la proximitĂ© des origines (famille, rĂ©gion) impulse une solidaritĂ©, ne serait-ce quâen raison dâune langue commune. Ainsi, au SĂ©nĂ©gal, il est rappelĂ© que « les oiseaux de mĂȘme plumage volent ensemble ». Autrement dit, les Ă©changes sâopĂšrent Ă©galement entre pairs, du fait de la proximitĂ© entre jeunes exerçant la mĂȘme profession. Au Maroc, les jeunes issus dâun mĂȘme village berbĂ©rophone du sud du pays, par exemple, nouent des liens forts qui facilitent les Ă©changes. En France, chez les Compagnons du Devoir, lâintĂ©gration dans la communautĂ© garantit des Ă©changes privilĂ©giĂ©s avec les autres compagnons et mĂȘme avec dâanciens compagnons disposĂ©s Ă accompagner les plus jeunes dans leur progression.
Pour tous les jeunes, quel que soit le pays, la prise dâinitiative est source de progrĂšs. Toutefois, les marges dont les jeunes disposent Ă cet Ă©gard sont trĂšs variables selon les pays. La capacitĂ© dâinitiative, voire lâaudace, du jeune joue de façon sensible sur le dĂ©veloppement de ses compĂ©tences. Lâavantage de cette disposition tient cependant Ă la qualitĂ© de lâencadrement dont le jeune peut â ou pas â bĂ©nĂ©ficier. Prendre une initiative, oser, implique le risque dâune erreur et suppose donc dâĂȘtre accompagnĂ© par des collĂšgues ou un supĂ©rieur hiĂ©rarchique, conscients de lâintĂ©rĂȘt heuristique de lâerreur dĂšs lors quâelle est corrigĂ©e, discutĂ©e et vient soutenir une nouvelle compĂ©tence
Au SĂ©nĂ©gal, lâinitiative prend la forme de lâ« autotest ». Le jeune, en lâabsence de son « maĂźtre », sur ses ordres ou pas, essaie de mettre en Ćuvre les consignes de travail reçues en vue de continuer le travail inachevĂ© la veille. Se substituer au « maĂźtre » est une forme dâapprentissage par la pratique basĂ©e sur lâautotest des capacitĂ©s Ă exercer le mĂ©tier en toute autonomie. Lâexercice est Ă risque quand on sait que les erreurs ne bĂ©nĂ©ficient pas dâune large marge de tolĂ©rance. En France, dans le cadre, souvent exemplaire, des Compagnons du devoir, les formateurs incitent les jeunes Ă prendre des initiatives sur les chantiers sur lesquels ils travaillent au point que lâun de ces formateurs dĂ©clare « Quand un jeune me dit quâil ne fait jamais dâerreur, je me dis quâil nâira pas trĂšs loin ». Au Maroc, en revanche, la marge dâinitiative des jeunes semble trĂšs mince, ils sont le plus souvent soumis Ă la rĂ©alisation de tĂąches prĂ©cises, rĂ©pĂ©titives et strictement supervisĂ©es.
Lâactivation de ce levier de dĂ©veloppement des compĂ©tences suppose autonomie, responsabilisation et confiance partagĂ©e. La satisfaction de ces trois critĂšres est trĂšs inĂ©gale, selon les pays mais aussi dans chaque pays selon les entreprises et les encadrants.
Un retour rĂ©flexif opĂ©rĂ© sur le travail rĂ©alisĂ© consolide lâassimilation des nouvelles compĂ©tences et permet dâenvisager celles Ă venir (Fournier et al, 2017B). Les avantages de cette pratique valent quel que soit le pays mais sa mise en Ćuvre diffĂšre fortement selon les pays et Ă lâintĂ©rieur des pays selon les contextes dâemploi.
Ce temps de rĂ©flexion peut ĂȘtre inopinĂ©, il advient parce que le jeune se pose une question sur le travail rĂ©alisĂ© ou quâun collĂšgue ou son employeur ouvre un temps de commentaire. Les rĂ©unions dâĂ©quipe, les discussions avec les pairs, en groupe ou en tĂȘte-Ă -tĂȘte, sont autant de lieux pour revenir sur la rĂ©alisation des tĂąches ou de la mission, repĂ©rer les points Ă amĂ©liorer, ouvrir de nouvelles perspectives en termes de compĂ©tences.
Ce temps de « retour rĂ©flexif » peut aussi ĂȘtre inscrit de façon rĂ©currente, comme en France, par exemple, chez les Compagnons du Devoir oĂč tous les jeunes se retrouvent en Ă©tude, de 20 heures Ă 22 heures pour revenir sur ce quâils ont appris et souhaitent discuter, voire amĂ©liorer Au SĂ©nĂ©gal, ce peut ĂȘtre au cours de rĂ©unions de chantier que sont pointĂ©es les erreurs, que sont envisagĂ©s les moyens de les corriger et que sont projetĂ©es les activitĂ©s Ă venir et les modalitĂ©s de leur exĂ©cution. Au Maroc, il semble que ces moments de rĂ©flexion fassent dĂ©faut. Lâobjectif de rendement immĂ©diat imposĂ© aux jeunes les privent des temps dâĂ©change pour amĂ©liorer leurs pratiques professionnelles.
Cette Ă©tape, cruciale pour consolider la nouvelle compĂ©tence et envisager celles Ă venir, est bien souvent nĂ©gligĂ©e car elle sâinscrit dans un temps perçu comme improductif, du moins dans lâinstant car une nouvelle compĂ©tence consolidĂ©e promet une efficacitĂ© supĂ©rieure du jeune dans ses activitĂ©s Ă venir et par consĂ©quent un gain de temps ultĂ©rieur pour parvenir Ă la qualitĂ© de travail attendue.
Viennent ensuite des sources dâinformations (manuels, internet) oĂč puiser des conseils, des exemples, des recommandations utiles Ă lâexercice du mĂ©tier et plus prĂ©cisĂ©ment Ă la rĂ©solution de problĂšmes auquel le jeune se heurte. Ces moyens de progresser sont trĂšs inĂ©galement mobilisĂ©s par les jeunes. Ils supposent une capacitĂ© Ă rechercher/trouver les lieux dâinformation utiles, une capacitĂ© de lecture et de comprĂ©hension minimale ou encore lâaccĂšs Ă une source spĂ©cialisĂ©e, telle la base de donnĂ©es nominatives des Compagnons du devoir.
La confrontation Ă de nouvelles situations implique un des impĂ©ratifs des mĂ©tiers de la Construction qui est de trouver les solutions Ă chaque situation ; en cela, aujourd'hui le jeune pourrait fortement ĂȘtre aidĂ© par Internet, les tutos, les vidĂ©os qui circulent, postĂ©s par des personnes qui partagent leur travail (par exemple pour installer des « placos »). Cependant, Internet, qui pourrait sâavĂ©rer une source dâinformations utile, est trĂšs inĂ©galement mobilisĂ© par les jeunes travailleurs. Dans lâensemble, une petite minoritĂ© dâentre eux recherchent sur le web les solutions, les conseils, qui pourraient nourrir le dĂ©veloppement de leurs compĂ©tences. Une partie des jeunes, au Maroc notamment, issus de milieux
dĂ©favorisĂ©s, souvent dâorigine rurale, parfois en situation dâanalphabĂ©tisme, nâont tout simplement pas accĂšs Ă cet espace. Les autres, mĂȘme sâils frĂ©quentent assidĂ»ment les rĂ©seaux sociaux dâinternet (Instagram, TwitterâŠ), en France par exemple, nâenvisagent pas pour autant de mobiliser cet outil pour trouver de lâinformation utile professionnellement, faute des dispositions et/ou des conditions nĂ©cessaires pour accĂ©der Ă lâinformation utile.
Echanger avec les autres : reproduire et parler
Apprentissages en travaillant, en observant, en faisant.
Echanges et démonstration par un travailleur plus expérimenté.
Echanges avec les membres de l'équipe.
Observation des gestes et reproduction.
Echanges et explication, en amont ou en aval du geste ou de la procédure par un travailleur plus expérimenté.
Echanges avec les membres de l'équipe.
Observation des gestes et reproduction.
Exécution de tùches sous la conduite d'un travailleur expérimenté.
Rares échanges avec les membres de l'équipe.
Apprentissages en travaillant, en observant en faisant ("action participante").
Echanges et démonstration par un travailleur plus expérimenté.
Echanges avec les membres de l'équipe.
Prendre des initiatives
Prise d'initiatives limitées.
Souvent, attribution de tùches précises et supervisées.
Prise d'initiatives limitée.
Souvent, attribution de tùches précises et supervisées.
Prise d'initiative trÚs limitée voire inexistante.
Attribution de tùches précises et supervisées.
Souvent, attribution de tùches précises et supervisées.
Action "d'autotest" en l'absence du patron ou maĂźtre d'apprentissage, sur consigne de ces derniers ou non.
Opérer un retour réflexif sur le travail réalisé
Contingent, souvent pas programmé sur un temps dédié.
Contingent, souvent pas programmé sur un temps dédié.
Quasiment pas relevé.
Contingent, faisant souvent plutĂŽt suite au constat d'une erreur sur un chantier.
Puiser dans d'autres sources d'information
Parfois, sources en ligne ou en centre de formation, sur initiative du travailleur (surtout pour les travailleurs avec un minimum de qualification).
Recours à internet, limité en raison d'un défaut de maßtrise de la recherche d'information en ligne.
SolidaritĂ© entre travailleurs d'une mĂȘme rĂ©gion d'origine dans la transmission des savoirs.
SolidaritĂ© entre camarades de mĂȘme profession (mais ne travaillant pas forcĂ©ment dans la mĂȘme unitĂ© de production).
Les moyens par lesquels le jeune apprend en travaillant suggÚrent que les conditions dans lesquelles le jeune exerce son activité sont déterminantes pour sa montée en compétences.
La dynamique du secteur et les besoins en main dâĆuvre qui le caractĂ©risent reprĂ©sentent une premiĂšre condition plus ou moins favorable au dĂ©veloppement des compĂ©tences des jeunes entrants. Les secteurs qui font face Ă des difficultĂ©s de recrutement sont plus enclins Ă intĂ©grer des jeunes dĂ©nuĂ©s des qualifications qui les rendraient immĂ©diatement opĂ©rationnels dans lâemploi et Ă envisager de les former « sur le tas » afin quâils puissent rapidement gagner en compĂ©tence, sans avoir Ă retourner sur les bancs de lâĂ©cole. Ce penchant vaut pour des secteurs comme celui de la Construction, recrutant une large part de travailleurs dotĂ©s de faibles niveaux de qualification, mais il vaut Ă©galement pour des secteurs parfois trĂšs en pointe, porteurs de mĂ©tiers rares pour lesquels aucune formation formelle nâexiste ou encore des entreprises tout simplement Ă©loignĂ©es des centres de formation proposant les formations nĂ©cessaires.
Sâagissant de la question du besoin de main dâĆuvre, les employeurs de la Construction sont les premiers Ă pointer le manque dâattractivitĂ© du secteur entachĂ© Ă juste titre par des conditions de travail difficiles (travail en extĂ©rieur quelle que soit la mĂ©tĂ©o, mobilitĂ© gĂ©ographique imposĂ©e par lâemplacement des chantiers, port de charges lourdes dĂ©gradant la santĂ© des travailleursâŠ). En France, certains employeurs tentent dây remĂ©dier en versant des primes qui viennent gonfler les rĂ©munĂ©rations et cherchent Ă renforcer la qualification des jeunes quâils embauchent afin de leur assurer une progression professionnelle et salariale. Toutefois, ce cas de figure est loin dâĂȘtre majoritaire. La nĂ©cessitĂ© de serrer les budgets pour emporter les marchĂ©s peut conduire Ă contracter au maximum la masse salariale, voire Ă sous-payer des jeunes, notamment dans le cadre du travail informel, non dĂ©clarĂ© (SĂ©nĂ©gal ou Maroc, principalement).
Vient ensuite jouer, de façon dĂ©terminante, la qualitĂ© de lâenvironnement professionnel du jeune. Quâil sâagisse de lâemployeur, des membres de lâĂ©quipe ou du travailleur expĂ©rimentĂ© accompagnant le jeune dans le cadre dâun binĂŽme (voir ci-aprĂšs), la personnalitĂ©, la capacitĂ© Ă transmettre, la qualitĂ© dâĂ©coute sont autant de dispositions qui vont soutenir le dĂ©veloppement des compĂ©tences du jeune. A cet Ă©gard, les temporalitĂ©s Ă lâĆuvre jouent un rĂŽle majeur. Si lâemployeur envisage de stabiliser le jeune dans son emploi pour assurer son maintien dans lâentreprise, il aura davantage Ă cĆur de lui mĂ©nager un parcours qualifiant, structurĂ© par le dĂ©veloppement de ses compĂ©tences, jusquâĂ ĂȘtre en mesure dâaccompagner lui-mĂȘme un nouvel arrivant, notamment en France, dans les trĂšs petites entreprises. La question des perspectives ouvertes et de lâhorizon envisagĂ© au moment de lâentrĂ©e (ou aprĂšs quelques semaines) du jeune dans lâentreprise est dĂ©terminante.
Le « bien-ĂȘtre Ă©motionnel » joue Ă©galement sa partition dans la « qualitĂ© » de lâenvironnement. La qualitĂ© des relations qui lient les travailleurs est dĂ©terminante. Si lâappartenance Ă un mĂȘme groupe (gĂ©ographique, linguistique, ethniqueâŠ) mĂ©nage une proximitĂ© souvent fructueuse, la diffĂ©rence peut
en revanche gĂ©nĂ©rer une hostilitĂ© qui freine, voire inhibe les Ă©changes. La façon de dire les choses diffĂšre selon les pays. En Argentine et en France, cette dimension est mise en avant dans ce terme mĂȘme de « bien-ĂȘtre Ă©motionnel » ; au Maroc et au SĂ©nĂ©gal, est plutĂŽt soulignĂ©e la plus grande facilitĂ© relationnelle entre travailleurs partageant la mĂȘme origine. A titre dâexemple, des propos ou des comportements racistes mettent fortement Ă mal les conditions de travail et dâapprentissage des jeunes qui en sont victimes.
Les tensions entre travailleurs peuvent Ă©galement tenir Ă lâappartenance aux diffĂ©rents corps de mĂ©tier. LâenchaĂźnement des travaux des uns et des autres ne sâopĂšrent pas toujours harmonieusement et parfois les uns tentent de reporter sur les autres la responsabilitĂ© des « ratĂ©s » ou des retards qui Ă©maillent lâavancĂ©e des travaux.
Quel que soit le pays, en matiĂšre dâorganisation du travail, le dĂ©veloppement des compĂ©tences gagne Ă sâinscrire dans un parcours qui mĂ©nage lâenchaĂźnement de sĂ©quences dâactivitĂ©s variĂ©es et une pluralitĂ© dâaccompagnateurs aptes Ă transmettre des compĂ©tences diversifiĂ©es. Outre les personnalitĂ©s entourant le jeune, la composition de lâĂ©quipe de travail, son fonctionnement sont Ă©galement dĂ©terminants des progrĂšs que le jeune peut rĂ©aliser. Lâisolement est la situation la moins favorable car elle exclut les Ă©changes, au cĆur de la transmission.
La place du jeune dans lâĂ©quipe est dĂ©finie par un travailleur toujours plus expĂ©rimentĂ© mais intervenant Ă des niveaux de responsabilitĂ© variĂ©s. La Construction est un secteur qui compte de trĂšs nombreuses petites entreprises (moins de dix salariĂ©s), auquel cas câest lâemployeur, chef de lâentreprise, qui assigne les places. Dans les entreprises de plus grande taille, ce rĂŽle peut ĂȘtre dĂ©volu au chef de chantier ou au chef dâĂ©quipe.
DĂšs son arrivĂ©e sur le chantier, le jeune est de fait et informellement « Ă©valuĂ© » afin dâapprĂ©cier quelles tĂąches vont pouvoir lui ĂȘtre confiĂ©es et quel accompagnement sera nĂ©cessaire. Dans la plupart des cas, le jeune sâavĂšre trĂšs peu, voire pas du tout, qualifiĂ© et lui seront tout dâabord confiĂ©es des « tĂąches basiques » relevant dâune activitĂ© de « manĆuvre ». AprĂšs quelques semaines, ses supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques apprĂ©cient son aptitude Ă apprendre et sa dĂ©termination Ă progresser dans le mĂ©tier. Si celles-ci sont vĂ©rifiĂ©es, le chef dâentreprise peut estimer judicieux dâenvisager sa progression afin dâassurer sa montĂ©e en compĂ©tences qui peut ouvrir sur une augmentation de salaire, censĂ©e garantir le maintien du jeune dans lâentreprise. Toutefois, cette logique est Ă dĂ©crire au conditionnel car il arrive souvent que lâemployeur nâengage pas cette vision prospective et cherche Ă retirer le maximum de gain, Ă trĂšs court terme (parfois le temps dâun chantier) du jeune travailleur, auquel cas la perspective dâune montĂ©e en compĂ©tences est plus hasardeuse.
En Argentine, câest le capataz (Ă©quivalent du contremaĂźtre français) qui est le plus souvent chargĂ© dâorganiser lâaccompagnement du jeune travailleur. Les capataces disposent dâune marge dâaction pour concevoir les processus de travail dans un sens qualifiant tout en enrichissant les qualifications des travailleurs dâune composante « apprentissage ». La plupart des chefs de chantier ou des contremaĂźtres tĂ©moignent quâau-delĂ du processus informel de travail, il y a des intentions et des sĂ©quences dâapprentissage explicites. On apprend dans un processus : par exemple, Ă partir des plans,
sâengage une discussion des croquis dâĆuvres (avec le contremaĂźtre) qui oriente ceux qui exĂ©cutent lâĆuvre. Ceux qui sont chargĂ©s de transmettre leur savoir-faire ne sont gĂ©nĂ©ralement pas formĂ©s pour cela mais ils ont des objectifs clairs et ils sâengagent Ă ce que les jeunes puissent arriver au "travail bien fait" de qualitĂ© et cette perspective soutient le dĂ©veloppement des compĂ©tences. Au Maroc, pour la formation des jeunes recrutĂ©s sans ou avec peu de qualification, les entreprises procĂšdent de la mĂȘme façon : incorporation dans une Ă©quipe avec des ouvriers qualifiĂ©s et plus expĂ©rimentĂ©s qui se chargent de leur apprentissage mais on note lâabsence de mesures Ă mĂȘme dâencourager ce type de formation. Les entreprises enquĂȘtĂ©es estiment que sâils doivent dĂ©velopper la formation en milieu professionnel sous ses diffĂ©rentes formes, cela doit ĂȘtre financĂ© dans le cadre de la taxe de la formation professionnelle qui est prĂ©levĂ©e mensuellement sur la base de la masse salariale.
En bref, lâorganisation du travail en vue dâassurer le dĂ©veloppement des compĂ©tences des jeunes doit ĂȘtre pensĂ©e comme lâarticulation dâun programme de « tĂąches » Ă rĂ©aliser et une distribution des rĂŽles dans lâĂ©quipe visant Ă soutenir la progression du jeune travailleur.
Parmi les pratiques visant Ă Ă©tayer les apprentissages dans le travail, la pratique du « binĂŽme », composĂ© dâun jeune et dâun travailleur expĂ©rimentĂ©, se retrouve dans les quatre pays.
En France, le jeune, dĂšs son arrivĂ©e dans lâentreprise, est confiĂ© Ă un collĂšgue plus expĂ©rimentĂ©, voire au chef dâentreprise dans le cas des TPE (TrĂšs Petites Entreprises) afin quâil apprenne en travaillant. GĂ©nĂ©ralement, au dĂ©but, il seconde le travailleur expĂ©rimentĂ© (port de matĂ©riaux, passage dâoutilsâŠ) tout en lâobservant. Petit Ă petit, le travailleur expĂ©rimentĂ© lâimplique davantage jusquâĂ ce que le jeune devienne autonome dans la rĂ©alisation du travail. Au SĂ©nĂ©gal, le couplage (dit aussi « coaching ») consiste Ă mettre deux travailleurs ensemble sur un mĂȘme poste de travail. Il sâagit dâun couplage entre un jeune non qualifiĂ© et un chef dâĂ©quipe ayant une solide expĂ©rience dans le travail ou entre un jeune diplĂŽmĂ© fraĂźchement sorti de lâĂ©cole et un travailleur jouissant dâune expĂ©rience diffĂ©rentielle. En Argentine, dans certains cas, le « compagnon qui est Ă cĂŽtĂ© du jeune » devient une sorte de tuteur informel qui est guide et rĂ©fĂ©rent. Ces relations avec des pairs plus expĂ©rimentĂ©s sont mentionnĂ©es comme le processus permettant lâappropriation des savoirs requis et nĂ©cessaires, activant des processus cognitifs. Au Maroc, les maĂąlem peuvent ĂȘtre amenĂ©s Ă exercer la fonction dâaccompagnateur. Le maĂąlem signifie littĂ©ralement en arabe, « celui qui a un savoir-faire ou maitre ». Ce titre honorifique est donnĂ© aux personnes jugĂ©es dignes d'instruire ou de transmettre un savoirfaire. Historiquement, le maĂąlem/maĂźtre dâapprentissage occupait une place privilĂ©giĂ©e, non seulement dans la corporation mais Ă©galement dans la sociĂ©tĂ©. Cet apprentissage se pratique toujours mais de moins en moins, le plus souvent dans les mĂ©dinas oĂč les familles, gĂ©nĂ©ralement de condition modeste, confient leurs enfants aux maĂąlem pour apprendre un mĂ©tier. Pour autant, il est Ă noter que certains maĂąlem rechignent aujourdâhui Ă transmettre leurs compĂ©tences, de peur de se voir ravir leur place, une fois le jeune devenu compĂ©tent, et dâautant plus que cette fonction ne fait pas lâobjet dâune rĂ©munĂ©ration supplĂ©mentaire.
La constitution de binĂŽmes sâavĂšre gĂ©nĂ©ralement efficace, Ă condition quâelle satisfasse quelques principes. Il nâexiste pas de profil-type du bon tuteur qui vaudrait quel que soit le jeune. Câest Ă chaque fois une rencontre telle que « ça matche ou pas » entre les deux protagonistes. Certains jeunes ont
besoin dâĂȘtre encouragĂ©s « en douceur » quand dâautres gagnent Ă ĂȘtre « un peu bousculĂ©s ». Câest encela quâil est prĂ©fĂ©rable de penser la rencontre de deux personnalitĂ©s plutĂŽt que les qualitĂ©s standard de chacune des deux parties.
Quel que soit le pays, vient aussi jouer la diversitĂ© des situations auxquelles le jeune est amenĂ© Ă faire face. Plus le jeune est confrontĂ© Ă des situations nouvelles, plus il rencontre dâoccasions de monter en compĂ©tences. La variĂ©tĂ© des missions Ă accomplir, des « dĂ©fis Ă relever » est source de rĂ©solution de problĂšmes qui contribue Ă forger de nouvelles compĂ©tences. Cette variĂ©tĂ© peut tenir dans les matĂ©riaux utilisĂ©s, dans le type dâinterventions (dans la Construction : construction neuve, rĂ©novation, restauration) ou tout simplement dans les surprises qui Ă©maillent lâavancĂ©e dâun chantier (terrain en pente, sol trop meuble, mise au jour de restes antiquesâŠ) et obligent Ă inventer une solution pour y faire face.
Les apprentissages tiennent donc aussi aux tentatives que le jeune engage. LâoriginalitĂ© dâun nouvel exercice, imposĂ© par un objectif, une situation, inĂ©dits jusque-lĂ , stimule la recherche de solutions Ă partir des acquis et impulse des progrĂšs. Ainsi, ne suffit-il pas de reproduire ou de communiquer, la nouveautĂ©, aussi, stimule le dĂ©veloppement des compĂ©tences. Se dessine ici lâavantage dâun « parcours » qualifiant. Celui-ci se dĂ©veloppe autour de la « globalitĂ© des apprentissages », inscrite dans une dynamique apprenante. Cette « globalitĂ© des apprentissages » suppose que le jeune puisse avoir une vision globale du mĂ©tier ; ce qui tient dans une large mesure Ă la qualitĂ© de lâentourage professionnel du jeune. Cet idĂ©al est loin dâĂȘtre une rĂ©alitĂ©, quel que soit le pays, mĂȘme si des variations ressortent de ce point de vue.
En Argentine, il est soulignĂ© quâĂ lâissue dâun chantier, le jeune passe sur un autre chantier, qui est gĂ©nĂ©ralement inscrit dans un processus diffĂ©rent du prĂ©cĂ©dent et nĂ©cessite la maĂźtrise dâexĂ©cution dâautres tĂąches, dâinteragir avec dâautres Ă©quipes de travail, de changer de dynamique de travail. Ces changements impliquent de nouveaux apprentissages, de gagner en expĂ©rience et en professionnalisme. Bien que les tĂąches se rĂ©pĂštent selon les Ă©tapes et les domaines, les systĂšmes de construction peuvent changer dâun chantier Ă lâautre, lâapplication de nouveaux matĂ©riaux qui ont fait irruption sur le marchĂ© commercial ou les changements technologiques. Tout cela nĂ©cessite des expĂ©rimentations qui permettent dâacquĂ©rir de nouvelles compĂ©tences. Au Maroc, câest trop souvent un « segment du mĂ©tier » que le jeune peut entrevoir. PlutĂŽt que de penser le cheminement du jeune Ă des fins de dĂ©veloppement de ses compĂ©tences, câest la productivitĂ© du travail dans lâinstant qui est privilĂ©giĂ©e et qui invite Ă faire en sorte que le jeune reproduise des tĂąches peu diversifiĂ©es mais quâil va exĂ©cuter de plus en plus rapidement.
Le dĂ©veloppement des compĂ©tences dans le travail sâopĂšre plus ou moins aisĂ©ment selon le socle de connaissances initial et les dispositions comportementales du jeune. A cet Ă©gard, les positionnements des jeunes Ă lâentrĂ©e dans un mĂȘme emploi semblent trĂšs variables. Sur ce registre des prĂ©requis, les contrastes entre les quatre pays sont trĂšs marquĂ©s.
Les « savoirs de base » recouvrent les trois compĂ©tences Ă©lĂ©mentaires : lire, Ă©crire et compter. Elles sont gĂ©nĂ©ralement acquises Ă lâissue dâune scolaritĂ© primaire. Toutefois, deux Ă©cueils peuvent contrarier leur assimilation. Dâune part, nombre de jeunes (au Maroc et au SĂ©nĂ©gal) nâont pas â ou pas assez longtemps â frĂ©quentĂ© lâĂ©cole ; dâautre part, les jeunes peuvent avoir frĂ©quentĂ© lâĂ©cole et acquis des compĂ©tences quâils ont perdues faute de les avoir entretenues et se trouvent ainsi en situation dâillettrisme 20
Sâagissant des dits « savoirs de base », les profils vont du jeune en situation dâanalphabĂ©tisme ou dâillettrisme au jeune titulaire dâun baccalaurĂ©at (plus rare). Un niveau de formation initiale plus Ă©levĂ© annonce des dispositions facilitant le dĂ©veloppement des compĂ©tences, y compris quand la spĂ©cialitĂ© de la formation initiale est Ă©loignĂ©e de la Construction
Cependant, si lâexercice du travail est source de dĂ©veloppement des compĂ©tences techniques nĂ©cessaires Ă la pratique du mĂ©tier, il est aussi source de progrĂšs quant aux savoirs de base. A titre dâexemple, la lecture de plan est souvent mise en avant comme un exercice permettant des progrĂšs en gĂ©omĂ©trie et les calculs imposĂ©s pour dĂ©terminer le volume des matĂ©riaux utiles comme autant dâexercices concrets ouvrant des possibilitĂ©s dâavancĂ©e en arithmĂ©tique. Ainsi, les jeunes sortis de formation initiale sans disposer des aptitudes gĂ©nĂ©ralement acquises dans le cadre scolaire peuvent trouver en emploi les occasions dây accĂ©der quand la pratique du mĂ©tier les impose. Les apprentissages en situation dâanalphabĂ©tisme ou dâillettrisme supposent toutefois du cĂŽtĂ© du jeune, une Ă©coute attentive, une bonne capacitĂ© de mĂ©morisation (notamment visuelle), une aptitude Ă poser les questions pertinentes et une capacitĂ© de « dĂ©brouillardise » non nĂ©gligeable ; du cĂŽtĂ© de ceux qui lâaccompagnent, une Ă©coute attentive (aussi), une facultĂ© dâadaptation et de transmission de leurs compĂ©tences.
Sâagissant des dispositions comportementales, toute une palette, commune aux quatre pays, ressort mĂȘlant diffĂ©rents niveaux de curiositĂ©, de motivation ou encore de capacitĂ© Ă Ă©couter les conseils. Les exigences de lâentourage professionnel au regard de ces dispositions sont dĂ©terminantes des avancĂ©es que le jeune peut opĂ©rer en la matiĂšre. Parmi les « qualitĂ©s » mises en avant par les employeurs, la « ponctualitĂ© », « lâendurance », le « respect des autres », voire « lâobĂ©issance » ressortent Ă©galement comme essentielles pour assurer un fonctionnement optimal de lâĂ©quipe.
En Argentine, il ressort quâau-delĂ du fait que la personne qui commence Ă travailler a de lâexpĂ©rience ou pas, lâintĂ©rĂȘt pour ce quâelle doit faire et le "dĂ©sir de travailler", sont des dispositions qui, selon les employeurs, sont nĂ©cessaires pour apprendre au travail. Cette volontĂ© et le dĂ©sir de travailler impliquent un engagement dans les tĂąches Ă effectuer. En outre, une Ă©valuation de la proactivitĂ© apparaĂźt comme une condition prĂ©alable pour ceux qui ont un profil technique, car elle est considĂ©rĂ©e
20 En France, 4,1 % des jeunes sont classĂ©s en situation dâillettrisme et 9,6 % ont des difficultĂ©s de lecture, suite aux tests passĂ©s lors des journĂ©es citoyennes dâappel Ă la dĂ©fense. Source : https://www.education.gouv.fr/la-prevention-et-la-lutte-contre-l-illettrismel-ecole-7538
comme une attitude qui leur permet de rĂ©aliser les tĂąches de maniĂšre active tout en favorisant lâapprentissage au travail. La capacitĂ© de sâorganiser, de rĂ©soudre des problĂšmes et de ne pas se figer face Ă lâobstacle sont des facteurs qui permettent dâapprendre au cours de lâactivitĂ© quâils accomplissent. Fortement associĂ©e Ă la volontĂ© de travailler, la motivation pour apprendre est dĂ©terminante. La construction Ă©tant une activitĂ© oĂč il y a des problĂšmes Ă rĂ©soudre en permanence, lâattitude et la motivation pour apprendre sont considĂ©rĂ©es comme cruciales pour la performance.
Toutefois, les exigences formulĂ©es sâavĂšrent bĂ©nĂ©fiques Ă condition que les Ă©changes soient emprunts du souci de remĂ©dier aux dĂ©fauts qui sâexpriment, tant du point de vue du jeune qui doit reconnaĂźtre la nĂ©cessitĂ© de modifier son comportement que du plus ancien qui doit se montrer confiant quant Ă la capacitĂ© du jeune Ă pallier ses travers. Ainsi, quâil sâagisse des savoirs de base ou des dispositions comportementales et quel que soit le positionnement du jeune sur les Ă©chelles de leurs apprĂ©ciations Ă son arrivĂ©e dans lâentreprise, rien nâest jamais perdu, câest le chemin Ă parcourir qui sâannonce plus ou moins long selon le point de dĂ©part.
Les freins au développement des compétences dans le travail se définissent négativement par rapport aux conditions qui lui sont favorables et tiennent aussi à des facteurs connexes.
2.5.1 Un environnement peu stimulant, sous-tendu par des problĂšmes de communication
Les Ă©changes Ă©tant au cĆur des apprentissages dans le travail, câest avant tout lâenvironnement professionnel du jeune qui peut, sâil est dĂ©faillant, contrarier le dĂ©veloppement de ses compĂ©tences. Lâisolement du jeune, livrĂ© Ă lui-mĂȘme, sans possibilitĂ© ni de reproduire, ni dâĂ©changer verbalement mĂ©nage un cadre peu porteur. Si les qualitĂ©s « pĂ©dagogiques » des plus anciens jouent un rĂŽle non nĂ©gligeable dans la qualitĂ© des Ă©changes avec les jeunes, dâautres facteurs peuvent les contrarier, telles les langues usitĂ©es.
La question linguistique se pose ici de façon cruciale. Il nâest pas rare que les travailleurs Ćuvrant sur un mĂȘme chantier, voire au sein dâune mĂȘme Ă©quipe, soient de nationalitĂ© diffĂ©rente (maghrĂ©bins, portugais, français, en France) et parfois mĂȘme de mĂȘme nationalitĂ© mais ne sâexprimant pas dans la mĂȘme langue (Arabe, BerbĂšre au Maroc ; Wolof, SĂ©rĂšre, etc. au SĂ©nĂ©gal).
La pluralitĂ© des origines des travailleurs prĂ©sents sur le chantier, qui sâaccompagne dâune pluralitĂ© des langues usitĂ©es, peut freiner les Ă©changes. Lâapprentissage dâune nouvelle langue, surtout pour des jeunes qui ont Ă©tĂ© peu scolarisĂ©s, ne va pas de soi. Il peut alors ĂȘtre nĂ©cessaire de trouver le moyen dâopĂ©rer des traductions. Au Maroc, les problĂšmes de communication sur les chantiers sont tangibles. Beaucoup de jeunes travailleurs sont originaires du sud marocain berbĂ©rophone. Parmi eux, ceux qui nâont pas Ă©tĂ© scolarisĂ©s ne maĂźtrisent pas lâarabe (langue officielle Ă lâĂ©cole), usitĂ© sur les chantiers. Il arrive mĂȘme que des interprĂštes soient recrutĂ©s sur les chantiers pour jouer les intermĂ©diaires entre les ouvriers et les chefs de chantier. Au SĂ©nĂ©gal, ceux qui comprennent les deux langues (Wolof et Français) peuvent servir dâinterprĂštes.
Si la barriĂšre de la langue nâest pas rĂ©dhibitoire, car dâautres formes dâĂ©changes sont possibles, il nâen demeure pas moins quâelle rend plus difficile les Ă©changes. Si les Ă©changes verbaux sont rendus difficiles du fait de la barriĂšre de la langue, dâautres modalitĂ©s de communication sont possibles pour assurer un minimum de transmissions. Les gestes, bien sĂ»r, mais aussi des dessins ou des schĂ©mas qui peuvent venir soutenir une dĂ©monstration.
Par ailleurs, mĂȘme quand la langue est partagĂ©e, la coopĂ©ration avec un travailleur, lui-mĂȘme peu expĂ©rimentĂ© ou expĂ©rimentĂ© mais peu enclin Ă transmettre ou maladroit dans sa façon de le faire, peut freiner le dĂ©veloppement des compĂ©tences.
La rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes objectifs, activitĂ©s et par consĂ©quent des mĂȘmes procĂ©dures, des mĂȘmes gestes limite les possibilitĂ©s de dĂ©couvertes, de nouvelles expĂ©riences et de progrĂšs.
Au Maroc, il nâest pas rare de rencontrer des travailleurs ĂągĂ©s, travaillant depuis longtemps sur des chantiers, et toujours cantonnĂ©s dans des activitĂ©s basiques faute dâavoir pu dĂ©velopper de nouvelles compĂ©tences, souvent en raison dâune situation initiale dâanalphabĂ©tisme qui a inhibĂ©, dĂšs lâorigine, toute tentative de progression professionnelle et dâun contexte peu favorable aux apprentissages.
La progression sâopĂšre via les problĂšmes que le jeune est amenĂ© Ă rĂ©soudre. Sâil reproduit les mĂȘmes tĂąches, il exploite ses compĂ©tences mais ne se trouve pas face Ă de nouveaux « dĂ©fis », voire face Ă des « Ă©nigmes » qui lâamĂšneraient Ă chercher des solutions pour mener Ă bien la mission qui lui a Ă©tĂ© confiĂ©e car câest ainsi que se forge la compĂ©tence. Ce qui conduit Ă la question des contextes qui favorisent plus ou moins la multiplication des expĂ©riences. Ainsi, la taille des entreprises, leur plus ou moins grande spĂ©cialisation, les diffĂ©rents types dâenvironnement, de matĂ©riaux utilisĂ©s influent inĂ©galement sur les conditions de dĂ©veloppement des compĂ©tences. Dans les grandes entreprises, la parcellisation des tĂąches induit une activitĂ© rĂ©pĂ©titive pour les ouvriers les moins qualifiĂ©s enjoints Ă reproduire les mĂȘmes sĂ©quences de travail sans possibilitĂ©s dâengager de nouvelles expĂ©riences formatives.
Cette tendance Ă la rĂ©pĂ©tition est accentuĂ©e par la mĂ©connaissance du mĂ©tier dans son ensemble, corrĂ©lĂ©e Ă lâabsence de vision des perspectives qui pourraient sâouvrir, comme en tĂ©moigne le cas sĂ©nĂ©galais. En effet, le dĂ©faut de connaissance du mĂ©tier dans son entiĂšretĂ© sâaccompagne dâune difficultĂ© Ă entrevoir les horizons possibles.
Sâagissant du comportement du jeune, les freins sont aussi tangibles. Ce que les employeurs dĂ©signent sous le terme de « motivation » renvoie Ă tout un ensemble de dispositions qui favorisent le dĂ©veloppement des compĂ©tences. Ătre « motivĂ© », câest dĂ©sirer progresser, ce qui implique dâĂȘtre curieux, attentif aux remarques, soucieux de toujours faire mieux. Le jeune qui refuse les conseils, fait preuve dâune faible Ă©coute, sâinterdit une progression sensible et dĂ©courage ceux qui lâaccompagnent de poursuivre leur travail de soutien au dĂ©veloppement de ses compĂ©tences.
Ce dĂ©faut dâimplication du jeune peut traduire un manque de motivation Ă exercer lâactivitĂ©. La motivation nĂ©cessaire peut notamment ĂȘtre contrariĂ©e lorsque le jeune sâengage dans la Construction en tant que « voie de garage », câest-Ă -dire par dĂ©faut, faute de pouvoir accĂ©der Ă dâautres activitĂ©s. Le dĂ©faut dâimplication du jeune peut Ă©galement tenir Ă la perspective dâune rĂ©orientation professionnelle qui fait de lâemploi dans la Construction un emploi transitoire, purement « alimentaire » afin dâassurer une rĂ©munĂ©ration minimale Ă court terme.
Au Maroc, les jeunes issus des zones rurales peu, voire pas du tout, dotĂ©s en formation scolaire initiale, restent souvent confinĂ©s dans des activitĂ©s basiques et rĂ©currentes, sans opportunitĂ©s de progression. Les jeunes issus des zones urbaines, mieux dotĂ©s en qualification scolaire, envisagent plus souvent leur emploi dans la Construction comme une transition avant dâĂ©voluer dans un autre secteur. Les uns comme les autres ne se trouvent pas dans des dynamiques invitant au dĂ©veloppement des compĂ©tences. Au SĂ©nĂ©gal, le principal frein, signalĂ© de ce point de vue, est le « manque de temps » : les travailleurs ont gĂ©nĂ©ralement un programme trop chargĂ© par des tĂąches rĂ©pĂ©titives qui ne leur laisse pas le temps de penser Ă se former et Ă dĂ©velopper de nouvelles compĂ©tences. En raison de la pauvretĂ© Ă laquelle ils font face, certains jeunes sont plus prĂ©occupĂ©s par le salaire journalier que par la formation. Certains dâentre eux considĂšrent que le passage par le chantier nâest quâun pis-aller en attendant de trouver dâautres opportunitĂ©s plus intĂ©ressantes pour eux et ne pensent nullement Ă se former.
Le dĂ©faut dâimplication peut Ă©galement tenir au travailleur expĂ©rimentĂ© chargĂ© dâaccompagner le jeune. Se pose ici la question du profil des « accompagnateurs » et des bĂ©nĂ©fices quâils retirent de cette activitĂ©. GĂ©nĂ©ralement, ils nâont pas Ă©tĂ© formĂ©s pour former eux-mĂȘmes les autres et lâaccompagnement quâils assurent ne fait lâobjet dâaucune reconnaissance en termes de salaire ou de promotion.
2.5.4 Un turnover de la main dâĆuvre Ă©levĂ©, assorti dâun recours frĂ©quent Ă la sous-traitance,âŠ
Le secteur de la Construction se caractĂ©rise par un turnover singuliĂšrement Ă©levĂ© qui, par dĂ©finition, limite les temps de prĂ©sence des travailleurs dans lâentreprise. Lâhorizon rapprochĂ© de la fin du chantier nâinvite pas au dĂ©veloppement des compĂ©tences des ouvriers qui y travaillent. A quoi bon former des jeunes qui vont bientĂŽt quitter lâentreprise, dâune façon ou dâune autre ?
Le recours massif Ă la sous-traitance, mis en lumiĂšre en Argentine, entrave Ă©galement le dĂ©veloppement des compĂ©tences des jeunes les moins qualifiĂ©s. La sous-traitance entraĂźne notamment une focalisation sur une partie spĂ©cifique du chantier qui limite, voire empĂȘche, la diversification des tĂąches. En France, câest le recours massif aux travailleurs intĂ©rimaires, mis Ă disposition temporairement auprĂšs de lâemployeur via une agence, embauchĂ©s le temps dâun chantier, dont le dĂ©veloppement des compĂ©tences est particuliĂšrement nĂ©gligĂ©. Au Maroc, les employeurs soulignent que la cadence des travaux, Ă©levĂ©e en raison des dĂ©lais dâexĂ©cution, ne leur laisse pas le temps de se consacrer Ă lâapprentissage des jeunes recrues.
Les rythmes, voire les cadences, sont rapides et visent la rentabilitĂ© immĂ©diate du travail rĂ©alisĂ©. De plus, la recherche de la rentabilitĂ© immĂ©diate impose, outre un rythme rapide dâexĂ©cution des tĂąches,
une trĂšs faible porositĂ© des temps de travail tels que les espaces qui seraient nĂ©cessaires Ă des Ă©changes constructifs pour dĂ©velopper les compĂ©tences ne trouvent pas leur place. La durĂ©e des journĂ©es de travail, parfois longues car soumises aux dĂ©lais de livraison du chantier, joue aussi dĂ©favorablement sur la possibilitĂ© dâun temps dĂ©diĂ© Ă un « retour rĂ©flexif sur le travail ».
Ainsi, les conditions favorables au dĂ©veloppement des compĂ©tences sont souvent contrariĂ©es par la recherche dâune productivitĂ© Ă court terme qui invite lâemployeur Ă nĂ©gliger la construction dâun parcours qualifiant pour le jeune. Lâhorizon envisagĂ© Ă cet Ă©gard se limite bien souvent Ă la fin du chantier et lâĂ©quipe est pressĂ©e par lâobjectif de tenir les dĂ©lais annoncĂ©s, voire de limiter les retards dĂ©jĂ accumulĂ©s.
La rĂ©pĂ©tition des mĂȘmes tĂąches plutĂŽt que leur diversification rĂ©pond trop souvent Ă lâobjectif dâune rentabilitĂ© immĂ©diate du travail du jeune. Les moments dâĂ©changes, notamment ceux permettant un « retour rĂ©flexif sur le travail », sont souvent trop rares et envisagĂ©s comme des temps improductifs qui ralentissent lâactivitĂ© professionnelle. Or, cette perception tĂ©moigne dâune vision Ă court terme de la productivitĂ© : le jeune est supposĂ© plus productif quand il exĂ©cute une tĂąche plutĂŽt que quand il Ă©change. Câest oublier que la consolidation de ses nouvelles compĂ©tences lui permettrait dâĂȘtre plus productif et plus autonome dans ses activitĂ©s futures⊠ce qui ramĂšne Ă la question du lieu dâexercice de ces activitĂ©s futures et de lâemployeur qui tirera bĂ©nĂ©fice des progrĂšs rĂ©alisĂ©s, donc de la durĂ©e du contrat de travail du jeune travailleur.
Lesdites « compĂ©tences de base », lorsquâelles sont dĂ©faillantes, peuvent reprĂ©senter un frein majeur au dĂ©veloppement des compĂ©tences. Des progrĂšs en calcul ou encore en lecture de plans peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s dans le travail mais ceux-ci restent limitĂ©s.
Au Maroc, certains jeunes ont pu acquĂ©rir des notions de base dans le milieu de travail, principalement en lecture des plans y compris pour les jeunes analphabĂštes qui parviennent Ă dĂ©chiffrer les plans de bĂ©ton armĂ© par simple reconnaissance visuelle. Ainsi, ils peuvent distinguer par exemple entre le symbole S utilisĂ© pour une semelle ou P pour les poteaux, etcâŠEn revanche, la maĂźtrise orale et a fortiori Ă©crite dâune langue nĂ©cessite un temps long et un dans le principal but dâobtenir un salaire Ă la fin de la semaine, voire de la journĂ©e. Au SĂ©nĂ©gal, certains investissements consĂ©quents que la plupart des jeunes, issus de familles pauvres, nâont pas les moyens dâengager, dâautant quâils travaillent le plus souvent jeunes, quoique dĂ©sireux de travailler, souffrent de rĂ©elles carences en lecture et en Ă©criture dans chacune des langues (Français ou Wolof). En effet, vu leur faible niveau dâinstruction, les ouvriers ne parviennent pas Ă Ă©tablir des devis pour la rĂ©alisation de certaines Ćuvres dont ils ont la responsabilitĂ© en leur qualitĂ© de chef dâĂ©quipe.
Impossible dâachever ce paragraphe sur les freins sans Ă©voquer lâinformalitĂ© de lâemploi. Le caractĂšre informel de lâemploi non dĂ©clarĂ©, renforcerait-il les freins identifiĂ©s ? Lâabsence de cadre lĂ©gal du travail crĂ©e des conditions dâexercice qui donnent libre cours aux abus en matiĂšre dâemploi et de travail (peu voire pas dâinformations sur cette question). Cependant, le caractĂšre plus ou moins structurel de lâemploi informel sâaccompagne dâune grande variabilitĂ© des rĂšgles implicites qui rĂ©gissent lâactivitĂ© du chantier. Au SĂ©nĂ©gal, oĂč lâemploi informel occupe une place prĂ©pondĂ©rante, le dĂ©faut de rĂšgles
lĂ©gales nâexclut pas lâexpression de rĂšgles sociales qui structurent lâactivitĂ© des travailleurs. Lâabsence de rĂ©glementation ne saurait masquer les codes sociaux.
Freins Argentine France Maroc Sénégal
BarriÚres linguistiques Enjeu pas relevé
En cas de non-partage d'une mĂȘme langue sur les chantiers (travailleurs d'origine Ă©trangĂšre ne maĂźtrisant pas le Français).
En cas de non-partage d'une mĂȘme langue sur les chantiers (surtout entre berbĂ©rophones et arabophones).
En cas de non-partage d'une mĂȘme langue sur les chantiers (pour des travailleurs ne maĂźtrisant aucune des deux langues Wolof ou Français).
Turnover Ă©levĂ© de la main d'Ćuvre et vision courttermiste de la productivitĂ©
Recours élevé à la soustraitance.
Priorité accordée au rendement, à la productivité et à la rentabilité immédiats.
Manque de stratégie RH en matiÚre de FC.
Recours fréquent aux contrats intérimaires.
Turnover Ă©levĂ© de la main d'Ćuvre.
Manque de stratégie RH à moyen terme, hors production.
Priorité accordée au rendement, à la productivité et à la rentabilité immédiats
Priorité accordée au rendement, à la productivité et à la rentabilité immédiats.
Répétitivité des situations professionnelles et fragmentation des tùches
Parcellisation des activités, surtout pour les travailleurs des entreprises soustraitantes.
Parcellisation des activités.
Manque de mobilité limitant la diversité des chantiers.
Cantonnement Ă des tĂąches basiques.
Concurrence entre les diplÎmés et les non-diplÎmés (ne parvenant pas à occuper certaines fonctions).
Faible implication et motivation Ă apprendre et / ou Ă transmettre
Emploi dans la Construction parfois considéré prioritairement comme une activité rémunératrice et transitoire.
Manque de projection, du fait de l'instabilité de l'activité du secteur.
Emploi dans la Construction parfois considéré comme une activité prioritairement rémunératrice et transitoire.
Manque de temps et de reconnaissance pour la transmission.
Emploi dans la Construction souvent considéré comme une activité prioritairement rémunératrice.
Emploi dans la Construction souvent considéré commune une activité prioritairement rémunératrice.
Manque d'ambition d'évolution dans le secteur (et méconnaissance des métiers).
Manque d'ambition d'évolution dans le secteur (et méconnaissance des métiers).
Manque de temps et de reconnaissance pour la
Manque de temps et de reconnaissance pour la
Niveau d'instruction initiale faible
Pas considéré comme rédhibitoire.
MaĂźtrise parfois insuffisante des savoirs de base.
Pas considéré comme rédhibitoire.
MaĂźtrise parfois insuffisante des savoirs de base, en particulier des calculs.
transmission et crainte d'ĂȘtre dĂ©passĂ© par les jeunes formĂ©s.
Pas considéré comme rédhibitoire.
Problématiques fréquentes d'analphabétisme ou d'illettrisme.
transmission et crainte d'ĂȘtre dĂ©passĂ© par les jeunes formĂ©s.
Pas considéré comme rédhibitoire.
Problématiques fréquentes d'analphabétisme ou d'illettrisme.
Les compétences que le jeune peut développer dans le travail sont de différentes natures : relatives au comportement jugé idoine, à la maßtrise des « savoirs de base » ou aux connaissances techniques.
Câest lâassociation de ces diffĂ©rents types de « compĂ©tences », qui sâentretiennent les unes les autres, qui contribue Ă la qualitĂ© du travail.
Les principales compĂ©tences dites « comportementales » ou encore « sociales » mises en avant sont la motivation pour apprendre et progresser, lâimplication dans le travail, la proactivitĂ©, la ponctualitĂ© et lâassiduitĂ©. Sây ajoute lâesprit dâĂ©quipe. Quel que soit le pays, la « motivation » sâaffirme comme la qualitĂ© premiĂšre qui conditionne les autres. Le schĂ©ma ci-dessous dessine les liens dâimplication entre les compĂ©tences dites « comportementales ».
Implication dans le travail Curiosité
DĂ©sir de progresser et dâapprendre
Proactivité - Ponctualité
Assiduité
Respect des consignes
Les compĂ©tences dites « transversales » que sont lâautonomie, la capacitĂ© dâĂ©coute et dâargumentation, la capacitĂ© Ă rĂ©soudre des problĂšmes et Ă travailler en Ă©quipe viennent complĂ©ter le tableau des compĂ©tences utiles dans lâexercice du travail.
Les « compétences de base » attendues sont trÚs inégalement vérifiées. En Argentine comme en France, la scolarité obligatoire 21, généralement satisfaite 22, permet de mettre en place un socle plus ou moins solide. Au Maroc comme au Sénégal, de nombreux jeunes, particuliÚrement parmi ceux qui
21 Ou encore en France, lâexistence du dispositif CLEA ou de dispositifs dâalphabĂ©tisation
22 NĂ©anmoins, en Argentine, dans le secteur de la Construction, 62 % des travailleurs nâont pas achevĂ© le cursus de lâĂ©cole obligatoire (jusquâau secondaire).
travaillent dans la Construction, nâont que trĂšs peu Ă©tĂ© scolarisĂ©s, voire pas du tout. Dans ces cas, les trois types de compĂ©tences (lire, Ă©crire et compter) ne sont pas du tout acquises.
Dans la Construction, ce sont les « compĂ©tences de base » en mathĂ©matiques qui ressortent comme les plus utiles pour lâexercice du mĂ©tier. Le calcul des mesures, des volumes appelle des connaissances Ă©lĂ©mentaires en arithmĂ©tique et en gĂ©omĂ©trie. Cette derniĂšre sâavĂšre Ă©galement nĂ©cessaire Ă la lecture de plan, fortement mise en avant par les employeurs, quel que soit le pays.
Les compĂ©tences techniques liĂ©es Ă lâexercice du mĂ©tier sont au cĆur des apprentissages dans le travail. Ce sont essentiellement celles-ci qui peuvent ĂȘtre acquises au grĂ© des activitĂ©s rĂ©alisĂ©es avec dâautres travailleurs, qui ouvrent la possibilitĂ© dâune reproduction des gestes et des procĂ©dures. Certes, le rĂŽle dĂ©terminant de la « parole » peut ĂȘtre invalidĂ© si la langue nâest pas commune. Reste alors le « geste » qui peut ĂȘtre reproduit en toutes hypothĂšses, Ă condition de pratiquer le mĂ©tier auprĂšs dâun « tuteur » apte Ă en faire la dĂ©monstration. Les compĂ©tences dites « techniques » viennent parfois frĂŽler les compĂ©tences dites « de base », telle la lecture de plan qui ressort, aux dires des employeurs, des deux catĂ©gories.
Dans la Construction, ce sont principalement les normes de sĂ©curitĂ© qui sâavĂšrent cruciales tant pour ce qui concerne la sĂ©curitĂ© des personnes que la qualitĂ© de la construction. Les compĂ©tences liĂ©es Ă la connaissance et au respect des normes de sĂ©curitĂ©, essentielles dans les quatre pays, sont particuliĂšrement mises en avant dans les entretiens au SĂ©nĂ©gal. Leur inculcation et leur application renvoient principalement Ă lâemployeur, supposĂ© les faire valoir sur le chantier. Or, le respect de ces normes induit des coĂ»ts liĂ©s aux Ă©quipements nĂ©cessaires (casques, gants, chaussures de sĂ©curitĂ©, matĂ©riel dâharnachement pour travailler en hauteurâŠ), au temps de transmission des consignes, au temps parfois supplĂ©mentaire exigĂ© par lâapplication des normes (sâattacher Ă faire un exercice Ă plusieursâŠ). DâoĂč un respect des normes de sĂ©curitĂ© souvent enfreint dont tĂ©moigne le nombre dâaccidents du travail sur les chantiers et de maladies professionnelles dĂ©veloppĂ©es par les travailleurs
En France, la sĂ©curitĂ© est supposĂ©e rĂ©pondre Ă un cadre lĂ©gal strictement dĂ©fini dont le respect est censĂ© ĂȘtre contrĂŽlĂ© par lâinspection du travail. Or, selon le site de lâassurance-maladie, « le BTP reste lâun des secteurs les plus sinistrĂ©s, avec 56 accidents du travail enregistrĂ©s pour 1 000 salariĂ©s (la moyenne de tous les secteurs est autour de 34). Des manquements en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de protection de la santĂ© continuent dâĂȘtre constatĂ©s sur les chantiers, pouvant mener Ă des accidents graves ». Viennent sây ajouter les « maladies professionnelles » : troubles musculosquelettiques, pathologies liĂ©es Ă lâinhalation de poussiĂšres dâamiante, atteintes auditives, etc. » 23. Au Maroc, comme en Argentine et en France, si la sĂ©curitĂ© fait lâobjet des rares, voire des seules, formations organisĂ©es pour les salariĂ©s, le respect des consignes nâest pas pour autant garanti, loin de lĂ . Au sein des chantiers, les moyens de protection de la sĂ©curitĂ© sont mis Ă disposition : casques, chaussures, gants, harnais, garde-corps,
23 https://www.ameli.fr/entreprise/sante-travail/votre-secteur/batiment-travaux-publics/chiffres-cles.
balisage. Il reste nĂ©anmoins un travail de sensibilisation Ă opĂ©rer : beaucoup de jeunes travailleurs rechignent Ă utiliser ces Ă©quipements, par exemple Ă porter un casque, souvent en raison de lâinconfort que cela procure pendant les pĂ©riodes de chaleur. En Argentine, au niveau des grands chantiers, le syndicat joue un rĂŽle majeur pour veiller au respect des normes.
Quel que soit le type de compĂ©tences, des progrĂšs sont possibles. Aucun jeune nâest soumis au statu quo, Ă condition que soit envisagĂ© un parcours qui lui permette, pas Ă pas, dâavancer vers de nouvelles compĂ©tences. Câest dans ce sens que nous formulerons des recommandations en direction des diffĂ©rents acteurs du champ (voir partie 4).
La question de la reconnaissance des compĂ©tences acquises via les apprentissages dans le travail demeure centrale dans la mesure oĂč elle constitue une Ă©tape essentielle du processus de professionnalisation des individus. Elle repose principalement sur des mesures dâĂ©valuation et de validation des acquis dâapprentissage qui renvoient dâune part Ă des dispositifs formels de reconnaissance par la dĂ©livrance de tout ou partie dâune certification reconnue sur un plan institutionnel ou encore Ă des modalitĂ©s spĂ©cifiques, salariales ou autres, qui sâinscrivent dans le cadre de politiques de branches ou dâentreprises. Ce chapitre rend compte de ces diffĂ©rentes formes de reconnaissance dont nous ont fait part les acteurs rencontrĂ©s lors de nos investigations de terrain.
3.1 Des dispositifs de validation des acquis de lâexpĂ©rience professionnelle Ă gĂ©omĂ©trie variable selon les pays
La validation des acquis de lâexpĂ©rience est devenue un enjeu majeur des politiques publiques de formation professionnelle et dâemploi en termes de professionnalisation des salariĂ©s, de gestion du dĂ©veloppement de leurs compĂ©tences ou de maintien de leur employabilitĂ© (dans le cadre des reconversions professionnelles) mais aussi dâintĂ©gration des salariĂ©s issus de lâĂ©conomie informelle vers le secteur formel comme lâont mis en avant les acteurs institutionnels rencontrĂ©s. Pour autant, les systĂšmes de reconnaissance des compĂ©tences au travers de la mise en Ćuvre de dispositifs de validation des acquis de lâexpĂ©rience (VAE) sont trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšnes dâun pays Ă lâautre. Si la France et lâArgentine bĂ©nĂ©ficient de dispositifs formels adossĂ©s respectivement Ă un cadre lĂ©gislatif et Ă un dispositif ministĂ©riel complĂ©tĂ© par des accords avec les partenaires sociaux, ce nâest pas encore le cas du Maroc et du SĂ©nĂ©gal qui, en dĂ©pit de lâexistence de projets de textes rĂ©glementaires et lĂ©gislatifs sur le sujet Ă©laborĂ©s Ă la suite de la mise en Ćuvre de plusieurs expĂ©rimentations, rencontrent des difficultĂ©s Ă les faire entĂ©riner par leurs autoritĂ©s compĂ©tentes respectives.
En France, le dispositif national de VAE existe depuis une vingtaine dâannĂ©e (voir EncadrĂ© 1) et permet la dĂ©livrance, sous certaines conditions, de tous les diplĂŽmes, titres professionnels ou Certificats de qualifications professionnelles (CQP) enregistrĂ©s au RĂ©pertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Ce rĂ©pertoire est gĂ©rĂ© par une instance de rĂ©gulation quadripartite â Etat, organisations syndicales des salariĂ©s et des employeurs, Conseils rĂ©gionaux â qui examine les demandes dâenregistrements des certifications au RNCP des organismes privĂ©s de formation ou des branches professionnelles, selon des critĂšres spĂ©cifiques. Les diplĂŽmes et titres dĂ©livrĂ©s par les
ministĂšres certificateurs font lâobjet quant Ă eux dâun enregistrement de droit au rĂ©pertoire Les certifications enregistrĂ©es dans ce rĂ©pertoire font lâobjet dâune fiche qui Ă©nonce les activitĂ©s et compĂ©tences visĂ©es par la certification et leurs modalitĂ©s dâĂ©valuation. Le dispositif de VAE sâappuie donc sur ce systĂšme trĂšs normĂ© de construction des certifications et de leur reconnaissance au plan national.
En Argentine, des expĂ©rimentations menĂ©es Ă partir de 2004, dans quatre secteurs professionnels, ont permis dâaboutir Ă la mise en place dâun dispositif national de certification des compĂ©tences professionnelles sous lâĂ©gide du ministĂšre du Travail, en collaboration avec chaque organisation professionnelle paritaire des secteurs concernĂ©s. Seuls sont concernĂ©s ici les certificats de compĂ©tences professionnelles rattachĂ©s au ministĂšre du travail, ceux-ci Ă©tant distincts des titres professionnels dĂ©livrĂ©s par le ministĂšre de lâEducation nationale et ne permettant pas dâĂ©tablir des passerelles entre les deux systĂšmes. Le rĂŽle des partenaires sociaux sectoriels est dĂ©terminant dans la mise en Ćuvre du dispositif (voir EncadrĂ© 2).
Le projet de mise en place dâun systĂšme national de VAE au SĂ©nĂ©gal est assez proche dans sa conception du systĂšme français. Les expĂ©rimentations portĂ©es par lâONFP en attestent (voir EncadrĂ©
3). La non adoption jusquâici du cadre juridique (textes de lois et dĂ©crets) encadrant la VAE semblerait provenir des difficultĂ©s de coordination des nombreux acteurs en prĂ©sence (ministĂšres en charge de la formation professionnelle, du travail, de lâenseignement supĂ©rieur, de lâĂ©ducation nationaleâŠ) et lâabsence dâun cadre national des certifications regroupant lâensemble des certifications dĂ©livrĂ©es au nom des ministĂšres de lâenseignement supĂ©rieur, de la formation professionnelle et de lâĂ©ducation nationale 24
Au Maroc, la VAE a Ă©tĂ© initiĂ©e en 2008 par le ministĂšre de lâEmploi, lâOffice de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et la confĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des entreprises du Maroc (CGEM) suite aux recommandations formulĂ©es lors des premiĂšres Assises de la formation professionnelle de 2006 qui prĂ©voient le lancement dâexpĂ©rimentations sectorielles. (voir EncadrĂ© 4). Le dispositif de VAE marocain, qui possĂšde lui aussi de fortes similitudes avec celui de la France, reste pour lâheure suspendu dans sa mise en Ćuvre Ă la publication des dĂ©crets dâapplication bien que le cadre lĂ©gal le rĂ©gissant ait Ă©tĂ© dĂ©fini. Contrairement aux autres dispositifs des autres pays, les certificats dĂ©livrĂ©s dans le cadre de ces expĂ©rimentations nâont pas de valeur nationale puisquâelles relĂšvent exclusivement des secteurs professionnels concernĂ©s ce qui pose la question de leur transfĂ©rabilitĂ© Ă dâautres secteurs professionnels dans le cadre de mobilitĂ© intersectorielle. PrĂ©cisons par ailleurs que le DĂ©partement de la formation professionnelle (DFP) a rĂ©alisĂ© en amont de ces expĂ©rimentations un important travail dâĂ©critures des rĂ©fĂ©rentiels dâemploi-mĂ©tiers et des rĂ©fĂ©rentiels de compĂ©tences dans la quasi-totalitĂ© des secteurs de lâĂ©conomie marocaine, ce qui lui offre un avantage considĂ©rable pour le dĂ©ploiement Ă Ă©chelle nationale de son futur dispositif de VAE
24 CF. document Ă©laborĂ© par lâautoritĂ© nationale dâassurance qualitĂ© de lâenseignement supĂ©rieur, de la recherche et de lâinnovation (anaq-sup) disponible Ă lâadresse suivante : s4_fr_senegal_rpl-vae_acqf-plw-24032022.pdf.pdf
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a instaurĂ© la mise en Ćuvre de la VAE et créé le RĂ©pertoire national des certifications professionnelles (RNCP) dans lequel les "diplĂŽmes et les titres Ă finalitĂ© professionnelle seront classĂ©s par domaine dâactivitĂ© et par niveau."
Un texte de loi rĂ©gissant les nouvelles rĂšgles de la VAE a Ă©tĂ© adoptĂ© en dĂ©cembre 2022. Ce dernier assouplit les modalitĂ©s dâaccĂšs au dispositif sur divers aspects :
- le public Ă©ligible : la loi introduit un accĂšs universel Ă la VAE en autorisant toute personne justifiant dâune activitĂ© en lien avec la certification visĂ©e de pouvoir en bĂ©nĂ©ficier.
- la durĂ©e dâexpĂ©rience requise qui est complĂštement supprimĂ©e, simplifiant ainsi le processus de recevabilitĂ© de la demande de VAE.
- les types dâexpĂ©rience reconnue : peuvent ĂȘtre prises en compte au titre de lâexpĂ©rience reconnue des activitĂ©s exercĂ©es Ă lâoccasion de stages, de pĂ©riodes de formation initiale ou continue en milieu professionnel (y compris les contrats de professionnalisation) ou encore les pĂ©riodes de mise en situation en milieu professionnel comme les AFEST (Action de formation en situation de travail).
La nouvelle loi renforce Ă©galement les mesures dâinformation, de conseil et dâaccompagnement des candidats en crĂ©ant un service public de la VAE sous la forme dâun Groupement dâintĂ©rĂȘt public (GIP). Celui-ci devrait faciliter les dĂ©marches dâinformation et dâorientation des publics dans lâorganisation de leurs parcours, en introduisant la possibilitĂ© dâun accompagnement dĂšs la phase amont et en allongeant la durĂ©e du congĂ© de VAE (48h au lieu de 24h).
Par ailleurs, plusieurs expĂ©rimentations en cours de VAE dites « hybrides » ou « inversĂ©es » (câest-Ă -dire prĂ©voyant un positionnement des individus et un accĂšs Ă un dispositif de formation en amont de la dĂ©marche de VAE) entĂ©rinent lâidĂ©e que dĂ©sormais la VAE sâinscrit dans une logique de parcours de formation et de certification et nâest plus considĂ©rĂ©e comme une fin en soi.
La dĂ©marche de VAE repose sur la constitution dâ un dossier de validation qui consiste en la description dĂ©taillĂ©e des activitĂ©s et compĂ©tences mises en Ćuvre en rapport avec celles dĂ©crites dans le rĂ©fĂ©rentiel de la certification visĂ©e. Le jury se prononce sur la base de lâĂ©valuation du dossier du candidat, complĂ©tĂ©e par des modalitĂ©s spĂ©cifiques selon les certificateurs Ă savoir un entretien et/ou une mise en situation. Le candidat peut bĂ©nĂ©ficier dâun accompagnement qui relĂšve dâune aide mĂ©thodologique Ă la prĂ©paration de son dossier et de l'entretien avec le jury et Ă©ventuellement de la mise en situation professionnelle (demandĂ©e notamment pour la validation des titres du ministĂšre du travail). Le financement de cet accompagnement qui reste facultatif, mais qui est fortement recommandĂ©, peut ĂȘtre pris en charge sous certaines conditions.
Encadré 2 : Le dispositif de certification des compétences professionnelles dans le secteur de la construction en Argentine
Dans le secteur de la Construction, le processus dâĂ©valuation et de validation des acquis de lâexpĂ©rience est portĂ© par l'IERIC (Instituto de Estadistica y Registro de la Industria de la Construccion), lâorganisation professionnelle sectorielle composĂ©e Ă paritĂ© de reprĂ©sentants du syndicat des travailleurs du secteur de la Construction (UOCRA â Union Obrera de la Construccion de la Republica Argentina) et de la Chambre argentine de la Construction (CAMARCO â Camara Argentina de la Construccion). Depuis 2006, lâIERIC qui travaille en Ă©troite collaboration avec le ministĂšre du Travail est la seule organisation habilitĂ©e Ă dĂ©livrer des certificats de compĂ©tences professionnelles dans le secteur de la Construction sur le plan national. Ces certificats de compĂ©tences professionnelles relĂšvent du ministĂšre du Travail et se distinguent des titres professionnels dĂ©livrĂ©s par le ministĂšre de lâĂ©ducation nationale. Les Ă©tapes de la mise en Ćuvre de la certification des compĂ©tences professionnelles ont consistĂ©, dans un premier temps, Ă Ă©laborer un catalogue des mĂ©tiers pour lesquels chaque profil de mĂ©tier a Ă©tĂ© dĂ©fini avec les acteursclĂ©s du secteur et validĂ© par les professionnels du secteur. Ainsi Ă chaque profil de mĂ©tier dĂ©fini correspond un document enregistrĂ© au niveau du ministĂšre du travail. Ont ensuite Ă©tĂ© dĂ©finis des curriculums et des normes de compĂ©tences professionnelles relatifs Ă chaque mĂ©tier dĂ©fini. Enfin dans un troisiĂšme temps, ont Ă©tĂ© mis en place des formations au profit des Ă©valuateurs (professionnels avec au moins cinq ans dâexpĂ©rience dans le domaine concernĂ©) qui sont Ă©galement enregistrĂ©s au niveau du ministĂšre du travail.
Les bĂ©nĂ©ficiaires de la certification des compĂ©tences professionnelles doivent justifier de 3 Ă 5 ans dâexpĂ©rience selon les mĂ©tiers visĂ©s. Les Ă©valuations sont organisĂ©es par le syndicat et lâentreprise de construction dans laquelle sont rĂ©alisĂ©s les travaux spĂ©cifiques demandĂ©s au candidat. Lâorigine de la demande de certification des compĂ©tences professionnelles peut aussi bien provenir du candidat que de lâentreprise qui lâemploie. Le processus dâĂ©valuation se dĂ©roule en deux parties : mise en place dâun tutorat avec un entretien socioprofessionnel puis Ă©valuation des compĂ©tences Ă proprement parlĂ©. Celle-ci repose sur une observation de la performance du travailleur sur son lieu de travail, dâune durĂ©e de quarante-cinq minutes qui peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e par des questions plus thĂ©oriques, toujours en lien avec les tĂąches effectuĂ©es par le travailleur. Les Ă©valuateurs disposent d'un guide d'Ă©valuation qui dĂ©termine ce qu'il faut observer. Si la personne est jugĂ©e non compĂ©tente, elle est informĂ©e des possibilitĂ©s de suivre des cours de formation professionnelle dans le rĂ©seau des centres de la Fondation UOCRA, pour acquĂ©rir les compĂ©tences qui lui font dĂ©faut. En raison de leur proximitĂ© avec leurs collĂšgues de travail, le rĂŽle des dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux est important dans la diffusion de l'information relative aux processus d'Ă©valuation. En gĂ©nĂ©ral, la certification des compĂ©tences professionnelles est perçue de façon positive par les salariĂ©s dans la mesure oĂč les modalitĂ©s dâĂ©valuation n'impliquent Ă aucun moment de faire autre chose que ce qu'ils sont habituĂ©s Ă faire dans leurs activitĂ©s de travail quotidiennes.
EncadrĂ© 3 : Les expĂ©rimentations de la VAE et « lâapprentissage rĂ©novĂ© » au SĂ©nĂ©gal
La premiĂšre expĂ©rimentation de VAE lancĂ©e au SĂ©nĂ©gal en 2008-2009, sâinscrit dans le cadre d'un programme initiĂ© par le ministĂšre en charge de la formation professionnelle 25. Il ambitionne l'intĂ©gration de l'apprentissage en milieu informel dans le systĂšme global de FP notamment via la certification des qualifications acquises au travers d'une formation pratique dans une unitĂ© de production. Ce programme de dĂ©veloppement massif de lâapprentissage est plus connu sous le nom « dâapprentissage rĂ©novĂ© ». Cette expĂ©rimentation de VAE, concernant trois secteurs dâactivitĂ©s (mĂ©canique automobile, habillement et Construction), a Ă©tĂ© mise en Ćuvre dans le cadre dâun projet de partenariat pour lâApprentissage et lâOuverture du systĂšme de Formation Professionnelle et Technique (PAO/sfp) financĂ© par lâAgence Française de DĂ©veloppement (dans sa composante 2, le PAO/sfp visait lâintĂ©gration de lâapprentissage traditionnel dans le dispositif global de la formation professionnelle). Son pilotage a Ă©tĂ© confiĂ© Ă lâUnitĂ© de Suivi et de Coordination des Projets (USCP), qui a Ă©troitement collaborĂ© avec la Direction de lâApprentissage.
Sept cent cinquante apprentis rĂ©partis en deux cohortes ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de cette expĂ©rimentation dans le cadre de lâapprentissage rĂ©novĂ© et ont reçu Ă cette occasion une allocation de bourse mensuelle. De mĂȘme, les maitresapprentis et les Ă©valuateurs ont perçu une allocation dans le cadre de leurs activitĂ©s respectives. Le dossier de candidature Ă©tait composĂ© de deux livrets. Un premier livret qui permettait aux services acadĂ©miques de vĂ©rifier dâune part la recevabilitĂ© de la demande sur le plan administratif (vĂ©rification des trois annĂ©es dâexpĂ©riences professionnelles) et dâautre part lâadĂ©quation entre les activitĂ©s et les exigences du diplĂŽme postulĂ©. Dans le second livret le candidat dĂ©crivait dâune maniĂšre dĂ©taillĂ©e les activitĂ©s significatives au regard du diplĂŽme visĂ©. Actuellement, lâapprentissage rĂ©novĂ© se matĂ©rialise au travers de deux grands programmes : le programme formation Ă©cole entreprise (PF2E) et le programme dâemployabilitĂ© des jeunes par lâapprentissage (PEJA). La formalisation de lâapprentissage en milieu informel sâappuie sur des rĂ©fĂ©rentiels de formation spĂ©cifiques, Ă©laborĂ©s par la Direction de la Formation Professionnelle et Technique, qui permettent aux maĂźtres-apprentis de suivre un schĂ©ma pĂ©dagogique Lâapprentissage rĂ©novĂ© est articulĂ© Ă un processus de validation des acquis pouvant aboutir Ă un certificat professionnel de spĂ©cialisation, intĂ©grĂ© depuis 2019 Ă la nomenclature nationale des diplĂŽmes de la formation professionnelle.
En outre, lâONFP a mis en place un dispositif de VAE, en prenant appui sur les Ă©noncĂ©s de deux textes lĂ©gislatifs (article 2 et 3 du dĂ©cret n°66-145 du 25 fĂ©vrier 1966 relatif au certificat dâaptitude professionnelle et article 30 de la loi dâorientation de la formation professionnelle du 26 janvier 2015 26). Le processus de VAE consiste pour le candidat Ă Ă©tablir un dossier de recevabilitĂ© administrative, puis Ă Ă©laborer le Dossier de synthĂšses des pratiques professionnelles (DSPP) qui retrace les activitĂ©s rĂ©alisĂ©es par le candidat en lien avec la certification visĂ©e. Lâaccompagnement du candidat est pris en charge par les opĂ©rateurs de formation agréés par lâONFP qui apporte une aide Ă lâĂ©laboration du DSPP, Ă la mise en situation professionnelle et lâentretien individuel. LâONFP sâest dotĂ© dâun guide de lâaccompagnement et dâun document spĂ©cifique sur les modalitĂ©s pratiques dâorganisation de la VAE, chacun prĂ©cisant les rĂŽles et responsabilitĂ©s de tous les acteurs impliquĂ©s dans le processus de VAE (accompagnateurs, candidats, ONFPâŠ). Enfin, afin dâencourager lâaccĂšs Ă lâemploi dĂ©cent et la mobilitĂ© professionnelle, lâONFP Ă©labore des titres de branches professionnelles.
25 A date, le ministĂšre de la Formation Professionnelle, de lâApprentissage et de lâInsertion (MFPAI)
26 « Le certificat dâaptitude professionnelle est dĂ©livrĂ© par la voie de lâexamen ou par la voie de la validation des acquis de lâexpĂ©rience et les modalitĂ©s dâobtention du diplĂŽme pour chaque mĂ©tier sont fixĂ©es par arrĂȘtĂ©s du Ministre de lâEnseignement technique et de la formation professionnelle.
La validation des acquis de lâexpĂ©rience (VAE) donne la possibilitĂ© Ă toute personne, quel que soit son Ăąge, son niveau dâĂ©tudes, ou son statut dâobtenir un diplĂŽme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle. Les modalitĂ©s de ladite validation sont fixĂ©es par voie rĂ©glementaire. Les titres et diplĂŽmes dĂ©cernĂ©s sont rĂ©pertoriĂ©s, classĂ©s et publiĂ©s en cohĂ©rence avec le systĂšme national de classement ».
Encadré 4 : le dispositif de VAEP au Maroc et les premiÚres expérimentations sectorielles
Dans sa conception, le processus de validation des acquis de lâexpĂ©rience professionnelle (VAEP) repose sur quatre Ă©tapes successives : lâinformation et le conseil du candidat pour la constitution de son dossier de candidature, lâinstruction de ce dossier (phase de recevabilitĂ©), la rĂ©daction du dossier de description de lâexpĂ©rience professionnelle, Ă©tape pendant laquelle le candidat bĂ©nĂ©ficie dâun accompagnement, et en dernier lieu lâentretien devant un jury.
Une premiĂšre expĂ©rimentation a Ă©tĂ© menĂ©e par lâOFPPT en 2007 avec la FĂ©dĂ©ration des industries mĂ©tallurgiques, mĂ©caniques et Ă©lectromĂ©caniques (FIMME), qui a mis en place, dans ce cadre, un rĂ©fĂ©rentiel de capacitĂ©s pour certifier des salariĂ©s dâentreprises dans le domaine de la maintenance Ă©lectromĂ©canique. La premiĂšre opĂ©ration a Ă©tĂ© entreprise au niveau de lâInstitut SpĂ©cialisĂ© de Technologie AppliquĂ©e Inter-Entreprises (ISTA-IE) puis Ă©tendue en 2008 Ă dâautres Ă©tablissements sectoriels (Institut SpĂ©cialisĂ© de Technologie AppliquĂ©e GĂ©nie MĂ©canique (ISTA GM)
â Institut SpĂ©cialisĂ© Industriel Mohammedia (ISIM)). Un deuxiĂšme partenariat a Ă©tĂ© entrepris avec la FĂ©dĂ©ration Nationale du BĂątiment et des travaux Publics (FNBTP) en 2008 puis entre 2011 et 2016 avec les fĂ©dĂ©rations des secteurs du textile et de lâhabillement, du tourisme et de l'hĂŽtellerie.
Concernant lâexpĂ©rimentation menĂ©e dans le secteur de la Construction avec la FNTBP, trois opĂ©rations ont Ă©tĂ© organisĂ©es conjointement avec le DFP et lâAFPA (Agence française pour la Formation Professionnelle des adultes).
Ces opĂ©rations ont rencontrĂ© un fort succĂšs auprĂšs des salariĂ©s et des employeurs puisquâelle leur a permis de faciliter le classement de leurs ressources humaines, et de connaĂźtre la classification de leurs entreprises dans la rĂ©gion oĂč lâopĂ©ration sâest dĂ©roulĂ©e 27. Le processus sâest Ă©talĂ© sur six mois comprenant la constitution dâun dossier, le suivi et lâaccompagnement des candidats, des Ă©valuations Ă©crites et un passage devant une commission spĂ©cialisĂ©e selon les branches. Les personnes ne sachant ni lire ni Ă©crire, ont reçu un accompagnement spĂ©cifique pour les aider. A lâissue des Ă©valuations pratiques et thĂ©oriques, 60 % des candidats ont Ă©tĂ© certifiĂ©s par la FNBTP. Les personnes qui ont obtenu une validation partielle de leurs compĂ©tences se sont vu attribuer des « crĂ©dits » qui leur permettent dâĂȘtre Ă nouveau Ă©valuĂ©es sur les seules compĂ©tences pour lesquelles elles nâont pas Ă©tĂ© validĂ©es. La question du financement de cette expĂ©rimentation sâest posĂ©e pour la FNBTP puisque son coĂ»t sâest Ă©levĂ© Ă un million de dirhams (100 000 euros) pour les 300 candidats engagĂ©s dans la dĂ©marche.
27 Le ministĂšre de lâamĂ©nagement du territoire au Maroc a mis en place un systĂšme de qualification et de classification des entreprises intervenant dans le secteur des travaux publics. Ce systĂšme vise Ă faciliter lâapprĂ©ciation des potentialitĂ©s des entreprises et se base sur lâĂ©valuation des capacitĂ©s en matiĂšre financiĂšres, de moyens matĂ©riels et de moyens humains. La classification des entreprises se fait sur la base des dispositions de lâarrĂȘtĂ© n° 934-99 du 21 mai 1999.
Cadre réglementaire
Dispositif national de formation et certification des compétences professionnelles (ministÚre du Travail)
Inscrit dans la Loi
Cadre légal établi, en attente des décrets d'application
Cadre légal établi, en attente des décrets d'application
Organisme délivrant la certification
Organisme paritaire de branche Etablissement de formation accrédité
Fédérations sectorielles en collaboration avec des instituts sectoriels spécialisés
Pilotage Ministériel (apprentissage rénové) ONFP (expérimentation VAE)
Valeur et typologie du titre délivré
Titre inscrit aux catalogues sectoriels de métiers et de normes de compétence enregistrés au niveau du MinistÚre du Travail
Titre inscrit au RNCP
Titres relevant des secteurs professionnels concernés, sur la base de référentiels sectoriels
Titres inscrits Ă la nomenclature des diplĂŽmes officiels de la formation professionnelle
Niveau de reconnaissance Sectoriel National Sectoriel National
Modalités de certification
Entretien, Mise en situation
Dossier, Entretien, Mise en situation.
* En lâabsence de systĂšme de VAE Ă©tabli, les informations font rĂ©fĂ©rence Ă des expĂ©rimentations.
Dossier, Entretien
Dossier, Entretien Mise en situation (expérimentation VAE)
3.2 Un constat partagé : les dispositifs de VAE sont le plus souvent méconnus des jeunes et des employeurs
Si la reconnaissance des compĂ©tences acquises par lâexpĂ©rience professionnelle est devenue un enjeu majeur des politiques publiques, force est de constater que quelle que soit lâampleur du dĂ©ploiement des dispositifs de VAE, les objectifs chiffrĂ©s attendus par les pouvoirs publics en termes de nombre de certifiĂ©s, notamment en France et en Argentine, nâont pas Ă©tĂ© atteints.
Lâune des raisons principales de cet Ă©cueil repose sur le fait que les principaux bĂ©nĂ©ficiaires (salariĂ©s, chĂŽmeursâŠ) de la VAE en ignorent le plus souvent lâexistence ou ses modalitĂ©s de mise en Ćuvre, de mĂȘme que les bĂ©nĂ©fices quâils pourraient en tirer dans lâĂ©volution de leur parcours professionnel. Câest le cas de la majoritĂ© des jeunes salariĂ©s rencontrĂ©s dans le cadre de cette Ă©tude et ce, quel que soit leur pays dâappartenance. La plupart des leurs employeurs manifestent aussi leur ignorance quant aux procĂ©dures de validation mis en Ćuvre au sein de leur secteur ou au niveau national.
Ainsi salariĂ©s comme employeurs reconnaissent le plus souvent ne pas avoir reçu dâinformation spĂ©cifique sur les modalitĂ©s de validation ou plus largement sur la dĂ©marche de VAE elle-mĂȘme.
Paradoxalement, le recours Ă la VAE est promu avant tout comme une dĂ©marche individuelle qui sâaccommode mal de processus incitatif qui pourrait pourtant favoriser son essor. Comme nous lâavons vu en effet en Argentine, les reprĂ©sentants syndicaux des salariĂ©s jouent un rĂŽle important de promotion et de sensibilisation du dispositif auprĂšs des salariĂ©s dans la mesure oĂč ils les cĂŽtoient au plus prĂšs de leur activitĂ© de travail. Mis en avant comme lâun des principaux dĂ©fis Ă relever Ă lâavenir, les acteurs institutionnels argentins ont ainsi Ă cĆur dâaccroitre les mesures de sensibilisation des travailleurs afin que la demande de certification des compĂ©tences professionnelles Ă©mane dâeux et pas seulement des syndicats et employeurs comme câest encore souvent le cas dans ce pays.
Si lâensemble des acteurs institutionnels rencontrĂ©s dans la Construction sâaccordent sur les vertus et les effets positifs de la reconnaissance des acquis de lâexpĂ©rience notamment en termes dâemployabilitĂ©, dâamĂ©lioration du niveau de salaire et de gestion des carriĂšres, ou encore de rĂ©duction des coĂ»ts de formation, salariĂ©s et employeurs manifestent des points de vue plus nuancĂ©s en fonction de la perception quâils en ont.
Du cĂŽtĂ© des jeunes salariĂ©s, une fois la dĂ©marche explicitĂ©e, la VAE est plutĂŽt perçue de façon positive dans la mesure oĂč elle est source de valorisation personnelle ou encore de motivation. Elle permet dâenvisager des perspectives dâĂ©volution de carriĂšres et peut faciliter la recherche dâemploi lorsquâun chantier se termine comme cela a Ă©tĂ© soulevĂ© au Maroc en particulier. Le fait de ne pas ĂȘtre obligĂ© de suivre une formation formelle rencontre Ă©galement un certain assentiment et ce dâautant plus que les jeunes ont eu des difficultĂ©s dans leur parcours scolaire. Cela dit, pour certains, la dĂ©marche permet aussi de mener une rĂ©flexion sur leurs propres niveaux de compĂ©tences et dâenvisager des perfectionnements possibles, si besoin par le biais dâactions de formation formelles. Naturellement, les possibilitĂ©s dâavantages associĂ©es telles les gratifications salariales ou les primes ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s comme un point encourageant et au SĂ©nĂ©gal sây ajoute la possibilitĂ© dâobtenir aussi un accĂšs au
systĂšme de sĂ©curitĂ© sociale. Dâaucuns y voient lĂ aussi un moyen de lutte contre lâexploitation de la main dâĆuvre qui pourrait ainsi se voir rĂ©munĂ©rĂ©e Ă sa juste valeur. En France toutefois, les jeunes salariĂ©s de la Construction ont manifestĂ© un intĂ©rĂȘt moindre pour une reconnaissance via lâobtention dâune certification dans la mesure oĂč celle-ci nâest pas considĂ©rĂ©e dans ce secteur comme primordiale ni dans lâaccĂšs Ă lâemploi, ni pour progresser au sein de lâentreprise ou faciliter les mobilitĂ©s inter-entreprises, ni enfin pour crĂ©er leur propre entreprise puisque le critĂšre qui prĂ©vaut dans tous les cas demeure celui de lâexpĂ©rience professionnelle.
Du cotĂ© des employeurs, les arguments avancĂ©s Ă la faveur de la VAE sont aussi multiples. Elle est dâabord perçue pour certains comme un vĂ©ritable outil de gestion des ressources humaines pouvant contribuer Ă la fois au dĂ©veloppement des compĂ©tences des salariĂ©s et Ă leur progression au sein de lâentreprise et participer ainsi Ă lâaccroissement de sa compĂ©titivitĂ©. Au Maroc, les employeurs y voient mĂȘme un moyen dâaccĂ©lĂ©rer la phase de recrutement dans la mesure oĂč contrairement aux employeurs français de la Construction, la valeur sociale du diplĂŽme y est beaucoup plus Ă©levĂ©e. Celui-ci reprĂ©sente en effet une garantie du niveau de qualifications des personnes qui en sont dĂ©tentrices, et Ă ce titre offre un gain de rentabilitĂ©. Dans le mĂȘme temps, les compĂ©tences attestĂ©es par un diplĂŽme ou plus gĂ©nĂ©ralement une certification professionnelle, permettent au recruteur de disposer dâune Ă©valuation des jeunes salariĂ©s qui peut apparaĂźtre comme moins subjective par rapport Ă celle que pourraient leur attribuer leur chef de chantier ou dâĂ©quipe. Au SĂ©nĂ©gal, certains lui assignent comme vertu dâapaiser les tensions qui peuvent surgir lorsque cohabitent sur un mĂȘme chantier des jeunes diplĂŽmĂ©s bĂ©nĂ©ficiant de peu dâexpĂ©rience et Ă lâinverse des non diplĂŽmĂ©s engrangeant des expĂ©riences nombreuses et variĂ©s.
Les employeurs trouvent Ă©galement un intĂ©rĂȘt Ă la VAE pour motiver et fidĂ©liser leur main dâĆuvre et ce dâautant plus que les salariĂ©s occupent des mĂ©tiers spĂ©cifiques, voire de niches, pour lesquels nâexistent pas ou trĂšs peu de formations initiales formelles qui y conduisent. Nous avons rencontrĂ© ce cas en France oĂč une entreprise exerçant des activitĂ©s de bureau dâĂ©tudes et dâingĂ©nierie de la construction emploient des sondeurs en gĂ©otechnique pour lesquels le seul moyen de reconnaissance des compĂ©tences-mĂ©tiers des salariĂ©s passe par lâobtention dâune certification créée Ă lâorigine par la fĂ©dĂ©ration professionnelle des gĂ©otechniciens.
De mĂȘme, dans les pays enquĂȘtĂ©s, la VAE est considĂ©rĂ©e comme un rĂ©el atout de valorisation des qualifications et des compĂ©tences des salariĂ©s pour lâobtention de certains chantiers soumis Ă appel dâoffres. En effet, la certification apporte aux employeurs une attestation du niveau de qualification de leurs salariĂ©s, celle-ci constituant dans bien des cas lâun des critĂšres dâĂ©valuation et de performance de lâentreprise (voir 3.5).
A contrario, dans les quatre pays, certains employeurs, ont clairement manifestĂ© des doutes quant aux avantages quâils pourraient tirer de la VAE en termes de qualitĂ© et de rentabilitĂ©. Dans les petites entreprises notamment qui, rappelons-le, constituent la majoritĂ© des entreprises de la Construction, les salariĂ©s doivent avant tout faire la preuve de leurs compĂ©tences sur le chantier, dans lâexercice effectif de leur activitĂ©. Quel que soit le papier obtenu, il ne constitue en aucun cas Ă leur yeux un gage ni de la capacitĂ© Ă faire, ni de la qualitĂ© du travail fourni. Les employeurs attribuent davantage dâimportance aux savoirs comportementaux et techniques quâĂ la dĂ©tention dâun diplĂŽme. A cela sâajoute la crainte de voir partir le salariĂ© une fois la certification acquise pour trouver un emploi mieux rĂ©munĂ©rĂ© chez la concurrence. Enfin, certains employeurs reconnaissent quâils auraient du mal Ă supporter les charges financiĂšres supplĂ©mentaire induites par des changements de statuts et des
augmentations salariales sâils Ă©taient contraints de devoir reconnaĂźtre les compĂ©tences de leurs salariĂ©s, en application dans certains pays des conventions collectives en vigueur pour lesquelles le diplĂŽme joue un rĂŽle dans la classification des emplois (France, Maroc).
Comme nous lâavons dĂ©jĂ Ă©voquĂ©, lâun des principaux freins au dĂ©veloppement de la VAE rĂ©side dans son manque de visibilitĂ© autant du cĂŽtĂ© des salariĂ©s que des employeurs. Trop peu de campagnes de sensibilisation et dâinformation, Ă lâappui dâarguments sur les avantages quâelle peut procurer tant du cĂŽtĂ© des salariĂ©s que des employeurs, lui ont Ă©tĂ© jusquâici consacrĂ©es. Ceci vaut autant pour la France et lâArgentine, qui disposent de dispositifs formels, que pour le SĂ©nĂ©gal et le Maroc, mĂȘme si pour ces deux derniers la mĂ©connaissance est davantage associĂ©e Ă lâabsence de cadre lĂ©gal. La VAE, au regard des quelques expĂ©rimentations mises en Ćuvre, y reste de fait assez confidentielle.
Dâautres freins de nature variĂ©e ont Ă©tĂ© mis en avant lors de nos entretiens :
- la prise en charge du financement de la VAE qui reste encore souvent problĂ©matique et ce quel que soit le pays : cette question se pose tant sur le plan institutionnel pour dĂ©ployer le dispositif au plus prĂšs des territoires (gestion administrative, rĂ©munĂ©ration des jurys dâĂ©valuation, matĂ©riels adĂ©quats dans les mises en situationâŠ), que sur le plan individuel (mesures dâaccompagnement fortement incitĂ©es pour Ă©viter les abandons en cours de route, formations complĂ©mentaires pour des remises Ă niveau ) mais aussi pour les employeurs (problĂšme de temps liĂ©s Ă lâindisponibilitĂ© des salariĂ©s et dâorganisation du travail).
- la valeur sociale des certifications obtenues dans le cadre de la VAE : seule la France aujourdâhui dĂ©livre des certifications reconnues sur le plan national suite Ă la mise en place dâun rĂ©pertoire national des certifications professionnelles administrĂ©es de façon paritaire qui confĂšre aux certifications la mĂȘme valeur quelle que soit leur voie dâaccĂšs (scolaire, apprentissage, formation continue ou VAE). En Argentine, cette Ă©galitĂ© de reconnaissance des certifications nâest pas acquise puisque, si celles dĂ©livrĂ©es par le ministĂšre du Travail dans le cadre de la certification des compĂ©tences professionnelles sont plutĂŽt bien reconnues par les entreprises, elles nâont pas la mĂȘme valeur que celles du ministĂšre de lâEducation nationale et nâoffrent pas de passerelles entre les deux systĂšmes. Dans le cadre des expĂ©rimentations menĂ©es au Maroc, la VAE reposait sur des attestations sectorielles nâayant pas, lĂ non plus, de valeur nationale. Or dans ce pays, le diplĂŽme acquis en formation initiale demeure un marqueur social important. Il semblerait dâailleurs que lâun des obstacles liĂ©s au report de la sortie des dĂ©crets dâapplication de la VAE tienne au fait que certains milieux acadĂ©miques marocains ne voient pas dâun bon Ćil quâun mĂȘme diplĂŽme puisse ĂȘtre dĂ©livrĂ© aussi bien Ă des Ă©lĂšves ou Ă©tudiants Ă lâissue dâun parcours de formation initiale, quâĂ des professionnels, certes expĂ©rimentĂ©s, mais qui ne possĂšdent pas, dans bien des cas, les rudiments des savoirs de base. Quant au SĂ©nĂ©gal, le constat portait sur le fait quâil manque un systĂšme de passerelles au sein du systĂšme de formation professionnelle qui permettrait des liens Ă partir dâun diplĂŽme obtenu par lâapprentissage rĂ©novĂ© et quâil devient ainsi un diplĂŽme-plancher
- la spécificité du secteur de la Construction en termes de développement des compétences : en France notamment, la Construction reste un secteur à fort développement de formations obligatoires et les politiques en matiÚre de formations certifiantes y sont peu déployées.
- des difficultĂ©s liĂ©es Ă la procĂ©dure de VAE elle-mĂȘme. En France et au SĂ©nĂ©gal, qui ont optĂ© pour des dĂ©marches assez semblables, celle-ci est souvent perçue comme trop longue, plusieurs mois pouvant sâĂ©couler entre lâentrĂ©e dans le dispositif et lâĂ©valuation du candidat. De mĂȘme, la phase de recevabilitĂ© est souvent jugĂ©e trop lourde et certains candidats se heurtent en outre Ă des difficultĂ©s de traçabilitĂ© de leurs expĂ©riences en raison du refus de certains employeurs de leur dĂ©livrer des attestations de travail, piĂšces justificatives de lâexercice effectif de lâactivitĂ© en lien avec la certification visĂ©e. Câest le cas notamment au Maroc et au SĂ©nĂ©gal oĂč les activitĂ©s de la Construction relĂšvent en grande partie de lâĂ©conomie informelle. Autre difficultĂ© majeure, la VAE repose (hormis dans le cas de lâArgentine) sur la rĂ©daction dâun dossier de descriptions des activitĂ©s et des compĂ©tences visĂ©es par la certification. Or les problĂšmes dâillettrisme, dâanalphabĂ©tisme, ou de maĂźtrise partielle de la langue administrative du pays dâorigine sont souvent considĂ©rĂ©es par les candidats potentiels comme des obstacles infranchissables pour pouvoir aller au bout de la dĂ©marche. Enfin, lâimplication personnelle importante quâexige la dĂ©marche de VAE en termes de disponibilitĂ© nâest pas forcĂ©ment compatible avec les horaires de chantier, ou la fatigue Ă©prouvĂ©e Ă la fin de la journĂ©e qui laisse peu de latitude aux jeunes travailleurs de sây consacrer.
A ces freins sâajoutent ceux dĂ©jĂ Ă©voquĂ©s dans le chapitre prĂ©cĂ©dent qui renvoient Ă la perception nĂ©gative de la dĂ©marche de VAE quâen ont les employeurs lorsque celle-ci va Ă lâencontre de leurs propres intĂ©rĂȘts (augmentation salariale, risque de dĂ©bauchageâŠ).
Les freins que nous venons de dĂ©crire sont identifiĂ©s par les acteurs rencontrĂ©s comme autant de facteurs de dĂ©veloppement de la VAE dĂšs lors quâils sont effectivement pris en compte. Au risque de nous rĂ©pĂ©ter, nous mettons lâaccent ici sur quelques leviers dĂ©terminants favorables au dĂ©veloppement de la VAE.
Au Maroc et au SĂ©nĂ©gal, il va de soi que le dĂ©veloppement de la VAE ne pourra ĂȘtre rendu possible quâĂ partir du moment oĂč seront dĂ©finitivement adoptĂ©s un cadre institutionnel et un systĂšme national de certification reposant sur des normes explicites en matiĂšre dâingĂ©nierie de certification (Ă©laboration de rĂ©fĂ©rentiels dâactivitĂ©s, de compĂ©tences et dâĂ©valuation) et dâassurance qualitĂ© (processus dâenregistrement des certifications au sein dâun rĂ©pertoire)
Pour autant quels que soient les pays observés, les acteurs rencontrés ont insisté sur la nécessité de mieux valoriser, promouvoir et faire connaßtre la VAE auprÚs des publics concernés. Pour ce faire, les acteurs des branches professionnelles ont un rÎle important à jouer, y compris comme il a été mis en avant en Argentine, les représentants syndicaux de salariés.
De leur cĂŽtĂ©, les pouvoirs publics sont aussi convoquĂ©s au travers de leur politique dâemploi et de formation Ă encourager les entreprises Ă dĂ©velopper les compĂ©tences de leurs salariĂ©s et Ă embaucher du personnel qualifiĂ©. A ce propos, SĂ©nĂ©galais et Argentins ont pointĂ© du doigt les liens Ă
Ă©tablir entre certification et amĂ©lioration des conditions de travail vs sĂ©curitĂ©, dans la mesure oĂč les compĂ©tences liĂ©es Ă cette dimension font lâobjet dâune Ă©valuation dans le cadre de la VAE. De la mĂȘme maniĂšre, une incitation forte au recours Ă de la main dâĆuvre certifiĂ©e pourrait consister Ă en faire un des critĂšres de sĂ©lection des candidatures dans les procĂ©dures de marchĂ© public. Câest dĂ©jĂ le cas pour les entrepreneurs français qui, dans leur rĂ©ponse, doivent faire la preuve quâils « possĂšdent les qualifications requises, câest-Ă -dire la preuve dâun certain niveau de compĂ©tences professionnelles. La preuve de la capacitĂ© professionnelle peut ĂȘtre apportĂ©e par tout moyen, notamment par des rĂ©fĂ©rences, des justifications professionnelles ou les attestations de qualification professionnelle de certains agents qualifiĂ©sâŠ. Parmi ces justifications particuliĂšres figurent les certificats professionnels et les certificats de qualitĂ© (certificat attribuĂ© par un organisme certificateur ou attestant de lâexistence dâun manuel de qualitĂ© et de procĂ©dures) » 28. Au Maroc, les mĂȘmes exigences sâappliquant en matiĂšre de marchĂ© public, les preuves de reconnaissance des compĂ©tences apportĂ©es par la VAE reprĂ©sentent dĂšs lors un atout considĂ©rable pour dĂ©crocher ces marchĂ©s.
Bien que demeurant une dĂ©marche individuelle, certains interlocuteurs on fait valoir Ă©galement le rĂŽle que peut jouer lâentreprise elle-mĂȘme dans le portage de la dĂ©marche de VAE. En France, par exemple, une Ă©tude rĂ©alisĂ©e dans le BTP Ă la demande de lâopĂ©rateur de compĂ©tences (OPCO) du secteur de la construction, a permis de pointer les effets positifs du dispositif de VAE lorsque les entreprises lâinscrivent comme vĂ©ritable outil de gestion des ressources humaines. La mĂȘme Ă©tude montre Ă©galement certains exemples de VAE collectives mis en place Ă lâinitiative de grandes entreprises ou de regroupements dâemployeurs dans le cas des plus petites dâentre elles. Ces dĂ©marches collectives ont fait leur preuve en matiĂšre dâefficacitĂ© et de rĂ©ussite des candidats y ayant participĂ© (voir EncadrĂ© 5).
Sur le plan de la dĂ©marche de VAE elle-mĂȘme, les amĂ©liorations attendues sont autant dâĂ©lĂ©ments facilitateurs au dĂ©veloppement de la VAE. Elles sâexpriment au travers de :
- mesures de simplification du processus administratif et dâouverture du dispositif Ă toutes les catĂ©gories de public. En Argentine par exemple, seuls les travailleurs issus des entreprises formelles sont concernĂ©s par la VAE, dans la mesure oĂč la demande dâouverture et de financement du processus auprĂšs du ministĂšre Ă©mane du syndicat en accord avec lâemployeur. Les travailleurs « informels » des entreprises moyennes traditionnels et les travailleurs « informels » des trĂšs petites entreprises ou en auto-emploi en sont de fait exclus. En France, les modifications successives apportĂ©es au dispositif de VAE depuis sa crĂ©ation, tout comme le dernier projet de rĂ©forme actuel nâont eu de cesse que de vouloir Ă©tendre le pĂ©rimĂštre des ayants-droits (bĂ©nĂ©voles dâassociation sportives ou culturelles, reprĂ©sentants syndicaux, aidants familiauxâŠ). Au SĂ©nĂ©gal, a Ă©tĂ© pointĂ©e lâabsence de certification spĂ©cifique reconnaissant le statut et le rĂŽle de transmission du maĂźtre dâapprentissage qui leur permettrait de conserver un statut distinct et de valoriser leur fonction par rapport Ă leurs apprentis.
- mesures dâaccompagnement des candidats. Les expĂ©riences passĂ©es, notamment en France, montrent que les chances de rĂ©ussite des candidats sont dâautant plus Ă©levĂ©es quâils ont pu bĂ©nĂ©ficier de mesures dâaccompagnement tout au long de la dĂ©marche. Le caractĂšre systĂ©matique du recours Ă lâaccompagnement se pose dĂšs lors comme une nĂ©cessitĂ© tout comme la question de
son financement. Au Maroc par exemple, les textes dâapplication de la nouvelle loi en cours dâĂ©laboration, prĂ©voient le recours Ă des rĂ©dacteurs (des Ă©tudiants issus de spĂ©cialitĂ©s Ă©loignĂ©es de celles des candidats VAEP), rĂ©munĂ©rĂ©s par lâEtat sur la ligne budgĂ©taire dĂ©diĂ©e Ă la VAEP, pour aider les personnes en situation dâanalphabĂ©tisme ou dâillettrisme Ă constituer leurs dossiers Ă©crits. - la nĂ©cessitĂ© dâune stabilisation des sources de financement du dispositif. En Argentine, la certification des compĂ©tences professionnelles dans la Construction est principalement financĂ©e par des fonds du ministĂšre du Travail et de lâorganisation sectorielle paritaire (IERIC). Les syndicats de salariĂ©s, fortement engagĂ©s dans son dĂ©veloppement rĂ©clament une politique publique globale en la matiĂšre qui intĂšgre aussi des leviers financiers. Au Maroc, les employeurs rencontrĂ©s plaident pour que la VAE soit financĂ©e par les fonds dĂ©diĂ©s Ă la formation continue constituĂ©s Ă partir de leur contribution obligatoire. En France, la nouvelle loi sur la VAE prĂ©voit un renforcement des mesures dâaccompagnement des candidats qui devraient se traduire par une implication financiĂšre plus Ă©levĂ©e des conseils rĂ©gionaux. Les acteurs institutionnels rencontrĂ©s au SĂ©nĂ©gal plaident quant Ă eux pour une ligne budgĂ©taire Ă©tatique pour une prise en charge globale de la VAE.
Encadré n°5 : Les leviers identifiés favorisant le développement
En 2019, Ă la demande de lâOPCO Constructys, le CĂ©req a analysĂ© lâaccĂšs et lâaccompagnement des salariĂ©s du BĂątiment et des Travaux publics (BTP) Ă la VAE (BeaupĂšre, Kogut-Kubiak et al., 2020) LâĂ©tude met en avant un certain nombre de leviers pouvant enrayer le faible recours Ă la VAE dans ce secteur comme :
> les dĂ©marches de VAE hybrides. Elles associent VAE et possibilitĂ© de formation en amont de lâentrĂ©e dans le dispositif pour combler les lacunes du candidat identifiĂ©s lors de son positionnement. De plus, lâaccompagnement systĂ©matique, rĂ©gulier et balisĂ© dans le temps (certificateur, tuteur interne Ă lâentreprise, rĂ©fĂ©rent externe, personne-ressourceâŠ) offre plus de chance au candidat dâarriver au terme de sa dĂ©marche.
>les projets de VAE collectives qui, bien que pouvant rĂ©pondre Ă des enjeux variables, sâappuient sur quatre spĂ©cificitĂ©s communes :
- les phases importantes de sensibilisation, dâinformation et de communication en amont du projet auprĂšs des entreprises concernĂ©es, organisĂ©es par lâOPCO ou un rĂ©fĂ©rent VAE ;
- les dĂ©marches de VAE collectives viennent en rĂ©ponse Ă des problĂ©matiques RH identifiĂ©es (fidĂ©lisation de la main dâĆuvre, valorisation du personnelâŠ) et sâarticulent Ă dâautres outils, formatifs par exemple ;
- la dĂ©signation dâune personne ressource agissant en qualitĂ© de « chef dâorchestre », nĂ©cessaire pour aider Ă la coordination des nombreux acteurs en prĂ©sence (responsables dâentreprise, formateurs, certificateurs, pouvoirs publics, cabinet de consultant dans certains casâŠ) ;
- la possibilitĂ© au travers des dĂ©marches collectives de dĂ©passer les obstacles rencontrĂ©s dans les dĂ©marches individuelles (isolement du candidat, recherche dâune certification adĂ©quate, de financementâŠ)
3.6 De la reconnaissance
de la VAE Ă dâautres formes
reconnaissance qui relĂšvent davantage des politiques dâentreprises ou de branches
La VAE par lâobtention dâune certification peut constituer en soi la seule forme de reconnaissance des individus, notamment au sein des entreprises, et ce quel que soit le pays observĂ©. Cela dit, elle nâen demeure pas moins, sur le plan symbolique, une forme de valorisation essentielle dans la mesure oĂč elle reprĂ©sente souvent le premier diplĂŽme obtenu pour nombres dâindividus mais surtout une forme de rĂ©paration lorsque ceux-ci ont dĂ» interrompre leur trajectoire scolaire. Ainsi, sâils nâobtiennent pas dâautres formes de compensation au sein de lâentreprise, ils en tirent nĂ©anmoins le bĂ©nĂ©fice de savoir quâils pourront aller monnayer leurs compĂ©tences ainsi reconnues sur le marchĂ© du travail lorsque lâoccasion se prĂ©sentera. Certaines entreprises ayant entrepris des dĂ©marches de VAE collectives vont
jusquâĂ organiser des remises de diplĂŽmes devant lâensemble des autres salariĂ©s, et la famille du candidat suscitant ainsi la fiertĂ© des heureux laurĂ©ats. Câest le cas en Argentine par exemple ou en France.
Les jeunes salariĂ©s rencontrĂ©s Ă©mettent nĂ©anmoins dans la plupart des cas le vĆu que la reconnaissance de leurs compĂ©tences se traduise, Ă lâissue ou non dâun processus de VAE, par des augmentations salariales (changement de classification ou attribution de primes) ou encore par lâattribution de nouvelles tĂąches ou activitĂ©s, voire de responsabilitĂ©s accrues (accĂ©der Ă un poste de chef de chantier par exemple). Dans tous les cas, ces mesures relĂšvent quasi exclusivement de lâinitiative de lâemployeur ou sâinscrivent plus largement dans le cadre dâune politique de branche.
Par ailleurs comme nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment, les entreprises qui font de la VAE un levier de gestion des ressources humaines pour fidĂ©liser par exemple leur main dâĆuvre, ou amĂ©liorer la rentabilitĂ© de leur entreprise, sont plus enclines Ă mettre en Ćuvre ces mesures de reconnaissance salariale. De mĂȘme, si la qualification des emplois fait lâobjet de mesures spĂ©cifiques de reconnaissance dans les conventions collectives de branche, avec une prise en compte du diplĂŽme parmi les critĂšres de classement, comme câest encore le cas en France dans le secteur de la Construction, lâentreprise se devra de reclasser ses salariĂ©s en consĂ©quence. Des attentes en la matiĂšre ont Ă©tĂ© exprimĂ©s en Argentine et au SĂ©nĂ©gal.
Nous reprenons Ă notre compte la conclusion de chargĂ©s dâĂ©tudes du CĂ©req qui, sâinterrogeant sur lâobsolescence des normes de qualifications, formulait le constat suivant (Guitton C., Molinari-Perrier
M. 2021) : « Au registre institutionnel des normes de qualification, fondĂ© sur le diplĂŽme, se superpose un registre gestionnaire des normes de professionnalitĂ©, fondĂ© sur la compĂ©tence. Leur rĂ©-articulation constitue un enjeu majeur dans la mesure oĂč « on ne peut prĂŽner la mobilitĂ© et lâĂ©volutivitĂ© des salariĂ©s sans leur donner les moyens dâĂ©voluer, câest-Ă -dire lâidentification et la reconnaissance des compĂ©tences dans un espace plus large qui est celui des qualifications et du marchĂ© du travail » 29 »
Comme lâont fait valoir certains employeurs français, la gestion individuelle des compĂ©tences nĂ©cessite la mise en Ćuvre dâoutils de gestion (dĂ©finition de fiche de poste, grille dâĂ©valuation des salariĂ©s) sans lesquels aucun systĂšme de reconnaissance objectif ne peut voir le jour. Il reste encore du chemin Ă parcourir pour beaucoup dâentreprises pour aller dans ce sens et ce quel que soit le pays.
Les observations de terrain conduites dans les quatre pays de lâĂ©tude fournissent des pistes concrĂštes et possibles de valorisation des apprentissages dans le travail concourant Ă une meilleure insertion socio-Ă©conomique des jeunes, sans ou avec peu de bagage initial, et Ă lâĂ©largissement des opportunitĂ©s de travail dĂ©cent tout au long de la vie. Elles permettent dâidentifier des enjeux communs et dâĂ©laborer des prĂ©conisations utiles pour alimenter une rĂ©flexion partagĂ©e entre les dĂ©cideurs politiques nationaux, les partenaires techniques et financiers (y compris les chefs de projets dans les pays partenaires de lâAFD), les opĂ©rateurs de terrains MĂȘme si ces enjeux dĂ©coulent dâune Ă©tude circonscrite au secteur de la Construction, les recommandations qui suivent se veulent assez gĂ©nĂ©rales et gĂ©nĂ©ralisables Ă une pluralitĂ© de situations professionnelles et Ă un large Ă©ventail de contextes nationaux, plus ou moins marquĂ©s par la prĂ©sence du travail informel.
Recommandation 1 : Organiser des espaces / temps propices au retour réflexif accompagné sur le travail accompli
La motivation des jeunes est perçue comme lâune des principales compĂ©tences nĂ©cessaires Ă lâaccomplissement dâapprentissages dans le travail La « motivation » doit sâaccompagner de la prĂ©sence dâun environnement professionnel stimulant, ouvert au dialogue, Ă lâĂ©change et faisant preuve de bienveillance vis-Ă -vis des jeunes travailleurs moins expĂ©rimentĂ©s. Ces conditions de base favorables aux apprentissages dans le travail nĂ©cessitent une adaptation de lâorganisation du travail susceptible de maximiser leurs effets. Lâorganisation des temps dĂ©diĂ©s au retour rĂ©flexif accompagnĂ© reprĂ©sente certainement une des conditions facilitantes, tout en consolidant lâassimilation des nouvelles compĂ©tences et en planifiant celles Ă venir (voir chapitre 2).
La mise en Ćuvre de ces espaces/temps consacrĂ©s au retour rĂ©flexif peut prendre des formes diffĂ©rentes. La curiositĂ© et lâimplication du jeune en sont le moteur, lors dâĂ©changes ou questions posĂ©es Ă ses pairs ou au supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Lâemployeur peut aussi promouvoir la crĂ©ation de temps dĂ©diĂ©s Ă ces Ă©changes, en groupe ou en tĂȘte-Ă -tĂȘte, en dehors du temps de production, juste avant ou juste aprĂšs une sĂ©ance de travail, pour revenir sur la rĂ©alisation des tĂąches ou sur la mission attribuĂ©e au jeune. Il est alors important de dĂ©passer lâidĂ©e commune que le temps dĂ©diĂ© Ă ce bilan soit coĂ»teux pour lâorganisation parce quâimproductif Ce temps peut en rĂ©alitĂ© faciliter la consolidation des compĂ©tences et gĂ©nĂ©rer une efficacitĂ© supĂ©rieure, un gain de temps et un investissement sur la qualitĂ© du travail Ă venir.
Lâaccomplissement ultime dâune dĂ©marche de rĂ©flexivitĂ© comme celle ici proposĂ©e est reprĂ©sentĂ© par la mise en Ćuvre de pratiques plus formalisĂ©es. On peut, par exemple, penser ici au dĂ©veloppement de dispositifs comme lâAFEST en France (voir 1.1.2) Cette modalitĂ© pĂ©dagogique individualisĂ©e vise le dĂ©veloppement de compĂ©tences trĂšs ciblĂ©es et choisies selon les niveaux de qualification. Elle se dĂ©roule en situation rĂ©elle de travail selon un processus dâapprentissage structurĂ©, alternant des temps de mises en situation et des temps de rĂ©flexivitĂ© pour revenir sur le travail accompli. La mise en place dâun parcours AFEST nĂ©cessite nĂ©anmoins un outillage dĂ©diĂ© et des conditions prĂ©alables exigeantes dont : une analyse de lâactivitĂ© faisant ressortir les tĂąches principales, les ressources et les
compĂ©tences nĂ©cessaires pour les rĂ©aliser, lâimplication active dâun rĂ©fĂ©rent (souvent les responsables hiĂ©rarchiques) en capacitĂ© dâamĂ©nager les situations de travail avec une intention pĂ©dagogique et de mobiliser les ressources nĂ©cessaires, et dâun accompagnateur (souvent un collĂšgue plus expĂ©rimentĂ©) capable dâassurer un suivi rĂ©gulier de lâapprenant. Il assure lâanimation des sĂ©quences de rĂ©flexivitĂ© (qui se distinguent du debriefing, de la transmission de consignes ou encore de lâĂ©valuation), mais aussi la mesure des acquis de lâapprenant par rapport aux objectifs initiaux (RĂ©seau ANACT-ARACT, 2019, ibid.).
Il nous semble donc important dâenvisager des stratĂ©gies et des formes dâaccompagnement visant la sensibilisation des entreprises vis-Ă -vis de la crĂ©ation dâespaces de rĂ©flexivitĂ© nĂ©cessaires au dĂ©veloppement des compĂ©tences. La mise en Ćuvre de dispositifs de type AFEST peut reprĂ©senter un format abouti, Ă nuancer toutefois selon les contextes et les conditions locales.
Recommandation 2 : PrÎner la diversité et la progressivité des situations professionnelles
La diversité des situations auxquelles le jeune est amené à faire face joue un rÎle essentiel dans le développement des compétences. Plus le jeune est confronté à des situations nouvelles, plus il rencontre des occasions de monter en compétences. La variété des missions à accomplir, des « défis à relever » est source de résolution de problÚmes qui contribue à forger de nouvelles compétences (voir chapitre 2).
Il appartient Ă lâentreprise (ou au supĂ©rieur hiĂ©rarchique) dâimpulser une certaine progressivitĂ© dans les tĂąches, les dĂ©fis ou les problĂšmes auxquels le jeune salariĂ© va ĂȘtre confrontĂ©. Une organisation du travail capable de faire circuler la main dâĆuvre sur des postes diffĂ©rents, des responsables hiĂ©rarchiques capables dâattribuer des tĂąches diffĂ©rentes et dâune complexitĂ© croissante, constitue un environnement favorable au dĂ©veloppement des compĂ©tences.
La progressivitĂ© doit se combiner avec les retours rĂ©flexifs, le droit Ă lâerreur et le dĂ©veloppement de lâautonomie dans la recherche des solutions pour les problĂšmes qui se prĂ©sentent. Lâapprentissage tient ainsi aux essais que le jeune engage au long de son parcours, parsemĂ© dâĂ©cueils, de nouvelles expĂ©riences, capables de maintenir Ă©levĂ© son niveau dâimplication qui pourrait se dĂ©liter face Ă la rĂ©pĂ©tition. On parle ainsi de « globalitĂ© des apprentissages » qui doit se concrĂ©tiser dans lâopportunitĂ© de « faire le tour » de toutes les composantes dâun mĂ©tier pour se lâapproprier complĂštement et durablement.
Câest donc en impliquant les gestionnaires RH et les cadres intermĂ©diaires dâentreprises quâil est nĂ©cessaire intervenir pour dĂ©velopper progressivement des modĂšles productifs plus favorables au dĂ©veloppement de la qualification des jeunes. Les politiques publiques peuvent aussi jouer un rĂŽle dâaiguillon, de facilitateur vis-Ă -vis des partenaires sociaux et des reprĂ©sentants des milieux professionnels (branches, acteurs paritaires, etc.)
Recommandation 3 : Valoriser les accompagnants expérimentés
La constitution de binĂŽmes « un jeune â un travailleur expĂ©rimentĂ© » est une pratique assez commune dans les contextes professionnels et nationaux observĂ©s. Dans certains contextes, elle porte mĂȘme une dimension plus codifiĂ©e
La constitution de binĂŽmes sâavĂšre gĂ©nĂ©ralement efficace, Ă condition (comme observĂ© dans le chapitre 2) que la personnalitĂ© de lâaccompagnateur puisse « matcher » avec celle du jeune accompagnĂ© LâefficacitĂ© de la configuration en binĂŽme est liĂ©e aux formes de reconnaissance que le milieu professionnel accorde Ă lâaccompagnant, au-delĂ de sa lĂ©gitimitĂ© en tant que travailleur expĂ©rimentĂ©. Elle doit aussi se concrĂ©tiser dans une reconnaissance qui se traduit par une valorisation de son statut au sein de lâorganisation. Les expĂ©riences en cours visant la formalisation des dispositifs dâapprentissage traditionnel (notamment lâapprentissage rĂ©novĂ© au SĂ©nĂ©gal, voir chapitre 3) montrent bien lâimportance dâobtenir une adhĂ©sion de lâaccompagnant au projet, notamment par des formes de reconnaissance pĂ©cuniaire. Dans ces expĂ©rimentations les maĂźtres-apprentis (ainsi que les jeunes formĂ©s) perçoivent une allocation en plus de leurs activitĂ©s habituelles de travail
Cependant la reconnaissance Ă©conomique peut ne pas ĂȘtre suffisante, dans les cas oĂč le parcours dâapprentissage du jeune ouvre sur une reconnaissance formelle sanctionnĂ©e par un titre ou un niveau de qualification supĂ©rieur Ă celui de lâaccompagnant, qui lui-mĂȘme ne possĂšde pas forcĂ©ment de diplĂŽme. Pour ne pas brouiller les hiĂ©rarchies et entretenir la motivation des accompagnants, il est alors important de penser Ă des formes de reconnaissance du statut de lâaccompagnateur expĂ©rimentĂ© (un titre formel ou un certificat Ă©mis par une autoritĂ© reconnue Ă©tatique ou sectorielle) qui puisse faire fonction de signalement au sein de sa communautĂ© professionnelle.
Il revient aux pouvoirs publics, notamment aux ministĂšres ayant la responsabilitĂ© de la formation professionnelle, et aux partenaires sociaux dâidentifier les leviers possibles pour obtenir lâadhĂ©sion des travailleurs expĂ©rimentĂ©s dans les parcours dâapprentissage des jeunes. Parmi les leviers possibles, la formalisation dâune attestation de maĂźtre-apprenti associĂ©e, le cas Ă©chant, Ă un niveau de qualification, pourrait soutenir lâorganisation du travail dans un contexte apprenant.
Recommandation 4 : Développer des savoirs de base comme prérequis pour la progression des compétences
Le dĂ©veloppement des compĂ©tences dans le travail sâopĂšre plus ou moins aisĂ©ment selon le socle de connaissances initiales dĂ©tenu par le jeune au moment du premier accĂšs au travail (voir chapitre 2). MĂȘme si lâabsence ou le manque de compĂ©tences Ă©lĂ©mentaires en lecture, Ă©criture et calcul ne reprĂ©sentent pas (dans la plupart des cas) des obstacles incontournables Ă lâaccĂšs Ă des secteurs Ă©conomiques en demande de main dâĆuvre peu qualifiĂ©e, il va de soi quâelles influencent le potentiel dâapprentissages, la capacitĂ© et la vitesse dâadaptation Ă un poste de travail, les possibilitĂ©s dâĂ©volution.
Les apprentissages dans le travail peuvent partiellement pallier ces manques (voir chapitre 2). Mais il semble tout de mĂȘme nĂ©cessaire de penser Ă des stratĂ©gies pour combler davantage encore ces
dĂ©ficits, notamment par une sensibilisation des entreprises sur le sujet, devant aboutir Ă une prise de conscience des coĂ»ts cachĂ©s induits (surcoĂ»ts liĂ©s aux rĂ©gulations dâerreurs, moindre qualitĂ© du travail rendu, turn-over, etc.), par un accompagnement et un outillage des entreprises dans la mise en Ćuvre dâactions en faveur de leurs Ă©quipes. Celles-ci peuvent se traduire par des activitĂ©s de communication ciblĂ©es, (sans toutefois tomber dans la stigmatisation), comme, par exemple, des activitĂ©s de diagnostic, de sensibilisation de la main dâĆuvre mais aussi la mise en Ćuvre dâactions de formation (individuelles ou collectives) visant le renforcement des compĂ©tences Les activitĂ©s citĂ©es ici constituent un programme dâactions Ă confier Ă une organisation qui soit spĂ©cifiquement dĂ©diĂ©e Ă la lutte contre lâillettrisme En France, lâAgence nationale française de lutte contre lâillettrisme (ANLCI) en est un exemple notable. Elle agit comme facilitateur et accompagnateur des entreprises de la phase de diagnostic des besoins jusquâĂ Ă la mise en place dâactions de formation ciblĂ©es.
Recommandation 5 : Encourager des dispositifs formalisés et souples de reconnaissance
Force est de constater que quelle que soit la forme dâacquisition des compĂ©tences y compris dans un contexte informel incluant les apprentissages dans le travail, la question de leur valorisation et de leur signalement, et donc de leur reconnaissance, se pose Les formes de reconnaissance symbolique ou sociale, par exemple de travailleurs plus anciens et expĂ©rimentĂ©s au sein de leur communautĂ© professionnelle (maĂąlem au Maroc, par exemple) peuvent ne pas ĂȘtre suffisantes Ă plus grande Ă©chelle, et notamment dans une logique de conversion des Ă©conomies informelles aux Ă©conomies formelles Dans les pays observĂ©s, les expĂ©rimentations se multiplient (voir chapitre 3), pour que les acquis des apprentissages traditionnels dĂ©bouchent sur des formalisations explicites, corrĂ©lĂ©es Ă la dĂ©livrance de certificats et ou de diplĂŽmes issus des Etats ou des organisations sectorielles. Les procĂ©dures de reconnaissance des acquis dâapprentissage peuvent prendre des formes variĂ©es, plus ou moins formalisĂ©es, plus ou moins contraignantes dans le dĂ©roulement du processus de validation Le dispositif de VAE dĂ©veloppĂ© en France, pris comme modĂšle par plusieurs pays, nĂ©cessite nĂ©anmoins une infrastructure et un systĂšme dâaccrĂ©ditation et de qualitĂ© consĂ©quent Il repose pour lâessentiel sur lâexistence dâun cadre lĂ©gislatif et rĂšglementaire mais aussi dâun rĂ©pertoire des certifications reconnu au niveau national et intersectoriel. Les certifications enregistrĂ©es au RNCP font nĂ©cessairement lâobjet dâun rĂ©fĂ©rentiel de certification (description des activitĂ©s et compĂ©tences visĂ©es, et des modalitĂ©s dâĂ©valuation de ces compĂ©tences) qui requiĂšrent la mise en Ćuvre dâune ingĂ©nierie complexe. Par ailleurs, toutes les certifications sont rĂ©fĂ©rencĂ©es selon un niveau de qualification dĂ©fini par le cadre national des certifications professionnelles ; nomenclature normative Ă laquelle peuvent se rĂ©fĂ©rer les partenaires sociaux lors des nĂ©gociations de branche sur les classifications des emplois.
Sans vouloir prĂ©tendre Ă construire, qui plus est dans lâurgence, un dispositif de VAE identique (dispositif qui, par ailleurs, peine encore Ă attirer vers lui bon nombre de candidats potentiels en France) il conviendrait dâinciter, dans chaque pays, Ă la dotation progressive dâoutils pour promouvoir la reconnaissance de compĂ©tences acquises via les apprentissages dans le travail, y compris en contexte informel (les exemples dĂ©crits pour lâArgentine, le Maroc et le SĂ©nĂ©gal tĂ©moignent de ces efforts). La formalisation dâun diplĂŽme/certificat/titre largement reconnu sur le plan national et facilitant la progression de carriĂšre et la mobilitĂ© (intersectorielle) sur le marchĂ© du travail est certainement lâobjectif ultime. NĂ©anmoins, plus pragmatiquement, il reste Ă©galement pertinent dâimplĂ©menter des outils intermĂ©diaires, des formes plus souples de reconnaissance (visant
notamment les moins qualifiĂ©s). Dâune portĂ©e plus limitĂ©e (mais effective), elles ouvriraient par exemple sur la reconnaissance centrĂ©e sur les mĂ©tiers, au sein dâune seule branche, dâun secteur, dâun groupement entreprise, dâun bassin dâemploi, etc. et capables, en mĂȘme temps, de sĂ©curiser davantage les trajectoires professionnelles des individus Ces formats plus souples pourraient Ă©galement sâadapter aux profils des candidats sans ou avec peu de bagage initial, par la mise en Ćuvre de modalitĂ©s dâĂ©valuation davantage basĂ©e sur la rĂ©alisation de tĂąches en situation de travail rĂ©el (Argentine), ou encore par lâaccompagnement des publics en situation dâillettrisme dans la rĂ©daction de leur dossier (Maroc).
IndĂ©pendamment des formats et de lâarticulation de procĂ©dures de validation mises en Ćuvre, lâaspect crucial et commun Ă toute dĂ©marche est dâapporter le regard externe dâun Ă©valuateur qualifiĂ©, gĂ©nĂ©ralement issu du monde professionnel, capable dâĂ©mettre un jugement sur lâacquisition dâune qualification ou dâune (ou plusieurs) compĂ©tence(s). Ces « signalements » de compĂ©tences peuvent prendre des formes variĂ©es (une attestation, un portfolio de compĂ©tences validĂ© par lâemployeur, des comptes-rendus de travaux rĂ©alisĂ©s, des tĂ©moignages, etc.). La crĂ©ation de procĂ©dures de reconnaissance de compĂ©tences peut relever de la sphĂšre publique (au niveau des ministĂšres ou instances chargĂ©es de la formation professionnelle), de la sphĂšre « privĂ©e » (au sein dâune branche, dâun secteur Ă©conomique, dâun bassin dâentreprises) ou de la combinaison des deux, Ă travers la collaboration mutuelle et lâimplication des entreprises dans la formulation des parcours de reconnaissance adaptĂ©es, rigoureux, et suffisamment souples pour se rĂ©pandre dans des contextes organisationnels variĂ©s.
Recommandation 6 : Promouvoir et soutenir la mise en Ćuvre des outils de reconnaissance
La diffusion des outils de reconnaissance des acquis dâapprentissage existants reste encore trĂšs limitĂ©e. Leur mise en Ćuvre relĂšve dâune organisation institutionnelle mais aussi dâune capacitĂ© dâinformer, sensibiliser et impliquer toutes les parties prenantes potentiellement intĂ©ressĂ©es et susceptibles de se les approprier
En premier lieu, lâinformation doit pouvoir toucher les salariĂ©s qui pourraient en bĂ©nĂ©ficier, via des campagnes de promotion, de communication et de sensibilisation, dans lâobjectif de favoriser un recours plus massif aux dispositifs disponibles.
DeuxiĂšmement, les entreprises doivent ĂȘtre progressivement initiĂ©es aux intĂ©rĂȘts de ces dispositifs de reconnaissance dans le cadre de leur politique de gestion de la main dâĆuvre, dans une logique de gain et avantages Ă©conomiques qui pourrait ainsi se dĂ©gager. Cette sensibilisation passe par le canal des fĂ©dĂ©rations professionnelles, des organismes paritaires et interprofessionnels ou encore des reprĂ©sentants syndicaux Du cĂŽtĂ© de dĂ©cideurs publics, parmi les leviers possibles pourraient ĂȘtre mentionnĂ©e la mise en place de formes dâincitation, dâune part Ă apporter la preuve du niveau de qualification des salariĂ©s dans les rĂ©ponses des entreprises aux appels dâoffres lancĂ©s dans le cadre de marchĂ©s publics, dâautre part Ă favoriser le financement des dispositifs de reconnaissance par le flĂ©chage dâune portion des prĂ©lĂšvements fiscaux obligatoires dĂ©diĂ©s Ă la formation
Annexe 1 : RĂ©capitulatif des 4 enquĂȘtes exploratoires
Pays
Argentine
Acteurs en charge de la réalisation, de l'analyse et de la restitution des entretiens
Partenaire du projet : CIS
Membres de lâĂ©quipe : Claudia JACINTO (coord.), Maria Victoria PASINETTI, Iris SCHWARTZ
Avec la collaboration de : José POZZER, Mariana SOSA +
ITRAS
Membres de lâĂ©quipe : Gustavo GANDARA, Marina GEROLIMETTI, Pablo GRANOVSKY, Vanessa VERCHELLI
Jeunes travailleurs pas ou peu qualifiés dans le secteur de la Construction
Acteurs interviewés
Employeurs ou représentants d'entreprises de la Construction
Acteurs institutionnels publics ou sectoriels (Construction)
Entretiens avec des représentants de 5 acteurs institutionnels
Entretiens avec 14 jeunes
Entretiens avec 6 employeurs ou représentants d'entreprises
+ atelier de restitution et réunions avec des parties prenantes publiques et sectorielles à Buenos Aires
France
Partenaire du projet : Céreq
Membres de lâĂ©quipe : AnaĂŻs CHATAGNON, Christine FOURNIER, Françoise KOGUT KUBIAK, Matteo SGARZI
Entretiens avec 8 jeunes
Entretiens avec 6 employeurs ou représentants d'entreprises
Entretiens avec des représentants de 5 acteurs institutionnels
+ appui sur une étude antérieure du Céreq sur la VAE dans le secteur du BTP en France
Maroc
Partenaire du projet : INE
Membres de lâĂ©quipe : Fatima BERAHOU, Karim YASSINE, Nawel ZAAJ (coord.) +
Consultant
Toufik CHERRADI
Entretiens avec 14 jeunes
Entretiens avec 4 employeurs ou représentants d'entreprises
Entretiens avec des représentants de 3 acteurs institutionnels
Sénégal
Partenaire du projet : ONFP Membres de lâĂ©quipe : AĂŻssatou DIOP, Ndeye Soukeina FALL, Gibrile FAYE, Souleymane LO (coord.), Magatte
Rokhaya Thione KASSE
6 focus groups x 10 jeunes
Entretiens avec 2 employeurs ou représentants d'entreprises
Entretiens avec des représentants de 2 acteurs institutionnels
+ atelier de restitution et réunions avec des parties prenantes publiques et sectorielles à Dakar
AutoritĂ© Nationale dâAssurance QualitĂ© de lâEnseignement SupĂ©rieur, de la Recherche et de lâInnovation (Anaq-Sup) (2022), PrĂ©sentation âLa validation des acquis de lâexpĂ©rience au SĂ©nĂ©galâ, Session 4 ACQF Peer Learning Webinar, 24/03/2022
BeaupĂšre N., Kogut-Kubiak F (Coord.), Quintero N , Urasadettan J , Galli C (2020), « LâaccĂšs et lâaccompagnement des salariĂ©s du BTP vers la VAE », CĂ©req Etudes, n° 30, 65 p.
Bourgeois E. et Durand M. (dir.) (2012), Apprendre au travail, PUF, Paris
Bureau International du Travail (BIT) (2020), Diagnostic sur lâĂ©conomie informelle au SĂ©nĂ©gal, GenĂšve
Cristol D. et Muller A. (2013), « Les apprentissages informels dans la formation pour adultes », Savoirs, 2013/2, n°32.
European Training Foundation (ETF) (2013), âWork-Based Learning : benefits and obstacles, a literature review for policy makers and social partnersâ, ETF partner countries
FNBTP du Maroc, CIDE (2017), Etude sectorielle sur le BTP
Fournier C., Lambert M. et Marion-Vernoux I. (2017A), « Le travail au cĆur des apprentissages en entreprise », CĂ©req-Bref n° 353
Fournier C., Lambert M. et Marion-Vernoux I. (2017B), « Apprentissages informels et dynamique de travail », Sociologies pratiques, n°35, pages 73 à 81
Fournier C., Joseph O., Lambert M. et Marion-Vernoux I. (2018), Apprendre en dĂ©but de vie active, Rapport dâĂ©tudes, INJEP, 90 p.
Francou Q. (2020), « Les « NEET », des ressources et des conditions de vie hétérogÚnes », INJEP, Analyses & SynthÚses, n°31
Gaye A (2019), « Entre Ă©ducation non formelle et informelle, lâapprentissage professionnel â traditionnel â au SĂ©nĂ©gal : analyse des pratiques des maĂźtres dâapprentissage et de leurs impacts sur les apprentis », Education. UniversitĂ© Charles de Gaulle - Lille III, 2019. Français. NNT : 2019LIL3H065 tel02533715
Granovsky, P., Verchelli, V., GĂĄndara, G. (2021), FormaciĂłn profesional continua en Argentina. La perspectiva sindical, documento de trabajo, CABA-CIS-FundaciĂłn Uocra
Guitton C , Molinari-Perrier M. (2021), « Les normes de qualification sont-elles obsolÚtes ? » Céreq Bref, n° 409, Juin
Haut-Commissariat au Plan du Maroc (2014), EnquĂȘte Nationale Sur Le Secteur Informel
Haut-Commissariat au Plan du Maroc (2021), EnquĂȘte sur lâemploi
Instituto Nacional de Estadistica y Censos (INDEC) (2018), Republica Argentina, Encuesta Permanente de Hogares (EPH), 3er trimestre
Instituto Nacional de Estadistica y Censos (INDEC) (2021), Republica Argentina, Encuesta Permanente de Hogares (EPH), 4to trimestre
Jacinto C (coord.) (2016), ProtecciĂłn social y formaciĂłn para el trabajo de jĂłvenes en la Argentina reciente : entramados, alcances y tensiones, Ciudad AutĂłnoma de Buenos Aires, Instituto de Desarrollo EconĂłmico y Social
Jorro A et Wittorski R (2013) « De la professionnalisation Ă la reconnaissance professionnelle », Les Sciences de lâĂ©ducation-Pour lâĂre nouvelle, vol. 46, n° 4, pp. 11-22
Ministerio de EducaciĂłn, DirecciĂłn de InvestigaciĂłn Educativa (2016), Relevamiento anual, Buenos Aires
MinistÚre Education Nationale Jeunesse Sport, MinistÚre Enseignement Supérieur Recherche Innovation (MENJS/MESRI), France, (2019), RepÚres & références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche
MinistĂšre Education Nationale du SĂ©nĂ©gal, Direction de la Planification et de la RĂ©forme de lâEducation (DPRE), (2018), Rapport national sur la situation de lâĂ©ducation
MinistĂšre de lâEconomie, des Finances et du Plan du SĂ©nĂ©gal (2017), Rapport global du recensement gĂ©nĂ©ral des entreprises
Observatoire National du Développement Humain (ONDH) Maroc (2021), Les NEET au Maroc, analyse qualitative
PNUD (2022), Rapport sur le développement humain 2021-2022, Présentation, temps incertains, vies bouleversées, Façonner notre avenir dans un monde en mutation
Réseau ANACT-ARACT (2019), 10 questions sur les Actions de Formation En Situation de Travail
Rivas, A., (2017), Cambio e innovaciĂłn educativa: las cuestiones cruciales.Documento bĂĄsico, CABA: FundaciĂłn Santillana
Steffen G. (2010), « Informelle Lerngelegenheiten im Stadtteil », Informationen zur Raumentwicklung, Heft 2/3
Werquin P. (2021), Note dâorientation sur lâapprentissage professionnel informel (Projet EUR/801 financĂ© sur fonds de la Commission europĂ©enne pour le compte de LuxDev)
Liste des tableaux
Tableau 1 Indicateurs démographiques et socio-économiques
Tableau 2 Canaux relevés pour les apprentissages dans le travail dans les quatre pays
Tableau 3 Freins relevés venant contrarier les apprentissages dans le travail dans les quatre pays
Tableau 4 Dispositifs de reconnaissance type VAE dans les quatre pays
Liste des encadrés
Encadré 1 Le systÚme français de VAE
Encadré 2 Le dispositif de certification des compétences professionnelles dans le secteur de la Construction en Argentine
EncadrĂ© 3 Les expĂ©rimentations de la VAE et lâ« apprentissage rĂ©novĂ© » au SĂ©nĂ©gal
Encadré 4 Le dispositif VAEP au Maroc et les premiÚres expérimentations sectorielles
Encadré 5 Les leviers identifiés favorisant le développement de la VAE dans le BTP en France
AFPA : Agence française pour la Formation Professionnelle des adultes
AFEST : Action de formation en situation de travail (France)
ANLCI : Agence nationale de lutte contre lâillettrisme (France)
BIT : Bureau International du Travail
BTP : BĂątiment et travaux publics
CAMARCO : Camara Argentina de la Construccion
CAP : Certificat dâaptitude professionnelle
CĂ©req : Centre dâĂ©tudes et de recherches sur les qualifications (France)
CIS-CONICET : Centro de Investigaciones Sociales â Consejo Nacional de Investigaciones Cientificas y Tecnicas (Argentine)
CGEM : Confédération générale des entreprises du Maroc
CNAM : Conservatoire national des arts et métiers (France)
CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale (Maroc)
CPC : Commission professionnelle consultative (France)
CPS : Certificat professionnel de spécialisation (Sénégal)
CQP : Certificat de qualification professionnelle (France)
CSF : Contrat Spécial de Formation (Maroc)
DA : Direction de lâapprentissage (SĂ©nĂ©gal)
DECPC : Direction des examens, concours professionnels et certifications (Sénégal)
DFP : Département de la formation professionnelle (Maroc)
DFPT : Direction de la formation professionnelle et technique (Sénégal)
DSPP : Dossier de synthÚses des pratiques professionnelles (Sénégal)
EN : Education nationale
EQF : European Qualification Framework
ETP : Education technique et professionnelle
FCE : Formation en cours dâemploi (Maroc)
FIMME : Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (Maroc)
FNBTP : Fédération nationale du bùtiment et des travaux publics (Maroc)
FP : Formation professionnelle
FPI : Formation professionnelle Initiale
FPT : Formation professionnelle et technique (Sénégal)
GIAC : Groupement interprofessionnel dâappui au conseil (Maroc)
GIP : Groupement dâintĂ©rĂȘt professionnel (France)
IDH : Indice de développement humain
IERIC : Instituto de Estadistica y Registro de la Industria de la Construccion (Argentine)
INE-CSEFRS : Instance nationale dâĂ©valuation â Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation, la formation, la recherche scientifique (Maroc)
ISIM : Institut Spécialisé Industriel Mohammedia (Maroc)
ISTA-IE : Institut SpĂ©cialisĂ© de Technologie AppliquĂ©e â Inter-Entreprises (Maroc)
ISTA-GM : Institut SpĂ©cialisĂ© de Technologie AppliquĂ©e â GĂ©nie MĂ©canique (Maroc)
MFPAI : MinistĂšre de la Formation Professionnelle, de lâApprentissage et de lâInsertion (SĂ©nĂ©gal)
NEET : Neither in Employment nor in Education and Training
ODD : Objectifs de développement durable
OFPPT : Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (Maroc)
ONFP : Office national de la formation professionnelle (Sénégal)
OPCO : Opérateur de compétences (France)
PEJA : Programme dâEmployabilitĂ© des Jeunes par lâApprentissage (SĂ©nĂ©gal)
PF2E : Programme de Formation Ecoles Entreprises (Sénégal)
PIC : Plan dâinvestissement dans les compĂ©tences (France)
PIB : Produit intérieur brut
PSE : Plan Sénégal émergent
PTF : Partenaire technique et financier
RNCP : Répertoire national des certifications professionnelles (France)
RH : Ressources humaines
TPE : TrĂšs petite entreprise
UFCP : Unité de suivi et de coordination des projets (Sénégal)
UOCRA : Union Obrera de la Construccion de la Republica Argentina
VAE : Validation des acquis de lâexpĂ©rience
VAEP : Validation des acquis de lâexpĂ©rience professionnelle (Maroc)
WBL : Work-Based Learning
Les Ăditions Agence française de dĂ©veloppement (AFD) publient des travaux dâĂ©valuation et de recherche sur le dĂ©veloppement durable.
RĂ©alisĂ©es avec de nombreux partenaires du Nord et du Sud, ces Ă©tudes contribuent Ă lâanalyse des dĂ©fis auxquels la planĂšte est confrontĂ©e, afin de mieux comprendre, prĂ©voir et agir, en faveur des Objectifs de dĂ©veloppement durable (ODD).
Avec un catalogue de plus de 1 000 titres, et 80 nouvelles oeuvres publiĂ©es en moyenne chaque annĂ©e, les Ăditions Agence française de dĂ©veloppement favorisent la diffusion des savoirs et des expertises, Ă travers leurs collections propres et des partenariats phares. Retrouvez-les toutes en libre accĂšs sur editions. afd.fr.
Pour un monde en commun.
Avertissement
Les analyses et conclusions de ce document sont formulĂ©es sous la responsabilitĂ© de leur(s) auteur(s). Elles ne reflĂštent pas nĂ©cessairement le point de vue officiel de lâAgence française de dĂ©veloppement ou des institutions partenaires.
Directeur de publication Rémy Rioux
Directeur de la rédaction Thomas Mélonio Création graphique MeMo, Juliegilles, D. Cazeils
5, rue Roland Barthes
75012 Paris l France
www.afd.fr
Crédits et autorisations
License Creative Commons
Attribution - Pas de commercialisation - Pas de modification
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
DépÎt légal 2Úme trimestre 2023
ISSN 2492-2838
ImprimĂ© par le service de reprographie de lâAFD
Pour consulter les autres publications de la collection Rapports techniques : https://www.afd.fr/fr/collection/rapports-techniques