Chapitre 1
Alerte au pensionnat
Le printemps est enfin là à Avalon. Les oiseaux chantent à tue-tête, grisés par les parfums de la sève et des fleurs.
Le temps est doux et ensoleillé, et c’est à regret que je me dirige vers la bibliothèque en compagnie de Merline. Cependant, il nous reste une heure avant le dîner; nous comptons bien la mettre à profit pour étudier notre cours d’alchimie dans les grimoires de l’école.
Mais en arrivant sur le seuil, nous trouvons
M. Starling, le bibliothécaire, en train de verrouiller la porte !
– Fermeture exceptionnelle en raison du temps exceptionnel, nous dit en souriant l’aimable poulain
ailé. Allez travailler en plein air, mesdemoiselles : cela vous fera le plus grand bien.
Merline sourit.
– Vous avez raison, merci, monsieur. Il fait trop beau pour s’enfermer. Tu viens, Nina ? Allons faire nos exercices de Souplesse Magique. Nous n’avons pas besoin de livres pour cela.
– C’est parfait, dis-je, ravie. Attends-moi dans la cour, je vais prévenir Rose et nos Chats-Sorciers.
La Souplesse Magique est une matière qui tient à la fois des arts martiaux, de la danse et de la sorcellerie. Il est très difficile de se plier dans tous les sens et d’exécuter des bonds de félin dans les airs. C’est pourquoi l’aide de nos Chats-Sorciers si agiles nous sera précieuse.
Quelques instants plus tard, nous voici sur la grande pelouse du parc. Par un temps aussi radieux, beaucoup d’élèves ont eu la même idée que nous, et nous nous mettons au travail au milieu d’autres groupes. Chacune d’entre nous se place face à son mentor et Achille me montre un premier exemple de saut.
La souplesse magique et moi, ça fait deux !
Je n’y arriverai jamais.
Mais si ! C’est une question d’entraînement.
Tiens, Natty est seule ?
Tu n’as pas ton Chat-Sorcier pour t’aider, Natty ?
Allez, Nina, fais comme moi !
Celle-ci hausse les épaules, l’air dépité.
– Non, je l’ai cherché partout sans le trouver. Il arrive que Fantasy sorte se promener sans me prévenir. Mais là, j’ai besoin de lui pour travailler ; alors je lui en veux un peu.
Je surprends un échange de regards soucieux entre Mac Léod et Achille. Maintenant que j’y songe, ce n’est pas la première fois de la journée que je vois nos mentors afficher cette mine sombre.
Soudain, Mark, élève de quatrième année, apparaît au milieu de la pelouse : il a dû employer un sortilège pour surgir ainsi de nulle part, sa baguette fumante à la main.
– Vous n’auriez pas vu mon mentor ? lance-t-il à la cantonade.
– C’est Grilwenn, n’est-ce pas ? lui demande Achille.
– Oui. Il m’a faussé compagnie il y a quelques minutes. Il s’est volatilisé sous mes yeux.
Nouveau coup d’œil consterné de nos mentors.
– À quoi pensez-vous ? s’exclame Merline, à qui cette gravité n’a pas échappé.
La disparition des Chats-Sorciers
– Nous ? répond Achille d’un ton innocent. Au beau temps, aux merles qui sifflent, au muguet qui fleurit… Comme la nature est belle ! Nous ne sommes pas dupes, et Merline est sur le point d’insister lorsque la cloche du dîner nous appelle au réfectoire. Nous voici bientôt à table devant le dîner préparé par Mme Cordon-Bleu, la nouvelle cuisinière, qui nous régale de plats toujours surprenants…
Hmm, elle sent bon cette soupe !
Velouté de pervenches, mesdemoiselles.
Mme Redingote fait tinter son verre pour mettre un terme au brouhaha qui a envahi le réfectoire.
Tout le monde sent qu’il vient de se passer un événement suspect à la table de nos Chats-Sorciers.
– Calmez-vous, jeunes gens, ordonne la directrice d’une voix posée. Est-ce l’arrivée du printemps qui vous rend aussi nerveux ? Faites moins de bruit et savourez cet excellent velouté. La pervenche a des vertus extraordinaires pour favoriser la mémoire et la concentration.
Rose se penche vers moi :
– Comme nos mentors, Mme Redingote nous cache quelque chose. Elle cherche à changer de sujet mais elle a sa tête des mauvais jours.
Je hoche la tête. Nous avons déjà connu plus d’un épisode sombre entre ces murs, et je parierais que des événements graves perturbent à nouveau le pensionnat !
Hélas, nos Chats-Sorciers restent impénétrables, ainsi que les professeurs et les trolls-surveillants.
Ceux que nous croisons dans les couloirs au cours de la soirée ont l’air tendus, mais nous sentons qu’il
La disparition des Chats-Sorciers
serait inutile de les interroger. Cette atmosphère étrange règne jusqu’à l’heure du coucher. Rose, Merline et moi éteignons nos lampes en nous souhaitant bonne nuit. Au fond de la chambre, Achille, Flamme et Mac Léod dorment déjà… ou font semblant. Dans la nuit, je rêve que je suis en train de jongler avec huit boules de cristal, lorsqu’une main me secoue l’épaule. Mon rêve se transforme aussitôt en cauchemar : je me vois laissant échapper ces boules précieuses. Horreur, elles vont se fracasser sur le parquet… Je gémis… Une voix me chuchote : – Nina, eh, Nina, réveille-toi ! Rose est penchée sur moi, un index sur les lèvres. De l’autre main, elle me désigne nos mentors en grande discussion à la fenêtre…
