JA3116 du 31 août 2022 GF Tchad

Page 1

Al lemag ne 9€ ‱ Be lg iqu e9€ ‱ Ca nad a1 2,9 9$ CA N Es pa gn e9€ ‱ Fr an ce 7, 90 € ‱ DO M9€ ‱ It alie 9€ Mar oc 50 MAD ‱ Mau ri ta nie 20 0M RU ‱ Pay sBa s9 ,2 0€ Po rt uga l9 € ‱ RD Co ngo 10 USD ‱ Suis se 15 CH F Tu nisie 8T DN ‱ TO M1 000 XP F ‱ Zo ne CF A4 800 FC FA IS SN 19 50 -1 28 5 Nwww.jeuneafrique.com O 3116 –SEPTEMBRE 2022 GUINÉE ALPHA CONDÉ Derniers secrets d’un exilĂ© MAROC AKHANNOUCH An I Le vrai bilan : H I K L T D = [ U \ ^ U ^ : ? d @ b @ l q @ a M0 1936 -3 11 6F: 7,90 E -R D TCHAD CONTINUITÉ OU NOUVELLE ÈRE? SPÉCIAL 22 PAGES FRANCE-RUSSIE LA GUERRE INVISIBLE Comment Paris tente de contrer l’emprise grandissante de Moscou et de ses agents d’influence en Afrique francophone. EnquĂȘte exclusive. OCÉAN INDIEN Un pour tous, tous pour un 10 pages

Lomé Togo 28 &29novembre2022 www.afis.africa CO-HOST HOSTCOUNTRY DIAMOND PARTNERS INSTITUTIONAL PARTNER INDUSTRYPARTNERS KNOWLEDGE PARTNERS REGISTRATION PARTNER MEDIA PARTNERS FOUNDERS

GRAND FORMAT

L’heure de vĂ©ritĂ© RUNKEL/ROBERTHARDING /ANDIA JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 123

Quinze mois aprĂšs l’arrivĂ©e au pouvoir d’un Conseil militaire de transition prĂ©sidĂ© par Mahamat Idriss DĂ©by Itno, le grand dialogue national inclusif destinĂ© Ă  jeter les bases d’une profonde refondation est enfin ouvert.

TCHAD POUR TOUT COMPRENDRE DE L’ÉVOLUTION D’UN PAYS ENJEUX p. 134 | ÉCONOMIE p. 152 | SOCIÉTÉ p. 158

‱Lebasculement au HFO de la centrale bicombustible de Farcha 2.

CONTACT

La SociĂ©tĂ© Nationale d’ÉlectricitĂ© (SNE) est une sociĂ©tĂ© anonyme ayant pour rĂŽle l’exploitation des ouvrages Ă©lectriques concĂ©dĂ©s par l’État dans le pĂ©rimĂštrede sa concession.Elle est engagĂ©e dans une stratĂ©gie de grande ampleur visant Ă  accroĂźtrel’offre d’énergie Ă©lectrique et rĂ©pondreainsi Ă une demande en forte croissance.

L

aSNE est issue de la dĂ©funte SociĂ©tĂ©Tchadienned’Eau et d’ÉlectricitĂ© (STEE) aprĂšs sa dissolution par l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©raledes actionnaires en mai2010. Samissionconsiste Ă assurer l’approvisionnement en Ă©nergie Ă©lectriqueenquantitĂ© et qualitĂ© sufïŹsantes, concrĂštement la production, le transport, la distribution, la conduite, la vente,l’importationet l’exportation de l’énergie Ă©lectrique. Sonparcd’équipements est constituĂ© d’ouvrages de production Ă©lectrique, d’un rĂ©seau de transport et d’unrĂ©seau de distribution.La SNE emploie 672 agents, dont 78 cadres, 129 agents de maĂźtrise et 465agents d’exĂ©cution.

Ce phĂ©nomĂšne est particuliĂšrement marquĂ© dans la capitale, N’Djamena, qui aconnu un Ă©largissement exponentiel de sa superïŹcie : le rĂ©seau de distribution n’arrive pas Ă suivre le rythme de l’urbanisation. Àcela s’ajoute la vĂ©tustĂ© des ouvrages existants.

DESDÉLESTAGES FRÉQUENTS

LASNE,PLEINEMENT ENGAGÉE DANS LARELANCE

L’objectif de ce plan d’urgence est de stabiliser l’exploitation aïŹndeseprojeter dans les diffĂ©rents projets qui permettront d’accroĂźtrel’offre sur la durĂ©e.

Pour faireface Ă cette situation, la SNE amis en place un plan d’urgence qui comprend plusieurs Ă©lĂ©ments :

Ruedes Poids Lourds, N’Djamena, Tchad Email : info@snesen.org sne.tchad@gmail.com

COMMUNIQUÉ

En ce qui concerne les nouveaux projets, nous sommes en train de dĂ©velopper une zone industrielle Ă©lectrique Ă Linia, capable de recevoir diffĂ©rentes centrales (gaz, solaire, Ă©olien, etc.) dans le but d’alimenter N’Djamena.

‱LaremontĂ©eenpuissance de la centrale MBH. Lesexploitationsetles centres rĂ©gionaux (AbechĂ©, Faya,Mao,Moundou, Massakory,Bol) ont bĂ©nĂ©ïŹciĂ© de l’apport du chef de l’État.

Le secteur bĂ©nĂ©ïŹce d’une rĂ©elle volontĂ© politique, ce qui permet de relancer l’exĂ©cution des projets en cours et, bien sĂ»r,demettreen chantier de nouveaux projets.

insufïŹsance de la production provoque des dĂ©lestages frĂ©quentsdans les diffĂ©rentes villes du pays. Le faible niveaudes investissements dans les ouvrages de production,detransport et de la distribution Ă©lectrique induitunfaibletaux d’accĂšs Ă l’énergie Ă©lectrique.

JAMG -P HOT OS DR

DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ AU TCHAD

Le secteurdel’électricitĂ© est caractĂ©risĂ© une demande qui est largement supĂ©rieureĂ l’offre.Cette

RÉPONDRE ÀL’URGENCE

‱Lalocation d’une centrale temporairede 30 MWc.

‱Des opĂ©rations de maintenance de tous les gĂ©nĂ©rateurs grĂące au fonds mis Ă notredisposition par le PrĂ©sident du Conseil Militairede Transition (PCMT), son Excellence Mahamat IdrissDeby ITNO,PrĂ©sident de la RĂ©publique, chef de l’État.

UNE PALETTEDEPROJETS

Parmi les projets en cours, on peut mentionner le Projet d’Interconnexion Tchad-Cameroun, qui avance bien, et le projet de renforcement, d’extension et d’assainissement de la ville de N’Djamena. En matiĂšred’énergies renouvelables, plusieurs projets mĂ©ritent d’ĂȘtremen tionnĂ©s :laconstruction d’une centrale solaire par Djarmaya Solar (30 MWc) et de deux autres centrales solaires par la sociĂ©tĂ© Qair international et SCATEC. Cesinvestissements sont soutenus par les partenaires traditionnels du Tchad (Banque Mondiale, Banque Africaine de DĂ©veloppement, Union EuropĂ©enne, etc.).

Facebook : tchadsne

Éviter un scĂ©nario dĂ©ceptif

Édito

epuis toujours, le thĂšme favori et la constante verbale de la classe politique tchadienne

dissĂ©minant au passage le virus de la primautĂ© de la force sur l’État de droit. Or chacun sait qu’au Tchad comme ailleurs la conscience et la construction nationales ne peuvent procĂ©der que d’un État Ă  la fois fort et consensuel, sans que cela implique la victoire d’une communautĂ© sur les autres.

François Soudan

Exorcisme

C’est dire si les enjeux du grand dialogue national inclusif (DNI) voulu par le prĂ©sident Mahamat Idriss DĂ©by Itno dĂ©passent largement la simple fixation d’un chronogramme Ă©lectoral. Il s’agira dans le fond d’exorciser le pĂ©chĂ© originel d’une indĂ©pendance transmise par une puissance coloniale, la France, qui, en soixante ans d’occupation, n’a rien fait d’autre que de maintenir l’ordre,

D

Tout devrait donc ĂȘtre mis sur la table sans tabous au cours de ce dialogue. Une nouvelle Constitution, une nouvelle RĂ©publique, l’éradication dĂ©finitive (au sens sociĂ©tal et psychologique) du recours Ă  la violence et Ă  la cinquantaine de groupes armĂ©s que compte le pays, le contexte sĂ©curitaire rĂ©gional, les rĂšgles d’une gouvernance dĂ©mocratique et, in fine, un calendrier crĂ©dible de retour Ă  l’ordre constitutionnel via un processus Ă©lectoral perçu comme la

conclusion de cette refondation. Discuter de tout donc, y compris des modalitĂ©s de la dissolution du Conseil militaire de transition et du destin politique personnel de Mahamat Idriss DĂ©by Itno, dont l’irruption Ă  la tĂȘte de l’État au lendemain de la mort de son pĂšre aura eu le mĂ©rite d’éviter une probable prise de N’Djamena par des colonnes de rebelles ayant servi de supplĂ©tifs Ă  diffĂ©rentes factions libyennes, sans autre idĂ©ologie que leur propre toxicitĂ©.

y compris des groupes politicomilitaires aux acronymes aussi variables que leurs allĂ©geances ont Ă©tĂ© l’unitĂ© et la rĂ©conciliation nationales. Une volontĂ© de vivre ensemble aussi prĂ©sente dans les discours des dirigeants qu’absente des ressentis de toute une partie de la population, pour qui l’identitĂ© collective relĂšve plus de la leçon apprise que du sentiment profond. Ceci expliquant cela, la seule croissance longtemps observĂ©e au Tchad a Ă©tĂ© celle du sous dĂ©veloppement, et la plupart des entrepreneurs politiques se sont Ă©chinĂ©s Ă  contredire au quotidien le contenu de leurs serments, discrĂ©ditant aux yeux du peuple la notion mĂȘme d’État.

Le risque, Ă©videmment, est que l’exercice ne dĂ©bouche que sur une simple phase de rĂ©pit, faute de bases de discussion solides, crĂ©dibles et inclusives. Un replĂątrage de façade juste bon Ă  distribuer des per diem aux quelque 1400 participants. Tout doit ĂȘtre fait pour Ă©viter ce scĂ©nario dĂ©ceptif qui augurerait mal d’élections apaisĂ©es et serait vĂ©cu par l’opinion comme une Ă©ternelle et illĂ©gitime rĂ©pĂ©tition des erreurs du passĂ©

Les enjeux du dialogue dĂ©passent largement la simple fixation d’un chronogramme Ă©lectoral. JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 125 GRAND FORMAT TCHAD

Il est donc nĂ©cessaire que tous les acteurs politiques, associatifs, militaires, Ă©conomiques et traditionnels y participent sans conditions irrĂ©alistes, et indispensable que chacun se garde de toute position maximaliste. FatiguĂ©s d’ĂȘtre les otages de leurs dirigeants, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, les 16 millions de Tchadiens attendent et redoutent Ă  la fois un dialogue que Mahamat Idriss DĂ©by Itno a conçu comme l’acmĂ© de son passage Ă  la tĂȘte de l’État. Pourquoi ne pas le prendre au mot?

AFP JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022126 GRAND FORMAT TCHAD

MATHIEU OLIVIER

S ur le tarmac de l’aĂ©roport de N’Djamena, en cet aprĂšs-midi du 5 aoĂ»t, Mahamat Idriss DĂ©by Itno s’avance vers l’avion qui doit l’emmener Ă  quelques heures de vol de sa capitale, au Qatar EntourĂ© de ses plus proches collaborateurs, le chef de l’État tchadien sait qu’il s’apprĂȘte Ă  valider une Ă©tape dĂ©cisive de la transition qu’il prĂ©side depuis le dĂ©cĂšs de son pĂšre, le marĂ©chal Idriss DĂ©by Itno, en avril 2021 Son ministre des Affaires Ă©trangĂšres, Mahamat Zene ChĂ©rif, et surtout Ahmed Kogri, le patron de l’Agence nationale de sĂ©curitĂ© (ANS, renseignements), l’ont tenu informĂ© des derniers rebondissements du prĂ©dialogue de Doha. AprĂšs cinq mois de nĂ©gociations sans compter ceux de prĂ©paration –, de menacesderetrait,decoupsdepoingsur la table et d’impasses, la signature d’un accord avec une majoritĂ© des groupes politico-militaires prĂ©sents en terres qataries est enfin en vue.

DĂ©sormais invitĂ©s Ă  participer au grand dialogue national inclusif (DNI) qui s’ouvrait Ă  N’Djamena le 20 aoĂ»t, Nouri et Erdimi affirment dĂ©sormais avancer « vers la paix ». « C’est une victoire importante pour Mahamat Idriss DĂ©by Itno, s’enthousiasme un proche de laprĂ©sidencetchadienne.Celaaprisplus de temps que prĂ©vu, mais il a convaincu

AprĂšs la signature d’un accord avec les mouvements politico-militaires, le 8 aoĂ»t, et l’ouverture du dialogue national, Mahamat Idriss DĂ©by Itno entre dans la derniĂšre phase de la transition qu’il dirige.

Ni totem ni tabou

Trois jours plus tard, le 8 aoĂ»t, le texte est officiellement signĂ© Les derniĂšres soixante-douze heures ont Ă©tĂ© intenses, les mĂ©diateurs de Doha tentant jusqu’à la derniĂšre minute de convaincre le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), l’une des principales composantes de l’opposition armĂ©e contre N’Djamena, de ratifier le texte. En vain. Déçus par la non-libĂ©ration d’une partie de leurs combattants emprisonnĂ©s au Tchad, les hommes de Mahamat Mahdi Ali ont finalement refusĂ© de signer, Ă  l’instar d’Abakar Tollimi ou de Mahamat Hissein, mais contrairement Ă  une quarantaine d’autres groupes (sur cinquante-deux initialement prĂ©sents dans le processus). Parmi les signataires figurent en particulier Mahamat Nouri, chef de l’Union des forces pour la dĂ©mo cratie et le dĂ©veloppement (UFDD), et TimanErdimi,cousindeMahamatIdriss DĂ©by Itno, Ă  la tĂȘte de l’Union des forces de la rĂ©sistance (UFR).

Pax N’Djamena

Le président tchadien, le 29 août 2021, à Khartoum, au Soudan.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 127 GRAND FORMAT TCHAD

ENJEUX

Le dialogue national, dont on ne connaĂźt pas encore la durĂ©e, devrait aborder la difficile question de la forme de l’État et de ses textes fondateurs. Il s’annonce donc houleux et potentiellement risquĂ© pour le chef de l’État. « Le dĂ©bat sur un Ă©ventuel fĂ©dĂ©ralisme et sur la reprĂ©sentativitĂ© des communautĂ©s du nord et du sud du pays sud aujourd’hui en grande minoritĂ© dans certaines institutions, notamment l’armĂ©e risque notamment d’ĂȘtre mouvementĂ© », prĂ©vientunparticipant.LedĂ©fi,selon les termes d’un autre invitĂ© : travaillerdansunelogique« inclusive »sans pour autant « exclure en rĂ©action les

Exercice d’équilibriste

le prĂ©sident des Transformateurs quelques jours avant l’ouverture du DNI. « Nous craignons que le pouvoir utilise le dialogue comme une chambre d’enregistrement de ses ambitions, en se servant d’une opposition factice ralliĂ©e Ă  lui », explique un autre opposant, visant sans le nommer Saleh Kebzabo, le prĂ©sident de l’Union nationale pour le dĂ©veloppement et le renouveau (UNDR), dont deux proches occupent des postes au sein de l’actuel gouverne ment de transition.

« Il a montrĂ© qu’il savait faire des concessions, rassurer diplomatiquement, nĂ©gocier avec les rebelles et les amener Ă  la table des nĂ©gociations. Mais ce n’était que des travaux prĂ©paratoires La vraie politique commence maintenant », sourit un diplomate Ă  N’Djamena. Une question est bien Ă©videmment dans tous les esprits : quel est l’avenir de MahamatIdrissDĂ©byItnolui-mĂȘme?

masse Cela ne doit pas se rĂ©pĂ©ter Ă  N’Djamena », ajoute cette source. L’inquiĂ©tude est de mise y compris chez les anciens tenants du pouvoir, au sein d’un Mouvement patriotique dusalut(MPS)naguĂšretout-puissant, mais qui s’estime marginalisĂ© depuis ledĂ©cĂšsdesonfondateur,IdrissDĂ©by Itno « L’opposition dite radicale craint la mascarade et redoute de ne pas pouvoir faire entendre sa voix. Les ralliĂ©s, tels que Kebzabo, veulent faire fructifier leur position centrale et leur statut de “modĂ©rĂ©s”. Le MPS tente de survivre Ă  la nouvelle Ăšre, de se renouveler et de prouver qu’il n’est pas mort avec le marĂ©chal Et tout ce petit monde s’interroge sur les ambi tions du prĂ©sident de la transition », rĂ©sume un observateur politique tchadien.

« À Doha, le Conseil militaire de transition [CMT] a fait venir des dizaines de groupes factices pour “noyer” les rebelles dans la

des personnalitĂ©s symboliques de la rĂ©bellion de jouer le jeu de la transition. » Reste dĂ©sormais Ă  transformer l’essai : « Le mois d’aoĂ»t Ă©tait dĂ©cisif pour le chef de l’État, car il valide le travail de sa premiĂšre annĂ©e au pouvoir Mais ce n’est qu’une Ă©tape », ajoute une autre source au palais. Avec l’ouverture, le 20 aoĂ»t, du grand dialogue national, rassemblant une partie de l’opposition politique, la sociĂ©tĂ© civile ainsi que les signataires de Doha, Mahamat Idriss DĂ©by Itno est en effet entrĂ© dans une nouvelle phase de « sa » transition.

les rĂ©seaux sociaux et mobilisateurs efficaces de la diaspora, ont quant Ă  eux appelĂ© le prĂ©sident français Emmanuel Macron Ă  se souvenir des paroles prononcĂ©es peu aprĂšs le dĂ©cĂšs d’Idriss DĂ©by Itno, en 2021 : « Je suis pour une transition dĂ©mo cratique et inclusive, pas pour un plan de succession. La France ne sera jamais aux cĂŽtĂ©s de ceux ou celles qui forment un tel projet. » « Mahamat Idriss DĂ©by Itno n’a jamais montrĂ© une telle ambition Il avait promis un prĂ©-dialogue et un dialogue. Il a tenu ses promesses. Pourquoi le soupçonner dĂ©sormais de vouloir confisquerunpouvoirqu’iln’ajamais cherchĂ©? »assureuncollaborateurde la prĂ©sidence.

Mahamat Idriss DĂ©by Itno se sait scrutĂ©. Imagine-t-il et souhaite-t-il se servir du dialogue comme tremplin personnel ? La plupart des observateurs diplo matiques en doutent aujourd’hui. DĂ©cidĂ©s Ă  empĂȘcher ce scĂ©nario, les Transformateurs, trĂšs visibles sur

Conscient des suspicions autour d’un hypothĂ©tique « plan de succession », Mahamat Idriss DĂ©by Itno a mis fin en juillet aux fonctions de directeurdecabinetĂ laprĂ©sidencede son demi-frĂšre, Abdelkerim. NommĂ© patron du conseil d’administration de l’Agence nationale des investisse ments et des exportations, celui-ci reste Ă©troitement associĂ© Ă  l’exercice dupouvoirmaisaquittĂ©lalumiĂšredu palais, oĂč l’attelage fraternel pouvait renvoyer une mauvaise image. Un exercice d’équilibriste. « Mahamat Idriss DĂ©by Itno sait que la stabilitĂ© du Tchad est indispensable aux Occidentaux en raison des situations auSaheletenCentrafrique Maisilne peut pas non plus trop prĂȘter le flanc aux accusations d’accaparement du pouvoirparsafamille »,rĂ©sumenotre diplomate Ă  N’Djamena.

Depuis plus d’un an, une partie des opposants tchadiens menĂ©e par Les Transformateurs de SuccĂšs Masra et les leaders de la plateforme Wakit Tama, rĂ©clame Ă  cor et Ă  cri au chef de l’État de prĂ©ciser ses ambitions de maniĂšre officielle. Cherchera-t-il Ă  ĂȘtre candidat Ă  l’élection prĂ©sidentiellequidevraĂȘtreorganisĂ©eaprĂšsla fin des travaux du dialogue national?

Une question est bien Ă©videmment dans tous les esprits : quel est l’avenir du chef du Conseil militaire de transition lui-mĂȘme?

L’opposant rĂ©clame, comme Wakit-Tama, que soit entĂ©rinĂ©e une disposition interdisant aux acteurs politiques de la transition, y compris, donc, au chef de l’État mais aussi Ă  l’ambitieux Premier ministre Albert Pahimi PadackĂ©, de se porter candidat aux futures Ă©lections. « Ce sera au dialogue national de dĂ©cider de la mise en place ou non de cette mesure », estime notre source proche de la prĂ©sidence « Le dialogue est biaisĂ© en amont, puisque nous estimons que 80 % des participants sont des gens de l’ancien systĂšme, du pouvoir », dĂ©nonçait toutefois

Le fédéralisme en débat

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022128 GRAND FORMAT TCHAD

L’intĂ©ressĂ© n’a jamais dĂ©voilĂ© cette ambition mais n’a pas formellement rejetĂ© l’hypothĂšse, alimentant les suspicions. « S’il ne veut pas ĂȘtre candidat,pourquoinepasl’indiquerclairement? » interroge SuccĂšs Masra.

en 1996 et modifiĂ© Ă  l’initiative d’Idriss DĂ©by Itno en 2018 –, aurait le vent en poupe, ce qui ouvrirait la porte Ă  la rĂ©apparition officielle du poste de Premier ministre. Du MPS Ă  l’opposition, en passant par les principaux groupes rebelles signataires Ă  Doha,laclassepolitiquesembleavoir trouvĂ© un consensus sur ce point.

« Le dialogue national viendrait ainsi rĂ©parer les mĂ©faits du dernier forum organisĂ© par Idriss DĂ©by Itno en 2018 et qui n’était qu’un trompel’Ɠil destinĂ© Ă  lui offrir un nouveau mandat », explique un opposant.

Autre dĂ©bat d’importance Ă  venir : celui sur la Constitution. Selon nos informations, l’hypothĂšse d’un retour au texte fondamental adoptĂ©

Un scrutin en avril 2023

AMIRI DIW AN OF THE ST AT E OF QA TA R / ANADOL U AG ENCY VIA AFP

cadres de l’ancien rĂ©gime ». SuccĂšs Masra, lui-mĂȘme nĂ© dans le sud du pays, y va de sa proposition : « Pourquoi ne pas imaginer un ticket prĂ©sidentiel, comme aux États-Unis?

Un DĂ©by en cachera-t-il un autre, comme le craignent les dĂ©tracteurs du « clan »? Ou le fils rĂ©parera-t-il les erreurs du pĂšre, comme l’espĂšrent les optimistes? « Toute la question est

Selon nos informations, l’ambi tion du prĂ©sident de la transition est de tenir le futur scrutin prĂ©sidentiel au plus tard en avril 2023, soit vingt quatre mois aprĂšs le dĂ©cĂšs de son pĂšre, contre dix-huit initialement promis. Un calendrier jugĂ© accep table Ă  N’Djamena et dans les chancelleries amies, en Afrique centrale ou en Europe, si tant est que l’organisation en soit jugĂ©e suffisamment crĂ©dible. Le dĂ©fi est lancĂ©. Et avec lui, le compte Ă  rebours.

OnĂ©liraitunprĂ©sidentetunvice-prĂ©sident, qui pourraient reprĂ©senter deux communautĂ©s Ă  la fois ou qui pourraient ĂȘtre un civil et un militaire par exemple » Et d’ajouter : « Je crois Ă©galement qu’il faut rassurer les cadres actuels du Conseil militaire de transition, dont le prĂ©sident lui-mĂȘme. Il n’est pas question que le nouveau pouvoir les marginalise. Ils doivent pouvoir apporter toute leur expĂ©rience et tout leur savoir, de la chose militaire en particulier »

lĂ  en rĂ©alitĂ© : est-ce que nous allons assister Ă  une vraie confĂ©rence natio nale pour remettre le pays sur les bonsrails?Ouest-cequenousaurons droit Ă  un faux-semblant destinĂ© Ă  lancer Mahamat Idriss DĂ©by Itno ou son clan vers une Ă©lection taillĂ©e pour eux? » poursuit ce cadre de l’opposition.

Mahamat Idriss DĂ©by Itno (Ă  gauche) et l’émir du Qatar, Tamim Al Thani, Ă  Doha, le 8 aoĂ»t, lors de la signature de l’accord de paix avec des groupes politico-militaires.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 129 GRAND FORMAT TCHAD

À contre-courant d’une majoritĂ© de la classe politique, Les Transformateurs, emmenĂ©s par SuccĂšs Masra, et la plateforme Wakit-Tama continuent de s’opposer au Conseil militaire de transition. Jusqu’oĂč peuvent-ils aller ?

Le 14 mai, des centaines de Tchadiens sont descendus dans les rues de N’Djamena Ă  l’appel de cette coalitiond’organisationsdelasociĂ©tĂ© civile pour dire « non » Ă  la politique française au Tchad. « C’était une mobilisation exceptionnelle pour nous. C’est la France qui a installĂ© ce rĂ©gime sous prĂ©texte que notre pays Ă©tait une exception. Eh bien, nous n’en voulons pas ! » explique Max Loalngar, que nous avons rencontrĂ© Ă lafindejuin,justeaprĂšsl’assemblĂ©e gĂ©nĂ©raledesonmouvement,dansles locaux de l’Union des syndicats du Tchad (UST).

es trois semaines qu’il a passĂ©es, en mai et en juin, dans les maisons d’arrĂȘt de N’Djamena puis de Klessoum,Ă dixkilomĂštresdelacapitale, n’ont en rien entamĂ© la dĂ©termination de Max Loalngar Loin de lĂ . Le porte-parole et coordonnateur de la coalition Wakit-Tama assure en effet ĂȘtre dĂ©terminĂ© Ă  lutter contre « la prise et la conservation du pouvoir par les armes », et ce « au pĂ©ril de [sa] vie ». Dans son viseur, le Conseil militaire de transition (CMT), dirigĂ© par Mahamat Idriss DĂ©by Itno.

JOURNAL DU TC HAD .C OM

Ceux qui disent « non »

de Wakit-Tama, la justice les a sanctionnĂ©s, mais libĂ©rĂ©s Depuis plus d’un an, multipliant les marches (autorisĂ©es ou pas), Max Loalngar et les leaders de sa coalition sont, Ă  l’instar de SuccĂšs Masra et de son mouvement Les Transformateurs, en premiĂšre ligne pour contester le CMT, auquel ils demandent de se retirer de l’exĂ©cutif

poids politique en organisant le premier meeting des Transformateurs, le 8 janvier 2021, au stade IdrissMahamat-Ouya de N’Djamena. Un rassemblement qui a rĂ©uni des milliers de militants et de sympathisants. C’est fort de cette capacitĂ© de mobilisation que le prĂ©sident des Transformateurs pose aujourd’hui des conditions Ă  sa participation au dialogue national inclusif. « Nous demandons trois choses simples, explique SuccĂšs Masra : que nous nous entendions en amont sur son agenda, sur les critĂšres d’objectivitĂ©, et sur les critĂšres d’une participation juste, Ă©quilibrĂ©e et reprĂ©sentative. »

Les Transformateurs et Wakit Tama peuvent-ils inverser le rapport des forces ? « Notre plus important levier pour faire entendre notre voix, c’est le peuple, rĂ©pond Masra. Ce peuple veut un changement, il veut dĂ©cider de son avenir Le meilleur choix qui s’offre au pouvoir militaire est d’entendre cela et de transmettre le pouvoir Ă  une Ă©quipe qui sera Ă©lue par les Tchadiens. »

L

Capacité de mobilisation

Comme une forme de dĂ©fi, Masra a donnĂ© l’occasion d’évaluer son

Succùs Masra lors du premier meeting des Transformateurs, le 8 janvier 2021, à N’Djamena.

FRANCK FOUTE, ENVOYÉ SPÉCIAL À N'DJAMENA

DĂšs l’annonce par l’armĂ©e tchadienne, le 20 avril 2021, du dĂ©cĂšs d’Idriss DĂ©by Itno et de la crĂ©ation d’un CMT dirigĂ© par Mahamat Idriss DĂ©by Itno, Masra s’est positionnĂ© « contre », dĂ©clinant ensuite les appels Ă  rejoindre le gouvernement formĂ© le 2 mai suivant. Un « gouvernement de dĂ©cor », selon ses termes, qui,enjuin 2021,acependantofficiellementreconnuLesTransformateurs en tant que parti politique Une lĂ©galisation que le mouvement attendait depuis sa crĂ©ation, en 2018

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022130 GRAND FORMAT TCHAD

Ce mĂȘme 14 mai, des dizaines d’autres manifestants se sont attaquĂ©s Ă  ce qui leur paraissait ĂȘtre des intĂ©rĂȘts français, brĂ»lant des pneus sur la chaussĂ©e, dĂ©truisant au passage les installations de sept stations-service Total
 Des dĂ©bordements qui ont conduit Ă  la condamnation de six leaders de Wakit-Tama Ă  douze mois de prison avec sursis et au versement de 10 millions de F CFA (environ 15000 euros) de dommages et intĂ©rĂȘts. Les accusĂ©s ont eu beau affirmer que les dĂ©gradations se sont produites « en dehors de la marche »

COMMUNIQUÉ

O

AlbertPahimiPadackĂ©:AvecleprĂ©sident du CNT, Mahamat Idriss DĂ©by, nous avons dĂ©cidĂ© dĂšs le dĂ©but d’aller audialoguenationalinclusif,sansqu’il y ait aucune pression, ni populaire ni Ă©trangĂšre, encore moins française AprĂšslamortbrutaleduchefdel’État, nous avons voulu jeter les bases d’un nouveau contrat social pour que de tels actes ne se reproduisent plus.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022132 GRAND FORMAT TCHAD

ProfondĂ©ment marquĂ© par la mort de l’ancien chef d’État, il n’a pas rĂ©flĂ©chilongtemps lorsque,le26 avril 2021, le fils du marĂ©chal dĂ©funt, Mahamat Idriss DĂ©by, devenu prĂ©sident du ComitĂ© militaire de transition(CMT),luiaproposĂ©d’ĂȘtrelechef dugouvernementduComitĂ©national de transition (CNT). « Les rebelles du Fact [Front pour l’alternance et la concordeauTchad]Ă©taientĂ 300kilo mĂštres de la capitale. J’ai acceptĂ© ce poste pour sauver le Tchad de la guerre civile. »

riginaire, comme l’opposant Saleh Kebzabo, du Mayo-KebbiOuest,rĂ©gion du sud du pays frontaliĂšre du Cameroun, fils d’agriculteursĂ©leveurs,AlbertPahimiPadackĂ©a« le sens de la mĂ©diation » dans le sang. Il a grandi en brousse, lĂ  oĂč, chaque jour, on doit rĂ©gler des litiges fonciers et des problĂšmes de troupeaux. Une prĂ©disposition qu’il a cultivĂ©e au cours de ses Ă©tudes de droit public.

PROPOS RECUEILLIS À N’DJAMENA PAR FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Albert Pahimi Padacké

Le Premier ministre explique pourquoi le dialogue national a Ă©tĂ© maintes fois reportĂ©. Et ce qu’en attendent les autoritĂ©s de la transition.

« Nous sommes dans une logique d’ouverture »

Aprùs la mort brutale du chef de l’État, nous avons voulu jeter les bases d’un nouveau contrat social.

Maintes fois ministre ou secrĂ©taire d’État, des annĂ©es 1990 Ă  la fin des annĂ©es 2000 (Finances, Commerce, Mines,ÉnergieetPĂ©trole,Agriculture, Justice, Postes), Albert Pahimi PadackĂ© a Ă©tĂ© candidat Ă  la prĂ©sidentielle en 2006, 2011 et 2021 sous les couleursduRassemblementnational des dĂ©mocrates tchadiens (RNDT-Le RĂ©veil) –, faceĂ  Idriss DĂ©by Itno, dont il sera le dernier Premier ministre, de 2016 Ă  2018, annĂ©e oĂč la nouvelle Constitution a supprimĂ© la fonction.

Pahimi PadackĂ© a toujours Ă©tĂ© respectĂ© pour sa capacitĂ© Ă  rappeler les rĂšgles du jeu. C’est lui qui, en 2007,

Pourtant, dĂšs la sĂ©ance d’ouverture, les partisans du Fact de Mahamat Mahdi Ali, vous ont claquĂ© la porte au nez, notamment pour manifester leur mĂ©contentement face au nombre de groupes rebelles prĂ©sents autour de la table, qu’ils estimaient disproportionnĂ©.

Ma mĂ©thode est celle de la consul tation permanente des diffĂ©rentes forces politiques et sociales du pays. Lorsque je suis allĂ© Ă  Doha pour ouvrir le prĂ©-dialogue, le 13 mars, j’ai Ă©tĂ© surpris de l’accueil qu’on nous a fait. Je n’ai jamais vu autant d’accolades. Tous les participants, proches du gouvernement comme politicomilitaires,setombaientlittĂ©ralement dans les bras. On n’avait pas l’impres sion d’ĂȘtre en conflit. Il y a des liens trĂšs forts entre nous.

alors qu’il Ă©tait garde des Sceaux, engagea des poursuites judiciaires contre l’Arche de ZoĂ©, l’association françaiseaccusĂ©ed’« adoptionetaide au sĂ©jour irrĂ©gulier de mineurs Ă©tran gers ». C’est lui encore qui, presque naturellement, a Ă©tĂ© chargĂ© de mener Ă  bien le dialogue national inclusif (DNI), « du jour au lendemain, sans plan de prĂ©paration, mais avec un volet juridique important », souligne-t-il. Aujourd’hui, ce catholique pratiquant de 55 ans ouvre sa porte Ă  tout le monde car, dit-il, « l’union fait la force ».

Nous avons prĂ©alablement engagĂ© des discussions dans les vingt-trois provinces du pays, puis avec les reprĂ©sentants des principales dias poras dans le monde. Nous voulions envoyer un signal fort aux politico-militaires exilĂ©s pour qu’ils reviennent au Tchad avec toutes les garanties judiciaires et sĂ©curitaires, faceauxtentationsderevanche.Nous avons mĂȘme Ă©laborĂ© des lois d’am nistie, adoptĂ©es par le Parlement, et rĂ©flĂ©chi Ă  la restitution des biens spoliĂ©sdurantcesannĂ©esd’exil.Ausortir du dialogue national, les Tchadiens auront choisi la nouvelle base du corpus juridique pour la paix et le vivre-ensemble.

JeuneAfrique:LeprĂ©-dialogue s’estouvertenmarsĂ Doha, oĂčl’accordaveclespolitico militairesn’aĂ©tĂ©signĂ©quele 8aoĂ»t.CommentlesnĂ©gociations ont-ellesĂ©voluĂ©?

Le 7 juillet, à N’Djamena.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 133 GRAND FORMAT TCHAD

FRANÇOIS -X AV IER FRELAND POUR JA

Ă  N’Djamena. Heureusement pour nous,leQataraprisenchargelesfrais de tous les dĂ©lĂ©guĂ©s et de l’ensemble des politico-militaires sur place, ce qui est un grand soulagement car le processus de dialogue nous coĂ»te dĂ©jĂ  cher Ă  travers les rĂ©unions du prĂ©-dialogue qui ont Ă©tĂ© organisĂ©es au Tchad, et le citoyen tchadien moyen y perd beaucoup en matiĂšre d’éducation, de santĂ©, etc.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022134 GRAND FORMAT TCHAD

QuerĂ©pondez-vousĂ ceuxqui voussoupçonnentd’avoirfait traĂźnerlesnĂ©gociationspourfaire durerlatransition?

Nous craignons que certains opposants surfent sur l’ignorance des populations en s’appuyant sur des puissances Ă©trangĂšres pour servir leur propre agenda. Et en utilisant d’autres canaux mĂ©diatiques, pour tenterdedĂ©stabilisernospartenaires Nous continuons de faire confiance Ă  la France, qui a un engagement et des objectifs prĂ©cis. En face, d’autres sont dans une logique de mercenariat, on ne peut pas accepter ça.

L’utilisation politique de l’appartenance ethnique du pays est un hĂ©ritage des conquĂȘtes armĂ©es du pouvoir. Il faut que l’on en sorte pour quelesdirigeantsdĂ©mocratiquement Ă©lus aient l’obligation de rendre des comptes Ă  la communautĂ© nationale. L’ÉtatdoitassurerlajusticeetlasĂ©curitĂ© Ă  chaque citoyen sans considĂ©ration ethnique.

Le problĂšme, c’est que, si l’accord signĂ© Ă  Doha est ensuite remis en question au Tchad, lors du dialogue national inclusif et souverain

Beaucoup dĂ©noncent le problĂšme de l’ethnicitĂ© au Tchad et la prĂ©dominance de Zaghawas aux postes clĂ©s du pouvoir. Que leur dites-vous?

Je n’ai pas d’informations parti culiĂšres. Mais il est vrai qu’au regard de la prĂ©sence de Wagner au Mali, en RCA, au Soudan et en Libye, on voit bien qu’il y a une lutte stratĂ© gique dans la zone S’il n’y a pas eu de grosse manifestation populaire au Tchad, on a vu apparaĂźtre des slogans hostiles Ă  la France, qui ressemblaient Ă  ceux vus au Mali


traverse. Nous espĂ©rons organiser une Ă©lection prĂ©sidentielle libre et transparente d’ici Ă  la fin de 2023
 Mais, Ă  Doha, certaines puissances semblaient tirer les ficelles depuis l’extĂ©rieur.

Lagrandequestion,c’estleretour. Êtes-vouscertaindevouloir tournerlapageavecceuxque vousaccusezd’avoirassassinĂ© l’ancienprĂ©sidentDĂ©byItno?

je rĂ©pĂšte : « souverain » –, certains diront que nous ne respectons pas l’accord.

Personne ne sera arrĂȘtĂ© ni inquiĂ©tĂ© Ă  N’Djamena. D’ailleurs, pas mal de politico-militaires sont dĂ©jĂ  rentrĂ©s Il y en a mĂȘme au sein du CNT.

Le pays hĂŽte du prĂ©-dialogue, le Qatar, a son rythme et sa mĂ©thode de travail. Mais certains ont voulu aborder les questions de fond. Alors que le gouvernement Ă©tait parti avec l’idĂ©e que le dialogue, lui, se ferait

Cette lenteur est d’abord un problĂšme pour nous! Nous voulions une transition courte. Cette nĂ©gociation « Ă©lastique » nous retarde dans notre agenda,notammentparrapportĂ nos partenaires Ă©conomiques. Lesquels ne sont pas prĂȘts Ă  nous soutenir sur la durĂ©e, notamment concernant la mobilisation des ressources. Ainsi, le « basket fund » du Pnud [« fonds commun de soutien » mis en place, en novembre 2021, par le Programme des Nations unies pour le dĂ©velop pement, pour accompagner la transition] n’a prĂ©vu que 67 millions de dollars. Or ces retards engendrent un besoin en ressources beaucoup plus important que ce qui est annoncĂ©, et le rythme de dĂ©caissement n’est pas Ă  la hauteur

Oui, c’est vrai. Mais c’était un coup d’éclat, un moyen de faire pres sion, puisqu’ils sont revenus dans la salle presque immĂ©diatement. DerriĂšre cela, il y a peut-ĂȘtre un problĂšme de sĂ©mantique. Certains politico-militaires sont reprĂ©sentĂ©s Ă  l’AssemblĂ©e, d’autres pas. Certains ontplusdemilitantsqued’autresetse sentent plus lĂ©gitimes pour prendre la parole. Nous, nous sommes dans une logique d’ouverture, « d’inclusivitĂ© ». C’est vrai que ça peut donner l’impression d’une cacophonie, mais notre objectif, c’est de rassembler tous les Tchadiens, pas seulement quelques-uns d’entre eux.

Nous voulons restaurer la paix au plus vite, nous n’avons pas le choix si nous voulons sortir des difficultĂ©s Ă©conomiques et sociales que le pays

Lesquelles? Pensez-vous à la Russie, que l’on dit proche des politico-militaires en Libye?

La meilleure maniĂšre de lutter contre cela n’est-elle pas d’organiser au plus vite des Ă©lections « libres, dĂ©mocratiques et transparentes »?

Encore faudrait-il pour ce faire que nos partenaires nous en donnent les moyens. Je suis un dĂ©mocrate, je suis pour les Ă©lections libres et transparentes Mais ces derniĂšres ne suffisent pas seules Ă  nous prĂ©munir contre la dĂ©stabilisation, il faut aussi Ɠuvrer davantage pour le dĂ©velop pement, et contre la pauvretĂ© dans notre pays

Il n’est pas jugĂ©. Ses compagnons ont Ă©tĂ© amnistiĂ©s, pourtant, existe t-il un politico-militaire qui n’ait pas tirĂ© sur un Tchadien? Mahdi pourra revenir dialoguer Aucun Tchadien n’est exclu.

Alors pourquoi les négociations ont-elles pris autant de temps?

Les manifestations Ă  N’Djamena ne sont des dĂ©monstrations de force ni de l’opposition ni d’un syndicat, mais uniquement l’expression de la frustration populaire. Alors, seul le dialogue inclusif permettra de bien poser le dĂ©bat en matiĂšre de justice sociale, d’égalitĂ© et d’équitĂ©. Ce sont ces valeurs qui assureront la stabilitĂ© et garantiront la rĂ©conciliation des cƓurs en dĂ©bouchant sur une alter nance pacifique.

Et Mahamat Mahdi Ali?

En mars, à Doha, proches du gouvernement comme politico-militaires, tous se sont tombés dans les bras
 Il y a des liens trÚs forts entre nous.

‱L’adoption du statut de l’entrepreneur.

SpĂ©ciïŹquement, il s’agit de : ‱Apporter information, conseil et assistance technique intĂ©grĂ©s aux opĂ©rateurs Ă©conomiques dans la conception, la formulation, la rĂ©alisation et la gestion de leurs projets d’investissement et d’affaires.

Comment comptez-vous appuyer le secteur privé ?

‱-La crĂ©ation d’un incubateur dĂ©diĂ© aux femmes transformatrices.

‱Assurer un accompagnement des entreprises tchadiennes, importatrices et exportatrices, aïŹndeles aider Ă amĂ©liorer leur productivitĂ© et performance commerciale ainsi qu’àaccroĂźtreleur compĂ©titivitĂ© sur les marchĂ©s internationaux.

Lesinitiativesencours sont entreautres :

La vision de l’ANIE est de «Contribuer Ă  l’amĂ©lioration du climat des affaires, attirer les investissements, soutenir l’éclosion des petites, moyennes et grandes entreprises et industries, et Ă©largir la base des produits Ă l’exportation, aïŹnde transformer la base structurelle de l’économie ». Nous avons un Plan StratĂ©gique pour faireduTchad,une puissance Ă©mer gente, carrefour rĂ©gional des Ă©changes entrel’Afrique subsaharienne, l’Afrique du NordetleMoyen-Orient Ă l’horizon 2030.

«Notreobjectif principal est de faireduTchad une puissance Ă©mergente Ă l’horizon 2030 »

L’Agence travaille actuellement de façon concertĂ©e avec l’ensemble des institutions en lien avec le label «Made in Tchad »aïŹnque les organes concernĂ©s par la dĂ©marche qualitĂ© soient pleinement opĂ©rationnels (CECOQDA, ATNOR, CONAQ). L’objectif ïŹnal est de certiïŹer les produits locaux et d’accroĂźtrelaqualitĂ© et la quantitĂ© des produits exportables.

Pouvez-vous nous prĂ©senter briĂšvement l’ANIE ?

‱LacrĂ©ation du guichet unique d’expor tation.

‱LacrĂ©ation de la SociĂ©tĂ© de Distribution des Produits du Tchad (SODIP TCHAD), dĂ©diĂ©e Ă l’exportation des produits frais principalement.

‱L’organisation des foires et salons de promotion des produits locaux.

Actuellement, 9% seulement des actifs tchadiens produisent des biens manufacturés. Notreobjectif est de porter ce taux àaumoins 20 %en2025

Monsieur Nassour MahamatDelio

‱Consulter et mettre Ă ladisposition des investisseurs une banque de donnĂ©es sur les opportunitĂ©s d’investissements et les informations techniques.

Quelles sont vos missions ? Notremission principale est d’encourager et de promouvoir les activitĂ©s industrielles, commerciales et artisanales au Tchad.

Quels sont les secteurs prioritaires ? Dans le but de rĂ©duirelepoids deshydrocarbures dans l’économie, nos prioritĂ©s sectorielles sont les mines, l’énergie, les ïŹliĂšres agropastorales, l’industrie et les NTICs.

‱Lelancement du circuit vert d’exportation.

ENTRETIEN : Monsieur Nassour MahamatDelio, Directeur GĂ©nĂ©ral de l’Agence Nationale des Investissements et des Exportations (ANIE) Quartier BĂ©guinage (Ancien local de la CNPS) N’Djamena- Tchad BP :2068 -TĂ©l. :(+235) 22525235 Email :contact@anie.td WWW.ANIE.TD COMMUNIQUÉ JAMG -P HOT OS DR

‱DĂ©livrer aux opĂ©rateurs Ă©conomiques toutes les piĂšces administratives nĂ©cessaires Ă leurs activitĂ©s en liaison avec les dĂ©partements ministĂ©riels et institutions intĂ©ressĂ©es.

Suivant notreplan stratégique et les besoins, nous visons deux objectifs précis :lerenforcement des capacités techniques et la promotion commerciale.

L’industrie est une prĂ©occupation majeureauniveau national, comme en tĂ©moigne le Plan de DĂ©veloppement Industriel et de la DiversiïŹcation de l’Économie (PDIDE) qui est en attente de sa validation politique. L’ANIE dispose aujourd’hui d’un plan stratĂ©gique quinquennal (2021-2025) adaptĂ© aux dĂ©veloppements des capacitĂ©s industrielles du Tchad.

L’Agence Nationale des Investissements et des Exportations (ANIE) est un Ă©tablissement public Ă caractĂšreadministratif, dotĂ© de lapersonnalitĂ© morale et de l’autonomie ïŹnanciĂšre. Elle est rattachĂ©e Ă la PrĂ©sidence de la RĂ©publique.

JEUNE AFRIQUE –N°3116 –SEPTEMBRE2022136 GRANDFORMAT TCHAD

Lesimages de rĂ©pression de certainesmanifestations ne lui donnent pas forcĂ©ment raison. Comme lesincidentssurvenusen margedelamarche organisĂ©eĂ  N’Djamena Ă l’appel de Wakit-Tama, le14mai,contrelaFrance,accusĂ©e de soutenir le Conseil militairede transition (CMT). Cinqresponsables de Wakit-Tama ontĂ©tĂ© arrĂȘtĂ©set inculpĂ©s pour «attroupementayant causĂ©des troubles Ă l’ordre public ». Ils seront jugĂ©s et libĂ©rĂ©s quelques semainesplus tard.

En exil forcĂ© au Cameroun il se forgeraune rĂ©putation de combattant farouche et obstinĂ©.«AulycĂ©e,Ă Garoua onmesurveillaitcar on me considĂ©raitcomme unĂ©lĂšve rebelle.J’avais heureusemen desprofesseursfrançaisde gauche qui comprenaient mon combat et me protĂ©geaient
 On m’appelait “Souslov”,commele

«autoritaire»durĂ©gimeetcellede la nouvelle gĂ©nĂ©rationdemilitaires aux commandesdelatransition «Lejeune prĂ©sidentMahamat DĂ©by ItnoatrĂšsvitevoulu redonner un espace de libertĂ© aux Tchadiens, avec le retour du dialogue,une presse libre,lerespect du droit descitoyens
 La preuve:toutes lesgrandesfiguresdel’opposition soutiennent aujourd’hui la transition, souligne-t-il. On se dit tout, on ne cache rien,pas mĂȘme les scandalesdemalversationsqui Ă©claboussent le rĂ©gime.Mais attention, le Tchadest un pays souverain! On ne peut pas fairen’importe quoi ici. Si on manifeste sans autorisationet qu’oncasse tout, qui plus estavec desconsignesvenant de l’extĂ©rieur, il estnormal d’ĂȘtrearrĂȘtĂ©etjugĂ©. »

À

RentrĂ© d’exil en 2011, l’ex-cadre rebelleaĂ©tĂ© le conseiller d’IdrissDĂ©byItno jusqu’au dĂ©cĂšsde celui-ci. Aujourd’hui ministre de la Communication et porte-paroledugouvernement, il raconte sa jeunesse de militant rĂ©volutionnaire, ses annĂ©es dans la rĂ©bellion
 et ses rĂȘves de cinĂ©aste. eune ge de cĂ©e n, , nt

N’Djamena, tout le monde connaĂźt Koulamallah. «Ilya Allahdans sonnom », ironisel’undeses proches. Il est vraique,depuisle2mai 2021, Abderaman Koulamallah est chargĂ©duportefeuille de la Communication, mais aussi de porterla (bonne) parole du gouvernement de transition.Chantre du consensus, il afait partiedes premiĂšresĂ©quipes du Conseil national de transition (CNT), qui, Ă lami-mars 2022, ont Ă©tĂ©envoyĂ©es Ă Doha,auQatar,pourengager le prĂ©-dialogue inclusifavecles Ă©ternels rebellesenexil, en Libye ou ailleurs.«J’aiencorebeaucoup d’amis parmi lespolitico-militaires On s’appellerĂ©guliĂšrement. Je n’ai de problĂšme avec personne Le dialogue inclusif et souverain estune chancederĂ©conciliation dĂ©finitive entre Tchadiens, au-delĂ  desquerellesethniques», prĂ©cise celui que certainsconsidĂšrent comme l’un desacteursclĂ©sd’une paixdurable au Tchad. Le 20 mai, quelquesjoursaprĂšs l’annonce par le gouvernement malien que le pays se retirait du G5Sahel, c’estaussi lui que MahamatIdrissDĂ©byItno achoisi pour ĂȘtre sonĂ©missaireet rencontrer Assimi GoĂŻta Ă Bamako.

RENCONTRE AVEC

Il estvraique Koulamallah aeu une jeunesserĂ©volutionnaire, profondĂ©mentmarquĂ©epar les discoursradicauxd’AmĂ­lcar Cabral, le fondateur du Parti africainpour l’indĂ©pendance de la GuinĂ©eetdu Cap-Vert (PAIGC). Militant rĂ©volutionnairepanafricainactif dĂšsson enfance, Ă©videmment influencĂ© par sonpĂšre, AhmedKoulamallah, dirigeant du Mouvementsocialiste africain (MSA), puis chef desnordistestchadiens, le je Abderaman estarrĂȘtĂ©dĂšs l’ñg 15 ans, en plein cours,auLyc FĂ©lix-ÉbouĂ© de N’Djamena.

Sur Twitter,leministre perd parfois soncalmeetn’hĂ©sitepas Ă  rĂ©pondre vigoureusementĂ ceux qui leprovoquent ou critiquent son pays,notamment depuis la France.

Abderaman Koulamallah, 67 ans, Ă©tait sans aucun doute l’undes hommesdelasituation, aprĂšs la mort du marĂ©chal DĂ©by Itno en avril2021, pour transformer l’image

«Moi,jeles accepteetjefacilite l’entrĂ©e surnotre territoireaux journalistesdumonde entier.LeTchad doit leslaisserfaire leur travail. Mais lesjournalistesmilitantsde LFI [LaFrance insoumise]qui nous insultent depuis Parisnesont pas lesbienvenus. Surtout si c’estpour me donner desleçonsdemarxisme, Ă moi,homme de gauche! »

Abderaman Koulamallah un homme de parole(s)

La voix des groupes armés

Finalement, Ă lasuited’unaccord avec le gouvernement, Koulamallah abandonne dĂ©finitivementla kalachnikovetl’exil (en France) pour rentrerĂ  N’Djamena en juin 2011. Il estaussitĂŽt emprisonnĂ©,aprĂšs une condamnation par contumace Ă laperpĂ©tuitĂ©pour «atteintes aux institutions rĂ©publicaines, destruction de biens publics, intelligence avec l’ennemi, atteinteĂ  la sĂ»retĂ©de regraciĂ©,dix-sept arleprĂ©sident DĂ©by ttu DĂ©by lesarmes e devenir son sidence », rĂ©sume n souriant. ma exĂ©cutif,Ahmed end alorslatĂȘte T –undĂ©putĂ© ,etdevient un dupalais en tant argĂ©demission du Ă©byItno,de2018 Ă©tĂ© loyaljusqu’à meconsidĂšre hui comme un e de parole.»Le tre de la Commution n’adĂ©cidĂ© ntpas la langue nssapoche.À limitede l’imrudence parfois, otamment quand l s’agit de recadrer certains ministres. C’estsamarque de fabrique. «C’est le meilleur, c’estle“tonton national”!»

s’enthousiasme OumarAdoudou Zaid, prĂ©sident de l’association Alraid pour la solidaritĂ©etledĂ©veloppement, un mouvementissu de la sociĂ©tĂ©civile plutĂŽt proche du pouvoir.«Ilest connectĂ©avec tous lesjeunes. Il estrespectĂ©pour soncharisme, sonfranc parler,son passĂ©de militant rĂ©volutionnaire, sa force de connexion, aussi, chez les politico-militaires.IlconnaĂźttoutle mondeetilarĂ©ponseĂ tout.»

Sonprochainlivre s’intitulera ItinĂ©raire d’un enfant rebelle, un clin d’Ɠil Ă Lelouch.

Comme au cinĂ©m RĂ©conciliĂ© avec l’e Koulamallah repr de son parti, l’UDT Ă©lu Ă  l’AssemblĂ©e rouage essentiel d que conseiller cha prĂ©sident Idriss D Ă  2021. « Je lui ai sa mort. On m aujourd’h homme minist nicat men dan la l pr n il c

JEUNE AFRIQUE–N°3116 –SEPTEMBRE 2022 137 GRAND FORMAT TCHAD

CultivĂ©, maniant l’humour pince sans-rire, auteur (en 2015,ilapubliĂ© La Bataille de N’Djamena.2 fĂ©vrier 2008,Ă©d. L’Harmattan), mais aussi diplĂŽmĂ© de l’École supĂ©rieure d’étudescinĂ©matographiques(Esec) de Paris, l’ancien rebelle rĂȘvait de devenir cinĂ©aste.«Çametient depuis tout petit, j’aimais tout particuliĂšrement lesfilms de Hitchcock.» Sonparcoursressemble d’ailleurs Ă unfilm de Claude Lelouch –une autredeses idoles–,avecplusieurs vies, quelquesflash-back,des rĂ©ussites et desĂ©checs.

OpposĂ© Ă laprĂ©sidence de François Tombalbaye –«trop proche desAmĂ©ricains »–,il combat dans lesrangs du Front de libĂ©ration nationale du Tchad (Frolinat). Dans lesannĂ©es 1980, il se serait rapprochĂ©briĂšvement de HissĂšne HabrĂ©, avant deprendreses distancesetde rejoindreIdrissDĂ©by, qui prend le pouvoir en dĂ©cembre1990.Cette annĂ©e-lĂ , Koulamallah fonde son propre parti, l’Union dĂ©mocratique tchadienne (UDT,lĂ©galisĂ© en 1992), et, en 1996,ilselance dans la campagne prĂ©sidentielle, avant d’en ĂȘtreĂ©cartĂ© en raison des originessoudanaises de sa mĂšre. AhmedKoulamallah occupealors plusieurspostesdeministreet

thĂ©oricien du Parti communiste de l’Union soviĂ©tique.»

Si Ahmed Koulamallah n’estpas «l’homme de Rio »des annĂ©es 1960, il estbien l’un deshommesde N’Djamena aujourd’hui. François-XavierFreland

F R A N Ç O I S X A V I E R F R E L A N D P O U R J A

On voit tout d’ici. »Son prochain livre,autobiographique,s’intitulera ItinĂ©raired’unenfant rebelle,clin d’Ɠil au cĂ©lĂšbrefilm de Lelouch interprĂ©tĂ©par Jean-Paul Belmondo.

l ennemi, atte l’État », avant d’ĂȘtr jours plus tard, pa Itno. « J’ai combat Ă  la main, avant de conseiller Ă  la prĂ©s t il aujourd’hui en

de conseiller Ă laprĂ©sidence de la RĂ©publique.Mais,en2007, il entre Ă nouveau en rĂ©bellion. Il devient le porte-parole de la coalition qui prendra N’Djamena en fĂ©vrier 2008 (avant de battreenretraite)et, l’annĂ©esuivante, il intĂšgre l’Union desforcesde la rĂ©sistance (UFR), coalition de plusieursfactions armĂ©es opposĂ©esauprĂ©sident Idriss DĂ©by Itnoetdont il assure, lĂ  encore, le porte-parolat.

Il sourit, l’air fatiguĂ©.«C’est le palu,j’airĂ©guliĂšrement descrises, je suishabituĂ©, ça ne va pasm’empĂȘcher de vivre. »Dans l’ascenseur de verredel’immense building ultramoderne de l’Office national desmĂ©dias audiovisuels (Onama), il paraĂźtflotterau-dessus de la capitale tchadienne.«Lavue estbelle, non?

La zone est rĂ©putĂ©e « conflic togĂšne ». Il n’empĂȘche, le nouvel

DJIMET WICHE/AFP

Daoud Yaya Brahim, « Monsieur Sécurité »

Le gĂ©nĂ©ral Daoud Brahim, en mai 2021, Ă  N’Djamena.

La tension se lit sur le visage du ministre dĂ©lĂ©guĂ© Ă  la prĂ©sidence chargĂ© de la DĂ©fense nationale. Il faut dire qu’un hĂ©licoptĂšre transportant le prĂ©sident du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss DĂ©by Itno, est sur le point de se poser dans cette localitĂ© situĂ©e dans l’ex trĂȘme nord du Tchad, Ă  une dizaine de kilomĂštres de la frontiĂšre libyenne (aunord)etĂ unecentaineduSoudan (Ă  l’est) et du Niger (Ă  l’ouest).

Lutte contre les groupes rebelles, apaisement des tensions internes qui menacent la stabilitĂ© du pays
 Le ministre de la DĂ©fense sait que le CMT, s’il lui accorde toute sa confiance, attend des rĂ©sultats sur ces dossiers ultrasensibles.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022138 GRAND FORMAT TCHAD

e vent chaud et sec qui souffle, en ce mois de juin, sur Kouri Bougoudi, dans le Tibesti, impose Ă  tous le port du turban. Lunettes noires, galons en Ă©vidence, le gĂ©nĂ©ral Daoud Yaya Brahim a choisi d’en arborer un de couleur beige assorti Ă  son treillis. Ce 6 juin, dans le camp de fortune parsemĂ© de tentes installĂ© par ses troupes, on le voit donner des consignes, avec force gestes Face Ă  lui, quelques gradĂ©s, eux aussi enturbannĂ©s, s’exĂ©cutent.

L

Ce déploiement musclé des forces de défense tchadiennes et de leur commandementaunbut:celuide

homme fort de N’Djamena a tenu Ă  la visiter,etcemalgrĂ©l’oppositiondeses services de sĂ©curitĂ©. Kouri Bougoudi et sa pĂ©riphĂ©rie ont bien Ă©tĂ© sĂ©curisĂ©s par les soldats de l’armĂ©e tchadienne quis’ysontdĂ©ployĂ©senmissionavan cĂ©e, mais la situation de la rĂ©gion et du pays tout entier demeure prĂ©caire. De l’avis des forces de dĂ©fense elles-mĂȘmes, le danger est toujours prĂ©sent.

FRANCK FOUTE

DIFCOM/DF -P HOTOS :D R. COMMUNIQUÉ

D’une capacitĂ©de240 lits,leCHU-R apour objectif d’offrir une alternative crĂ©dible auxĂ©vacuations sanitaires trĂšs coĂ»teuses pour le Tchad et surtout de prendre en charge, en tantqu’établissement de recours, les pathologies et les sĂ©jours les plus complexes ainsique les interventions les plus dĂ©licates adressĂ©es en amont parles Ă©tablissements desantĂ©etlecorpsmĂ©dical du rĂ©seau sanitaire tchadien. IlestchargĂ©aussidelaprĂ©vention,desprestations de soins de qualitĂ©, de la formation et du perfectionnementdupersonnelmĂ©dical, paramĂ©dical et technique, des Ă©tudes et recherches relatives aux problĂšmes de santĂ© de la population.LeCHU-R propose uneoffredesoinscomplĂšte.IlestdotĂ©d’un plateautechniquericheetdiversifiĂ©(5blocs opĂ©ratoires, 8salles de rĂ©animation,etc.) et n’a rien Ă envier aux meilleurs hĂŽpitaux des pays occidentaux.

Quartier N’Djari -BP2029 -N’djamena, Tchad -TĂ©l. :(+235) 62.23.11.82 www.hopitalrenaissance-tchad.com

Oui, de l’ordre de 80 %environ. Le CHU-R est devenu une rĂ©fĂ©rencenon seulement au niveaunational,mais dans toute la sous-rĂ©gion. Certes, il existe des cas qui requiĂšrent uneprise en chargemĂ©dicale Ă l’étranger,mais gĂ©nĂ©ralement, ils sont rares et surtout, ils sont motivĂ©s pluspar un problĂšmedecapacitĂ© matĂ©rielle :la qualification n’est pas en cause.

Tout cela se traduit par : -Unecollaborationoptimaleaveclesautres structures de santĂ© au Tchad et Ă l’étranger. -Unpartaged’expĂ©rienceetdetechniques, qui permet un transfert de compĂ©tences et de savoir-faire aux acteurs tchadiens.

Je tiens tout d’abord Ă rendre un hommage mĂ©ritĂ© auxpersonnels du CHU-Rqui, par leur professionnalisme et leur abnĂ©gation, ont su placer l’établissement au sommet de la hiĂ©rarchie du rĂ©seau sanitaire tchadien. Cela n’aĂ©tĂ© rendu possible que grĂące Ă la confiance deshautes autoritĂ©s de la transition, qui ont rĂ©pondu promptement aux besoins en matiĂšre de santĂ© des Tchadiens Nous avons beaucoup de dĂ©fisĂ relever et le CHU-R se place dans cette dynamique de modernisationetdedĂ©veloppementconstant des offres de soins en matiĂšre de santĂ©. ⃝

L’établissement aĂ©tĂ© inaugurĂ© en 2013par ledĂ©funtMarĂ©chalduTchadIdrissDebyItno

La gestion du CHU-R a, d’abord, Ă©tĂ© confiĂ©e Ă une sociĂ©tĂ© degestion hospitaliĂšrede renommĂ©e internationale. Actuellement, c’est une Ă©quipe tchadienne qui dirige l’établissement. Toutefois, dans le cadre de renforcement des capacitĂ©s techniques et managĂ©riales, une gestion privĂ©e de l’établissement est en cours d’étude aux fins d’accroĂźtre nos performances et possibilitĂ©s.

MR ALIMAHAMATDJIBRINE

L’hîpital est devenu un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) en 2019.

-Une formation continue du personnel,sur place et Ă l’étranger,aux nouvelles techniques et connaissances en collaboration avec nos partenaires stratĂ©giques.

Un dernier mot ?

DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CHU LA RENAISSANCE

Le public tchadien pense que vos services sont chers


CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE LA RENAISSANCE

Vous savez, un ensemble d’obligations incombe la gestion d’un tel service public sanitaire, il s’agit entre autres :laformation constante du personnel mĂ©dical et paramĂ©dical, l’importation d’expertise qualifiĂ©e et adaptĂ©e aux besoins en matiĂšre de soin, l’introductiondemĂ©thodeettechniquemo dernedanslagestiondel’établissement,etc.

Quelle est votre stratégie en matiÚre de partenariats ?

Le CHU est un service public de l’État.La qualitĂ© des soins implique le recours Ă des expertises Ă©trangĂšres et Ă lamobilisation des moyens matĂ©riels et techniques considĂ©rables. Ceci se reflĂšte sur le prix des prestations. Toutefois, beaucoup d’efforts ont Ă©tĂ© consentis afin de rendre encore plus accessibles les offres de services Ă la population. Nous continuerons sur cette voie sans dĂ©tĂ©riorer la qualitĂ© des soins.

Le CHU La Renaissance est un hĂŽpital public moderne au service de la population

Pouvez-vous prĂ©senter l’établissement que vous dirigez ?

Les évacuations sanitaires ont diminué considérablement


ENTRETIEN AVEC MR ALI MAHAMATDJIBRINE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CHU LA RENAISSANCE

membre de l’ethnie zaghawa, fidĂšle Ă  l’ancien prĂ©sident, qui a eu l’assentiment de l’ensemble du CMT, mais, en plus, ils ont en commun d’avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ©s au rang de gĂ©nĂ©ral de corps d’armĂ©e la mĂȘme annĂ©e. »

Entrele23etle25 mai,unesemaine avant leur nouvelle « visite » dans les montagnes du Tibesti, un Ă©niĂšme affrontement opposant orpailleurs clandestins libyens, mauritaniens et tchadiens a fait 100 morts et une quarantaine de blessĂ©s. En l’absence d’une force d’interposition, les vio lences ont durĂ© plusieurs jours. Un vĂ©ritable revers pour le CMT, qui avait justifiĂ© sa prise du pouvoir par la nĂ©cessitĂ© de « sĂ©curiser, stabiliser et prĂ©server l’unitĂ© du pays » aprĂšs la mort brutale du marĂ©chal prĂ©sident Idriss DĂ©by Itno.

Daoud Brahim n’a presque pas eu le temps de cĂ©lĂ©brer son retour au gouvernement. DĂšs ses premiĂšres heures d’exercice, il lui a fallu contrer l’avancĂ©e des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) dans la rĂ©gion du Kanem, dont l’un des assauts fut fatal au prĂ©sident Idriss DĂ©by Itno. AprĂšs des semaines de combat, 246 rebelles seront cap turĂ©s, et la capacitĂ© de nuisance des Fact se trouvera considĂ©rablement rĂ©duite. Et si Mahamat Mahdi Ali, leur leader, continue de contester la lĂ©gitimitĂ© du CMT, le ralliement, Ă  la fin de mars 2022, de son ancien chef d’état-major, le colonel Nigue Kross,

Aussi, le prĂ©sident du CMT ne s’en sĂ©pare-t-ilplus.MahamatIdrissDĂ©by Itno l’emmĂšne en France, au Niger, au Rwanda
 « Kaka ne l’a pas dĂ©signĂ© au hasard, poursuit notre inter locuteur Non seulement, c’est un

Daoud Yaya Brahim ne mĂ©nage pourtant pas les efforts pour concrĂ©tiser les engagements pris par les autoritĂ©s de transition. NommĂ© le 2 mai 2021 dans le tout premier gouvernement de l’ùre Mahamat DĂ©by Itno, ce gĂ©nĂ©ral des forces de dĂ©fense tchadiennes,fidĂšledeDĂ©byItnopĂšre, a hĂ©ritĂ© des principaux dossiers sensibles du pays, qu’il gĂšre sous l’Ɠil vigilant des membres du CMT. En effet, le bilan de la transition en cours dĂ©pendra du succĂšs, ou de l’échec, de cette gestion.

« Un homme secret et intÚgre »

Les deux gradĂ©s travaillent en Ă©troite collaboration, Mahamat DĂ©by commandant alors les opĂ©rations dans le Nord tchadien depuis Faya Largeau (chef-lieu du Borkou). D’oĂč leur prĂ©sence, ensemble, Ă  KouriBougoudi, oĂč l’armĂ©e avait entamĂ© une opĂ©ration contre les orpailleurs illĂ©gaux et les trafiquants d’armes.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022140 GRAND FORMAT TCHAD

Daoud Yaya Brahim le sait, il a encore des cartes Ă  jouer. « C’est un homme secret, qui semble intĂšgre », dĂ©crit un journaliste n’djamĂ©nois. Ce critĂšre a-t-il fait pencher la balance lors de la constitution du premier gouvernement de transition ? « Un quart des membres de ce gouvernement sont d’anciens ministres et des personnalitĂ©s habituĂ©es Ă  la haute administration, poursuit notre confrĂšre. Soucieux de donner des gages de sĂ©rieux, le CMT ne pouvait choisir ni Abali Salah, qui fait l’objet de quelques scandales, ni le gĂ©nĂ©ral Bissara Issa Djadallah, puisqu’il est membre du CMT Le choix de Daoud Yaya Ă©tait presque une Ă©vidence. »

« Il a l’expĂ©rience des usages diplomatiques, ce qui fait de lui un interlocuteur privilĂ©giĂ© pour les partenaires extĂ©rieurs.»

C’était en 2018. AprĂšs deux annĂ©es passĂ©es en tant qu’ambassadeur du Tchad en Centrafrique, Daoud Yaya Brahim entre pour la premiĂšre fois au gouvernement, au poste de la DĂ©fense. Sachant que ce portefeuille reprĂ©sente environ 40 % du budget de l’État et prĂšs de 60000 hommes rĂ©partis dans une dizaine de corps, la nomination de ce discret direc teur gĂ©nĂ©ral de la gendarmerie, au moment oĂč la menace sĂ©curitaire augmentait de nouveau, dĂ©montre la confiance que lui accordait l’ancien prĂ©sident.

illustre l’affaiblissement du principal groupe rebelle du pays. « La situation est calme et sous contrĂŽle [
], l’ennemiestendĂ©route »,confiaitalorsle ministre de la DĂ©fense. Une premiĂšre victoire,pourDaoudBrahim,quiluia permis d’avancer sur d’autres fronts.

Au cƓur du dispositif dont il hĂ©rite alors figure en bonne place la

prestigieuse direction gĂ©nĂ©rale du service de sĂ©curitĂ© des institutions de l’État (DGSSIE), le corps d’élite des forces armĂ©es tchadiennes, créé en 2005 et dirigĂ©, de 2014 Ă  2021, par Mahamat Idriss DĂ©by.

Dans un environnement politico-sĂ©curitaire rĂ©gional et natio nal plus qu’incertain, Daoud Yaya s’est imposĂ© comme un relais de confiance du CMT en matiĂšre de dĂ©fense. Et nul ne doute que l’ancien officier de gendarmerie joue et jouera un rĂŽle dĂ©terminant dans la stratĂ©gie des autoritĂ©s de transition pour « sĂ©curiser, stabiliser et prĂ©server l’unitĂ© du pays ».

PremiĂšre victoire

À Niamey, Ă  Abuja, Ă  Bangui ville qu’il « maĂźtrise » parfaitement –, le patron des forces de dĂ©fense tchadiennes organise le dĂ©ploiement de ses troupes au sein des forces rĂ©gio nales (Minusma, G5 Sahel
) « Il a l’expĂ©rience des usages diplomatiques, ce qui fait de lui un interlocuteur privilĂ©giĂ© pour les partenaires extĂ©rieurs », confirme une source militaire

dĂ©montrer que la localitĂ© aurifĂšre de Kouri Bougoudi, bien que situĂ©e Ă  plus de 1000 km de N’Djamena et historiquementenproieĂ dessoubresauts sĂ©curitaires, est sous contrĂŽle Sur le terrain, peu de choses ont changĂ© depuis 2018, date Ă  laquelle Mahamat Idriss DĂ©by, alias Kaka, et le ministre de la DĂ©fense, Daoud Brahim, s’étaient dĂ©jĂ  retrouvĂ©s sur ce front. Si ce n’est que le premier est dĂ©sormais le « patron » du second.

Mais cette premiĂšre expĂ©rience de Daoud Yaya Ă  la tĂȘte de la DĂ©fense sera de courte durĂ©e. Le 30 juin 2019, il est dĂ©barquĂ© et remplacĂ© par Mahamat Abali Salah, aprĂšs seule ment huit mois d’exercice Le gĂ©nĂ© ral n’est pas pour autant tombĂ© en disgrĂące. Selon les informations recueillies Ă  l’époque, son dĂ©part tient Ă  la volontĂ© d’Idriss DĂ©by Itno d’engager une rĂ©forme de l’armĂ©e et d’en confier laconduite Ă  unmilitaire qui, jusqu’alors, Ă©tait chargĂ© du portefeuille de la Fonction publique.

Quelleest la situationdumarchĂ© de l’emploiauTchad ?

Entretien : MonsieurSadick BRAHIM DICKO, Directeur de l’ONAPE COMMUNIQUÉ JAMG -P HOT OS DR

Le marchĂ© de l’emploi tchadien, Ă l’instar des autres pays de la sous-rĂ©gion, estconfrontĂ© Ă d’énormes dĂ©ïŹs liĂ©s Ă la compĂ©titivitĂ©delamain d’Ɠuvre,Ă l’exi guĂŻtĂ©decemarchĂ© et Ă lafaiblessedu tissu Ă©conomique.

Àtout ceci vients’ajouter le problĂšme de l’inadĂ©quation entrelaformation et les offres sur le marchĂ© de l’emploi.

La pandĂ©mie du Covid-19 et ses consĂ© quences, la crise socio-Ă©conomique mondiale et la crise sĂ©curitairequ’atraversĂ©e particuliĂšrementnotre pays ont accentuĂ© le taux de chĂŽmage. L’emploi salariĂ© estdevenu de plus en plus rare, certaines petites entreprises ontfait failliteetlareprisedes activitĂ©s au sein d’autres entreprises se fait trĂšs lente ment.

Au niveau de l’accompagnement vers l’emploisalariĂ©, en dehorsdudĂ©velop pementdelacompĂ©titivitĂ© Ă travers les stages prĂ©-emploi auprĂšs des en treprises,nousallons mettreenplace un plan de volontariat pourpermettre aux jeunesd’apprendredavantageet de contribueraudĂ©veloppementsocio-Ă©conomique de notrepays. Ainsi,les structuresetsociĂ©tĂ©sd’Étatrecevront un nombre importantdediplĂŽmĂ©s sans emploi pour un accompagnementĂ du rĂ©edĂ©terminĂ©e.

des formationsentechniquesdemon tage et de gestion de micro-entreprises au proïŹtdes demandeursd’emploi. Ain si, depuis 2021,plus de 3000jeunes ont bĂ©nĂ©ïŹciĂ© de la formation dontles personnesles plus vulnĂ©rables(personnes vivantavecunhandicap) sont insĂ©rĂ©s Ă  traversl’octroidecrĂ©ditsavecuntaux d’intĂ©rĂȘt zĂ©ro dans leszones urbaines. Plusde2milliards de FCFA ontĂ©tĂ© mis Ă ladisposition du monderural aïŹnde luttercontrelapauvretĂ©etrĂ©soudrela questiondelacrise alimentaire.

Commentintervenez-vous ? L’ONAPEadĂ©veloppĂ© des stratĂ©gies avec la crĂ©ation desprogrammes d’accompagnement. Àtravers ces programmes plus5 000deman deursd’emploi ontĂ©tĂ© insĂ©rĂ©s en entreprise ;2 500projets desjeunesont Ă©tĂ© ïŹnancĂ©s crĂ©antenviron 10 000 em plois ;etplusde60000 projetsagricoles ontĂ©tĂ© ïŹnancĂ©s pour 250 000 emplois saisonniers.

Noussouhaitons boosterl’employabilitĂ© des jeunesTchadiennes et Tchadiens et appuyerdavantagel’entrepreneuriat des jeunespour uneinsertion sociopro fessionnelle rĂ©ussie et surtoutpour ac croĂźtrel’autosufïŹsance alimentaireĂ  travers l’appui Ă l’entrepreneuriat agricole. Nousenvisageons de fairedes forma tionsenentrepreneuriatdans les zones rurales aïŹnque le dĂ©veloppementetla relanceĂ©conomique commencentpar la base,c'est-Ă -direles provinces du Tchad. Nouscomptons sur la Banque Mondiale et lesautrespartenaires techniques et ïŹnancierspour former 6000 jeunesen Ăągedetravailler

L’OfïŹce National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE) estune institution publiqueayant pour objectif principal la matĂ©rialisationdelapolitiqueduGouver nementenmatiĂšredel’emploi. L’ONAPE jouelerĂŽledepasserelleentrelesdemandeursd’emploi et lesemployeurs. Les tĂąchesqui lui sontconfĂ©rĂ©es demandent beaucoup d’exigences et de sĂ©rĂ©nitĂ© dans sa mise en Ɠuvre et surtout nĂ©ces sitentl’implication de plusieurs acteurs.

Pouvez-vous nous prĂ©senter l’ONAPE ?

Lesprogrammes de dĂ©ve loppement de l’emploiindĂ©pendantont accentuĂ©

EnïŹn, pour rĂ©soudrelaquestiondel’ina dĂ©quationentre la formation et l’offre d’emploi, un mĂ©canismea Ă©tĂ© mis en placeetserarenforcĂ©avecquelquespar tenaires pour la formation et l’apprentissagedes jeunes aïŹndedisposer d’un systĂšme de veille informationnel

Quels sont vosprojets ?

«Nous mettons l’accent sur le dĂ©veloppementet l’appui Ă l’entrepreneuriat»

‱Lediagnostic et l’établissement des besoinsenmain d’ƓuvrequaliïŹĂ©ede touslessecteursd’activitĂ©.

Créé en 2010,leprogramme Auto-Emploi aïŹnancĂ© 2450 projets des jeunes pourun montanttotal de 2825 millions de FCFA.Ila permis de crĂ©er environ 10000emplois.

LestĂąchesdel’ONAPEsontvariĂ©es:

‱L’insertion et la rĂ©insertion des jeunes sortantdel’appareilĂ©ducatif,lesdĂ©ïŹ‚a tĂ©setlesnonscolarisĂ©s.

Bureauxannexes:Walia;Diguel;Farcha;Goudji Bureauxprovinciaux:Abéché,Amdjarass,Amtiman,Ati,Biltine, Bol,Bongor,Doba,Faya,Goz-Beida,Koumra,Lai,Mao,Mongo, Moundou,Moussoro,Pala,Sarh

Notreslogan : Un jeune, une qualification, un emploi.

‱LadĂ©livrance des autorisations d’emploi et la vĂ©riïŹcationdes contrats de travail.

‱LedĂ©veloppementdes actions de formation, d’orientation,deconseilpro fessionnel et d’initiationĂ  la crĂ©ation de l’emploi (auto-emploi)oud’une micro-entreprise.

En plus de l’orientationdes usagers, et de l’intermĂ©diation qui consiste Ă  mettreenrelation les demandeurs d’emploi et les entreprises pourune insertionprofessionnelle, l’ONAPE adĂ©veloppĂ© desprogrammes spĂ©ciïŹques aïŹndemieux luttercontrelechĂŽ mage,lesous-emploietlapauvretĂ© qui gangrĂšnent la jeunessetchadiennetant enmilieururalqu’urbain.

‱La promotion de l’emploi et la lutte contrelechîmageetlesous-emploi

DestĂąches multiples

Parmi les programmes pharesde l’ONAPE,ilya les programmes d’appuiĂ  l’emploiindĂ©pendant,dontlebutprinci palestdefaciliterlacrĂ©ationdel’emploi pourrĂ©pondreaux difïŹcultĂ©s detrouver un emploi salariĂ©; et les programmes d’appui Ă lacompĂ©titivitĂ©sur le marchĂ© de l’emploi,dontl’objectifestdefournir des outils aux demandeursd’emploiĂ  traversdes formationsqualiïŹantes,des reconversions et des stages en entreprises.

‱Lamiseenplace des bases de la crĂ©a tiondesgrandesunitĂ©sĂ©conomiques.

L’OfïŹce National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE) estunĂ©tablissementpublic, Ă caractĂšre administratif,dotĂ©d’une personnalitĂ©morale et d’uneautonomie de gestion. PlacĂ© sous la tutelle du ministĂšre en charge de l’Emploi, l’ONAPE apour mission principale la matĂ©rialisation de la politiqueduGouvernementenmatiĂšred’emploi.

Unegammecomplùted’outils

Le programmeAuto-Emploi: un bilan largementpositif Lesobjectifsdeceprogrammesontles suivants:

SiteWeb:www.onape.td

Bras armĂ© de l’État en matiĂšred’emploi, l’ONAPEaffiche un bilanpositif au service de la population du Tchad

‱L’encouragement Ă lacrĂ©ationd’emplois indĂ©pendants et de micro-entre prisesindividuelles ou collectivespar lespromoteurs.

‱Leplacement,lareconversion et la mobilitĂ©delamaind’Ɠuvre qualiïŹĂ©e detouslessecteursd’activitĂ©.

‱LarĂ©ductionduchĂŽmageetdelapauvretĂ©enmilieujeune.

CONTACT: Direction:QuartierBOLOLO-B.P:721N’djamena-TCHAD Tel:0023522522042 Fax:0023522522961 E-mail:contact@onape.td

‱L’amĂ©lioration des conditionsdevie desmĂ©nages.

‱L’aideauxjeunesaïŹnqu’ilsbĂ©nĂ©ïŹcient des acquisetdes expĂ©riences des ex pertsdumondedel’emploi.

‱L’aideauxgroupementsagricolesetindividuelsaïŹn qu’ils puissentaugmen terleurproduction.

‱L’insertiondes jeunes diplĂŽmĂ©s sans

Plusieurs formations qualiïŹantesont Ă©tĂ©initiĂ©esaucoursdelapĂ©riode rĂ© cente au proïŹtdes jeunes Tchadiens pourfaciliter leur insertion danslavie active, dans les domainessuivants : Ă©lectricitĂ©,menuiserieetArtBatik.

Créé en 2012,le PADE acréé5400 stagiairesdansdes entreprises,dont 1280 jeunesdisposentd’uncontratdetravail.

Le programme CrĂ©dit Agricole : promouvoirl’emploi desjeunes

Des formationsmultiples

‱Une salleinformatiqueĂ©quipĂ©ed’ordinateurs, d’imprimantes, de scanners et de photocopieursaïŹn d’aiderles demandeurs d’emploi dans le secteur desTIC.

LePADEestunprogrammeinnovantqui aplusieursobjectifs:

‱L’encouragementetlacrĂ©ation d’em ploisau bĂ©nĂ©ïŹce des jeunes dans les milieuxruraux.

‱Laluttecontreles systĂšmes de spolia tionimposĂ©sparlesusuriers.

‱Une sallemachine Ă©quipĂ©e pour des formationsenĂ©lectricitĂ©

‱Une salle de coutureavecdes ma chinesàcoudreetdesbrodeusespour laformationencouture.

COMMUNIQUÉ JAMG -P HOT OS DR

Lesobjectifsdeceprogramme sont multiples:

LeProgrammed’appuiaux diplĂŽmĂ©s sans expĂ©rience (PADE) :unoutil d’insertion

expérience dans le milieu profession nelparlebiaisdestagespratiques

‱L’exploitation des potentialitĂ©sde formation professionnelle existantes dans lesentreprises.

Il s’agit d’aider les jeunes,en Ăągedetra vailleretenquĂȘte d’insertion,Ă acquĂ©rir des qualiïŹcationsprofessionnelles;de promouvoir la reconversion professionnelleetdefaciliterl’insertiondes jeunes dĂ©scolarisĂ©s et dĂ©sƓuvrĂ©sdans lespetitsmĂ©tiers;etdefournirdes outils aux jeunes et aux demandeurs d’emploi, en matiĂšredetechniquesdecrĂ©ationetde gestiond’entreprises.

Créé en 2012,le programme CrĂ©ditAgri colea ïŹnancĂ© 57 000 projets en milieu rural pour un montantglobalde9732 millions de FCFA.Plus de 250 000 emploissaisonniersontĂ©tĂ©créés

Un nouvel outilperformant L’ONAPE vient aussi de doterleCentre deFormationProfessionneletduPer fectionnementenoutilsetmachinesde formationquicomprend:

N’Djamena, Bangui, Maurice
 NumĂ©ro un, il le devient dĂ©jĂ  en tant que gardien de but dans la petite Ă©quipe de football de Mao, oĂč, pour mĂ©riter sa place de titulaire, il apprend Ă  dĂ©jouer les attaques. AprĂšs des Ă©tudes secondaires au lycĂ©e FĂ©lix-EbouĂ© de N’Djamena, oĂč il obtient un bac scientifique, Ali Adji Mahamat Seid intĂšgre l’universitĂ© de Bangui, dont il sort avec un diplĂŽme supĂ©rieur en gestion des entreprises, spĂ©cialisĂ© en finance et comptabilitĂ©. Ilsemarieets’envoleavecsanouvelle Ă©pouse vers une destination « inconnue » : l’üle Maurice. Il dĂ©couvre la mer, le farniente et s’y installe

Ali Adji Mahamat Seid, ou le sens des affaires

En 2001, il passe avec brio son diplĂŽme d’études professionnelles approfondies (Depa) en entrepreneuriat Ă  l’Institut de la francophonie de Maurice, pour la validation duquel il prĂ©sente un projet de structure pour valoriser les ressources humaines de N’Djamena. Il obtient Ă©galement un diplĂŽme d’études supĂ©rieures spĂ©cialisĂ©es (DESS) en crĂ©ation

tieux, mais « un peu trop prĂ©coce » selon l’homme d’affaires, qui dĂ©cline l’offre et dĂ©cide d’arrĂȘter temporairement la production de jus de fruits pourseconcentrersursescontratsde conseil en entrepreneuriat, bien plus porteurs et lucratifs. Owiyana Agroalimentaire poursuit ses activitĂ©s

Dans la foulĂ©e, l’entrepreneur crĂ©e Owiyana Agro-alimentaire. Dans son jardin, il plante des arbres fruitiers pour fabriquer du jus de fruit bio. C’est un tel succĂšs que l’état major militaire français lui propose un gros contrat pour fournir les bases militaires de toute la sous-rĂ©gion. Le marchĂ© est allĂ©chant, le projet ambi-

À la tĂȘte de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et de l’artisanat, le patron d’Osef veut dĂ©complexer les entrepreneurs tchadiens et rassurer les investisseurs Ă©trangers.

La ville, situĂ©e aux portes du Sahara, est cĂ©lĂšbre pour son marchĂ© aux dromadaires Le pĂšre d’Ali Adji Mahamat Seid exporte du bĂ©tail sur pied vers le Nigeria, dont il rap porte des denrĂ©es qu’il revend Ă  Mao.

Ali Adji Mahamat Seid revient Ă  N’Djamena,oĂčilestaussitĂŽtemployĂ© par Esso, qui lui confie la mission sui vante : « Moins d’études de marchĂ©, moins de blabla, plus de concret. » Il fait ses premiĂšres armes au sein du groupe pĂ©trolier amĂ©ricain en proposant divers services, comme le recrutement de professeurs pour enseigner l’anglais aux employĂ©s. En 2003, il quitte Esso pour fonder son propre cabinet, Owiya Service et formation (Osef Consultant), spĂ©cialisĂ© en montage de projets, business plan,conseilenpassationdemarchĂ©, audit, expertise comptable, formation et Ă©valuation.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022144 GRAND FORMAT TCHAD

« À 10 ans, j’étais dĂ©jĂ  un entrepreneur-commerçant, j’aidais mon pĂšre Ă  “dispatcher” ses produits dans les marchĂ©s. Je me dĂ©brouillais seul. On

« Le pays est enclavé, certes, mais avec la zone de libre-échange régionale, il peut devenir un carrefour logistique.»

ÉCONOMIE

l est nĂ© un 1er janvier Ă  Mao, dans le Kanem, premier d’une fratrie de vingt-deux enfants, et il fut, chaque annĂ©e, le premier de sa classe
 Ali Adji Mahamat Seid a toujours Ă©tĂ© un « leader ». C’est presque sans surprise qu’il a Ă©tĂ© Ă©lu, en septembre 2020, Ă  la tĂȘte de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et de l’artisanat (CCIAMA), oĂč il succĂšde Ă  Amir Adoudou Artine, le patron du groupe Geyser.

« Mes parents ont divorcĂ© quand j’étais enfant, et j’ai Ă©tĂ© Ă©levĂ© par ma grand-mĂšre paternelle. Elle m’a tout donnĂ©, des valeurs surtout, Ă  commencer par le bon sens et l’amour du travail bien fait, se souvient l’homme d’affaires. Elle voulait que je sois un homme bien
 Aussi, elle a toujours mis la barre trĂšs haut. J’ai grandi comme ça, dans cette exigence. » Ali Adji Mahamat Seid apprend la vie dans les rues ensablĂ©es de Mao, Ă  plus de 300 kilomĂštres au nord de N’Djamena.

vendait de tout : du thĂ©, des bonbons, du sucre
 À 15 ans, le soir, je soutenais mes frĂšres et sƓurs dans leurs Ă©tudes. Je viens d’une communautĂ© oĂč la responsabilitĂ© de l’aĂźnĂ© est trĂšs importante. Enfant, j’étais l’adjoint de mon pĂšre, en quelque sorte. » Et ĂȘtreadjointsupposegĂ©nĂ©ralementde devenir un jour le premier

d’entreprise et gestion de projets innovants (reconnu par l’universitĂ© Montesquieu de Bordeaux-IV, en 2002). « L’üle Maurice a confirmĂ© mon goĂ»t pour l’entrepreneuriat, d’abord parce que les Mauriciens ont, comme les Tchadiens, le sens du commerce. Et puis je me suis retrouvĂ© dans un environnement stimulant, avec des Ă©lĂšves brillants qui arrivaient des quatre coins de la planĂšte. Je me suis fait des amis haĂŻtiens, canadiens, français
 Et un Ă©norme rĂ©seau d’affaires! »

I

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

La terre nourrit mieux que le pĂ©trole. Il faut faire en sorte d’ĂȘtre le grenier Ă  blĂ© de l’Afrique centrale. On peut faire pousser ce que l’on veut ici.»

Avec Osef, le consultant et expert-comptable agréé par la cour d’appel de N’Djamena gagne rapidement la confiance de grands clients, publics et privĂ©s. Il dĂ©croche notamment plusieurs marchĂ©s de formations et d’enquĂȘtes auprĂšs d’institutions et d’organisations internationales : Banque mondiale, Banque islamique de dĂ©veloppement, MĂ©canisme africain d’évaluation par les pairs (Maep)
 Il est aussi le prestataire de Tigo Millicom (devenu Moov Africa Tchad depuis son rachat par Maroc Telecom en 2019), l’un des principaux opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile du pays, pour lequel il est chargĂ©, entre autres,

du recrutement du personnel du centre d’appels et de sa gestion.

À 52 ans, il veut surtout mettre son expĂ©rience et ses rĂ©seaux au service de l’amĂ©lioration du climat des affaires au Tchad, sans oublier de fixer quelques perspectives. « La

DENIS SASS OU GU EIPEUR POUR JA

terre nourrit mieux que le pĂ©trole », aime-t-il Ă  rĂ©pĂ©ter. « Ce qu’il faut, c’est faire du Tchad le grenier Ă  blĂ© de l’Afrique centrale, une sorte d’Ukraine de la sous-rĂ©gion, pour suit-il. Nous avons beaucoup de

Dans son bureau, le 30 juillet, à N’Djamena.

Partisan d’un changement des mentalitĂ©s et des pratiques dans les affaires, Ali Adji Mahamat Seid dit aussi soutenir les autoritĂ©s de transition et le processus de dialogue inclusif. « Car seule la rĂ©conciliation nationale et des Ă©lections libres et transparentesapporterontsĂ©rĂ©nitĂ©et prospĂ©ritĂ©aupays»,estimel’entrepreneur. Optimiste, il veut parier sur « ce que les hommes ont de meilleur ».

d’exploitation agricole et d’élevage, et se diversifie dans la distribution d’intrants et de matĂ©riel agricole, sans oublier la formation, le conseil et les Ă©tudes techniques

Optimiste

Candidat de l’Alliance du consen sus plateforme d’opĂ©rateurs Ă©cono miques tchadiens Ă  la prĂ©sidence de la Chambre de commerce, d’in dustrie, d’agriculteurs, des mines et d’artisanat, Ali Adji Mahamat Seid est Ă©lu haut la main Ă  la tĂȘte de l’institution consulaire. Depuis, « le prĂ©sident », comme on le surnomme, ne mĂ©nage pas ses efforts pour faire de la CCIAMA « un organisme qui fĂ©dĂšre l’ensemble des opĂ©rateurs Ă©conomiques du Tchad autour d’un projet commun d’expansion du secteur privĂ©, et qui assure une interface crĂ©dible avec l’État ».

Motiver et dĂ©complexer les entrepreneurs tchadiens, rassurer les investisseurs Ă©trangers, telle est la dĂ©licate mission que s’est donnĂ©e celui qui n’hĂ©site pas Ă  voyager aux quatre coins du monde pour dĂ©montrer les atouts du Tchad. « Le pays est enclavĂ©, certes, mais, avec la zone de libre-Ă©change sous-rĂ©gionale, il peut devenir un carrefour logistique entreÉtatsafricains,expliqueAliAdji Mahamat Seid avec enthousiasme Nous sommes Ă  la croisĂ©e des che mins entre la route de la soie et la route transsaharienne, nous avons beaucoup de terres et de bĂ©tail, nous avons de l’or et du pĂ©trole, d’excellents artisans
 Dieu nous a placĂ©s Ă  cĂŽtĂ© d’un immense pays : le Nigeria
 Investir au Tchad, c’est investir pour l’Afrique du futur! »

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 145 GRAND FORMAT TCHAD

«

ressources, des terres, de l’eau, de la main-d’Ɠuvre. On peut faire pousser ce que l’on veut ici. Je me suis moimĂȘme lancĂ© dans la production de sĂ©same pour prouver Ă  mes homolo gues entrepreneurs qu’au Tchad tout est possible »

une recharge Ă  1 200 F CFA pour 42 minutes d’appels et seulement 42SMS,quiplusestverslemĂȘmeopĂ©rateur.«EnrĂ©alitĂ©,celanecorrespond pas Ă  ce que l’on consomme, car les connexions sont sans cesse coupĂ©es, donc on perd du crĂ©dit pour rien, et lesmessagesn’arriventpas,explique t-il. Ça ne peut pas durer »

Au dĂ©but de 2022, Ă  la demande du prĂ©sidentMahamatIdrissDĂ©byItnoet danslesillageduForumnationaldela jeunesse, organisĂ© en dĂ©cembre 2021, le gouvernement a nĂ©gociĂ© avec les deux principaux opĂ©rateurs, Moov Africa Tchad (ex-Tigo Tchad, rachetĂ© par Maroc Telecom en 2019) et Airtel Tchad (filiale de l’indien Barthi), une baisse de 30 % des tarifs d’accĂšs Ă  internet, en rĂ©duisant les taxes et en limitantlesmargescommerciales La nouvelle grille tarifaire est entrĂ©e en vigueur le 3 fĂ©vrier. Les usagers sont ils pour autant plus nombreux ? La qualitĂ© s’est-elle amĂ©liorĂ©e?

En 2018, un forfait mensuel de 1 Go coĂ»tait 12000 F CFA. Aujourd’hui, on a 10 Go pour 7000 F CFA. JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022146 GRAND FORMAT TCHAD

Tchadiens se plaignent dĂ©sormais, c’est surtout de la qualitĂ© », rĂ©sume Adam Medella, le directeur gĂ©nĂ©ral de Developing Capital Corporation (DCC), une entreprise spĂ©cialisĂ©e dans le conseil en tĂ©lĂ©communications. Pour le forfait journalier, il faut dĂ©sormais dĂ©caisser 500 F CFA. Des tarifs enfin alignĂ©s avec ceux prati-

Le 12 juillet, dans la province de Sila (sud-est), les interruptions brutales des communications, les problĂšmes de validitĂ© de crĂ©dit et la mauvaise qualitĂ© des connexions ont provoquĂ© l’ire de la population, en particulier desplusjeunes.DeviolentesmanifestationsontĂ©clatĂ©,aucoursdesquelles certains usagers en colĂšre s’en sont mĂȘme pris Ă  une antenne satellite.

quĂ©s au Cameroun voisin, oĂč Orange et MTN proposent un forfait journa lier de 2 Go pour 1000 F CFA. « C’est encore beaucoup trop cher, car ça ne marche pas bien, c’est du vol! » s’indigne Hamed devant l’étal d’un revendeur de cartes SIM et de crĂ©dits tĂ©lĂ©phoniques et internet de l’avenue Charles-de-Gaulle. Il vient d’acheter

Quand les opérateurs

Lors du lancement de la 4G, en 2018, Airtel avait dĂ©jĂ  rĂ©duit considĂ© rablement ses prix d’accĂšs Ă  internet : le giga (Go) passant de 12000 F CFA (18,30 euros) Ă  1 500 F CFA, puis Ă  1200 F CFA en 2020. « Les faits sont lĂ  : il y a trois ans, un forfait mensuel de 1 Go d’internet mobile coĂ»tait 12000 F CFA, aujourd’hui, on a 10 Go pour 7000 F CFA, c’est quand mĂȘme beaucoup mieux! Ce dont les

vec le programme natio nal de transformation numĂ©rique, adoptĂ© en 2020, l’État tchadien veut favoriser l’usage du numĂ©rique et dĂ©mocratiser l’accĂšs Ă  internet. Pour ce faire, il s’est attelĂ© Ă  « recadrer » les opĂ©rateurs. Selon une Ă©tude menĂ©e par le ministĂšre des TĂ©lĂ©communications,lesplaintesdes consommateurs ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par dix entre 2014 et 2020. La qualitĂ© mĂ©diocre des services et les tarifs, parmi les plus chers du continent, sont au cƓur des rĂ©criminations des Tchadiens, qui rĂ©clament un service adaptĂ© Ă  leurs besoins croissants
 et Ă  leurs moyens financiers rĂ©duits.

Depuis fĂ©vrier, Moov Africa Tchad et Airtel Tchad ont dĂ» baisser d’au moins 30 % leurs tarifs de tĂ©lĂ©phonie mobile et d’accĂšs Ă  internet afin de rendre leurs services enfin accessibles Encore faut-il que la qualitĂ© suive. de cassent les prix

Situation de duopole

télécoms

Pour calmer les esprits, Airtel a engagĂ© des travaux pour Ă©tendre et renforcer son rĂ©seau (3G et 4G). À l’instar de Moov Africa Tchad, qui multiplie le nombre de ses sites tech niques. Si les services sont encore loin d’ĂȘtre Ă  la hauteur, force est de constater que les rĂ©seaux sociaux

A

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

FRANÇOIS -X AV IER FRELAND POUR JA

Dans les rues de N’Djamena, en juillet.

Le total des engagements de la banque au 30 juin 2022 s’élĂšve Ă XAF 128 milliards, dont XAF 40 milliards consentis au cours du premier semestredecette annĂ©e. En sus, les titres publics de l’État du Tchad souscrits au cours du premier semestres’élĂšvent Ă prĂšs de XAF 16 milliards.

Quelleestvotrestratégieen matiÚrededigitalisation?

Àla ïŹnde2021, nous avions enregistrĂ© une progression de nos transactions di gitales de 150 %ennombre(162 912) et 249 %envaleur (US$ 171 millions)par rapport Ă 2020. Au cours du premier semestre de cette annĂ©e, nousavons enregistrĂ©des hausses de 58 %et56% respectivement par rapport au premier semestrede2021. Nous avons mis en service le paiement d’abonnement des chaĂźnes cryptĂ©es et sommesentrain de dĂ©velopperd’autres services Ă valeur ajoutĂ©e avec les sociĂ©tĂ©s de tĂ©lĂ©phonie.Nous mettons tout en Ɠuvre pour favoriserl’inclusion ïŹnanciĂšredans ce pays oĂč le taux de bancarisation strict avoi sine 5%

2

JAMG -P HOT OS DR

En tant que ïŹliale du Groupe Ecobank, nous sommes convaincus que le dĂ©veloppement Ă©conomique de nos pays repose sur l’essor et la rĂ©silience des PME. Ainsi, sous l’impul sion de notreGroupe, nous avons lancĂ© en 2021 le programme «Ellever par Ecobank » destinĂ© aux entreprises appartenant Ă des femmes, dirigĂ©es par des femmes ou axĂ©es sur les femmes. Nous avons prĂ©vu une enve loppe globale de XAF 4,4 milliards pour ce programme.

Avec notresolution Agency Bankinget notrecode USSD *326#, fonctionnant sur les deux réseaux de téléphonie majeurs du Tchad, nous arrivons àservir des clients qui autrefois, devaientparcourir des centaines de kilomÚtres pour pouvoir effectuer des opérations basiques tellesque les retraits et les versements

Le Groupe Ecobank areçu, cette annĂ©e, les prestigieux prix de Meilleurebanque d’Afrique, «Meilleure banque d’Afrique pour les PME, MeilleurebanquenumĂ© rique d’Afrique »dĂ©cernĂ© par la revue Euromoney

Quelleestlacontribution d’EcobankTchadĂ l’économienationale?

Avenue Charles de Gaulle, 87 N’DjamĂ©na, Tchad www.ecobank.com/td/

formation gratuite et simple pour accompa gner les micros, petites et moyennes entreprises (MPME).

perïŹciedeplusde1,2million

Depuis 2017, nous sommes engagĂ©s dans un vaste programme de digitalisation de nos produits et services, touchant tous nos segments d’activitĂ©.

De mĂȘme, avec l’appui de l’État tchadien, nous sommes engagĂ©s dans le ïŹnancement des projets des «Jeunes Entrepreneurs » depuis l’annĂ©e passĂ©e. Ce programme vise essentiellement les start-ups qui attirent aujourd’hui beaucoup de jeunes Tchadiens. Nous avons prĂ©vu une enveloppe de XAF 2,5 milliards pour ce programme.

EnïŹn, en collaboration avec l’AUDA-NEPAD, nous mettons un accent particulier sur l’édu cation ïŹnanciĂšre, Ă travers des modules de

Nos clients entreprises peuvent consulter leurs comptes, payer les salaires de leurs collaborateurs ainsi que les factures des fournisseurs et distributeurs àpartir de nos plateformes électroniques OMNI Plus et OMNI Lite.

«Ladigitalisation est un outil puissant d’inclusion ïŹnanciĂšre

Lesparticuliers disposent de plusieurs ca naux de service :l’application mobile, le code USSD (ne nĂ©cessitant pas de smartphone et d’Internet), la monnaie Ă©lectronique Ă travers notrepartenariat avec une sociĂ©tĂ© de tĂ©lĂ©phonie, Ecobank Online (banque par Internet), les points Ecobank XpressdĂ©coulant de notresolution Agency Banking qui, Ă travers des partenariats, nous permet d’accroĂźtrenotrerĂ©seau de services Ă  nos clients.

LeTchads’étendsurunesudekm etlabanquenepeut ĂȘtrepartout


Voseffortssontreconnus


COMMUNIQUÉ

»

Entretien : Monsieur Alassane Sorgo, Administrateur Directeur GĂ©nĂ©ral d’Ecobank Tchad

son jardin, les fruits sÚchent au soleil. Plusieurs ouvriers épluchent et découpent les fruits dans la cuisine de la villa, transformée en labo.

pour obtenir une eau potable, testée et certifiée par nos soins, souligne Saïd Medela. Cette eau sert aux besoins essentiels des populations, maisaussiàdesprojetsagricoles,écologiques et éthiques, comme ceux de Tchad Bio Séché. »

Quant aux fruits trop abĂźmĂ©s, ils servent de compost, un engrais naturel qui permet Ă  Haroune Warou de faire pousser de jeunes manguiers et papayers dans le jardin. Il espĂšre en planterbientĂŽtĂ unecentainedekilo mĂštres de la capitale, afin d’étendre progressivement son marchĂ© Ă  l’ensemble du pays.

Enfin, pour rĂ©pondre au problĂšme crucial de l’eau, SaĂŻd Medela, direc teur de l’ONG Water for Tchad qui a dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© une centaine de puits d’eau potable dans le pays –, lui a proposĂ© son aide. « Nous essayons de rendre viable des zones dĂ©sertiques. On fore jusqu’à 70 m de profondeur

ne sont plus « coupĂ©s », comme ce fut le cas en 2019, au moment fort des manifestations et jusqu’à la prĂ©sidentielle de 2021. L’accĂšs Ă  internet s’est aussi dĂ©mocratisĂ© : avec 7 mil lions d’abonnĂ©s (contre 3,6 millions en 2011) et un taux de pĂ©nĂ©tration de seulement 48 % (31,8 % en 2011) pour la tĂ©lĂ©phonie mobile 3G, de 22 % pour la 4G et d’à peine 10 % pour l’internet soitl’undesplusfaiblesaumonde–, leTchadestaujourd’huil’undesmarchĂ©s les plus porteurs du continent.

sous le nom commercial de Tawali. « Il faut impĂ©rativement renforcer cet opĂ©rateur,estimeAdamMedella.S’ily avaitunebonneentreprisenationale, on crĂ©erait des milliers d’emplois. En augmentant la couverture en fibre optique,nouspourrionsrĂ©soudreune partiedesproblĂšmesd’accessibilitĂ©et de qualitĂ© des services. Il faudrait soit racheter la Sotel, soit crĂ©er un quatriĂšme opĂ©rateur tchadien, utilisant 100 % des compĂ©tences locales qui existent sur le marchĂ© »

C’est Ă  partir de ce constat que cet hĂŽtelier de formation a eu l’idĂ©e de crĂ©er son entreprise, en 2020 « Il y a trop de pertes sur les marchĂ©s pendant les mois de pleine production. Dans un pays oĂč sĂ©vit la malnutrition, ce gĂąchis n’est pas acceptable, explique l’entrepreneur de 27 ans. Pour qu’il y ait des fruits toute l’annĂ©e, j’ai eu l’idĂ©e d’acheter les invendus avant qu’ils ne se gĂątent pour les sĂ©cher et les revendre dans les pĂ©riodes creuses. » En pleine saison, HarouneWaroudĂ©penseenmoyenne 30000 F CFA (environ 45,70 euros) par jour pour trois sacs de 50 kg de mangues, alors que ses sachets de mangues sĂ©chĂ©s s’arrachent Ă  500 F CFA les 100 g, toute l’annĂ©e.

Fruits séchés, fruits conservés

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022148 GRAND FORMAT TCHAD

Quand ananas, mangues et papayes abondent, ils se gùtent rapidement. Haroune Warou a trouvé la parade : il les déshydrate. Et son entreprise tourne à plein régime

Un peu plus loin sur l’avenue, la sociĂ©tĂ© Khadar Market a ouvert une boutique de fruits et lĂ©gumes bio La patronne, FatimĂ© Souckar Terab, a longtemps vĂ©cu en Éthiopie. Elle y a travaillĂ© dans le secteur aĂ©rien, avant de redescendre sur terre, Ă  N’Djamena, pour crĂ©er son « entreprise bio ». Elle vend ses propres produits (lĂ©gumes et fruits frais ou secs) et proposera bientĂŽt ceux de Tchad Bio SĂ©chĂ©. « Il y a une vraie demande pour des produits de meilleure qualitĂ©, plus respectueux de l’environne ment, plus sains pour la santĂ©, 100 % locaux et abordables, reconnaĂźt-elle Nous avons une clientĂšle locale de plus en plus exigeante. »

S

Une tante lui a prĂȘtĂ© une villa dans le centre de la capitale. Dans

« L’objectif est de proposer des fruits sĂ©chĂ©s toute l’annĂ©e Ă  moindre coĂ»t, alors il faut que ça aille vite. » Pour faire face Ă  la demande, la sociĂ©tĂ© a dĂ©jĂ  acquis trois sĂ©choirs, qui permettent de dĂ©shydrater les fruits tout enconservantleursvaleursnutrition nelles. « C’estmoins Ă©cologique qu’au soleil, mais plus efficace, explique Haroune Warou. En dix ou douze heures, j’ai de quoi remplir plusieurs sachets. » Et la demande explose : il n’y a plus de problĂšme de conserva tion en cas de dĂ©lestage, et c’est une solution qui permet de stocker et de faire des Ă©conomies.

ur les Ă©tals du marchĂ© Taradona, Ă  N’Djamena, certains fruits s’abĂźment Ă  toute vitesse. Dans les supermarchĂ©s, mĂȘme constat : hormisquelquespommesetautresfruits importĂ©s d’Afrique du Sud, souvent trĂšschers,lesautres,plusabordables, pourrissent dĂ©jĂ . « En ce moment, il y a beaucoup de papayes, d’ananas, de mangues, etc., qui ne peuvent pas se conserver », confirme Haroune Warou, le patron de Tchad Bio SĂ©chĂ©.

Pour la plupart des observateurs, c’est la situation de duopole des opĂ©rateurs qui freine le dĂ©collage du secteur : Moov Africa Tchad et Airtel TchadserĂ©partissentrespectivement 52,6 % et 47 % des parts de marchĂ©, selon l’AutoritĂ© de rĂ©gulation des communicationsĂ©lectroniquesetdes postes (Arcep). Il existe pourtant un troisiĂšme opĂ©rateur, dont on ne parlait presque plus : la sociĂ©tĂ© publique Salam(filialedel’opĂ©rateurhistorique Sotel), qui fournit l’accĂšs Ă  internet

Une clientĂšle locale exigeante À N’Djamena, les sachets de mangue sĂ©chĂ©e, de poudre de citron et de chips de banane douce estampillĂ©s « naturels et dĂ©licieux » s’alignent danslesĂ©piceriesdel’avenueCharlesde-Gaulle. « C’est un vĂ©ritable succĂšs, car ce n’est pas cher. Et quand il y a rupture de stock, les clients m’en rĂ©clament », confirme le gĂ©rant de La Belle Ă©poque, Mahmoud Malick Sow.

FRANÇOIS -X AV IER FRELAND POUR JA Abouna Abdelaziz Papou, manager en ressources humaines et co-hîte de #Space235, en juillet, à N’Djamena. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022150 GRAND FORMAT TCHAD

L

Chaque samedi, Ă  partir de 21 heures, entre 1 500 et 2 000 personnes se retrouvent

Achta Mahamat Saleh (juriste), Abdoulaye Mahamat (ingĂ©nieur) et Abouna Abdelaziz Papou (expert en ressources humaines). Depuisplusd’unan,leursdiscussions hebdomadaires sur Twitter autour de sujets divers liĂ©s Ă  l’entrepreneuriat attirent de plus en plus de monde : chefs d’entreprise, politiques, ministres, sans compter les auditeurs lambda. On y parle cryptomonnaie, Ă©conomie bleue et bons tuyaux pour crĂ©er une entreprise.

SOCIÉTÉ Chaque samedi, une juriste, un ingĂ©nieur et un expert en ressources humaines donnent rendezvous aux « twittos » pour une discussion autour de thĂšmes liĂ©s Ă  l’entrepreneuriat, Ă  la formation et au coaching. Seul mot d’ordre : un esprit positif.

e wanassa, c’est un peu le grin sahĂ©lien, la palabre, cette cause rie oĂč l’on se retrouve entre voisins, entre amis, pour refaire le monde. C’est ce qu’a cherchĂ© Ă  recrĂ©er, virtuelle ment, le trio de choc formĂ© par

#Space235, trois oiseaux de bon augure

modĂ©ratrice coupe le son et bloque tout net le provocateur « On n’est pas lĂ  pour faire des vagues, se faire insulter ou laisser insulter des gens. Pas de rĂ©fĂ©rence ethnique non plus chez nous! On est lĂ  pour provoquer le dĂ©bat dans le respect mutuel. »

discussions du #Space235. À 34 ans, il est l’homme à tout faire du trio fondateur.

L’intelligentsia africaine est invitĂ©e Ă  partager ses connaissances et ses expĂ©riences sur des thĂ©matiques prĂ©cises : le dĂ©veloppement de carriĂšre, les mĂ©tiers d’avenir
 Ce samedi-lĂ , le #Space235 est consacrĂ© aux « compĂ©tences du xxie siĂšcle ». Trois invitĂ©s se succĂšdent au micro, au cours de deux sessions de une ou de deux heures chacune. Les interventions sont parfois un peu longues, mais les questions toujours pertinentes.

En ligne depuis Le Caire À N’Djamena, tout le monde connaĂźt dĂ©sormais les #Space235, il paraĂźt mĂȘme que les ministres parlent rĂ©guliĂšrement de ces dĂ©bats virtuels et de leurs animateurs. Rendezvous est pris Ă  la terrasse de l’hĂŽtel La RĂ©sidence, Ă  N’Djamena, avec Abouna Abdelaziz, manager en ressources humaines, le seul des trois hĂŽtes Ă  vivre dans la capitale tcha dienne. Dans la « vraie » vie, il est chef d’agence Ă  l’Office national pour la promotion de l’emploi (Onape). Sur Twitter, il anime et prĂ©pare les

TrĂšs suivis au Tchad comme par la diaspora et par nombre d’Africains en gĂ©nĂ©ral –, leurs spaces ont un tel succĂšs que les trois co-hĂŽtes rĂ©flĂ© chissent Ă  une version tĂ©lĂ©visĂ©e ou sur YouTube. « Pour l’instant, toutest gratuit, mais ça nous prend Ă©normĂ© ment de temps, reconnaĂźt Abdoulaye Mahamat. On prĂ©pare tout en amont, au dĂ©tail prĂšs Heureusement, les donateurs sont de plus en plus nombreux Un auditeur s’est mĂȘme proposĂ© de nous financer depuis l’Allemagne. On cherche la meilleure solution, le bon business plan. Il est clair que nous nous professionnalisons et que nous sommes victimes de notre succĂšs. » Toujours sereine et zen, Achta Mahamat Saleh reprend le micro. « Tranquille! On se nourrit des uns et des autres. On est d’abord lĂ  pour partager! »

connaissait de vue, avec Abouna et Abdoulaye, ils m’ont contactĂ©e en juin 2021 pour savoir si je voulais bien animer un space Twitter sur l’entrepreneuriat. AprĂšs la mort du prĂ©sident DĂ©by, on craignait tous le pire : la haine montait sur les rĂ©seaux sociaux, c’était une catastrophe ; on avait envie d’attirer les gens sur des choses positives et on a créé cet espace de discussion pour libĂ©rer la parole. On ne fait pas de politique, mais on Ɠuvre pour amĂ©liorer les choses dans notre pays. C’est presque pareil, c’est de la dĂ©mocratie directe! »

Achta Mahamat Saleh, c’est aussi l’agrĂ©able voix qui rappelle les rĂšgles, distribue la parole, calme tout le monde. « Prenez votre thĂ© ou votre tisane, installez-vous confortable ment, nous allons partager un bon moment », rĂ©pĂšte-t-elle comme un gimmick. Quand les choses se passent mal, c’est comme les directs Ă  la radio ou Ă  la tĂ©lĂ©vision, la

Abouna Abdelaziz, lui, n’est pas trĂšs bavard. Il regarde son smartphone, Ă©coute, s’étire un peu. C’est lui pourtant qui assure la bonne marche technique de l’émission.

« L’accessibilitĂ© au rĂ©seau s’est beaucoup amĂ©liorĂ©e. Mais, parfois, nos invitĂ©s prennent des dispositions drastiques pour Ă©viter les coupures fortuites et n’hĂ©sitent pas Ă  louer une chambre d’hĂŽtel pour ĂȘtre certains d’avoir une bonne connexion! »

Sur le mode wanassa À l’autre bout de la ligne, depuis la France, Abdoulaye Mahamat, 32 ans, le benjamin du trio, attend sagement son tour Cet ingĂ©nieur en performanceĂ©nergĂ©tiqueetinvestissement de projet est un peu le cerveau de la bande. L’idĂ©e du #Space235 sur le modewanassa,c’estunpeulasienne. ÀchaqueĂ©mission,ilĂ©couteetenvoie des questions en simultanĂ©. « Au dĂ©but, on n’enregistrait pas, c’était complĂštement improvisĂ©, explique t-il. Mais quand on a vu la tournure que ça prenait, on a dĂ©cidĂ© d’enregis trer les sessions, que je poste rapide ment, Ă  la fin, sur mon profil Twitter. Il y a Ă©normĂ©ment de réécoute. »

« Est-ce qu’un data scientist peut exercer au Tchad, lĂ  oĂč les donnĂ©es ne sont pas vraiment collectĂ©es ? » « A-t-on les mĂȘmes besoins numĂ©riques qu’en Occident ? » « Quand je suis au Tchad, j’ai surtout besoin de services de base, comme d’un mĂ©canicien pour rĂ©parer ma voiture. Est-ce que disposer de compĂ©tences plus “basiques” ne serait-il pas plus utile pour le pays ? » interrogent Amine Idriss Adoum, un Ă©cono miste vivant en Afrique du Sud, et Hyacinthe Ndolenodjl, consultant en dĂ©veloppement durable dans toutel’Afriquecentrale.LesĂ©changes sont francs et directs, jamais outranciers « Vous ĂȘtes toujours courtois et efficace! » fĂ©licite Ă  la fin de l’émission CharlĂšne Rokhaya, une com municante sĂ©nĂ©galaise installĂ©e au Canada.

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 151 GRAND FORMAT TCHAD

« On ne fait pas de politique, mais on Ɠuvre pour amĂ©liorer les choses dans notre pays. C’est presque pareil, c’est de la dĂ©mocratie directe! »

Abouna Abdelaziz arrive tranquille, presque dĂ©sinvolte. HabillĂ© sobrement, qamis et sandales, il revient de la mosquĂ©e. Le geek sourit Ă  la fois timidement et largement, s’assied, commande un jus de fruit, tapote sur son smartphone
 « Achta? Oui, c’est Jeune Afrique, lĂ . Et toi, Abdoulaye, tu es en ligne? La connexion est bonne? Oui, on vous reçoit bien. »

ParĂ©s pour la discussion. En ligne depuis Le Caire oĂč elle vit depuis plusieurs annĂ©es, Achta Mahamat Saleh, 39 ans, juriste de formation et directrice d’un cabinet spĂ©cialisĂ© en droit des affaires, prend les devants, et le monopole du micro. « On se

sur le forum. Quand les uns parlent, les autres Ă©coutent et envoient des questions en simultanĂ© sur le fil Twitter. « Bonsoir Ă  tous! Souvenezvous : respect et tolĂ©rance sont les deux rĂšgles », lance Ă  la cantonade, Ă  chaque dĂ©but d’émission, Achta Mahamat Saleh, l’une des trois hĂŽtes et modĂ©ratrice en chef.

« À l’origine, la cathĂ©drale a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e selon la volontĂ© du gĂ©nĂ©ral Leclerc, qui, au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, en 1940, avait

messe devant l’édifice profondĂ©ment marquĂ© par le sinistre. DĂ©sormais, les tuiles du nouveau toit dont la construction est achevĂ©e aux trois quarts reposent sur une charpente mĂ©tallique. De quoi faire oublier l’anciennestructureenbois,entiĂšrement dĂ©vastĂ©e.

La de N’Djamena ressuscitĂ©e

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Ravagée par un incendie il y a plus de quarante ans, Notre-Dame-de-la-Paix devrait enfin rouvrir ses portes, en décembre, avec une charpente métallique et un toit flambant neuf Reportage.

ur la place de la Nation, Ă  N’Djamena, la cathĂ©drale Notre-Dame-de-la-Paix retrouve peu Ă  peu de sa superbe. La voĂ»te de la nef, en forme de coque de navire renversĂ©e, a repris l’allure qu’elle avait avant l’incendie qui ravagea sa toiture Ă  la suite d’un bombardement, le 21 avril 1980, pendant la deuxiĂšme guerre civile. Dix ans plus tard, en 1990, le pape Jean-Paul II avait tenu Ă  cĂ©lĂ©brer une

formulĂ© le vƓu de faire bĂątir un Ă©difice religieux Ă  cet endroit si la France Ă©tait un jour libĂ©rĂ©e », raconte Mgr Edmond Djitangar, l’archevĂȘque de N’Djamena. Peu de temps avant, le 26 aoĂ»t 1940, FĂ©lix ÉbouĂ©, gouverneurduTchad,avaitannoncĂ©sonralliement Ă  la France libre, le camp de la rĂ©sistance et du gĂ©nĂ©ral de Gaulle.

S

FRANÇOIS -X AV IER FRELAND POUR JA

L’édifice, vu depuis l’avenue Charles-de-Gaulle, en juillet.

cathédrale

Conçue dans les annĂ©es 1950 par l’architecte marseillais AndrĂ© Gallerand,Notre-Dame-de-la-Paixne

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022152 GRAND FORMAT TCHAD

En attendant la réouverture, les fidÚles se retrouvent à chaque office sous une grande tente.

Les travaux devraient ĂȘtre achevĂ©s pour les cĂ©lĂ©brations de NoĂ«l.

Malheureusement, les travaux de réhabilitation, qui ne devaient durer que quelques mois, furent

Autour de lui, de jeunes fidĂšles se rĂ©jouissent aussi de cette rĂ©ouverture tant attendue. La communautĂ© chrĂ©tienne,engrandemajoritĂ©catholique, reprĂ©senterait aujourd’hui plus de 40 % de la population tchadienne. « Nous n’avons aucun problĂšme avec nos frĂšres musulmans ! s’exclame l’un d’entre eux. On essaie de nous diviser, mais le Tchad est un pays uni en matiĂšre de religion On est discret, c’est tout. »

JEUNE AFRIQUE N°3116 SEPTEMBRE 2022 153 GRAND FORMAT TCHAD

Sécurité renforcée

fut inaugurĂ©e et consacrĂ©e que cinq ans aprĂšs l’indĂ©pendance du Tchad, en 1965. De la nef au chƓur et Ă  sa chapelle, elle s’étend sur 70 m de long et35mdelarge,soitunesuperficiede 1800 m2 qui lui permet d’accueillir 2000 fidĂšles.

brusquement interrompus aprĂšs le dĂ©tournement d’une partie de l’enveloppe budgĂ©taire. Finalement, une grande collecte de fonds internatio nale a Ă©tĂ© organisĂ©e Ă  l’initiative de l’archevĂȘque, en partenariat avec Ecobank, pour finir de financer la restauration. Maintes fois retardĂ©e, la rĂ©ouverture de la cathĂ©drale est prĂ©vue pour les cĂ©lĂ©brations de NoĂ«l prochain.

FRANÇOIS -X AV IER FRELAND POUR JA

avaient bombardĂ© l’église parce qu’ils pensaient que certains soldats enne mis s’y Ă©taient rĂ©fugiĂ©s. J’ai toujours rĂȘvĂ© de revenir prier Ă  la cathĂ©drale Onracontequec’estdanssessous-sols que Goukouni Weddeye et HissĂšne HabrĂ© se sont rĂ©conciliĂ©s. »

AprĂšs la destruction de sa toiture laquelle culmine de nouveau Ă  29 m –, la cathĂ©drale fut recouverte d’unebĂąche,fautedemoyens.Jusqu’à ce que, en 2013, le prĂ©sident Idriss DĂ©byItnodĂ©cided’engagersarĂ©habilitation complĂšte, sur fonds propres de l’État, Ă  hauteur d’environ 5,9 mil liardsdefrancsCFA(prĂšsde9millions d’euros). « Idriss DĂ©by Itno a voulu marquer la volontĂ© de l’État tchadien degarantirlalaĂŻcitĂ©delaRĂ©publique, mise Ă  mal par la poussĂ©e jihadiste et les attentats terroristes de Boko Haram dans la sous-rĂ©gion », prĂ©cise l’actuel Premier ministre, Albert PahimiPadackĂ©;depuislafinde2012, le pays Ă©tait aussi devenu producteur de pĂ©trole À l’époque, le prĂ©sident avaitlancĂ©simultanĂ©mentlechantier de la future basilique de N’Djamena et celui de la restauration de la cathĂ© drale Notre-Dame-de-la-Paix.

Collecte de fonds

En attendant, comme ils le font depuisplusdequaranteans,lesfidĂšles seretrouventĂ chaqueofficesousune grandetenteinstallĂ©eĂ l’autreboutde la place de la Nation. « Nous sommes impatients de retrouver notre Ă©glise, confirme le pĂšre Achille Djimwoi, qui animerĂ©guliĂšrementlamesse Quand j’étais enfant, je me souviens de cette vision terrible de la fumĂ©e que l’on voyait, de trĂšs loin, planer au-dessus de la cathĂ©drale
 Les belligĂ©rants

Si l’implantation chrĂ©tienne date du dĂ©but du xxe siĂšcle, le nombre de conversions continue d’augmenter, selon les autoritĂ©s du diocĂšse de N’Djamena. « Nous vivons dans une certaine prĂ©caritĂ© depuis longtemps, explique le dynamique et prudent archevĂȘqueDjitangar.Maisleschoses s’amĂ©liorentlentement.»Et,situĂ©eau cƓur de la capitale N’Djamena et de l’État-nation tchadien, presque en face du palais prĂ©sidentiel, la cathĂ© drale aura l’avantage de bĂ©nĂ©ficier d’une sĂ©curitĂ© renforcĂ©e.

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
JA3116 du 31 août 2022 GF Tchad by Régie Difcom - Issuu