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DES SPÉCIFICITÉS FÉMININES INNÉES OU ACQUISES ?

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

seulement la manière dont nous allons décrire nos symptômes, mais également notre rapport au corps et notre recours aux soins. Les hommes, qui se doivent d’endurer la douleur, vont donc davantage tarder à consulter, mais auront aussi un suivi médical moins régulier que les femmes et développeront des comportements à risque plus important en matière de santé. Ce sont ces différences qui font que les hommes ont des indicateurs d’espérance de vie très clairement en leur défaveur. Quelle que soit leur catégorie sociale, les femmes vivent plus longtemps qu’eux.

Malheureusement, ces stéréotypes de genre pourront également orienter les soignants dans leur prise en charge et la relation de soin pourra en être influencée. C’est ainsi que l’on peut aboutir à des errances, voire à des erreurs diagnostiques, chez des femmes mais aussi chez des hommes.

COMMENT MIEUX PERCEVOIR LES DIFFÉRENCES HOMMES/FEMMES EN MATIÈRE DE SANTÉ ?

Si les statistiques générales en matière de santé sont favorables aux femmes, à l’image de l’espérance de vie, il est important de les nuancer. Ces données, parce qu’elles sont les seules à être disponibles facilement et systématiquement, vont agir comme un miroir déformant ne permettant pas de rendre compte de la complexité des questions de santé des hommes et des femmes dans la vie réelle.

Un état de « complet bien-être » aussi accessible aux femmes qu’aux hommes ?

Pour envisager d’atteindre la santé dans le sens d’un état de complet bien-être, il existe des conditions et ressources préalables, qui dépassent largement le seul secteur médical ou sanitaire, mais sans lesquelles il est impossible d’y aspirer.

Les professionnels de la promotion de la santé 9 de l’OMS les ont ainsi rappelées dans ce qu’on appelle la charte d’Ottawa 10 et notamment : se loger ; accéder à l’éducation ; se nourrir convenablement ; disposer d’un certain revenu ; bénéficier d’un écosystème stable ; compter sur un apport durable de ressources ; avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable.

Sur ces dimensions, les femmes sont clairement en défaveur par rapport aux hommes. Bien qu’elles réussissent en moyenne mieux dans leur parcours scolaire, elles sont : plus nombreuses à subir le chômage ; moins bien rémunérées que les hommes : en 2010, les salaires horaires à temps complet des femmes étaient en moyenne inférieurs de 16 % à ceux des hommes, 24 % si l’on considère les revenus salariaux annuels, qui sont directement influencés par la durée du travail 11. Et l’écart se creuse avec la parentalité, plus pénalisante pour les femmes : à 25 ans, elles gagnent environ 6 % de moins que les hommes, 11 % entre mères et pères du même âge ; à 45 ans, l’écart est de 20 % entre hommes et femmes, 25 % entre pères et mères du même âge 12 ; quatre fois plus concernées par le temps partiel, le plus souvent subi.

9. La promotion de la santé a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l’améliorer (OMS, charte Ottawa, 1986).

10. Adoptée le 21 novembre 1986 en vue de contribuer à la réalisation de l’objectif de la Santé pour tous d’ici à l’an 2000 et au-delà (OMS, charte pour la promotion de la santé, Première Conférence internationale sur la promotion de la santé, Ottawa (Canada), 17-21 novembre 1986), www.euro.who.int

11. Bozio A., Dormont B., García-Peñalosa C., « Réduire les inégalités de salaires entre femmes et hommes », Notes du conseil d’analyse économique, vol. 17, no 7, 2014, p. 1-12.

12. Coudin E., Maillard S., Tô M., « Entreprises, enfants : quels rôles dans les inégalités salariales entre femmes et hommes ? », Insee Analyses, no 44, 2019.

Des conditions économiques plus difficiles pour les femmes

Cette situation entraîne une précarité financière immédiate mais également à distance avec une moindre acquisition des droits sociaux, notamment la retraite : 25 % de moins pour les pensions de retraite des femmes 13 .

De plus, si plus d’un tiers (35,3 %) des familles monoparentales vit sous le seuil de pauvreté, 85 % des chefs de ces familles sont des femmes 14 .

Le désavantage économique des femmes leur permet donc moins d’accéder aux conditions préalables pour être en bonne santé ; il leur est plus difficile de se nourrir convenablement, d’avoir un logement décent, etc.

Une espérance de vie pas toujours favorable

Par ailleurs, le fait d’avoir une espérance de vie plus longue n’est pas systématiquement bénéfique : comme elles vivent plus âgées, les femmes sont plus nombreuses à vivre seules plus longtemps, à être hébergées en maison de retraite médicalisée type EHPAD (Établissement Hébergeant des Personnes Âgées Dépendantes), à contracter des maladies chroniques et à souffrir de handicaps (les femmes passeraient ainsi en moyenne 21 ans avec des incapacités modérées ou sévères contre 16,2 ans pour les hommes), mais aussi à souffrir d’une santé mentale fragilisée par des évènements de vie stressants comme les deuils 15 .

Des violences ciblées sur les femmes

Les statistiques en matière de santé présentent aussi rarement les données en matière de violences sexuelles, qui ont pourtant des répercussions majeures, physiques et psychologiques, sur le long terme et tous sexes confondus. Les femmes en sont malheureusement trois fois plus souvent victimes que les hommes, respectivement 1,3 % et 0,5 % 16. En 2018, 86 % des victimes de violences

13. Sous la direction de Arnaud F. et Solard G., « Les retraités et les retraites - Édition 2018 », Panoramas de la DREES (https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/retraites_2018.pdf). 14. « France, portrait social – Édition 2020 », Insee Références, 2020 (www.insee.fr/fr/ statistiques/4797612?sommaire=4928952).

15. « Sexe, genre et santé – Rapport d’analyse prospective 2020 », HAS, 2020.

16. Morin T., Jaluzot L., Picard S., « Femmes et hommes face à la violence – Les femmes sont plus souvent victimes d’un proche ou de leur conjoint », INSEE, 2013 (www.insee.fr/fr/statistiques/1280920).

sexuelles étaient des femmes et 99 % des personnes condamnées pour ces faits de violences sexuelles étaient des hommes 17. Concernant les violences commises par le partenaire, 88 % des victimes étaient des femmes et 96 % des personnes condamnées étaient des hommes 18. Or, une victime sur dix seulement déclare avoir déposé plainte 19. Si les femmes sont donc particulièrement concernées par les répercussions en matière de santé de ces violences, seules 27 % d’entre elles ont été vues par un médecin à la suite de ces évènements, 30 % ont consulté un(e) psychiatre ou psychologue et 21 % en ont parlé aux services sociaux 20 .

Un recours aux soins moins important pour les femmes

De même que les femmes victimes de violences sont très peu nombreuses à aller rechercher une aide médicale, les femmes, de manière générale, renoncent aux soins, contrairement à certaines idées reçues. Elles y renoncent même davantage que les hommes, quelle que soit leur situation sociale : en 2010, dans les quartiers difficiles dits ZUS (Zone Urbaine Sensible), 27 % des femmes déclaraient avoir renoncé à des soins contre 18 % des hommes, et hors ZUS, 17 % de femmes contre 12 % des hommes 21 .

Et il est impossible d’imputer ce plus grand renoncement aux soins au fait d’avoir des problématiques de santé plus légères et qui seraient ainsi moins pénalisantes en cas de renoncement, car les femmes subissent également davantage de limitations d’activité générale 22 liées à une raison de santé, et ce, quel que soit l’âge : 17 % de limitations modérées et 10,1 % de limitations sévères, contre 14,7 % et 8,6 % pour les hommes 23 .

17. Chiffres 2018 des services de police et de gendarmerie.

18. Id. loc. sit.

19. « Les violences au sein du couple et les violences sexuelles en France en 2019 », Observatoire national des violences faites aux femmes, lettre no 16, novembre 2020.

20. « Les violences au sein du couple et les violences sexuelles en France en 2017 », Observatoire national des violences faites aux femmes, lettre no 13, novembre 2018.

21. « L’état de santé des adultes en Zus, rapport 2012 de l’Onzus », Irdes, Enquête santé et protection sociale, 2010. 22. L’indicateur de limitation d’activité générale utilisé est le GALI. Le GALI dénombre les personnes qui déclarent être limitées depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que font les gens habituellement. (INSEE, www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/ details/40_SOC/45_SHD/45B_Figure2).

23. « Santé, handicap, dépendance », INSEE, 2021 (www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/ tableau/40_SOC/45_SHD).

Savez-vous que la crise cardiaque chez les femmes peut aussi se manifester par des nausées et des vomissements et pas uniquement par une douleur dans la poitrine ? Qu’il était obligatoire pour les sportives de haut niveau de passer des tests de féminité afin d’obtenir un accès aux compétitions jusque dans les années 2000 ? Que les femmes présentent une fragilité biologique face à la toxicité du tabac et à l’alcool ?

Caroline de Pauw, docteure en sociologie et spécialiste de la santé des femmes, explore dans ce livre tous les enjeux autour du sujet. Certes, les chiffres montrent aujourd’hui que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais il n’est pas prouvé qu’elles vivent mieux. Peut-être parce qu’elles sont souvent moins bien soignées ?

Les différences biologiques certes, mais surtout les stéréotypes entre les hommes et les femmes doivent être intégrés dans les parcours de santé, au niveau physique et psychologique. C’est en prenant conscience des singularités de chacun et de chacune que certains clichés et certaines différences de traitement ayant un effet néfaste pourront être gommés, et que la santé des femmes et pour les femmes pourra évoluer.

Appuyé sur des données chiffrées, des résultats d’enquêtes et des interviews d’expertes, ce livre permet de mieux comprendre la santé des femmes et de penser, ensemble, un accompagnement personnalisé et adapté, au bénéfice de tous, hommes et femmes.

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