SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022 #58



Ă dĂ©couvrir dans ce numĂ©ro... TEASING BEETHOVEN LOUP COLLECTAGE «UNE COURSE CONTRE LA MONTRE» «DES JOYEUSES FUNĂRAILLES» FĂMINISME PINARDIERS HARPELITHOGRAPHIEVOIXSATURĂE «LE RETOUR DU SAUVAGE DANS LA NATURE»


- La Bretagne est la seule rĂ©gion Ă avoir eu tous ses dĂ©partements en Ă©tat de crise sĂ©cheresse, soit le niveau dâalerte maximale.
Les cours dâeau nâont jamais Ă©tĂ© aussi bas, avec certains ruisseaux et riviĂšres totalement Ă sec (prĂšs de 20 % des cours dâeau bretons). Une situation qui menace les espĂšces aquatiques, notamment des populations de poissons qui meurent asphyxiĂ©s.
- LâĂ©tĂ© a Ă©tĂ© historiquement sec. Au mois de juillet, le dĂ©ficit de pluie a atteint les 95 % en Bretagne. De nombreuses communes nâont pas vu la pluie (prĂ©cipitations supĂ©rieures Ă 1 mm) pendant plus dâun mois : 43 jours Ă Brest, 42 Ă Rennes, 42 Ă Lorient, 37 Ă Saint-BrieucâŠ
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- Les agriculteurs ont fait face Ă des interdictions dâirrigation, laissant parfois mourir certaines cultures. Des Ă©leveurs ont Ă©galement dĂ» entamer le fourrage prĂ©vu pour lâautomne et lâhiver. Certains craignent dĂ©jĂ de prochaines pĂ©nuries.
ĂDITOARRĂTONSDEFAIRE
12 Ă 23 Chasseurs de sons 24 Ă 31 Jâai retrouvĂ© le loup 32 Ă 37 Comment (bien) finir un groupe 38 Ă 45 RDV : caroline, Rebirth of Jazz
- Cali sort un nouvel album en octobre.
6 Ă 11 WTF
Sir Greggo... 46 à 49 La PAM : « Imprimer le futur » 50 BIKINI recommande 4 septembre-octobre 2022 #58
Des villages du centre-FinistĂšre ont manquĂ© dâeau potable et ont dĂ» en importer de communes voisines pour approvisionner leurs habitants.
LâAUTRUCHE - La Bretagne sâest littĂ©ralement embrasĂ©e cet Ă©tĂ©, avec une multiplicitĂ© des dĂ©parts de feu encore jamais vue. Parmi les incendies les plus importants : 400 hectares ont brulĂ© en forĂȘt de BrocĂ©liande, plus de 200 hectares dans le sud du Morbihan (dont 50 Ă Erdeven, autant Ă Locoal-Mendon) et, surtout, prĂšs de 3 000 hectares (!) dans les monts dâArrĂ©e (bien au-delĂ des 900 hectares dĂ©truits en 1996, date du dernier grand incendie dans ce secteur).
La rédaction
- Des records de chaleur sont tombĂ©s dans la rĂ©gion : 40,5° Ă Rennes, 40,2° Ă Vannes, 39,3° Ă Brest⊠Le record absolu revient Ă BlĂ©ruais, en Ille-et-Vilaine, oĂč une tempĂ©rature de 41,6° a Ă©tĂ© enregistrĂ©e.
Damien Fleau,
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SOMMAIRE : harpistes, Beethoven, théùtre féministe, voix saturées... , S8jfou,


Un petit nouveau fait son apparition dans le paysage des festivals bretons : Le Son dâGaston. Pour fĂȘter la fin de lâĂ©tĂ©, ce rendez-vous qui se tient au Rheu, Ă cĂŽtĂ© de Rennes, invite les Bordelais de Smokey Joe & The Kid, les Tourangeaux de Toukan Toukan, ainsi que trois valeurs sĂ»res du coin : Atoem, Clavicule et Faygo. Le 24 septembre.
MORGANE LE CUFF
Des territoires forts de traditions orales et de rĂ©pertoires traditionnels dans lesquels Morgane Le Cuff sâest plongĂ©e. En rĂ©sulte une musique transfrontaliĂšre oĂč se mĂ©langent harpe celtique, percussions ibĂ©riques et chants galiciens.
QUELLE HARPISTE ALLER VOIR ?
dahoCOIN-COIN Classique de la littĂ©rature jeunesse, Le Vilain petit canard, rĂ©cit signĂ© Hans Christian Andersen, a droit Ă son adaptation théùtrale avec Sandra Gaudin Ă la mise en scĂšne, Arnaud Valois (120 battements par minute) sur scĂšne et Ătienne Daho pour la musique. Du 19 au 22 octobre au TNB Ă Rennes. WTF
Sur le CV de la Californienne, figurent de jolies rĂ©fĂ©rences : Jar vis Cocker, Thurston Moore, Kurt VileâŠ. Des collaborations pour lesquelles la musicienne est venue poser son instrument fĂ©tiche : la harpe. Mais le parcours solo de Mary Lattimore (photo) vaut tout autant le dĂ©tour. En tĂ©moigne son dernier et quatriĂšme album, Silver Ladders, oĂč lâartiste basĂ©e Ă Los Angeles navigue entre nĂ©o-classique et ambient experimental, pour une musique contemplative et mĂ©ditative. Quand ? Le 10 novembre Ă lâAnti pode Ă Rennes
Pour son tout premier concert en tant que nouvelle artiste associĂ©e de Plages MagnĂ©tiques, Rafaelle Rinaudo est Ă lâaffiche de la 19e Ă©di tion de lâAtlantique Jazz Festival, organisĂ© par la structure brestoise. Pour lâoccasion, elle sâassocie Ă la chanteuse bretonne Rozenn Talec pour un set oĂč la musicienne fera parler sa harpe Ă©lectrique entre free jazz, classique et baroque. Tou jours dans sa volontĂ© dâamener cet instrument vers des chemins inattendus. Quand ? Le 23 octobre Ă la chapelle du Bon Port Ă Brest
6 septembre-octobre 2022 #58
Le 5 octobre Ă LâĂchonova Ă St-AvĂ©.
Quand ? Le 5 octobre Ă la bibliothĂšque de Boisgervilly, le 7 Ă La CanopĂ©e Ă JanzĂ©, le 11 au Blosne Ă Rennes, les 13 et 14 Ă lâESCC EugĂ©nie Duval Ă Maen Roch, dans le cadre du festival Le Grand Soufflet MARY LATTIMORE
LâUN DES PLUS DĂLICATS INSTRUMENTS Ă CORDES CONNAĂT UNE JOLIE MISE EN LUMIĂRE AVEC CES TROIS ARTISTES QUI AMĂNENT LA HARPE DANS DES ESTHĂTIQUES NOUVELLES : NĂO-CLASSIQUE, AMBIENT, FREE JAZZ... CassellsPonyRachael DR RAFAELLE RINAUDO
Y A LâTĂLĂFON QUI 1SON
Présentée comme une « harpiste, chanteuse et conteuse tout terrain », la Rennaise a beaucoup voyagé entre la Bretagne, la Galice et les Asturies.
AFROBEAT GĂ©nie de lâafrobeat, Femi Kuti est de passage en BZH. Aujourdâhui accompagnĂ© de son fils, troisiĂšme gĂ©nĂ©ration dâune lignĂ©e de musiciens dâexception, le NigĂ©rian mĂȘle toujours convictions citoyennes et Ă©nergie musicale, comme sur son dernier album Stop the Hate.



LES MORCEAUX SONT-ILS ISSUS DU RĂPERTOIRE TRADITIONNEL CELTE ?
CELA A-T-IL INFLUENCĂ LA SUITE DE SON ĆUVRE ? « Il a peaufinĂ© ses capacitĂ©s de com positeur, câest certain, conclut Ălisa beth Brisson. Il montrait alors que la composition Ă©tait la plus importante, il pouvait faire feu de tout bois. Ă partir de nâimporte quelle mĂ©lodie, il Ă©crivait une Ćuvre. » Ă la mĂȘme pĂ©riode, Beethoven Ă©crivait sa 7e sym phonie, parue en 1813, considĂ©rĂ©e comme sa plus joyeuse. Pour bien des observateurs comme Carlos NĂșñez, câest tout sauf un hasard. Brice Miclet
COMMENT BEETHOVEN SâEST-IL INTĂRESSĂ AUX MUSIQUES CELTESÂ ?
WTF BEETHOVEN, UN BARDE CELTE ?
Entre 1810 et 1820, Ludwig van Bee thoven a Ă©crit prĂšs de 300 arrange ments de chants et mĂ©lodies celtiques. Un travail surprenant qui a permis au plus grand compositeur de son temps de sâexercer Ă la composition et de dĂ©couvrir les musiques irlan daises, galloises et Ă©cossaises. Un pan mĂ©connu de lâhistoire classique que lâOrchestre National de Bretagne a dĂ©cidĂ© de faire resurgir en invitant le multi-instrumentiste galicien Car los NĂșñez Ă interprĂ©ter une trentaine dâĆuvres issues de ce corpus.
Le 8 octobre Ă lâEspace KĂ©raudy Ă Plougonvelin, le 9 octobre au Roudour Ă Saint-Martin-des-Champs, les 12 et 13 octobre au TNB Ă Rennes
UN RĂPERTOIRE MIS Ă LâHONNEUR PAR LâORCHESTRE NATIONAL DE BRETAGNE ET EXPLORĂ PAR LE MUSICIEN CARLOS NĂĂEZ.
QUEL INTĂRĂT POUR BEETHOVEN ?
DR 8 septembre-octobre 2022 #58
Oui et non. Plusieurs thĂšmes Ă©taient connus depuis longtemps. Mais pour Ălisabeth Brisson, « il sâagit en grande partie de productions et de mĂ©lo dies prĂ©sentĂ©es comme populaires et anciennes, mais qui Ă©taient en fait trĂšs rĂ©centes. Ă lâĂ©poque, câĂ©tait Ă la mode de soi-disant collecter les musiques folkloriques. »
PENDANT PLUS DE DIX ANS, LUDWIG VAN BEETHOVEN A PRODUIT DES COMPOSITIONS ET ARRANGEMENTS CELTIQUES.
Il sâagit en fait de commandes. « à la fin du 19e siĂšcle, il fallait que les jeunes filles anglaises de bonnes familles puissent chanter et jouer ensemble des Ćuvres faciles, explique Ălisabeth Brisson, autrice du Guide de la musique de Beethoven et spĂ© cialiste du compositeur. On prenait donc des airs populaires et des mĂ©lo dies que lâon envoyait aux grands compositeurs pour quâils Ă©crivent la musique et les arrangements autour. Haydn et Beethoven ont Ă©tĂ© trĂšs sollicitĂ©s Ă lâĂ©poque. Câest un Ă©di teur Ă©cossais, George Thomson, qui organisait tout cela. »
Le premier argument est financier. « Beethoven Ă©tait parfois furieux que le cahier des charges Ă©laborĂ© par Thomson soit si sĂ©vĂšre et demande tant de simplicitĂ© dans lâĂ©criture, prĂ©cise Ălisabeth Brisson. Mais il Ă©tait trĂšs bien payĂ©. » Carlos NĂșñez, qui sâest passionnĂ© pour cette histoire, abonde en tempĂ©rant : « Je suis persuadĂ© que ce travail lui plaisait. On le sent dans sa musique. Lui qui Ă©tait souvent prĂ©sentĂ© comme un homme fermĂ© semble sâouvrir lorsquâon interprĂšte cette musique celtique. »

TOUTFĂMINISMETERRAIN ENCOURAGER LâĂGALITĂ DES SEXES ET LâĂMANCIPATION : LE THĂĂTRE SE FAIT MILITANT EN CETTE RENTRĂE.
GrosboisPierre 9
ĂTERNEL Ruth Rosenthal et Xavier Klaine dĂ©cor tiquent la banalitĂ© du patriarcat, observĂ© dans leur propre famille, et sâattaque Ă ses mĂ©canismes de domination. Quand ? Du 16 au 19 novembre au TNB Ă Rennes, les 6 et 7 dĂ©cembre au CDDB Ă Lorient SIRĂNES Féérique, manipulatrice⊠La sirĂšne fait lâobjet de nombreuses croyances. Une reprĂ©sentation du fĂ©minin que dĂ©construit la compagnie 52 Hertz. Quand ? Les 10, 19 et 20 novembre au Théùtre de Poche Ă HĂ©dĂ©-Bazouges
EN AVANT TOUTES ZoĂ© Grossot et Lou Simon mettent en lumiĂšre les femmes que lâHistoire a effacĂ©es. Une rĂ©habilitation qui ques tionne les stĂ©rĂ©otypes de genre. Quand ? Les 19 et 20 octobre Ă lâAire Libre Ă Saint-Jacques-de-la-Lande FĂMININES LâĂ©popĂ©e de la premiĂšre Ă©quipe fĂ©mi nine de foot Ă Reims en 1968. Lâautrice Pauline Bureau retrace cette histoire dâĂ©mancipation collective (photo). Quand ? Du 22 au 24 sept. au Théùtre de Cornouaille Ă Quimper, les 28 et 29 sept. Ă La Passerelle Ă Saint-Brieuc PATRIARCAT, VIVRE EN CONFINEMENT



VOIX SATURĂES : MODE DâEMPLOI
10 septembre-octobre 2022 #58 WTF
RĂCRĂATION Quand lâunivers pop onirique de FrĂ nçois Atlas et le speed rock de Lysistrata se rencontrent, ça donne PARK, un projet commun qui sonne joliment nineties, avec un album (sorti au printemps dernier) et des concerts Ă venir Ă lâautomne, dont La CarĂšne Ă Brest le 14 octobre et Bonjour Minuit Ă Saint-Brieuc le 15 octobre.
YVES COCHET LIKES THIS Vraie fausse confĂ©rence imaginĂ©e par la compa gnie La Sensitive, le spectacle La Conf Ă©tudie un des derniers spĂ©cimens de lâespĂšce humaine face Ă lâurgence climatique et lâeffondrement du monde. Caustique, drĂŽle et plein dâespoir. Les 11 et 12 octobre Ă La Passerelle Ă Saint-Brieuc, le 14 au Théùtre du Vieux Saint-Ătienne Ă Rennes et le 18 au Centre Juliette Drouet Ă FougĂšres.
MAIS COMMENT LES MĂTALLEUX FONT-ILS POUR PAS SE NIQUER LES CORDES VOCALES AVEC LEUR VOIX DâOUTRE-TOMBEÂ ?
DAVID FĂRON, FORMATEUR EN SONS SATURĂS, RĂVĂLE LEUR SECRET. BROAAAAAAAAAH !
Les chanteurs metal, comme les bary tons ou les sopranos, doivent travailler leur voix pour sortir les sons les plus gutturaux. « Le secret pour saturer sa voix, câest de parvenir Ă jouer avec les bandes ventriculaires situĂ©es dans le larynx, rĂ©vĂšle David FĂ©ron, ex-chanteur du groupe Nothing, devenu prof de chant spĂ©cialisĂ© (photo).
Les cordes vocales vibrent 440 fois par seconde, les bandes ven triculaires trois Ă cinq fois moins. Câest en jouant sur ce diffĂ©rentiel quâon obtient ce son si particulier. »
Un son dit âsaturĂ©â qui nâest pas forcĂ©ment grave. « Brian Johnson dâAC/DC possĂšde une voix qui part dans les aigus. Ă lâinverse, dans le black metal façon Ensaved ou le death Ă la Cannibal Corpse, on va chercher le son le plus caverneux possible. La diffĂ©rence se joue au niveau de la zone de rĂ©sonance de lâair, selon quâon va chercher trĂšs profond dans la gorge ou plus Ă lâavant du visage jusque dans les narines. On joue avec son corps comme avec la palette des touches dâun piano. » Et inutile, selon le coach, de postillon ner dans le micro pour devenir le roi de la saturation. « Certains prennent de grandes bouffĂ©es en pensant que ça va les aider Ă mieux Ă©ructer mais câest contre-productif. Crier nĂ©cessite la mĂȘme quantitĂ© dâair que parler. Tout se joue dans lâintention et lâexpression des Ă©motions : colĂšre, joie⊠Un bon chanteur metal doit jouer avec ses tripes, littĂ©ralement. »
R.D Formation les 14 et 15 octobre au Novomax Ă Quimper DR
DR




DOSSIER DECHASSEURSSONSDEPUIS50ANS,DASTUMENREGISTRELEPATRIMOINE SONORE DE LA RĂGION. CE TRAVAIL MINUTIEUX ET ESSENTIEL PERDURE, PORTĂ PAR UNE NOUVELLE GĂNĂRATION DE JEUNES COLLECTEURS. 12 septembre-octobre 2022 #58

DastumCollection-MarlieuPatrick Ălie Guichard au violon, Ă Monterfil, en juin 1976 13


DOSSIER âEhpad de Carantec res semble Ă tous les Ehpad. Pour y pĂ©nĂ©trer, il faut reprendre lâhabitude dâenfi ler un masque, puis sâenregistrer Ă lâentrĂ©e et se frayer un chemin dans les couloirs de couleur crĂšme, aux virages arrondis pour faciliter le passage des fauteuils roulants. Dans lâespace commun, des rĂ©sidents ont la tĂȘte penchĂ©e vers le mur sur lequel est fixĂ©e la tĂ©lĂ©, laquelle dĂ©verse en continu son flot dâĂ©missions mati nales.
Lâentretien va durer une heure et demie, enregistrĂ© avec le petit magnĂ© tophone que Jean a soigneusement posĂ© face Ă Ernest. Que se disent les deux interlocuteurs que deux bonnes gĂ©nĂ©rations sĂ©parent ? Le fond est au moins aussi important que la forme. En breton toujours, ils Ă©changent sur lâhabitat, la construction des maisons, les outils utilisĂ©s, les expressions de la charpente et des fondations⊠La thĂ©matique du jour est prĂ©cise. « Culture orale » Minutieusement, Jean pose des ques tions Ă partir dâun questionnaire quâil a apportĂ© avec lui. « On appelle ça un entretien semi-directif. Il y a quinze jours, on a parlĂ© de ses anciennes activitĂ©s en mer et sur terre. Pour les prochains entretiens, on parlera des rituels religieux. Câest trĂšs divers. En tout, on a prĂ©vu de se voir une vingtaine de fois. » Ernest, en tout cas, est sacrĂ©ment content de pouvoir parler dans sa langue maternelle quâil ne pratique plus du tout. « Ă lâEhpad, ça parle français uniquement. Quâun jeune comme Jean parle aussi bien breton et sâintĂ©resse Ă lâancien temps, ça donne le moral. » Jean Roualec-QuĂ©rĂ© est donc ce quâon appelle un collecteur. Prof de breton originaire de Saint-Jean-du-Doigt, il enseigne en bilingue au collĂšge de Saint-Martin-des-Champs prĂšs de Morlaix. « Jâai connu le breton par lâintermĂ©diaire de mes grandsparents, puis Ă lâĂ©cole Diwan et enfin Ă la fac oĂč les cours de linguistique mâont incitĂ© Ă approfondir la langue et ses spĂ©cificitĂ©s. Câest comme ça que je me suis retrouvĂ© Ă aller chez les anciens pour recueillir leur parole et effectuer mes enquĂȘtes ethnolinguis tiques. Le breton tel quâil est appris aujourdâhui diffĂšre pas mal de celui que je recueilleâŠÂ Câest fastidieux mais trĂšs prĂ©cieux. Jây consacre une bonne partie de mes vacances. » Jean a des centaines dâheures dâenregis trement compilĂ©es chez lui. « Cette matiĂšre, jâaimerais en faire quelque chose. Un atlas linguistique peutĂȘtre⊠Le diffuser et le transmettre Ă destination de ceux qui le veulent, peut-ĂȘtre un jour par lâintermĂ©diaire de Dastum. » Dastum, qui veut dire ârecueillirâ en breton, est le nom de lâassociation de rĂ©fĂ©rence en matiĂšre de collectage en Bretagne. Elle a Ă©tĂ© fondĂ©e il y a tout « monde qui disparaĂźt
La conscience dâun
» 14 septembre-octobre 2022 #58
Le regrettĂ© Motus a cĂ©dĂ© sa place Ă Chacun son tour, nouveau jeu de lâoutrecuidant Bruno Guillon. BientĂŽt, ce sera le trĂšs attendu Tout le monde veut prendre sa place. Jean Roualec-QuĂ©rĂ©, 28 ans, semble connaĂźtre les lieux par cĆur. « Câest la troisiĂšme fois que je viens, je commence Ă maĂźtriser. » Un petit « bonjour » jovial par-ci, un autre « bonjour » par-lĂ , le jeune homme monte jusquâau deuxiĂšme Ă©tage, frappe Ă une porte et pĂ©nĂštre dans lâune des chambres de la maison de retraite. « Toc-toc⊠Demat ! Demat Ernest ! »
Le vieux monsieur en face de lui sâappelle Ernest LâHour, encore bien valide malgrĂ© ses 92 ans, mais arrivĂ© ici il y a peu Ă la mort de sa Tranquillementfemme. assis dans son fau teuil, lâancien agriculteur-pĂȘcheur de lâĂźle Callot, tout au bout de Carantec, a eu ses visites habituelles du matin. Il en attendait impatiemment une autre qui commence Ă se ritualiser. Celle de ce Jean Roualec-QuĂ©rĂ©, qui nâest pas un petit-fils, pas mĂȘme un membre de sa famille, mais un collecteur. « Ernest, jâen ai entendu parler par le biais dâautres informa teurs que jâavais interrogĂ©s. CâĂ©tait le dernier paysan de son Ăźle. Avec lui, je devrais pouvoir dĂ©couvrir des spĂ©cificitĂ©s insulaires. ForcĂ©ment, câest intĂ©ressant. »

Le folklorisme va naĂźtre durant ces dĂ©cennies de grandes dĂ©couvertes », Ă©claire Vincent Morel. En 1839, ThĂ©odore Hersart de la Ville marquĂ© publie le Barzaz Breiz, premier recueil de chants populaires de Bre tagne. Paul SĂ©billot est un autre de ces pionniers, avec sa Revue des traditions populaires. « Il y a dĂ©jĂ chez eux la conscience dâun monde qui disparaĂźt et dont il faut capter les derniĂšres traces, Ă©crites dâabord, enregistrĂ©es ensuite, Bikini
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juste 50 ans, le 23 novembre 1972 Ă Saint-Vincent-sur-Oust oĂč rĂ©sidait son fondateur Patrick Malrieu. « Lui et quelques autres collecteurs de lâĂ©poque avaient pris conscience de la valeur patri moniale de leurs enregistrements quâil fallait prĂ©server de la dĂ©gradation du temps. Jusquâalors, chacun faisait les choses de son cĂŽtĂ©. LâidĂ©e a Ă©tĂ© de tout rassembler et de procĂ©der Ă un catalogage minutieux », rembobine Vincent Morel, conservateur et animateur de lâasso. Les origines du collectage remontent au 19e siĂšcle, Ă une Ă©poque oĂč toute une communautĂ© de savants sâentiche dâexotisme. « Câest la prise de conscience quâil existe dans les peuples une culture populaire et orale digne dâintĂ©rĂȘt, hors des langues officielles et des rayonnages de bibliothĂšques.


DOSSIER Si la dĂ©marche de collec tage a, depuis ses dĂ©buts, surtout consistĂ© Ă capter un patrimoine sonore passĂ© (en gros, enregistrer les per sonnes ĂągĂ©es avant quâelles ne disparaissent pour figer dans le temps leur patri moine oral), il ne faudrait pas nĂ©gliger le monde qui nous entoure actuellement, prĂ©vient SĂ©bastien Toinen, animateur au Centre de dĂ©couverte du son Ă Cavan : « Ce son du prĂ©sent a une valeur insoupçonnĂ©e pour les gĂ©nĂ©rations Ă venir. On milite ici pour sa prise en compte. » Parmi les initia tives que le parc de loisirs et de dĂ©couvertes costarmori cain souhaite amorcer, « la crĂ©ation dâune sonothĂšque » Un recensement participa tif des sons caractĂ©ristiques dâun territoire avait Ă©tĂ© lancĂ© en 2020 pendant le confinement, « mais il nâa donnĂ© que trĂšs peu de rĂ©sul tats pour lâinstant ». LâidĂ©e Ă©tait de recueillir tout ce qui constitue lâADN audio dâun lieu. Avouez pourtant que ce serait cool de pouvoir dispo ser dans le futur de capsules sonores permettant de se re plonger, par exemple, sur le marchĂ© des Lices Ă Rennes, ou dans la fiĂšvre dâun derby de foot Ă Francis-Le-BlĂ© Ă Brest, avec ambiance et dis cussions dâĂ©poque.
« Câest le cĆur de lâactivitĂ© de lâasso : archiver, documenter et continuer Ă susciter des vocations. Depuis une vingtaine dâannĂ©es, nous numĂ©risons cette matiĂšre. En 50 ans, prĂšs de 1 000 collecteurs ont permis dâenrichir nos rĂ©serves. 9 000 heures sont consultables en ligne, librement et gratuitement, sur simple inscription. Nous estimons en avoir encore au moins le double Ă traiter et Ă venir. »
Adepte du field recording et ancien Ă©tudiant en ethnomusicologie, lâartiste Ă©lectro morbihannais OjĂ»n (photo) est forcĂ©ment sensible Ă cette dĂ©marche de paysage sonore local. Il sâest dâailleurs rendu dans des lieux comme le marchĂ© aux poissons de Lorient pour y recueillir des sons de âmaritimitĂ©â.
«
ce qui sera rendu possible avec la révolution sonore au tournant du 20e siÚcle. »
Vincent Morel nous fait pénétrer dans la réserve de Dastum, désormais basée à Rennes : des milliers de bandes et de K7 audio rangées dans des éta gÚres, avec un étiquetage permettant de retrouver la date, la localisation et autres éléments essentiels de classe ment, le tout conservé à température constante et avec une hygrométrie surveillée.
« Des paroles furtives, des bruits caractĂ©ristiques de la criĂ©e⊠Jâai aussi passĂ© trois jours sur un bateau de pĂȘche en Atlantique. Au total, une centaine dâheures dâenregistrement dâinstants de vie capturĂ©s. » De quoi ali menter son prochain album Ă paraĂźtre en 2023.
« Un monde englouti » Des chiffres vertigineux qui ne sont pas pour dĂ©plaire Ă Hyacinthe Le HĂ©naff. Ă 42 ans, cet accordĂ©oniste tradâ de renom puise rĂ©guliĂšrement dans la banque de sons de Dastum pour garnir son rĂ©pertoire. Et il pour rait bientĂŽt lui-mĂȘme lâenrichir, sâĂ©tant mis Ă la collecte depuis prĂšs de dix ans du cĂŽtĂ© de chez lui, Ă LandrĂ© varzec. « On mâavait toujours dit quâil nây avait aucun sonneur dans le pays Glazik, mais câest juste quâon nâavait pas cherchĂ©. Moi, je lâai fait.
LE SON DU PRĂSENT A UNE VALEUR INSOUPĂONNĂE »
Dans lâentre-deux-guerres, lâethno musicologie se dĂ©veloppe, dâabord aux Ătats-Unis avant dâessaimer en France, oĂč une premiĂšre enquĂȘte du genre est rĂ©alisĂ©e en 1939 par Claudie Marcel-Dubois et François Falcâhun sur disques Ă gravure directe. « La Bretagne est apparue comme un ter rain dâenquĂȘte privilĂ©giĂ©, avec une langue trĂšs diffĂ©rente du français et une culture populaire trĂšs ancrĂ©e », poursuit Vincent Morel. Dans les annĂ©es 50, les bagadoĂč et cercles celtiques sâemparent de cette matiĂšre orale. Elle nâest plus seule ment musĂ©ale et patrimoniale mais bel et bien vivante. La rĂ©volution technologique des magnĂ©tos K7 et lâarrivĂ©e combinĂ©e dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration militante au dĂ©but des annĂ©es 70 vont permettre de consi dĂ©rablement enrichir la somme de ces enregistrements.
EonKillian 16 septembre-octobre 2022 #58


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Pourquoi ? Par curiositĂ©. Collecter, câest lutter contre lâignorance et lâoubli. » Ă force dâabnĂ©gation, le musicien a iden tifiĂ© 43 de ses prĂ©dĂ©cesseurs dans son secteur gĂ©ographique. « Tous ces accor dĂ©onistes sont morts. Câest un monde englouti auquel je me suis attaquĂ©. Il a fallu que je puise dans la mĂ©moire des enfants, des petits-enfants⊠Câest de lâarchĂ©ologie. » PassionnĂ©, Hyacinthe poursuit dĂ©sormais sa quĂȘte dans le secteur de Crozon. Plus dans les terres, Yoran Piernet est un autre de ces collecteurs, dont la dĂ©marche se rapproche davantage de celle de JeanRoualec-QuĂ©rĂ©. Lui aussi est prof de breton â au collĂšge de Rostrenen â et lui aussi sâintĂ©resse Ă la dialectique. JoĂ«l Guilloux, 73 ans, est son troisiĂšme informateur. Les sessions dâenregistre ment se passent au domicile de Yoran, Ă TrĂ©brivan. Ensemble, ils Ă©changent en breton sur les vĂȘtements, les cou leurs, la mĂ©tĂ©o⊠à 28 ans, lâapprenticollecteur voit cela comme un moyen dâapprofondir son breton. « Comme je vais enseigner dans le secteur, jâaimerais pouvoir maitriser le breton dâici, qui est un mĂ©lange de vannetais, de trĂ©gorois et de lĂ©onard. Ăa vient complĂ©ter mon breton acadĂ©mique. »


DĂ©barquĂ© Ă lâUBO sans parler un mot de breton, il sâest perfectionnĂ© au contact dâanciens locuteurs recom mandĂ©s par des profs bienveillants.
des informateurs : 80 ans. « Une forme de passage de tĂ©moin. » Le succĂšs de âMarins Ă lâancreâ, qui a donnĂ© lieu Ă une exposition sonore et visuelle, a poussĂ© Ă dĂ©velopper lâactivitĂ© collectage, avec rĂ©cemment un travail autour des chansons tradi tionnelles locales (qui donnera lieu Ă la publication en dĂ©cembre dâun recueil dâenviron 120 chansons) et un autre sur le parler douarneniste (« tout ce qui concerne lâargot dâici »).
Une collecte personnelle qui lâa amenĂ© Ă sillonner la rĂ©gion : « Plouarzel, MorĂ©ac, Pleumeur-Bodou, Sein, Guilvinec, PenmarcâhâŠ, Ă©numĂšre lâĂ©tudiant de 23 ans, dĂ©sormais inscrit en master et qui vise lâagrĂ©gation de breton. Jâenregistre mes conversa tions pour mâentraĂźner ensuite chez moi. Les locuteurs sont Ă chaque fois hyper enthousiastes.
DOSSIER
On est engagé dans une course contre la montre
Quâun jeune Ă©tranger venu dâaussi loin sâintĂ©resse Ă eux, ça les valorise. »
Accents et intonations » Si le collectage en basse-Bretagne a longtemps Ă©tĂ© plus important et mieux considĂ©rĂ© quâen haute-Bretagne, câest en train de sâĂ©quilibrer. En plus des collecteurs de lâest de la rĂ©gion liĂ©s Ă Dastum, une association de pro motion du gallo, nommĂ©e Chubri, dispose depuis 2015 dâune chargĂ©e dâinventaire linguistique (autrement dit une collecteuse professionnelle, la seule sur le territoire) : Jessica Hau mont, 32 ans, originaire de SaintDolay Ă la frontiĂšre entre le Morbihan et la Loire-Atlantique. Enregistreur sur le trĂ©pied, elle recueille ce jour-
» Bikini:Photos 18 septembre-octobre 2022 #58
Redonner sa fiertĂ© Ă une langue et une culture : câest aussi lâune des raisons pour lesquelles lâassociation Emglev Bro Douarnenez sâest lancĂ©e dans le collectage. Elle qui sâest donnĂ©e pour mission de mettre en avant le patri moine culturel du pays de Douarnenez mĂšne depuis 2015 diffĂ©rents projets dâenquĂȘtes sonores. Le plus ambitieux est sans doute âMarins Ă lâancreâ, qui a permis Ă une trentaine de bĂ©nĂ©voles entre 2016 et 2018 de se former au collectage. Un travail encadrĂ© par des ethnologues et qui a abouti Ă lâenregistrement dâune centaine de personnes. « Des anciens marins et patrons de cafĂ©s, pour parler du lien intime entre le monde de la mer et celui des bistrots », prĂ©sente Olivier Dussauze, le coordinateur de lâasso. Moyenne dâĂąge des collecteurs : une trentaine dâannĂ©es. Moyenne dâĂąge
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Dans le petit monde du collectage, Seongwoo Kang est aussi un nouveau venu. Son profil est trĂšs atypique. Sud-CorĂ©en, il est arrivĂ© Ă Brest il y a trois ans aprĂšs avoir dĂ©couvert le breton par hasard dans un livre dâapprentissage du⊠français. « Jâai voulu lâĂ©tudier mais jâai dĂ©couvert quâil nây avait quâen Bretagne quâon pouvait le faire, alors je suis venu ici. »


lĂ Ă Nivillac la parole de trois sĆurs, Madeleine, Monique et Marie, ainsi que dâune voisine dâenfance, MarieOdile. Leur Ăąge va de 76 Ă 86 ans. Les premiĂšres minutes, le gallo est un peu rouillĂ© et se mĂ©lange au français, mais petit Ă petit la parole enfouie depuis lâenfance reflue. Alors le dĂ©bit sâaccĂ©lĂšre et câest une langue encore aujourdâhui dĂ©considĂ©rĂ©e qui resurgit. En bout de table, devant lâantique buf fet du salon des trois sĆurs, Jessica savoure. Cet enregistrement viendra sâajouter aux 500 autres du catalogue Chubri, lequel est reliĂ© Ă Dastum. « La parole des anciens est un trĂ©sor, ex plique-t-elle. Tout ce collectage permet de capturer une langue, des accents, des intonations... On est engagĂ© dans une course contre la montre. » Câest dâĂ©co logie des langues dont il est question.
Tel le pĂ©piniĂ©riste soucieux dâenrichir sa banque de graines dâespĂšces menacĂ©es de disparition, cette nouvelle gĂ©nĂ©ration de collecteurs enregistre frĂ©nĂ©tiquement, pour ne pas que se perde un patrimoine oral fragile et prĂ©cieux. RĂ©gis DelanoĂ«
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QUE VALENT NOS VIEILLES PHOTOS ? 20 septembre-octobre 2022 #58
Pour nos deux conservatrices, câest souvent le temps qui permet de dĂ©terminer la valeur dâun clichĂ© et sa possible place dans des collec tions musĂ©ales. « Il y a un temps de latence entre le moment de la prise photographique et le fait de savoir si câest du patrimoine. Il faut parfois laisser âdĂ©canterâ. Le regard quâon
DOSSIER
Le statut des photos évolue »
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Pour Gwenola Furic, les images de monsieur et madame Tout-le-monde comptent tout autant. « Car elles permettent de documenter une Ă©poque et un quotiden. Des clichĂ©s de femmes et dâhommes ordinaires, câest la petite histoire dans la grande. »
Un avis que partage Manon Six, conservatrice au MusĂ©e de Bre tagne. Si dans les collections ver tigineuses de lâinstitution rennaise (500 000 Ćuvres et documents) on compte principalement des produc tions issues de studios professionnels, des photos de particuliers y trouvent Ă©galement leur place. « Elles nous intĂ©ressent si elles viennent rĂ©pondre Ă un manque de nos collections. Les photos familiales illustrent des pra tiques sociales avec un point de vue diffĂ©rent. Il y a plus de naturel et dâĂ©motions que si elles avaient Ă©tĂ© prises par un professionnel, Ă©clairet-elle. Les clichĂ©s dâamateurs que lâon collecte aujourdâhui peuvent aussi accompagner le don dâun autre objet. Exemple : un costume tradi tionnel. La photo vient ici attester son utilisation et le replacer dans son contexte. »
Elles sont lĂ , parfois classĂ©es avec minutie dans des albums, le plus souvent rangĂ©es en vrac dans des boĂźtes Ă chaussures. Chez nos parents ou nos grands-parents, il nous arrive de tomber dessus en ouvrant le tiroir dâun buffet. Au milieu des papiers, courriers et vieilles factures, des an ciennes photos surgissent subitement du passĂ©, nous ramenant quelques dĂ©cennies en arriĂšre. Mariages, repas de NoĂ«l, anniversaires, souvenirs de vacances ou simples moments du quotidien⊠Des clichĂ©s, quâon avait oubliĂ©s pour certains, dont on ne soupçonnait pas lâexistence pour dâautres, mais qui viennent alors sâinscrire dans notre mĂ©moire Unfamiliale.patrimoine photographique Ă la simple valeur affective le plus souvent, mais pas toujours. Parmi ces vieux tirages, lesquels peuvent ĂȘtre consi dĂ©rĂ©s comme importants ? Lesquels peuvent ĂȘtre jugĂ©s plus anodins ? Une rĂ©flexion qui anime quotidiennement Gwenola Furic. Depuis son atelier basĂ© Ă Redon, cette conservatrice et restauratrice photo (la seule dans tout lâOuest) est amenĂ©e Ă travailler sur des supports confiĂ©s par des musĂ©es ou des archives municipales, ainsi que des RĂ©cemment,particuliers.ellesâest ainsi penchĂ©e sur une vieille boĂźte transmise par une de ses cousines. « Jâai un oncle disparu derniĂšrement qui a laissĂ© tout un tas de photos. CâĂ©tait un expatriĂ© qui a beaucoup voyagé : Afrique, AmĂ©rique du Sud, ProcheOrient⊠Sur ses photos, on voit : les chantiers sur lesquels il travaillait, des enfants, des apĂ©ritifs entre amis, des bateaux⊠Et puis, au milieu de ça, une pĂ©pite : une photo dans les rues de TĂ©hĂ©ran au moment de la rĂ©volution. En 1979, il Ă©tait en Iran et, comme il Ă©tait un peu tĂȘte brĂ»lĂ©e, il nâa pas eu peur de sortir avec son appareil. On voit des gens avec des kalachnikovs, dâautres qui courentâŠÂ » Sâil sâagit lĂ dâun exemple fort, quâen est-il pour les photos du quotidien, celles quâon pourrait considĂ©rer comme banales ?

peut poser sur une photo change avec les Ă©volutions de la sociĂ©tĂ©, dĂ©veloppe Gwenola Furic qui se rappelle dâun travail effectuĂ© aux archives de VitrĂ©. Le service avait rĂ©cupĂ©rĂ© un fonds reprĂ© sentant les intĂ©rieurs de banques et les distributeurs automatiques de la ville. On me demandait si câĂ©tait important de les conserver, jâai rĂ©pondu que oui !
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Mathieu Pernot confirme. Actuelle ment en rĂ©sidence aux Champs Libres Ă
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Au MusĂ©e de Bretagne, Manon Six pour suit : « MĂȘme si des photos peuvent nous paraĂźtre anecdotiques, nous ne pouvons pas prĂ©juger de ce que les gĂ©nĂ©rations futures trouveront intĂ©ressant. Le statut des photos Ă©volue avec le temps. Pre nons les photographies dâentreprises par exemple. Hier, elles nâĂ©taient pas vraiment estimĂ©es, aujourdâhui, on leur trouve un intĂ©rĂȘt esthĂ©tique. »
Au-delà du fait que les agences bancaires tendent à disparaßtre, cela nous permet de montrer ce qui était perçu comme important et moderne à une certaine époque. »



Demeurant Ă Dinard, ce sexagĂ©naire a retrouvĂ© dans les affaires de son pĂšre, dĂ©cĂ©dĂ© il y a peu, plusieurs bobines de films tournĂ©s entre la fin des annĂ©es 1950 jusquâau milieu des annĂ©es 1970. « CâĂ©tait un passionnĂ© de camĂ©ras. Il avait une 16 mm avec laquelle il a filmĂ© tout un tas de choses : des vacances en famille, des fĂȘtes locales, des paysages⊠Parmi les Ă©vĂ©nements notables : la Route du Rhum 1978, le passage du paquebot France, la construction du barrage de la RanceâŠÂ », Ă©numĂšre ce passionnĂ© dâHistoire. « Loin de tout formatage » Ă ses cĂŽtĂ©s, HervĂ© Le Bris, qui sâoccupe de la collecte des films Ă la CinĂ©mathĂšque, nâen perd pas une miette. Les yeux collĂ©s sur les bobines, il ausculte les images, muni de sa loupe. « LĂ , je vois un bateau, un drapeau français, de la brume⊠Câest lĂ©gĂšrement sous-exposĂ© mais câest trĂšs bien filmé », observe-til, visiblement ravi. En tout, ce sont sept bobines 16 mm et onze films aux formats vidĂ©o 8 et Hi8 «
Les films de famille ont une vocation universelle »
Une volonté de transmettre qui a poussé Jean-Noël Séroin à sollici ter la CinémathÚque de Bretagne.
22 septembre-octobre 2022 #58
DOSSIER Rennes pour prĂ©parer une exposition au printemps 2023, ce photographe et artiste a dĂ©nichĂ© il y a cinq ans un lot dâanciennes photos reprĂ©sen tant des boutiques Kodak. « Elles datent de 1965 et se situent toutes en Bretagne », prĂ©cise-t-il. Ces cli chĂ©s, dont lâincroyable charme sâest rĂ©vĂ©lĂ© avec les annĂ©es, lâont poussĂ© Ă aller sur le terrain pour voir ce que ces magasins Ă©taient devenus.
Ce que les archives avaient notam ment entrepris en 2009 avec lâopĂ© ration âRegards neufsâ : elles Ă©taient parties Ă la rencontre des habitants de Cleunay en quĂȘte de tĂ©moignages et de photos pouvant tĂ©moigner de la vie dans ce quartier historique de lâouest rennais. Ou encore lâexemple de cet habitant du Blosne, au sud de la capitale bretonne, qui depuis le douziĂšme Ă©tage de sa tour, avait pris lâhabitude de photographier le paysage Ă diffĂ©rentes Ă©poques. « Des documents qui permettent de mieux voir le dĂ©veloppement de la ville et lâavancĂ©e des constructions avec un point de vue inĂ©dit », illustre Marie PenlaĂ« qui prĂ©cise que « les collectes suscitĂ©es, et non spontanĂ©es, reprĂ© sentent environ 30 % des dons ».
« Quasiment tous ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par dâautres commerces. Ce que je trouve intĂ©ressant avec ces photos, câest quâelles permettent de tĂ©moigner dâune pratique de la photographie qui a disparu » , argue Mathieu Pernot habituĂ© Ă travailler Ă partir dâanciennes collections dĂ©gotĂ©es dans des marchĂ©s aux puces ou sur Ebay. Un intĂ©rĂȘt que les propriĂ©taires de ces documents ne soupçonnent pas tou jours, rendant difficile leur conser vation et acquisition. Ce quâobserve Marie PenlaĂ«, des archives munici pales de Rennes. « Le regard portĂ© sur les anciennes photos varie selon les publics. Je pense notamment Ă une famille issue de la bourgeoisie rennaise qui avait conscience de lâimportance de ses archives et qui est venue nous voir. Ses membres sont dans la construction dâun rĂ©cit familial. Cela fait quâon a pu rĂ©cu pĂ©rer un fonds extrĂȘmement fourni avec de nombreuses piĂšces qui per mettent de documenter Rennes. A contrario, les familles plus modestes ne sont pas toujours convaincues de la richesse de leurs archives. Ă tort ! Elles possĂšdent des choses passionnantes qui racontent tout autant la ville. Il nous faut donc faire lâeffort dâaller les chercher. »


qui seront Ă©tudiĂ©s pour une possible numĂ©risation et conservation dans les collections. Ils viendront sâajouter au plus de 33 000 films qui composent actuellement le fonds. « Celui-ci est rĂ©parti Ă 50 % amateur et 50 % pro fessionnel », prĂ©cise HervĂ© Le Bris qui, avec ses collĂšgues, collecte environ 900 nouveaux films chaque annĂ©e. Un patrimoine dans lequel GaĂŻd Pi trou, directrice de la CinĂ©mathĂšque de Bretagne, souligne la part dâĆuvres provenant de particuliers. « Cela fait partie de notre ADN. Ce sont des films qui nâavaient pas vocation Ă ĂȘtre conservĂ©s, alors quâils contribuent Ă la mĂ©moire de la rĂ©gion. Les films de famille, en montrant lâintime, ont par ailleurs une vocation universelle. Ce sont des documents loin de tout formatage, dans lesquels on trouve davantage de sensibilitĂ© », estime celle qui pointe quelques prioritĂ©s pour les futures collectes : « Les films amateurs en langue bretonne et en gallo. Certains territoires sont aussi moins reprĂ©sentĂ©s, comme le Centre-Bretagne. »
Julien Marchand
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JâAI RETROUVĂ LE LOUP ENFIN JâAI ESSAYĂ. LE FEUILLETON ANIMALIER DE LâĂTĂ MâA AMENĂ DANS LE CENTRE-FINISTĂRE OĂ LE PLUS SAUVAGE DES CANIDĂS A OFFICIELLEMENT FAIT SON RETOUR. AHOUUUU ! 24 septembre-octobre 2022 #58 DOSSIER

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Câest dâailleurs pour ça que câest la prĂ©fecture et non Bretagne Vivante qui a publiĂ© le communiquĂ©. »
« En dispersion » De ce loup, que sait-on exactement ? « Câest un jeune mĂąle de souche italienne qui aurait environ un an, comme le montre sa composition plutĂŽt gracile. Il est trĂšs probablement issu des groupes reproducteurs de lâarc alpin. Câest certainement un loup en dispersion depuis son dĂ©part ou son Ă©viction de son groupe familial dâorigine. Câest tout ce quâon peut dire jusquâĂ prĂ©sent », prĂ©sente avec prĂ©caution Philippe Defernez, membre du Groupe mammologique breton (association dâĂ©tude et de dĂ©fense des mammifĂšres sauvages) qui, avec Bre «
Il est passé à une dizaine de mÚtres de la maison »
HolderEmmanuel 26 septembre-octobre 2022 #58 DOSSIER
De Berrien Ă PlounĂ©our-Menez, en passant par LannĂ©anou, jâai crapahutĂ© dans le centre-FinistĂšre Ă la recherche de cet animal qui, depuis mai, a of ficiellement fait son retour dans la rĂ©gion. Le long des petites routes, au milieu des landes, Ă lâentrĂ©e des champs et des sous-bois, jâai scrutĂ© le moindre mouvement. Ă lâaube quand la brume nappait encore le paysage, en journĂ©e sous le ciel bleu et le soir quand la nuit tombait (le coucher de soleil depuis Rocâh TrĂ©dudon <3), jâai guettĂ© tout ce qui pouvait ressembler de prĂšs ou de loin au plus sauvage des canidĂ©s⊠En vain. En Bretagne, rares sont ceux qui ont rĂ©ussi Ă voir ou photographier le loup. Parmi ces privilĂ©giĂ©s, Emmanuel Holder. Câest grĂące Ă lui que tout a commencĂ©. Naturaliste de Bretagne Vivante, association de protection de la nature, il est notamment en charge de la rĂ©serve des landes du Cragou, Ă cheval entre les communes de Berrien et du CloĂźtre-Saint-ThĂ©gonnec. Câest lĂ que son appareil a immortalisĂ©, le 4 mai dernier, lâanimal (photo). Une belle prise, mais avant tout un joli coup de bol, avoue-t-il. « Il y a quelques temps, jây avais vu un cerf, mais je nâavais pas rĂ©ussi Ă le prendre en photo. En le suivant, je suis arrivĂ© dans un petit bois oĂč il y avait des traces dâanimaux⊠Je me suis donc dit que câĂ©tait lâendroit idĂ©al pour poser un piĂšge photo afin de mieux connaĂźtre leurs habitudes et leurs heures de passageâŠ, rem bobine-t-il. Quelques semaines plus tard, je suis aller le rĂ©cupĂ©rer. Dessus, il y avait 30 vidĂ©os : 29 de biches, chevreuils, marcassins⊠et une avec un canidĂ©. Et clairement, ce nâĂ©tait pas un simple chien. »
On y voit ce qui ressemble Ă un loup, de couleur grise, marchant tranquil lement de gauche Ă droite. MĂȘme sâil nâa guĂšre de doute sur lâespĂšce de lâanimal (« son masque labial, la taille de sa queue et sa gradation de couleurs sont des indices probants »), Emmanuel envoie tout de mĂȘme la vidĂ©o Ă lâOffice français de la bio diversitĂ© (OFB) pour vĂ©rification, avant que la prĂ©fecture ne confirme le retour du âcanis lupusâ dans la rĂ©gion. Cela faisait plus dâun siĂšcle quâun loup nâavait pas Ă©tĂ© observĂ© en BZH. « Cela nous pendait au nez (le 20 octobre 2021, un loup avait Ă©tĂ© signalĂ© Ă Saint-BrĂ©vin-les-Pins, en Loire-Atlantique, ndlr). Le fait que le loup arrive ici nâĂ©tait quâune question de temps, mais quand je lâai vu sur mon appareil, jâai tout de mĂȘme Ă©tĂ© surpris, reconnaĂźt Emma nuel. Ăa fait quelque chose car tu sais que ça va avoir un retentissement, avec de nombreux enjeux derriĂšre.
âĂ©tais pourtant parfaitement Ă©quipĂ©. Une paire de jumelles, mon appareil photo avec un mĂ©ga zoom et une thermos de cafĂ© pour rester concentrĂ©. Il ne me manquait plus quâune veste sans manches multipoches et ma cas quette kaki achetĂ©e dans un surplus militaire au dĂ©but des annĂ©es 2000 (Ă une Ă©poque oĂč câĂ©tait vaguement la mode) pour parfaire ma tenue de âchasseurâ de loup.


tagne Vivante, est Ă lâorigine du âGroupe loupâ, effectuant « un travail de veille sur lâanimal en Bretagne ». Depuis le 4 mai, lâindividu se fait plus que discret. Il nâaurait Ă©tĂ© observĂ© quâĂ une poignĂ©e de reprises. Ă Berrien, si la vidĂ©o a fait parler les jours qui ont suivi, les tĂ©moignages nâont pas affluĂ©. « On a juste eu un automobiliste qui est venu nous voir aprĂšs lâavoir vu traverser la route en direction de Morlaix. CâĂ©tait fin mai, fait savoir Hubert Le Lann, le maire de la commune. Jâai eu par contre un veau en divagation Ă 2 h du matin y a pas longtemps. Sinon câest calme. » Ăleveuse de chĂšvres sur les hauteurs de PlounĂ©our-Menez, Marie MĂ©nager fait partie des chanceuses Ă avoir vu ce quâelle pense ĂȘtre le loup. CâĂ©tait moins dâune semaine aprĂšs lâĂ©pisode de Berrien. Depuis son immense jardin qui domine la crĂȘte des monts dâArrĂ©e, alors Ă©pargnĂ©s par les flammes au moment de notre rencontre dĂ©but juillet, elle raconte cette visite inattendue. « Il Ă©tait environ 22 h. JâĂ©tais au tĂ©lĂ©phone avec une amie Ă ce moment-lĂ , je regardais par la fenĂȘtre de la cuisine quand, sou dain, jâai vu passer le loup Ă une dizaine de mĂštres de la maison. Pour moi, ça ne fait pas de doute que ça en Ă©tait un. Il ressemblait Ă celui qui a Ă©tĂ© filmé », Bikini
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Les diffĂ©rents tĂ©moignages dessinent un triangle Berrien-PlounĂ©ourLannĂ©anou, localisĂ© au nord-est des monts dâArrĂ©e (relativement Ă©loignĂ© des secteurs de Brasparts et de Brennilis oĂč prĂšs de 3 000 hec tares ont brulĂ© cet Ă©tĂ©). Une zone qui selon Philippe Defernez est plutĂŽt un bon spot. « Sur le plan thĂ©orique, il y a une ressource alimentaire non nĂ©gligeable avec des populations de chevreuils, de cerfs et de sangliers⊠Sans oublier quâil a une capacitĂ© Ă se nourrir de maniĂšre trĂšs opportuniste avec des petites proies : ragondins, blaireaux, renards⊠Les monts dâArrĂ©e consti tuent Ă©galement une zone de tran quillitĂ© pour lui servir de refuge.
« Il y a de fortes chances quâil soit tou jours dans le coin. Sâil se sent peinard et sâil a de quoi manger, il va rester..., ajoute Emmanuel Holder. Lâouverture de la chasse Ă lâautomne pourrait en revanche peut-ĂȘtre le dĂ©ranger. On peut aussi imaginer quâau printemps prochain ça va commencer Ă lui grat ter le bas du ventre. Ă partir de lĂ , plusieurs hypothĂšses : sâil est seul et sâil ne trouve pas de partenaire, il sera sans doute amenĂ© Ă partir pour en chercher une ailleurs. Par contre, sâil y a dĂ©jĂ plusieurs individus ici, ils vont finir par faire des petits. »
Ă deux kilomĂštres de lĂ , câest au hameau de Resloas, toujours sur la commune de PlounĂ©our-Menez, que Marie-Anne Brusq affirme avoir vu lâanimal cinq jours plus tard. « JâĂ©tais avec ma fille qui allait se coucher. En regardant par la lucarne de sa chambre, je lâai aperçu : il sortait dâun chemin de terre, il est passĂ© devant les poubelles et il est reparti. Il Ă©tait calme et paraissait serein, raconte la quadragĂ©naire. Ăa nâa durĂ© que quelques secondes, mais jâĂ©tais super heureuse. »
« Muloter » DerniĂšre apparition en date, le 13 juillet, chez un agriculteur qui ra contait au TĂ©lĂ©gramme avoir rĂ©ussi Ă le photographier Ă LannĂ©anou, au sud-est de Morlaix. Un clichĂ© Ă©tudiĂ© par lâOFB qui confirme quâil sâagit bien dâun loup, sans pour autant faire un lien avec celui de Berrien. Entre temps, un autre cultivateur avait Ă©galement contactĂ© Emma nuel Holder pour lui faire part de son tĂ©moignage. « Il aurait vu un animal âmuloterâ dans un de ses champs. Une technique de chasse quâutilisent les renards, mais pas les chiens. Ce qui laisse penser, vu la description de lâindividu, que câĂ©tait sans doute un loup. »
Sâil se sent peinard et sâil a de quoi manger, il va rester »
Reste une question, sans doute la principale, oĂč est-il aujourdâhui ?
De quoi imaginer, Ă plus ou moins long terme, une installation durable du canidĂ© en Bretagne ? En plus dâavoir de la gueule (« ce retour «
DOSSIER tĂ©moigne celle qui a dâabord pensĂ© Ă ses bĂȘtes. Si son troupeau Ă©tait alors Ă lâabri, câest pour ses poules quâelle a eu peur. « Mais le loup nâa pas pipĂ© mot. Il Ă©tait calme et marchait tranquillement. Il a traversĂ© en diagonale, avant de disparaĂźtre. Au fond du terrain, jâai un cabanon avec deux cochons mais lorsque jâai Ă©tĂ© les voir, ils dormaient calmement dans la paille... »
Bikini 28 septembre-octobre 2022 #58
« Un retour du sauvage »
MĂȘme sâil faut souligner que câest un animal trĂšs plastique dans son comportement. Il est susceptible de tolĂ©rer des milieux trĂšs anthropisĂ©s. Un loup Ă proximitĂ© dâune ville dans une grande plaine cĂ©rĂ©aliĂšre, ce nâest pas du tout une aberration. »


du sauvage renforce lâĂ©merveillement quâon peut avoir Ă se promener dans la nature. Quand tu es dans une forĂȘt oĂč tu sais quâil y a un loup, cela prend toute de suite une autre dimension », juge Emmanuel Holder), cela ne serait finalement quâun juste retour des choses. Car si le loup apparaĂźt aujourdâhui comme un animal exotique, pour ne pas dire mythologique, il faisait pourtant hier partie du paysage. Vers 1800, sa population Ă©tait estimĂ©e Ă 600 dans les cinq dĂ©partements de la Bretagne historique, dont prĂšs de 300 rien que pour le FinistĂšre grĂące Ă ses nombreuses surfaces de landes et de bois. Avant quâil ne disparaisse. « Depuis le Moyen Ăge, le loup est un animal diabolisĂ©. On lâa accusĂ© de nombreux maux, comme le fait dâavoir propagĂ© la rage par exemple, alors quâon sait que les chiens et les renards Ă©taient tout autant responsables », Ă©claire Delphine Toudic, directrice du musĂ©e du loup au CloĂźtre-SaintThĂ©gonnec (unique Ă©tablissement consacrĂ© Ă cet animal en France). On craignait aussi quâil ne sâattaque aux
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Parmi les premiĂšres missions du lieu : corriger les problĂšmes de comporte ment (stress, ennuiâŠ) liĂ©s Ă la cap tivitĂ©. « Le but est Ă©galement quâils crĂ©ent des liens entre eux et quâils se dĂ©simprĂšgnent de lâHomme. Moins on a de contact avec eux, mieux câest », insiste Willy pour qui « des loups Ă lâĂ©tat sauvage en Bretagne devraient ĂȘtre quelque chose de normal. Il nây a pas Ă sâen inquiĂ©ter. Ils ne seront jamais en surpopulation : les meutes sâadaptent Ă la ressource alimentaire prĂ©sente sur leur territoire ». « Esprit de protection » Un discours qui fait tiquer certains Ă©leveurs. Si une partie dâentre eux ne sont pas du tout prĂ©occupĂ©s par ce come-back (Ă lâimage de Marie MĂ©nager Ă PlounĂ©our-Menez malgrĂ© ses 47 chĂšvres en semi-libertĂ© : « Tant quâil nây a pas dâattaques sur les bĂȘtes, pourquoi est-ce que jâaurais peur ? Ce sont davantage des chiens errants dont il faut se mĂ©fier. On verra en temps voulu »), dâautres en revanche prĂ©fĂšrent anticiper.
« Game of Thrones » Jusquâau 4 mai dernier, les seuls loups connus dans la rĂ©gion se trouvaient en captivitĂ©. Parmi les principaux lieux, le domaine de Menez Meur Ă Hanvec, dans le centre-FinistĂšre, oĂč vivent actuellement quatre individus (« le jour de la vidĂ©o, jâavais dâailleurs appelĂ© lâĂ©quipe du domaine pour savoir si elle les avait tous bien », glisse le naturaliste de Bretagne Vivante). Une prĂ©sence avant tout due Ă un concours de circonstances. « En 1990, les services de lâĂtat avaient rĂ©cupĂ©rĂ© un loup chez un particulier qui nâavait pas dâautori sation. Ils cherchaient un lieu pour lâaccueillir, retrace Thibaut Thierry, directeur du dĂ©veloppement du Parc naturel rĂ©gional dâArmorique, chargĂ© du domaine de Menez Meur. Pour des raisons dâhistoire du loup dans le FinistĂšre, de pĂ©dagogie auprĂšs du public et aussi dâattractivitĂ© du domaine, les Ă©lus de lâĂ©poque ont souhaitĂ© en faire venir dâautres pour constituer une meute. Depuis, les effectifs ont Ă©voluĂ© : il y a eu des mor talitĂ©s naturelles, des naissancesâŠ
DOSSIER troupeaux, ainsi quâaux hommes â Ă tort, car câest un animal plutĂŽt craintif. On va alors encourager son abatage. Des primes sont mĂȘme versĂ©es Ă ceux qui les tuent. » La derniĂšre de ces bourses est ainsi attribuĂ©e en 1891 Ă Milizac, dans le nord-FinistĂšre. Dâautres phĂ©no mĂšnes, comme la diminution des forĂȘts et le dĂ©frichage de la lande expliquent aussi sa disparition. « Câest pourtant un animal qui a marquĂ© la rĂ©gion et qui fait partie de son patrimoine », poursuit Delphine Toudic. Que ce soit dans la toponymie (en tĂ©moignent les nombreux lieuxdits nommĂ©s âbleizâ, loup en breton), les armoiries (un paquet de blasons de communes et de familles utilisent la figure du loup), ainsi que dans les lĂ©gendes populaires ou religieuses (plusieurs saints bretons ont le loup comme emblĂšme : saints ThĂ©gonnec, Malo, Tujan, Brieg, Ronan, HervĂ©âŠ).
30 septembre-octobre 2022 #58
Pour aujourdâhui compter un mĂąle et trois femelles. »
« Depuis Game of Thrones, il y a une explosion des hybridations. Les croisements sont pourtant interdits, mais il y a pas mal de trafics, fait savoir Willy Bigot, fondateur en 2006 de ce refuge qui sâĂ©tend sur plus de 30 hectares. Les individus prĂ©sents ici proviennent soit de saisies suite Ă des dĂ©tentions illĂ©gales, soit il sâagit dâanciens animaux du spectacle. »
Ă LescouĂ«t-Gouarec, Ă la frontiĂšre entre les CĂŽtes dâArmor et le Morbi han, le refuge de Coat-Fur accueille quant Ă lui 17 canidĂ©s : dix loups, six hybrides de loups avec des croisements de sous-espĂšces et un hybride loupchien.
La question nâest pas dâĂȘtre pour ou contre le loup... »

Parmi les outils privilĂ©giĂ©s par Kristen : un patou, un chien protĂ©geant le trou peau. « Câest actuellement la meilleure option, mais cela prend deux Ă trois ans avant que le chien ne soit opĂ©rationnel. VoilĂ pourquoi il faut que les Ă©leveurs entament une rĂ©flexion dĂšs Ă prĂ©sent. »
Des problĂ©matiques que comprend Emmanuel Holder. « Je me mets Ă la place dâun berger : je nâai pas forcĂ©ment envie de voir ma vie chamboulĂ©e par lâarrivĂ©e dâun bestiau, mais des solu tions existent. » AutorisĂ©s uniquement sur dĂ©cision prĂ©fectorale (le loup Ă©tant une espĂšce protĂ©gĂ©e), les âtirs de prĂ© lĂšvementâ peuvent-ils ĂȘtre une bonne idĂ©e ? Pas des masses, rĂ©pondent nos naturalistes. « Les tirs de dĂ©fense se font en dĂ©pit de la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger efficacement les troupeaux. Tout comme dâautres dispositifs : si on subventionne des filets dâune hauteur de 80 cm par exemple, alors quâun loup peut sauter au-dessus, ça ne sert Ă rien, juge Philippe Defernez, du Groupe mammalogique breton, pour qui seul le facteur humain conditionnera lâavenir du loup. Ce sont les dĂ©cisions politiques et les compor tements de lâHomme qui perturbent son implantation. La gestion française permet lâabattage Ă une Ă©chelle qui est peu compatible avec un vĂ©ritable esprit de protection. »
Câest le cas de Kristen Bodros, Ă©leveur de 90 brebis en bio, Ă LandĂ©baĂ«ron, prĂšs de Guingamp . En novembre 2021, ce membre actif de la ConfĂ©dĂ©ration Paysanne des CĂŽtes dâArmor avait orga nisĂ© une formation pour se prĂ©munir du retour du loup en BZH. « LâidĂ©e Ă©tait de mieux comprendre les enjeux en termes de prĂ©dation et de prĂ©senter les dispositifs mis en place dans dâautres rĂ©gions. La question nâest pas dâĂȘtre pour ou contre le loup, mais comment on fait avec. Car cela va perturber notre travail et nos conduites dâĂ©levage. »
Julien Marchand
Bikini 31


Dans la foulĂ©e, je retrouvais LĂ©o, le batteur, pour des vacances. Il mâa dit quâil voulait arrĂȘter. On sâĂ©tait fait la promesse que si lâun de nous partait, câĂ©tait la fin des Madcaps. »
« Un groupe, câest comme un couple, confirme Thomas Dahyot, ancien leader des Madcaps. On sâest uni parce quâon sâaimait et parce quâon croyait en un avenir ensemble. Et quand survient la rupture, pour ne pas que ça parte en Ă©clats, il faut savoir agir avec intelligence et respect. Se dire quâon sâapprĂ©cie encore mais quâon nâest plus amoureux. »
COMMENT (BIEN) FINIR UN GROUPE 32 septembre-octobre 2022 #58
Une union tacite cĂ©lĂ©brĂ©e dans un studio de musique, autour dâun projet quâon espĂšre amener loin, trĂšs loin, jusque sur les plus grandes scĂšnes et en tĂȘte de gondole des disquaires. Mais tout le monde nâest pas les Rol ling Stones, Ă durer ensemble jusque prĂšs de 80 ans. AprĂšs un temps plus ou moins long, il faut gĂ©nĂ©ralement savoir dire stop.
Ce mĂȘme accord tacite entre musi ciens-copains a liĂ© pendant 18 ans les membres de Craftmen Club. Pour les Guingampais qui avaient DES RĂPĂTITIONS, DES ENREGISTREMENTS, DES MOMENTS FORTS SUR SCĂNE, ET PUIS PARFOIS LES GALĂRES, LA ROUTINE⊠JUSQUâĂ DĂCIDER DâARRĂTER. CONCERNĂS, DES MUSICIENS RACONTENT CETTE FIN DâAVENTURE.
La fameuse fin dâOasis sur une derniĂšre mĂ©ga engueulade entre les frĂšres Gallagher dans les coulisses de Rock en ScĂšne le 28 aoĂ»t 2009 nâest pas vraiment la norme. Bien plus souvent, un groupe acte sa fin dans le calme et lâintimitĂ©. « Un jour de rĂ©pĂ©tition, câest un sujet quâon a mis sur la table, presque comme un autre. On sâest dit : âOn est fiers de ce quâon a fait jusquâĂ prĂ©sent. Si ça devait sâarrĂȘter, il faudrait prendre la dĂ©cision ensembleâ », tĂ©moigne ThĂ©o RadiĂšre des Nantais de Von Pariahs, dont lâaventure sâest arrĂȘtĂ©e en juin dernier. Pour les Madcaps, « la fin sâest actĂ©e en deux temps, retrace Thomas. En 2018, Ă lâissue dâune bouffe entre nous, jâai mis les pieds dans le plat : âDes musiciens qui ne jouent plus, un disque qui met du temps Ă venir, câest un groupe qui sâarrĂȘte.â Chaque rĂ©pĂ©tition devenait plus laborieuse, mais on nâĂ©tait pas encore prĂȘts Ă sâavouer que câĂ©tait fini. On a conti nuĂ© quelques mois de plus. Jusquâau concert de trop en fĂ©vrier 2019, Ă La Grange Ă Musique Ă Creil. Lâaccueil Ă©tait super, le public aussi, tout Ă©tait rĂ©uni pour que ça roule mais⊠il ne sâest rien passĂ© entre nous. On a fait le concert comme on va au boulot.
RĂCEMMENT
DOSSIER la vie, Ă la mort. Il en va de lâexistence dâun groupe comme de celle dâun couple uni par les liens du mariage. Pour le meilleur et pour le pire, les succĂšs et les emmer dements, un disque bien notĂ© dans une revue qui compte et ce putain de fourgon rempli de matos en panne sur une aire de repos. Ce sont des liens dâamour fraternel qui se jouent. On sâengage Ă tout vivre ensemble, les joies et les peines.
ACTER LA SĂPARATION

« On finissait par tourner un peu en rond, poursuit lâex-membre de Craftmen Club. Ă mesure des annĂ©es, lâenthou siasme Ă©tait redescendu. Le rock avait moins la cote, les programmateurs don naient lâimpression de nous tourner le dos. On se prenait la tĂȘte Ă faire des supers albums pour au final les dĂ©fendre sur une dizaine de dates. Ăa use. » Une dĂ©convenue que Yann a doublement connue, avec lâarrĂȘt de Thomas Howard Memorial, son autre groupe, quelques mois aprĂšs. « LĂ ce qui nous a achevĂ©s, MichĂ©aBrice
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fait leurs dĂ©buts en 2000, la rupture a Ă©tĂ© consommĂ©e Ă domicile le 12 mai 2018 au stade de Roudourou. « Pour fĂȘter la fin de saison, le club nous avait conviĂ© Ă une soirĂ©e oĂč on partageait lâaffiche avec Boney M et un gars qui chantait la Macarena⊠Ăa partait dâune bonne intention mais ça a Ă©tĂ© le concert de trop. On avait lâimpression de devenir des bĂȘtes de foire », se rappelle Yann Ollivier, le batteur. SANS REGRET
FINIR


Le fait que les Madcaps devenaient moins le projet central de chacun des membres du groupe a Ă©galement contribuĂ© Ă sa fin, analyse Thomas : « Des chemins sâĂ©cartent. Musica lement, on nâĂ©tait plus sur la mĂȘme longueur dâonde. Pour contenter tout le monde, ça aboutissait Ă un consensus mou. RĂ©sultat : moins de hargne sur scĂšne. Dâautant que notre dernier tourneur nous a fait des faux plans avec des dates pĂ©raves et des bornes pour rien. Je suis prof Ă cĂŽtĂ©, toutes mes vacances y passaient. Un moment tu te dis : âĂ quoi bon ?â »
DOSSIER
« Certains groupes arrĂȘtent parfois sans rien dire ni faire, de mort natu relle, observe Tom Picton, boss de Howlinâ Banana, le label de Combo matix et des Madcaps. Notre rĂŽle est dâaccompagner les groupes jusquâau bout et on a quand mĂȘme tendance Ă conseiller le dernier baroud sur scĂšne, pour boucler la boucle plus proprement. Dans notre cas, les en jeux financiers ne sont pas Ă©normes mais lâimpact est dâabord affectif. »
Tous les groupes interrogĂ©s dans le cadre de cette enquĂȘte ont dĂ©cidĂ© dâen finir sur scĂšne. Dans le cas de Mansfield.TYA, ce sera le 1er no vembre dans un Olympia de Paris rempli Ă ras bord. Pour les autres, « Un dernier concert, des joyeuses funĂ©railles »
OppermannSoliotopoulosĂlĂ©onore 34 septembre-octobre 2022 #58
PRĂVENIR LâENTOURAGE ET LES FANS
Pour les Von Pariahs aussi, la pandĂ© mie a Ă©tĂ© fatale. « Ăa nous a coupĂ© les pattes, confirme Sam Sprent, le chanteur de la formation nantaise. Faut dire aussi quâon avait dĂ©passĂ© la trentaine, avec des enfants pour certains dâentre nous, des projets parallĂšles mis en sommeil qui ont peut-ĂȘtre ressurgi pendant la pĂ©riode de confinement⊠Petit Ă petit, on sâest aperçus que ça devenait compliquĂ© de trouver des crĂ©neaux pour rĂ©pĂ©ter. »
câest clairement le Covid. On sort un album le 31 janvier 2020 et avec ce foutu virus on nâa jamais pu le jouer sur scĂšne. DĂ©jĂ quâavant câĂ©tait com pliquĂ©, là ça devenait impossibleâŠÂ »
Lorsque Rosaire sâest arrĂȘtĂ© de tourner aprĂšs 2019, câest de temps pour les Ă©tudes que ses membres ont manquĂ©, reconnaĂźt Guirec Feuvrier, le bassiste : « Je voulais poursuivre les cours, parce que faut ĂȘtre hon nĂȘte, on gagne rarement sa vie de la musique. Quand lâannĂ©e dâavant on sort lâalbum Crystal Eyes et quâon est invitĂ© Ă jouer Ă domicile pour Art Rock, on a vite captĂ© quâon avait atteint un plafond de verre. On a kiffĂ© mais y a un temps pour tout. »
Une fois prise la dĂ©cision dâarrĂȘter, reste Ă en informer les suiveurs. Une Ă©tape facile de prime abord, mais pas forcĂ©ment selon Guirec : « Inconsciemment, on avait du mal Ă lâexprimer je crois. Pendant quasi deux ans notre page Facebook est restĂ©e sans nouvelle. Comment dire au-revoir ? On ne savait pas comment faire. » Encore plus long, le groupe de garage rennais Combomatix a mis six ans Ă se dĂ©cider dâannoncer sa fin dĂ©finitive ! Dans lâintervalle, Charles Samson le guitariste-chanteur a montĂ© un projet parallĂšle nommĂ© Bikini Gorge, tandis que Yann Le Corre, son compĂšre batteur, sâĂ©tait Ă©loignĂ© des fĂ»ts. « Chacun traçait sa route mais il fallait clarifier la chose. Donner Ă cette fin un aspect âjoyeuses funĂ©raillesâ. Câest ainsi que nous est venue lâidĂ©e dâun dernier concert. »
CHOISIR SES ADIEUX
Pour Joran Le Corre, coresponsable de Wart, la structure morlaisienne qui accompagne Mansfield.TYA jusquâĂ sa fin programmĂ©e Ă lâautomne, les rĂ©percussions sont en revanche plus importantes. « Câest lâune des tĂȘtes de pont de notre catalogue. Il y aura un manque Ă gagner, câest sĂ»r. En attendant, elles nous font un beau cadeau dâadieu. » Avec une derniĂšre tournĂ©e triomphale pour accompa gner le dernier album de Julia LanoĂ« et Carla Pallone paru en 2021.


FuhrmannJayh
lâaventure est dĂ©jĂ terminĂ©e. Depuis le 28 octobre 2018 et une derniĂšre date au Vauban Ă Brest pour Craftmen Club. Depuis le 20 septembre 2019 et un ultime concert au CafĂ© de la Danse Ă Paris pour The Madcaps (prĂ©cĂ©dĂ© de premiers adieux au public rennais au 1988 Club le 14 juin de la mĂȘme annĂ©e).
Depuis le 3 juin dernier au off dâArt Rock pour Rosaire. Depuis le 15 juin et un triomphe Ă domicile au Stereo lux de Nantes pour les Von Pariahs. Et depuis le 9 juillet pour Combomatix, qui a dĂ©cidĂ© dâorganiser un ultime set au bar-concert rennais Le Melody Maker, oĂč le duo a jouĂ© plusieurs fois par le passĂ©. « CâĂ©tait complĂ©ment cohĂ©rent de finir lĂ -bas, estime Charles. Dâautant que le bar change de propriĂ© taire. On a Ă©tĂ© les derniers Ă y jouer avec lâancienne Ă©quipe en place avec qui on avait de forts liens. »
Le choix du lieu pour lâultime concert est dâailleurs important car gĂ©nĂ©rale ment hautement symbolique. Autre exemple avec Craftmen Club qui en a fini dans cette salle du Vauban que le groupe connaĂźt bien. « Au fil des ans, on avait nouĂ© un fort lien de complicitĂ© avec le public brestois », note Yann. Preuve que Guingampais et Brestois, hors football, peuvent sâentendre.
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Pour Guirec en revanche, lâaprĂšsRosaire devrait sâinscrire loin dâune scĂšne. Sans regret. « AprĂšs le dernier concert, jâai parlĂ© Ă ma basse et je lui ai dit : âToi ma vieille, tu prends ta retraite !â Je ne me suis jamais senti artiste dans lâĂąme. Pour moi câĂ©tait le groupe dâune vie. » ArrĂȘter la musique a Ă©galement tra versĂ© lâesprit de Thomas, pour qui lâaprĂšs Madcaps sâest avĂ©rĂ© compli quĂ©, avant de repartir en solo depuis un an sous le nom dâartiste Pepper White. « Jâai mis des mois Ă mâen remettre tellement jâĂ©tais anĂ©anti. Des soirĂ©es entiĂšres, je regardais dâanciennes photos, les itinĂ©raires de tournĂ©e⊠Jâai ressassĂ© cette vie magique dont on ne prend conscience quâune fois passĂ©e : monter sur scĂšne avec ses meilleurs potes et se faire porter par la foule. Sans les Mad caps, ça me semblait inconcevable de continuer. Et puis je me suis remis Ă Ă©crire et Ă composer. Câest plus fort que moi, comme une thĂ©rapie. Finalement, finir un groupe, câest douloureux mais on sâen remet. La vie continue. » RĂ©gis DelanoĂ« Mansfield.TYA : le 27 octobre Ă La CarĂšne Ă Brest « Depuis le dĂ©but de la tournĂ©e, lâĂ©motion monte »
DOSSIER GĂRER LâĂMOTION
PlantardSylvain 36 septembre-octobre 2022 #58
Ces derniers moments passĂ©s en semble et avec le public sâavĂšrent particuliers, forcĂ©ment. « Câest un moment Ă©trange, le temps est sus pendu, tu vois ta vie qui dĂ©file. 18 ans, putain⊠La salle Ă©tait blindĂ©e, on a rejouĂ© des vieux morceaux sans se rater, câĂ©tait une belle derniĂšre », poursuit le batteur de Craftmen Club. Pas facile de jouer de la guitare avec les mains qui tremblent un peu plus que dâordinaire, reconnaĂźt Thomas des Madcaps : « Au 88 Club, on a Ă©tirĂ© le set au max, 1 heure 45 et plusieurs rappels. Jâai bien pris le temps de regarder les visages face Ă moi : les copains et la famille venus en nombre, mĂȘme dâanciens Ă©lĂšves ! Le son Ă©tait un peu dĂ©gueu, jâai jouĂ© au milieu dâune marĂ©e de cĂąbles, câĂ©tait pas les conditions idĂ©ales mais câest pas grave, câĂ©tait gĂ©nial. »
Charles, de Combomatix, est dĂ©jĂ tournĂ© lui aussi vers un nouveau projet de groupe nommĂ© Chris Pal. Du cĂŽtĂ© des ex-Von Pariahs, si certains membres ont dĂ©cidĂ© de se mettre en retrait de la musique, ThĂ©o et Sam poursuivent leur col laboration avec un projet futur Ă deux qui a pour nom Robock. Les Mansfield.TYA ne manquent pas non plus dâenvies dâautres choses, dâaprĂšs leur tourneur Joran : « Julia devrait continuer dans lâĂ©lectro et Carla plus dans du baroque et de la musique de film. »
Pour gĂ©rer lâĂ©motion, ThĂ©o des Von Pariahs a choisi de dĂ©dramatiser le moment. « Ă aucun moment on sâest dit que câĂ©tait la derniĂšre. On a fait le job, mais avec ce petit plus dâĂ©nergie apportĂ© par les potes, les gens du label, les proches⊠Ma fille de 3 ans a pu me voir jouer avec le groupe pour la premiĂšre et la derniĂšre fois. Et ça, câest cool. » Joran redoute dĂ©jĂ les adieux Ă venir de Mansfield.TYA, tapi dans lâombre de lâOlympia. « On les suit depuis quinze ans. On sâaime tellement, je sais pas comment je vais gĂ©rer ça. LĂ dĂ©jĂ depuis le dĂ©but de la tournĂ©e, je sens que lâĂ©motion monteâŠÂ »
AprĂšs Craftmen Club et Thomas Howard Memorial, Yann poursuit en solo avec son projet Pandapendu.
PRĂPARER LâAPRĂS Une fois le dernier concert bouclĂ©, une fois le matos rangĂ©, que faire ? « Câest une petite mort et franchement câest pas facile, avoue Yann. Mais logiquement si tâas bien gĂ©rĂ© ta fin de groupe, ça le fait. Humainement dĂ©jĂ , on sâentend tous encore trĂšs bien, peut-ĂȘtre justement parce quâon a su arrĂȘter Ă temps pour rester potes. »


JEU COLLECTIF 38 septembre-octobre 2022 #58
RDV FORMATION TENTACULAIRE, CAROLINE CULTIVE LâESPRIT DE TROUPE QUI LâANIME DEPUIS SES DĂBUTS
UN POST-ROCK DĂLICAT ET EXALTANT. lâheure oĂč la majo ritĂ© des groupes de musique sâarticulent autour de trois ou quatre membres, il est toujours surprenant de voir dĂ©bouler une formation copieusement garnie. Câest le cas de caroline. Un collectif Ă huit tĂȘtes qui sâest formĂ© entre Manchester et Londres, la capitale britannique apparaissant actuellement comme un terreau idĂ©al aux groupes plĂ©tho riques (Black Country, New Road et ses sept membres, ou encore Blue Bendy et ses six musiciens).
Une envie de la jouer collectif qui guide caroline depuis ses dĂ©buts en 2017. « La plupart dâentre nous Ă©tions dĂ©jĂ amis avant de monter ce projet. Mike, Hugh et moi jouons de la musique ensemble depuis notre adolescence. Casper et Freddy se connaissent depuis lâenfance. Et une partir dâentre nous se sont rencontrĂ©s Ă lâUniversitĂ© de Man chester », rembobine Jasper, Ă la fois guitariste, violoncelliste, batteur et Cetchanteur.esprit de groupe, sans dâautres idĂ©es que de se faire plaisir (« nous nâavons jamais vraiment eu dâambi tion, assure Jasper, nous voulions juste faire des morceaux que nous aimions »), sâest rapidement concrĂ©tisĂ© par des sessions dâim provisation collective. Un mode de crĂ©ation toujours prisĂ© par la formation. « Nous nous rĂ©unis sons encore pour travailler de cette façon. Cela permet dâexpĂ©rimenter et de gĂ©nĂ©rer des idĂ©es. Cette spon tanĂ©itĂ© est excitante. Quand vous vous synchronisez soudainement sur quelque chose tous ensemble, câest un sentiment vraiment unique, poursuit Mike, guitariste. En dĂ© but dâannĂ©e, nous avons dâailleurs rĂ©alisĂ© une performance publique : une improvisation de cinq heures durant laquelle dâautres amis nous ont rejoints. » Le collectif, encore et Câesttoujours.surle label Rough Trade quâest sorti, en fĂ©vrier 2022, leur premier album Ă©ponyme. Un disque oscillant entre post-rock et ambient folk sur lequel le groupe sâest fait aider par John Murphy, lâingĂ© son des Dublinois de Lankum, actuels chefs de file de la scĂšne nĂ©o-trad irlandaise. Pas vraiment un hasard, fait savoir Mike. « Nous Ă©tions fans du son de leur dernier album (The Livelong Day, sorti fin 2019, aussi
POUR DĂVELOPPER


PulmanDouglas
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Lankum et caroline sont des groupes trĂšs diffĂ©rents mais il y a quelque chose de trĂšs âbourdonnantâ dans leur musique quâon retrouve Ă©ga lement dans la nĂŽtre. »
Une vibration qui donne corps aux principales piĂšces et longues plages de lâalbum : Dark Blue, IWR, Skydiving onto the library roof⊠Des morceaux aux Ă©motions contrastĂ©es, pouvant tout autant illustrer le chaos que la rĂ©surrection. Des titres « parfois plein dâespoir, parfois non », indique Jasper qui ne souhaite pas « prĂ©dĂ©terminer les Ă©motions que chacun peut res sentir ». Casper, second guitariste, thĂ©orise davantage : « Nous essayons, consciemment ou inconsciemment, de trouver une forme musicale qui ait un sens avec ce que ressentons. Le confi nement et ses consĂ©quences, ainsi que des mouvements comme Black Lives Matter ont eu un impact. Cela a Ă©tĂ© une rupture importante. Les tensions actuelles, les crises Ă©conomiques, poli tiques et climatiques que nous traver sons nous questionnent. Cela nourrit nos instincts de crĂ©ation. »
chez Rough Trade) quâil a produit et enregistrĂ©.
Julien Marchand Le 9 novembre aux IndisciplinĂ©es Ă Lorient Le 10 novembre Ă lâAntipode Ă Rennes


« Ce morceau est tirĂ© dâune expres sion rĂ©unionnaise, mais câest aussi une rĂ©fĂ©rence au titre Donna Lee de Charlie Parker. » Brice Miclet Sortie le 16 septembre
GaumontetVoodooDino:Photos
UNE MUSIQUE Ă
40 septembre-octobre 2022 #58 RDV LA COMPILATION « REBIRTH OF JAZZ » SOULIGNE LES LIENS HISTORIQUES ET MĂCONNUS
QUE LORIENT A ENTRETENUS AVEC LE JAZZ. QUI LA VILLE DOIT, EN PARTIE, SA RECONSTRUCTION. n jour, un type est rentrĂ© dans Corner Records, le magasin de disques de Julien Lo Bono, Ă Lorient, se souvient Emma nuel Le Priol. Il disait que la ville Ă©tait merdique, quâĂ part le rock celtique, les gens ne connaissaient rien Ă la musique. On a dĂ©cidĂ© de prouver quâil avait tort. » Voici le point de dĂ©part de la compilation Rebirth Of Jazz, Ă©laborĂ©e par les deux garçons, fondateurs du label local Rebirth Of Wax. Un hommage Ă une histoire mĂ©connue, celle de lâun des tout premiers clubs de jazz de Paris. En 1946, Lorient se remet des terrib les bombardements qui ont rĂ©duit plusieurs quartiers de la ville Ă lâĂ©tat de gravats. Ă Paris, une famille de Bretons, les PĂ©rodo, dĂ©cide dâouvrir un lieu dĂ©diĂ© au jazz dans le 5e ar rondissement, premiĂšre « cave Ă zazous » du pays, et dâenvoyer les bĂ©nĂ©fices en Bretagne pour Ćuvrer Ă la reconstruction de la ville. Son nom : Le Caveau des Lorien tais. Ouvert le 17 avril 1946, on y croise Boris Vian, Juliette GrĂ©co, Tyree Glenn, Jean-Paul Sartre⊠Le tout Paris branchĂ© jusquâĂ lâos sây retrouve pour danser le lindy hop. FermĂ© pour des questions de sĂ©cu ritĂ©, Le Caveau des Lorientais aura Ă peine existĂ© deux ans, et sombrera peu Ă peu dans lâoubli. « Une histoire sur laquelle nous sommes tombĂ©s par hasard, retrace Emmanuel Le Priol. Quand on la racontait Ă nos amis, ils trouvaient cela fascinant. Alors, lâidĂ©e nous est venue de faire appel Ă des musiciens ayant un lien avec Lorient, hors de lâesthĂ©tique celtique, et de compi ler certains de leurs morceaux rares. Et ainsi de montrer que Lorient a un lien profond avec le jazz, que lâexpression âLoriengelesâ, que lâon employait dans nos annĂ©es hip-hop, est toujours dâactualitĂ©. »
LA PUISSANCE DU PORT DU JAZZ
Parmi les invitĂ©s : Philippe de Lac roix-Herpin, musicien phare de la scĂšne rennaise des annĂ©es 1980, Lo rientais dâorigine, et dont les titres La Dense Danse, en duo avec son compĂšre Daniel Paboeuf, et surtout Donnâ A Li Baba ! sont ici prĂ©sents.



« Max Richter, Nils Frahm, Hans Zimmer, Philip Glass, Steve ReichâŠ, Ă©grĂšne-t-il. Je partage avec eux la quĂȘte de la musique entĂȘ tante et des boucles rĂ©pĂ©tĂ©es jusquâĂ la perfection. »
DR Quel est le point commun entre Soprano et Charlie Chaplin ? RĂ©ponse : Damien Fleau. Le compositeur malouin de 41 ans au CV bien rempli sâest vu confier la B.O du docu consacrĂ© au premier, et a collaborĂ© au spectacle musical de James ThierĂ©e, petit-fils du second. Lâancien Ă©lĂšve du conservatoire de Rennes est un habituĂ© des grands Ă©carts musicaux et des expĂ©riences en tous genres, lui qui a aussi fondĂ© son propre label (Laborie Jazz), montĂ© un quartet de jazz et travaillĂ© sur des musiques de pub. Mais sa grande passion reste la musique de film, spĂ©cialitĂ©s ambient et minimaliste.
R.D Le 10 sept. au Palais des Arts à Vannes Le 23 sept. à Baisers Volés à Saint-Malo
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LE MALOUIN DAMIEN FLEAU DĂVOILE SON PREMIER ALBUM, TOUT EN PIANO ET MINIMALISME.
Revenu Ă Saint-Malo il y a cinq ans aprĂšs pas mal dâannĂ©es sur Paris, Da mien se lance en solo avec un premier album composĂ© au piano et orchestrĂ© au synthĂ© (Breaking Waves, Ă paraĂźtre en novembre), ainsi que de premiĂšres dates oĂč il se distingue en jouant⊠dos au public. « Câest un choix artistique. On a beaucoup travaillĂ© la scĂ©nographie avec un ingĂ©nieur lumiĂšre et des jeux de fumĂ©e. LâidĂ©e, câest de permettre au public de voir le travail sur les claviers et les machines. »


ET CâEST PAS
Le rock est mort, paraĂźt-il. Alors pour le ressusciter, Sir Greggo secoue bien fort et fonce dans le tas. Ce trio est nĂ© Ă Plougoulm, oĂč deux des membres du groupe, Charles et Ădouard, sont originaires et ont passĂ© leur confine ment. Câest lĂ -bas, en pays lĂ©onard, quâils ont rencontrĂ© le troisiĂšme lar ron, Fulup. « Il est flĂ»tiste, issu du rĂ©seau Diwan et des irish sessions. Ădouard et moi, on est plus de lâĂ©cole rock classique, avec plusieurs projets de groupes dans les pattes depuis le lycĂ©e, dont Abram », retrace Charles. Les trois avaient envie de fusionner leur musique ensemble, mĂȘlant la flĂ»te de lâun avec la batterie et la guitare-basse des deux autres. Rude tĂąche. « On a menĂ© un gros travail de recherche sur la flĂ»te branchĂ©e sur des amplis guitare, pour lui enlever un peu de sa couleur tradâ. » EnregistrĂ© au studio Streat ar Skol de SaintCadou, le premier album Ă©ponyme de Sir Greggo sorti en dĂ©but dâannĂ©e est un objet musical difficilement dĂ©finissable, quâon peut nĂ©anmoins classer au rayonnage de King Gizzard et de Oh Sees. « Câest une sorte de post-punk psychĂ© assez libre dans lâesthĂ©tique, synthĂ©tise Charles. On touche un peu Ă tous les styles. »
DR 42 septembre-octobre 2022 #58
JON TONIC Il y a plus de 20 ans dĂ©jĂ , sĂ©vissait Jon Spencer avec son groupe dâavant, The Blues Explosion. RevoilĂ le lascar avec cette fois The Hitmakers, une bande de musiciens tout spĂ©cialement au service de son garage blues incendiaire qui ne fait pas dans la dentelle. One two three, viva la furie ! Le 3 novembre aux IndisciplinĂ©es Ă Lorient et le 4 aux Sons dâAutomne Ă Quessoy.
Ce qui marche : le disque et la soixantaine de concerts jouĂ©s depuis fin 2019 ont convaincu lâĂ©quipe dâHorizons (dispositif pilotĂ© par lâAntipode et Le Jardin Moderne) dâaccompagner le groupe dans son dĂ©veloppement. R.D Le 7 octobre Ă LâAntipode Ă Rennes SIR GREGGO PSYCHĂ, PUNK ET JAZZ. DU PIPEAU.
CoscarelliBob
FLĂTE ALORS ! LE TRIO FINISTĂRIEN
RDV
MIEL POPS
Trois ans aprĂšs son premier album, Miel de Montagne revient avec Tout autour de nous. Un disque de pop espiĂšgle qui rappelle Flavien Berger ou encore Jacques (avec qui il partage dâailleurs le titre Le Tuto). Le 23 septembre au 6PAR4 Ă Laval, le 11 novembre aux Rendez-Vous Soniques Ă Saint-LĂŽ et le 3 dĂ©cembre Ă La CarĂšne Ă Brest.
FUSIONNE




SignĂ© sur le label rennais indĂ© Para pente, S8jfou dĂ©cline Ă©galement son art en live. Avec lâartiste designer Simon Lazarus, il bĂątit une colla boration scĂ©nique en interaction avec leur discipline respective : « Le live, câest une autre recherche que lâalbum, confie-t-il. Celle du dia logue en rĂ©seau entre deux logiciels et deux machines qui ne sont pas initialement conçues pour cela. »
MUSIQUE DE DINGUE Budovitch 44 septembre-octobre 2022 #58
Le nĂ©o-PyrĂ©nĂ©en sây dĂ©tache de son album. Ici, la musique inspire lâimage et vice-et-versa. « Il y a toute une partie du live oĂč la ges tuelle de Simon et son tracĂ© vont produire une mĂ©lodie sur laquelle je lâaccompagne. Câest trĂšs percep tible visuellement. Parfois, câest lorsque je joue du clavier que des Ă©lĂ©ments visuels principaux vont se mouvoir, et jâen profite aussi en changeant mon jeu en consĂ©quence, ou en crĂ©ant volontairement des âglitchs â dans le son pour voir comment les images vont rĂ©agir. »
Les influences dâAphex Twin ou de Nicolas Jaar, musicales ou conceptuelles, sont limpides, fai sant de S8jfou un artiste connu des connaisseurs, aimĂ© des amateurs.
ĂLECTRONIQUE ET ATYPIQUE, LE NANTAIS S8JFOU SORT SON NOUVEL ALBUM EN CETTE RENTRĂE. UN DISQUE ACCOMPAGNĂ DâUN LIVE HYPNOTIQUE MĂLANT MUSIQUE ET DESIGN.
l nây a pas si longtemps, S8jfou (Ă prononcer âsuis-je fouâ) Ă©tait du genre Ă Â vaga bonder dans Nantes, Ă y graffer son blase et Ă se mĂȘler Ă la faune underground de la capitale ligĂ©rienne. Mais, mĂȘme grande, la ville lui semblait trop Ă©troite. Il a fini par sâen aller, par se fondre dans la campagne pyrĂ©nĂ©enne ou il a construit, seul, sa propre mai son, pour mieux se concentrer sur sa Sesmusique.deuxpremiers albums, Ă savoir Constr8re Sa Maison en 2016 puis Too Much Humans en 2019, sont, comme leur nom lâindique, empreints de cette volontĂ© de fuite et de tranquillitĂ© crĂ©atrice.
Comme une soif dâexpĂ©rimenta tion. Brice Miclet
Le 8 octobre Ă lâAntipode Ă Rennes dans le cadre du festival Maintenant
Pour ce nouvel album, Op.Echo, S8jfou sâest fixĂ© des contraintes, des barriĂšres crĂ©atrices. Il a dĂ©cidĂ© de nâutiliser que deux outils digi taux disponibles sur le logiciel de composition Ableton : le synthĂ© tiseur Operator et le delay Echo. Une nouvelle preuve de sa men talitĂ© âless is moreâ qui illustre quâavec peu, quâavec moins, on peut faire bien plus.
RDV
Le 9 septembre Ă Hydrophone Ă Lorient


GunterbergdeEnfantsLes 46 septembre-octobre 2022 #58 FOCUS

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Un moyen pour le garçon de re prendre, dâune certain façon, le flam beau familial. « Câest mon grand-pĂšre, Ădouard Le Bris, qui a créé la PAM en 1928. Et jâai longtemps habitĂ© audessus de lâimprimerie. Jâai usĂ© mes fonds de culotte Ă jouer dans les soussols au milieu des presses typo et de la linotype. »
Une liste longue et non exhaustive qui peut sembler fourre-tout, mais pas du tout, assure Antoine. « Toutes les personnes qui feront vivre le lieu par tagent des valeurs communes : lâenvie dâun monde plus juste qui passe par lâhumain, le local, la transition Ă©colo gique⊠Nous faisons tous le constat quâil y a des problĂ©matiques sociales et sociĂ©tales auxquelles nous voulons rĂ©pondre. Notre volontĂ©, câest dâimpri mer le futur. »
UNE NOUVELLE PAGE POUR LA PLUS ICONIQUE DES IMPRIMERIES BRESTOISES QUI, AU MILIEU DU 20E SIĂCLE, A CONNU UN ĂGE DâOR GRĂCE AUX ĂTIQUETTES DE BOUTEILLES DE VIN. Au cĆur du centre-ville de Brest, la PAM sâapprĂȘte Ă connaĂźtre une nouvelle vie. Fini les activitĂ©s dâim pression et de papeterie qui ont fait pendant 90 ans sa renommĂ©e, place dĂ©sormais Ă un tiers-lieu qui investit les 3 000 m2 du 16 rue Pasteur. Une structure aux contours mouvants portĂ©e par une diversitĂ© assumĂ©e dâac teurs. « Quand on rentrera, il y aura une boutique de produits Ă©thiques, une boulangerie⊠Ici, des bureaux et des espaces de coworking, une salle de danseâŠ, prĂ©sente Antoine Horel lou, un des porteurs de ce nouveau projet, qui nous fait la visite. LĂ -bas, un maraĂźcher, une librairie solidaire, un cabinet de conseil spĂ©cialisĂ© dans lâenvironnement⊠En bas, un âfood courtâ avec restaurants, bars, microbrasserieâŠÂ »
« IMPRIMER LE FUTUR » FERMĂE EN 2018, LA PAM RENAĂT DE SES CENDRES AVEC LâOUVERTURE DâUN TIERS-LIEU.

« Chaque annĂ©e, cela reprĂ©sentait des millions et des millions dâĂ©tiquettes, ce qui a contribuĂ© Ă lâĂąge dâor de la PAM jusque dans les annĂ©es 1970 », souligne GrĂ©gory Le Bris. ĂGE DâOR Des machines qui pendant prĂšs dâun siĂšcle ont tournĂ© Ă pleine balle. Dâabord rue Vauban, puis Ă Morlaix durant la Seconde Guerre mondiale (câest lĂ dâoĂč vient le âMâ de PAM : Presse Armoricaine Morlaisienne), avant de revenir dans la citĂ© du Ponant en 1955. Une Ă©poque oĂč le secteur de lâimprimerie Ă©tait alors important. « Au dĂ©but du 20e siĂšcle, cela reprĂ© sentait un million et demi de personnes en France. Nous Ă©tions sur une activitĂ© qui nâĂ©tait pas aussi automatisĂ©e quâau jourdâhui et qui avait un fort besoin de main dâĆuvre», situe GrĂ©gory Le Bris, autre petit-fils du fondateur, qui de 2000 Ă 2018 a dirigĂ© lâentreprise.
48 septembre-octobre 2022 #58
FOCUS VINS DU MAGHREB Si la PAM a rĂ©alisĂ© toutes sortes dâimpression (formulaires dâentre prises, affiches, brochures, fairepart), une production a marquĂ© son histoire : les Ă©tiquettes de produits alimentaires. Et en particulier celles des bouteilles de vin. Nous sommes dans les annĂ©es 1960 et les Bretons consomment alors de belles quantitĂ©s de rouquin (en moyenne, 130 litres par an et par habitant). Dans la rĂ©gion, des centaines de nĂ©gociants mettent en bouteille du vin en provenance du Maghreb (principalement AlgĂ©rie), acheminĂ© dans les ports bretons par des anciens pĂ©troliers transformĂ©s en pinardiers. Si le vin est souvent identique (car transportĂ© en vrac), seules les Ă©tiquettes diffĂšrent, chaque dĂ©bitant souhaitant avoir sa propre marque : Le Minaret, Vieille Kasbah, Sancho, Brennus, Royal AĂŻssa, Le CaĂŻd, Vin de la VĂ©nus, Le PachaâŠ
LucasM-M:Photos
ESTHĂTIQUE DE LA SIMPLICITĂ
Des Ă©tiquettes sur lesquelles sâest penchĂ©e Marie-MichĂšle Lucas, artiste et ancienne enseignante Ă lâĂ©cole des beaux-arts de Brest. « Elles Ă©taient rĂ©alisĂ©es par lithographie, un procĂ©dĂ© dâimpression sur pierre. Câest une tech nique oĂč on dessine directement sur le calcaire et oĂč on doit penser couleur par couleur. Tout ce travail Ă©tait fait Ă la main par les illustrateurs de lâimpri merie. Il y a alors une codification qui se fait par la technique. Cela force une esthĂ©tique de la simplicitĂ©. Le dessin va Ă lâessentiel, il quitte le rĂ©alisme pour aller vers quelque chose dâefficace. »









MYTHE ORIENTALISTE
Julien Marchand 49
PATRIMOINE MĂSESTIMĂ
Parmi les principales caractĂ©ristiques de ces illustrations : les aplats de couleur, les encad rements, une prĂ©dominance du rouge et du noir (« pour les vins les moins onĂ©reux »), des Ă©critures dans lâair du temps (« la PAM pos sĂ©dait toutes les typos modernes : la Mistral, la Banco⊠»), une rĂ©utilisation de certains motifs (« un mĂȘme personnage pouvait se retrouver sur plusieurs Ă©tiquettes. Il y avait un art de lâassemblage et du montage »). Des visuels souvent axĂ©s sur « un mythe orientalis te magnifié », souligne GrĂ©gory Le Bris. « De nombreux ponts se font entre le Maghreb et la Bretagne, poursuit Marie-MichĂšle Lucas. On y mĂ©lange des Ă©lĂ©ments issus des deux territoi res : paysages, personnages, nomsâŠÂ » Avec quelques amusantes inventions, Ă lâimage de lâarabisante appellation âEl Laoumâ, simple inversion de âLe Moualâ, nom dâun nĂ©gociant en vin de la rĂ©gion.
Des visuels toujours conservĂ©s sur des âpierres de mĂ©moireâ dans les sous-sols de la PAM. On en compte prĂšs de 3 000. « Câest la deuxiĂšme plus grande collection en France aprĂšs les imageries dâĂpinal, fait savoir GrĂ© gory Le Bris qui estime que ce patrimoine reste mĂ©sestimĂ©. Car cela touche Ă la culture populaire. » Lors de la liquidation judiciaire de la PAM en 2018, ce fonds a dâailleurs failli disparaĂźtre. Avant dâĂȘtre sauvĂ© par lâassocia tion Les Enfants de Gutenberg. « Quand la PAM a fermĂ©, il Ă©tait impor tant de conserver des machines, des jeux de caractĂšres, et bien sĂ»r les pierres lithogra phiques. Nous avons rĂ©ussi Ă faire en sorte que cela passe au budget participatif de la ville. Aujourdâhui, ce fonds est la propriĂ©tĂ© de tous les Brestois, se rĂ©jouit Alain Corre, le prĂ©sident de lâassociation qui animera un âmusĂ©e vivant de lâimprimerieâ au sein du nouveau lieu. Un espace de crĂ©ation ouvert au grand public, aux scolaires, aux artistes⊠Lâobjectif est de redonner de lâintĂ©rĂȘt Ă la matiĂšre papier et aux diffĂ©rentes techniques dâimpression. »





Le 12/11 Ă lâAire Libre Ă St-Jacques Le 13/11 au SEW Ă Morlaix
VivierCamille FESTIVAL
Applaudies au Festival du Bout du Monde cet Ă©tĂ©, les sept BĂ©ninoises de Star Feminine Band (ĂągĂ©es de 11 Ă 18 ans) sont de retour en Bretagne. Lâoccasion pour la lumineuse formation afropop de cĂ©lĂ©brer la sortie de son nouvel album, sur le label Born Bad, en cette rentrĂ©e.
Rendez-vous incontournable pour sentir le pouls de la capitale bretonne, le festival Iâm from Rennes revient pour sa 11e Ă©dition. Parmi les groupes Ă lâaffiche cette annĂ©e : Gwendoline, Bops (photo), Combattants, Tchewsky & Wood, Söwe, MarchĂ© Noir, Bonnie⊠Du 8 au 17 septembre Ă Rennes
ONE SHOT
Le 29 octobre Ă La Nouvelle Vague Ă Saint-Malo
2022
IâM FROM RENNES
HERMAN DUNE AprÚs des années à bourlin guer avec son frÚre André, David Ivar assume désor mais en solo Herman Dune.
Le 09/09 Ă lâIlophone Ă Ouessant Le 26/10 Ă Bonjour Minuit Ă St-Brieuc Le 3/11 Ă lâUbu Ă Rennes
Excitant thĂšme que celui choisi par Dangereuses Lectrices. AprĂšs le cĆur en 2021, le festival de littĂ©rature fĂ©ministe sâintĂ©resse cette annĂ©e « au cul ». Nouvelles normes, reprĂ©sentations des corps, charge sexuelle⊠Un sujet intime qui rĂ©vĂšle des enjeux collectifs et sociĂ©taux. Les 22 et 23 octobre Aux Ateliers du Vent Ă Rennes DR DR DR septembre-octobre #58
Du 24 septembre au 09 octobre Ă Rennes
MOUNDRAG « We are Moundrag, we are brothers, we have no guitar and we play hard progressive heavy psych » : câest ainsi que se prĂ©sentent les deux larrons paimpolais hĂ©ritiers du prog rock 70âs, qui sortent enfin leur premier album, avec des dates pour fĂȘter ça. Ă joie !
Le 29/10 Ă La CarĂšne Ă Brest
La mort Ă 45 ans fin 2020 dâOusmane Sy a Ă©tĂ© un choc dans le monde de la danse hip-hop et contemporaine, dont il Ă©tait une rĂ©fĂ©rence internationale. En hommage, un groupe de cinq danseuses reprend One Shot, derniĂšre Ćuvre de lâex-codirecteur du Centre chorĂ©graphique national de Rennes et de Bretagne. Les 8 et 9 septembre Au TNB Ă Rennes GEORGES Valoriser la dâarchitecturetoutpĂšre(clinchouetteemblĂ©matiques.laproblĂ©matiquescettecomprendrearchitecturalecrĂ©ationcontemporaine,lâimportancededisciplineauxmultiplesetredĂ©couvrirvilleautraverssesbĂątimentsCâestlapromessedeGeorgesdâoeilĂ GeorgesMaillols,destoursHorizons),premierfestivalĂ Rennes.
DR STAR FEMININE BAND
AGENDA HananiaMayon
@bikinimagazine @bikinimag @bikini_mag HuteauClaire 50
ConquérantLeBasile RECOMMANDE
JEANNE ADDED Trait dâunion entre le milieu indĂ© (dont elle est issue) et mainstream (qui lâa adoubĂ©e aux Victoires de la Musique), sans jamais dĂ©vier de sa ligne Ă©lectro-pop, Jeanne Added sort en septembre By Your Side, son 4e album. Avec, pour lâaccompagner, une grosse tournĂ©e qui dĂ©bute en Bretagne. Le 10/09 Ă lâArchipel Ă Fouesnant Les 22 et 23/09 Ă lâUbu Ă Rennes
DANGEREUSES LECTRICES
Le Franco-SuĂ©dois, exilĂ© aux USA, sort Ă lâautomne un nouvel entiĂšrementalbum,acoustique, en tĂ©moigne le premier extrait, Black Dog, merveilleux de dĂ©pouillement. Le 5/11 aux IndisciplinĂ©es Ă Lorient









