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FAUT-IL BANNIR HUAWEI DE LA 5G ?
L’entreprise chinoise propose des équipements bon marché, mais suscite des craintes en matière d’espionnage. Des experts européens et américains analysent la position de leur pays.
Monde
D. R.
D. R.
ALLEMAGNE Dépendance économique
A
la mi-octobre devaient être jugés dignes de confiance 2019, le gouverpar les deux agences, ils pourraient nement alledésormais émettre leurs propres mand a choisi déclarations de fiabilité, sans autre de ne pas bannir Huawei explication. Kaan Sahin ou d’autres entreprises Le parlement allemand n’a pas Chercheur en technologiques chinoises participé à la rédaction du projet technologie et politique étrangère au Conseil des futurs réseaux 5G du gouvernemental. Certains membres allemand des relations pays, y compris des infra du Bundestag ont suggéré de modiextérieures (DGAP) structures nationales fier les lois existantes en matière de essentielles. Cette décitélécommunications et de sécurité sion, encore préliminaire, informatique afin de créer des mécaa provoqué un très nismes d’évaluation des fournisseurs intense débat en Alle5G. Il est difficile de savoir quand, magne à cause des craintes ou même si le Bundestag amendera d’espionnage que suseffectivement ces textes, car des citent les firmes technodiscussions sont toujours en cours logiques chinoises, qui au sein des partis politiques, y comsont obligées par la loi pris ceux de la coalition au pouvoir. de leur pays de coopérer La position actuelle du gouvernement Didi Kirsten Tatlow Chercheuse au avec leur Etat en matière allemand sur la 5G est très influencée programme Asie, DGAP de renseignement et qui par la perception de la dépendance sont plus généralement économique du pays vis-à-vis de la soumises au contrôle du Parti comChine, et par la position des opérateurs muniste. Raisons pour lesquelles télécoms allemands qui détiennent les Etats-Unis et plusieurs autres déjà des équipements de la firme alliés de Berlin sont résolus à banchinoise pour la 4G. La technologie nir Huawei de leurs Huawei est relativefuturs réseaux 5G. ment bon marché, Les membres La récente décision parce que les coûts allemande fait suite de l’Union européenne de production en à la publication, en Chine sont bas et que devraient soutenir mars 2019, d’un prol’entreprise reçoit des les concurrents jet de « catalogue de subventions du gousécurité », qui char- européens de Huawei, vernement chinois. geait deux agences Ce n’est pas une raitels que Nokia techniques, l’Agence son pour écarter les et Ericsson fédérale des réseaux inquiétudes que sus(BNetzA) et l’Office citent les sociétés fédéral de la sécurité de l’informachinoises en matière d’espionnage, tion (BSI), d’évaluer les risques assocar ces firmes doivent tenir compte ciés aux fournisseurs 5G. Le 15 octobre du leadership du Parti communiste 2019, un deuxième projet réduisait dans tous les domaines. Il est à noter les exigences déjà faibles du premier : qu’un groupe de pirates informatiques, alors qu’auparavant, les fournisseurs Winnti, lié à l’Etat chinois, aurait, par Quel monde en 2020 Alternatives Economiques - hors-série n° 119
le passé, attaqué de grandes entreprises allemandes ainsi que des agences de l’Etat.
DROITS NUMÉRIQUES MENACÉS
Par ailleurs, la 5G est un catalyseur crucial d’innovations (Internet des objets, véhicules autonomes, villes intelligentes) qui sont supposées jeter les bases de la quatrième révolution industrielle. Donner à Huawei un avantage concurrentiel dans le déploiement du réseau allemand, c’est fournir à la Chine une prime en matière d’innovations et de systèmes essentiels. En outre, les lois chinoises permettent à l’Etat d’accéder à toutes les données de l’entreprise sur les clients, ce qui soulève des questions sur la protection des droits numériques personnels, à mesure que la technologie chinoise se répand. Dernier point, mais pas le moindre, les responsables américains ont déclaré qu’ils envisageraient de mettre fin au partage d’informations confidentielles avec les services de renseignement allemands si le pays utilisait des composants Huawei pour ses réseaux 5G. Washington a également envisagé d’octroyer des prêts aux concurrents européens de Huawei, tels que Nokia et Ericsson, pour compenser le financement que les firmes chinoises obtiennent de leur Etat. Ce sont en réalité les membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, qui devraient soutenir ces entreprises européennes, en gardant notamment à l’esprit le développement des futurs réseaux 6G auxquels Huawei et ses concurrents commencent déjà à se préparer.