ASI Mag #8 Avril 2023 FR

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LE EN QUESTION SOL

SHARROL MUKENDIKLAASS Lauréate de la bourse de sommellerie de la Fondation

GĂ©rard Basset de l’ASI

AVRIL 2023 NUMÉRO #8 DR. ALEX MALTMAN, JOHN SZABO MS, ALICE FEIRING De la terre au verre ?

BIENTÔT !

AMERICAS ECUADOR 2023

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Publication par : Association de la Sommellerie Internationale

Rédacteur, gestionnaire de contenu : Mark DeWolf

Directeur des partenariats et du marketing : Claire Berticat

Assistante marketing : Xeniya Volosnikova

Assistante administrative : Juliette Jourdan

Traduction : MichÚle Aström ChantÎme, Manuel Negrete

Conception / Mise en page : Carissa Botha

Photographie : ASI/HRVPROD, 123RF, Getty Images, iStock, Unsplash, Jean Bernard, Lucas FrazĂŁo, Laurence Mouton

Photo de couverture : Unsplash

Collaborateurs :

Mark DeWolf, Jaba Dzimistarishvili, Reeze Choi, Alice Feiring, Francisco Figueiredo, Doug Frost, Romain Iltis, Marylou Javault, Kevin Lu, Alex Maltman, Sotiris Neophytidis, Monika Neral, Sylvain Nicolas, LoĂŻc Pasquet, Heather Rankin, Clement Robert, Ronan Sayburn, John Szabo, Jo Wessels, William Wouters, Eric Zwiebel

Bureau exĂ©cutif de l’ASI

Président : William Wouters

Secrétaire général : Nina Basset

Secrétaire général adjoint : Julie Dupouy-Young / Beåta Vlnkovå

Trésorier : Philippe Faure-Brac

Trésorier adjoint : Samuil Angelov

Vice-prĂ©sidente pour l’Asie et l’OcĂ©anie : Saiko Tamura-Soga

Vice-prĂ©sidente pour l’Afrique et le Moyen-Orient : MichĂšle Aström ChantĂŽme

Vice-prĂ©sident pour l’Europe : Piotr Kamecki

Vice-président pour les Amériques : Marcos Flores Tlalpan

Renseignements sur le magazine : Mark DeWolf, directeur du contenu de l’ASI markdewolf@asi.info

Renseignements généraux : www.asi.info | info@asi.info

AVRIL 2023 ASI MAGAZINE SOMMAIRE
sur l’article pour une navigation rapide> © Association de la Sommellerie Internationale. Tous droits rĂ©servĂ©s. Aucune partie de ce magazine ne peut ĂȘtre reproduite, stockĂ©e dans des systĂšmes d’extraction ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit sans l’autorisation prĂ©alable de l’Association de la Sommellerie Internationale. 3

Bienvenue !

Le changement climatique est Ă  l’ordre du jour, et la façon dont nous produisons le vin Ă©volue sans arrĂȘt, mais il y a une constante. C’est le sol. Comme nous le rappelle si Ă©loquemment Alice Feiring, l’une des rĂ©dactrices invitĂ©es de cette Ă©dition, ainsi que le gĂ©ologue Alex Maltman et John Szabo MS, il s’agit de la variable constante. Le monde du vin a connu des dĂ©cennies de manipulations et d’altĂ©rations. Bien que ces vestiges de la pensĂ©e “science contre nature” subsistent encore, je suis heureux de dire que la grande majoritĂ© de la production de vin de haute qualitĂ© revient Ă  des processus plus naturels, Ă  la fois dans le vignoble et dans la cave. Il n’est donc pas surprenant que les sommeliers se soient ralliĂ©s Ă  cette tendance, en intĂ©grant de plus en plus de vins durables, biodynamiques et naturels dans leurs cartes des vins.

Avec la prise de conscience du rĂŽle de la nature dans les vins que nous servons et dĂ©gustons, nous parlons de plus en plus du sol. Certains sommeliers identifient mĂȘme le sol sur leur vin et quelques-uns organisent mĂȘme leur carte en fonction du sol. La question est de savoir comment et dans quelle mesure le sol contribue au caractĂšre d’un vin. Nous connaissons et aimons tous de nombreuses rĂ©gions viticoles dont la rĂ©putation repose sur leurs sols. Avons-nous accordĂ© trop d’importance au sol dans ces rĂ©gions ? Peut-ĂȘtre pas assez ? Attribuons-nous les bons attouts au caractĂšre organoleptique d’un vin en fonction de ce qui se passe sous la terre ? Devrions-nous accorder plus d’attention Ă  ce qui se passe au-dessus du sol ? AprĂšs tout, le sol ne nourrit pas seulement la vigne, mais aussi toute la flore et la faune qui cohabitent avec elle. Comment cela se passe-t-il ? Dans cette Ă©dition, outre nos rĂ©dacteurs invitĂ©s, nous avons demandĂ© Ă  des sommeliers tels que Reeze Choi (Chine), Romain Iltis (France) et Heather Rankin (Canada) de nous faire part de leur point de vue sur le lien entre le sol et ce qui se trouve dans le verre. Nous avons demandĂ© Ă  d’autres de partager leur “amour de la terre” en identifiant les vins qu’ils aiment et le sol dans lequel ils ont grandi.

Si l’on parle de l’influence du sol, ne faut-il pas aussi parler des racines qui transmettent les nutriments et qui sont peut-ĂȘtre finalement responsables de ce que l’on trouve dans le verre ? Peut-on parler d’influence du sol si les raisins ne sont pas cultivĂ©s de maniĂšre biologique ou biodynamique ? Peuvent-ils Ă©mettre le vĂ©ritable langage de la terre si les vignes ne sont pas enracinĂ©es ? Nous avons interrogĂ© Francisco Figueiredo, de l’Adega Regional de Colares, et LoĂŻc Pasquet, de Liber Pater, dont les opinions tranchĂ©es sur les vignes enracinĂ©es sont Ă  la fois fascinantes et opposĂ©es sur ce sujet.

Il s’agit d’une Ă©dition qui, nous en sommes convaincus, suscitera la rĂ©flexion, voire le dĂ©bat. Comme le dit l’auteur français Joseph Joubert, “il vaut mieux dĂ©battre d’une question sans la rĂ©gler que de rĂ©gler une question sans la dĂ©battre”.

“Le terroir peut ĂȘtre influencĂ© par l’agriculture, le climat et l’intervention de l’homme. Cependant, la roche mĂšre est la seule constante que l’on ne peut nier. C’est le “contrĂŽle” du vin.”
4 ASI MAGAZINE AVRIL 2023
PRÉSIDENT
–
Alice Feiring
William Wouters, PrĂ©sident de l’ASI
BIENVENUE DU

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Redacteurs Invités De la au TERRE VERRE ?

Le rĂŽle que joue le sol dans le caractĂšre final d’un vin est un sujet de plus en plus abordĂ© et dĂ©battu. Le sol “kimmĂ©ridgien” de Chablis, la poussiĂšre de Rutherford Ă  Napa, la Terra Rossa de Coonawarra, le sol volcanique du mont Etna en Italie et l’Albariza de Jerez ne sont que quelques-uns des sols qui ont permis d’établir un lien entre le caractĂšre d’un vin et le sol mĂȘme sur lequel ont poussĂ© les vignes qui ont nourri les raisins utilisĂ©s pour produire le vin. L’existence d’un “quelque chose” ne fait aucun doute, mais on peut se demander dans quelle mesure la gĂ©ologie d’un vignoble y est pour quelque chose.

A-t-on accordĂ© trop d’importance au sol ? Ou pas assez ? Peut-ĂȘtre avons-nous trop regardĂ© sous la terre et pas assez au-dessus. Quelle est l’importance des champignons, des bactĂ©ries ou mĂȘme des rĂ©sidus de sol sur les peaux de raisin dans le caractĂšre d’un vin ? Une question pour un autre jour. La question de l’influence du sol n’a jamais Ă©tĂ© aussi pertinente, car les sommeliers du monde entier en sont venus Ă  adopter le sol, l’intĂ©grant souvent dans leurs descriptions et commentaires d’un vin. Certains vont mĂȘme jusqu’à classer leur carte des vins par terroir.

DR. ALEX MALTMAN, JOHN SZABO MS, ALICE FEIRING
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Dr. Alex Maltman, John Szabo Ms et Alice Feiring

Alice Feiring, cĂ©lĂšbre Ă©crivain amĂ©ricain spĂ©cialisĂ© dans le vin, est l’auteur de The Dirty Guide to Wine, qui invite les lecteurs Ă  relier un vin Ă  sa source, Ă  la terre mĂȘme dont il est issu. Alice Feiring estime que l’intĂ©rĂȘt d’organiser une carte des vins en fonction du sol n’est pas nĂ©cessairement de renseigner le consommateur sur le vin, mais de lui permettre de poser les questions qui en dĂ©coulent. Comme elle le dit Ă  propos du concept, “pourquoi pas ? Que cela renseigne ou non sur le goĂ»t, cela oriente le consommateur vers un vin de lieu, plutĂŽt que vers un raisin, et encourage les questions et la curiositĂ©. Et si le sommelier peut identifier un sous-sol, comme cela a Ă©tĂ© demandĂ© lors du rĂ©cent concours du Meilleur Sommelier du Monde de l’ASI, cela l’aide Ă  penser que les vins sont issus de plantes vivantes provenant d’un lieu.

Ce sentiment est partagĂ© par le Canadien John Szabo MS, qui dĂ©clare : “Si le personnel est compĂ©tent et bien formĂ© pour guider les clients, il peut certainement s’agir d’une façon utile d’aborder la prĂ©sentation des vins, qui suscitera la curiositĂ©, engagera la conversation et

Dans ce numĂ©ro d’ASI Magazine, nous explorons le rĂŽle que joue le sol dans le caractĂšre des vins que nous chĂ©rissons. Alex Maltman, gĂ©ologue rĂ©putĂ©, qui de plus est un amateur de vin et l’auteur de nombreux articles visant Ă  dĂ©noncer les idĂ©es fausses et les malentendus sur le rĂŽle du sol dans le caractĂšre d’un vin. John Szabo MS est, avec VĂ©ronique Rivest, le sommelier le plus connu du Canada et l’auteur de Volcanic Wines : Salt, Grit and Power, qui a Ă©tĂ© saluĂ© par la critique et a notamment reçu le prix AndrĂ© Simon du meilleur livre sur les boissons.

encouragera les gens Ă  avoir une vision un peu diffĂ©rente du vin et Ă  essayer quelque chose d’autre. Mais je pense que cela ne fonctionne que dans un environnement intime oĂč l’échange entre le serveur, le sommelier et le client est attendu, et oĂč les convives viennent pour vivre une expĂ©rience, et non pour simplement manger et boire. Le vin est dĂ©jĂ  suffisamment complexe, avec tant de rĂ©gions, de cĂ©pages, de producteurs et de millĂ©simes. Ajouter le type de sol Ă  tout cela, pour un client qui veut simplement un bon verre de blanc, est contre-productif et dĂ©couragera presque Ă  coup sĂ»r la consommation. Mais pour quelqu’un Ă  l’esprit ouvert, qui est prĂȘt Ă  vivre une expĂ©rience et peut ĂȘtre guidĂ© par un serveur ou un sommelier bien formĂ©, un voyage dans le monde du vin vu sous l’angle du type de sol peut ĂȘtre une rencontre fascinante et mĂ©morable, qui pourrait bien l’amener Ă  revenir pour une autre tournĂ©e.

Au contraire, le Dr. Alex Maltman, gĂ©ologue de renommĂ©e mondiale, dĂ©clare : “Je pense que la tendance est allĂ©e trop loin. Les roches et les sols des vignobles font certainement partie du tableau, car ils influencent le choix du porte-greffe, la mĂ©thodologie de culture, la gestion de l’eau, etc. Cependant, la tendance que vous mentionnez est que le sol est important, voire primordial, pour le goĂ»t du vin.

Je comprends parfaitement l’attrait et l’utilitĂ© de cette idĂ©e et j’aimerais beaucoup y adhĂ©rer, mais malheureusement elle me gĂȘne. Les affirmations ne disent jamais comment cela se produit, et nos connaissances scientifiques sur l’interaction entre le sol et la vigne ne permettent pas de voir comment cela pourrait se produire, du moins dans la mesure indiquĂ©e.”

Pour une derniĂšre rĂ©flexion sur le lien entre le vin, le sol et la nature ellemĂȘme, nous avons demandĂ© Ă  Alice Feiring, cĂ©lĂšbre Ă©crivain amĂ©ricain spĂ©cialisĂ© dans le vin, crĂ©atrice de The Feiring Line, la premiĂšre lettre d’information indĂ©pendante sur le vin naturel au monde, protectrice passionnĂ©e de l’authenticitĂ© et de la diversitĂ© du vin, de nous faire part de ses rĂ©flexions.

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Dr. Alex Maltman, John Szabo Ms et Alice Feiring

ASI au Dr. Alex Maltman (AM) : En tant que gĂ©ologue et scientifique, vous (Dr. Maltman) avez clairement exposĂ© dans vos recherches l’impossibilitĂ© pour les roches et minĂ©raux du sol d’ĂȘtre absorbĂ©s par les vignes, et encore moins par les raisins, et enfin par le processus de fermentation jusqu’à la bouteille. Expliquez-nous.

AM : Les racines de la vigne absorbent l’eau interstitielle du sol et les Ă©lĂ©ments qui y sont dissous, en particulier les quelque quatorze Ă©lĂ©ments chimiques (nutriments) - potassium, calcium, magnĂ©sium, etc. Les racines sont incapables d’absorber les solides, les roches gĂ©ologiques et les minĂ©raux comme ceux dont les sommeliers aiment parler, tels que le granit, le schiste, le quartz, le silex, etc. qui sont des solides pratiquement insolubles. La vigne ne peut tout simplement pas les absorber. Lorsque de telles affirmations ont Ă©tĂ© soumises Ă  des tests de dĂ©gustation Ă  l’aveugle, elles n’ont tout simplement pas tenu la route (de la connectivitĂ© entre le sol et le goĂ»t). La croyance, aussi passionnĂ©e soit-elle, n’est pas une preuve. Je crains que l’idĂ©e ne soit surestimĂ©e.

ASI Ă  John Szabo : Êtes-vous d’accord ou non avec le Dr Maltman ? John Szabo (JS) : Oui et non. Les roches sont composĂ©es de minĂ©raux. Lorsque les roches s’altĂšrent, leurs constituants minĂ©raux entrent dans la composition du sol. Les ions minĂ©raux (atomes ou groupes d’atomes chargĂ©s positivement ou nĂ©gativement), solubles dans l’eau contenue dans le sol, deviennent alors accessibles au systĂšme racinaire des plantes, qui peuvent les absorber et les assimiler. Sans les minĂ©raux essentiels prĂ©sents dans le sol, comme le calcium, le magnĂ©sium, l’azote, le phosphore, le potassium et le soufre, c’est-Ă dire les macronutriments, ainsi que toute une sĂ©rie de micronutriments supplĂ©mentaires (et l’eau dans laquelle ils peuvent se dissoudre), une plante ne peut pas pousser. La vigne doit donc absorber les minĂ©raux et les distribuer dans toute la plante lĂ  oĂč c’est nĂ©cessaire.

La vraie question est de savoir si ces minĂ©raux (organiques et inorganiques) affectent directement l’arĂŽme, la saveur et la texture d’un vin. Prouver l’existence d’une relation directe entre la teneur en minĂ©raux du sol et l’arĂŽme/le goĂ»t du vin est source de complications, notamment en raison de la complexitĂ© de la transformation du raisin frais en vin et (comme indiquĂ© dans la question initiale) des multiples processus impliquĂ©s, tels que le dĂ©bourbage, la fermentation, la conversion malolactique, la prĂ©cipitation, les divers ajouts possibles, etc. Bien qu’il soit assez facile de montrer que des sols diffĂ©rents produisent des vins avec des signatures chimiques diffĂ©rentes, des prĂ©curseurs aromatiques diffĂ©rents et des profils polyphĂ©noliques diffĂ©rents, il n’est pas exagĂ©rĂ© de dire que des sols diffĂ©rents produisent des vins avec des compositions diffĂ©rentes. Et Ă  partir de lĂ , il n’y a qu’un pas Ă  franchir pour dire que des sols diffĂ©rents produisent des vins aux profils aromatiques et texturaux diffĂ©rents, compte tenu de leurs compositions diffĂ©rentes. Une planĂšte pleine de preuves anecdotiques (de dĂ©gustation) Ă©tablit ce fait. Mais il est impossible (pour autant que je sache) de dire exactement quels minĂ©raux, comment ils interagissent avec d’autres molĂ©cules (organiques) et quel impact direct et/ou indirect ils ont sur les caractĂ©ristiques sensorielles du vin, Ă  ce stade de la comprĂ©hension.

Il convient de rappeler que la plupart des minĂ©raux inorganiques n’ont ni odeur ni goĂ»t - ils sont inertes (le soufre est la principale exception notable) et ne peuvent donc pas avoir d’impact direct sur l’arĂŽme et le goĂ»t du vin. Votre vin ne peut pas avoir l’odeur ou le goĂ»t de l’ardoise ou du basalte, car ces roches (minĂ©raux agglomĂ©rĂ©s) n’ont ni odeur ni goĂ»t en elles-mĂȘmes.

ASI Ă  Alex Maltman : Vous avez Ă©tĂ© citĂ© comme disant que “la prĂ©sence de ces nutriments dans le vin peut indirectement affecter une sĂ©rie de rĂ©actions chimiques et ainsi influencer nos perceptions

“Les racines sont incapables d’absorber les solides, les roches gĂ©ologiques et les minĂ©raux comme ceux dont les sommeliers aiment parler, tels que le granit, le schiste, le quartz, le silex, etc. qui sont des solides pratiquement insolubles. La vigne ne peut tout simplement pas les absorber.”
– Dr. Alex
Maltman
Dr. Alex Maltman
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gustatives. Mais il s’agit d’effets complexes et dĂ©tournĂ©s, bien loin de la gĂ©ologie du vignoble qui domine le vin”. Cela signifie-t-il que le sol peut avoir un impact sur le goĂ»t, mĂȘme s’il est faible, et qu’il ne faut pas rejeter le sol, mais ne pas exagĂ©rer son importance sur le caractĂšre final du vin ?

AM : Exactement. La gĂ©ologie du sol d’un vignoble rĂ©git sa structure, ses propriĂ©tĂ©s hydriques, son comportement thermique, etc. et peut donc influencer le dĂ©veloppement des prĂ©curseurs d’arĂŽmes dans les raisins en cours de maturation. La vinification transforme ensuite ces prĂ©curseurs en composĂ©s qui donnent au vin sa saveur. Donc, oui, de maniĂšre indirecte, la gĂ©ologie peut avoir une certaine influence sur le vin final. Mais on est trĂšs loin des affirmations de la tendance actuelle : “Le sol, et non le raisin, est la derniĂšre chose Ă  savoir pour choisir un vin”, ce genre de choses.

ASI Ă  John Szabo : Une question similaire Ă  la vĂŽtre, John, mais plus spĂ©cifiquement en ce qui concerne le lien entre le sol et le goĂ»t. La relation entre la composition du sol et le profil gustatif du vin n’est-elle qu’une partie de l’équation ? Y a-t-il d’autres effets du sol, tels que l’impact du sol sur la

concentration, les niveaux d’aciditĂ© ou mĂȘme d’autres processus chimiques en jeu qui conduisent Ă  la perception de la saveur ?

JS : Je dirais que d’autres aspects du sol, autres que la composition minĂ©rale, ont un impact beaucoup plus important sur les caractĂ©ristiques sensorielles d’un vin. Le plus important d’entre eux est la capacitĂ© du sol Ă  retenir l’humiditĂ©. La disponibilitĂ© de l’eau est directement liĂ©e Ă  la composition des baies et Ă  la concentration des composĂ©s qu’elles contiennent, qui Ă  leur tour ont un impact direct sur des aspects tels que la couleur du vin (concentration d’anthocyanes dans le vin rouge) et la texture (concentration de tannins).

L’aciditĂ© et le pH peuvent Ă©galement ĂȘtre directement influencĂ©s par la composition du sol. Les sols riches en potassium, comme les sols volcaniques du comtĂ© de Lake, en Californie, en sont un excellent exemple. Comme le potassium est ce qu’on appelle un tampon acide, et que son abondance dans les sols se traduit par une abondance dans le moĂ»t et finalement dans le vin, les viticulteurs ont beaucoup de mal Ă  essayer d’ajuster le pH (abaisser le pH Ă  un niveau auquel le vin serait plus stable et moins sujet aux attaques bactĂ©riennes). Les tampons comme le potassium rĂ©sistent (neutralisent) Ă  un changement de pH aprĂšs un ajout d’acide, ce qui rend presque impossible l’abaissement du pH (sans dĂ©verser des tonnes d’acide tartrique, ce qui n’est pas conseillĂ©).

Un contre-exemple peut ĂȘtre trouvĂ© Ă  Santorin, en GrĂšce, oĂč les sols sont Ă©galement dĂ©rivĂ©s de matĂ©riaux volcaniques, mais dans ce cas pratiquement dĂ©pourvus de potassium. Les vins issus de ce climat mĂ©diterranĂ©en chaud et sec, avec des alcools finis de plus de 14 %, prĂ©sentent un pH incroyablement bas, parfois infĂ©rieur Ă  3, le genre de niveau que l’on attendrait d’un riesling de la Moselle.

Il s’agit d’aspects liĂ©s Ă  la texture et Ă  la sensation en bouche, qui n’ont rien Ă  voir avec le goĂ»t, mais pour moi, la texture d’un vin a une relation beaucoup plus directe et concrĂšte avec les sols viticoles que ses arĂŽmes

et ses saveurs. Ces derniers sont plus étroitement liés au cépage et au climat, à la météo.

ASI Ă  Alex Maltman : Pensez-vous qu’il existe d’autres facteurs importants qui dĂ©terminent le caractĂšre final, le “terroir”, d’un vin ?

AM : La grande valeur du concept de terroir est qu’il rassemble en un seul mot tous les facteurs multiples qui donnent de la distinction Ă  un site et potentiellement Ă  ses produits. Ces facteurs interagissent de maniĂšre dynamique et nous savons maintenant qu’ils peuvent varier de maniĂšre Ă©tonnamment complexe, mĂȘme d’un rang de vignes Ă  l’autre, d’un millĂ©sime Ă  l’autre, d’une saison Ă  l’autre, voire d’une heure Ă  l’autre de la journĂ©e. C’est donc un vĂ©ritable dĂ©fi que d’essayer de dĂ©mĂȘler tous les facteurs et d’évaluer leur importance relative.

Pourtant, certains ont essayĂ©. Et invariablement, le sol ne figure pas en tĂȘte de liste. Les facteurs habituellement regroupĂ©s sous le seul mot de “climat” ont tendance Ă  occuper une place importante, qu’il s’agisse de la tempĂ©rature ou de l’intensitĂ© de la lumiĂšre. Par exemple, nous savons maintenant comment ces facteurs affectent des Ă©lĂ©ments tels que les mĂ©thoxypyrazines (notes vertes et herbacĂ©es) et la rotundone (poivre noir) dans certains vins de Shiraz. Mais quel sommelier va parler avec lyrisme de l’intensitĂ© de la lumiĂšre ultraviolette et des amplitudes thermiques diurnes ? La terre, elle, a le bon son viscĂ©ral !

ASI Ă  Alex Maltman : Comment expliquez-vous la connectivitĂ© de caractĂšre entre les vins de Chablis, par exemple, si ce n’est pas le sol ? Est-ce le climat ou d’autres facteurs ?

AM : Dans le monde du vin, les anecdotes et les croyances ont la vie dure ! En fait, le climat est essentiel Ă  Chablis, le producteur de vin tranquille le plus septentrional de France. Les meilleurs sites se trouvent Ă  mi-chemin des pentes bien drainĂ©es, exposĂ©es de maniĂšre optimale au sud-ouest ; l’AOC initiale (1938) a dĂ©limitĂ© ces sites en tant que Grand Cru. Les sites ne coĂŻncident pas avec le sol mais avec une roche mĂšre sous-jacente intacte (la raison pour laquelle les pentes sont lĂ ) qui se trouve ĂȘtre d’un

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John Szabo MS
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Ăąge gĂ©ologique particulier. D’autres pentes reposent sur ce mĂȘme substrat rocheux mais sont orientĂ©es de maniĂšre dĂ©favorable, de sorte que les vignes n’y ont pas Ă©tĂ© classĂ©es ; en effet, certaines d’entre elles ne comportent aucune vigne, mĂȘme aujourd’hui.

Depuis le classement de 1938, si la dĂ©limitation de Grand Cru (qui ne couvre d’ailleurs que 2% du territoire chablisien) est restĂ©e la mĂȘme, il existe aujourd’hui de nombreux sites d’AOC Chablis et de Premier Cru, sur des sols variĂ©s, d’ñges gĂ©ologiques diffĂ©rents.

Si vous me permettez une petite digression, la plupart des amateurs de vin savent que les roches de Chablis se sont formĂ©es sur un ancien fond marin et qu’elles contiennent de magnifiques coquillages fossilisĂ©s. Tout cela fait penser Ă  la mer ! C’est pourquoi des Ă©lĂ©ments maritimes apparaissent souvent dans les notes de dĂ©gustation des vins de Chablis, comme une note iodĂ©e. Par exemple, “Chablis - on peut presque mĂącher l’iode” ; “...beaucoup de caractĂšre chablisien, en particulier l’iode” ; “...cette note d’iode propre au Chablisien”. Et, naturellement, c’est liĂ© aux sols : “les coquilles d’huĂźtres fossilisĂ©es donnent au Chablis sa saveur iodĂ©e unique”, etc.

Il m’est apparu il y a quelques annĂ©es que, contrairement Ă  de nombreux mots de dĂ©gustation, l’iode est bien caractĂ©risĂ©, c’est un Ă©lĂ©ment chimique que l’on peut mesurer. C’est pourquoi nous avons analysĂ© des Ă©chantillons de sol et de feuilles de vigne provenant de sites de grands crus, ainsi que des vins de Chablis finis. Nous avons ensuite fait de mĂȘme avec des sols et des vignes de chardonnay poussant sur la colline de Corton, en Bourgogne. Pour le plaisir, nous avons Ă©galement analysĂ© des vins de chardonnay de supermarchĂ© provenant de Mendoza (Argentine) et de la Barossa Valley (Australie). Toutes les valeurs analysĂ©es pour l’iode Ă©taient minuscules dans les vins, et bien en dessous des limites de dĂ©tection gustative. Mais ce qui Ă©tait frappant - franchement surprenant - c’est que toutes les valeurs les plus basses provenaient des Ă©chantillons de Chablis et les plus Ă©levĂ©es de ceux de Barossa. Vous voyez !

ASI à John Szabo : Vos recherches se sont concentrées sur les sols volcaniques. Pensez-vous que les vins issus de vignes poussant sur des sols volcaniques possÚdent une qualité qui les lie ?

JS : Question simple, rĂ©ponse complexe. Je vais vous donner une citation de mon livre qui explique l’idĂ©e gĂ©nĂ©rale :

Soyons clairs : il n’existe pas de “vin volcanique”. En revanche, il existe des vins issus de culture sur des sols volcaniques qui se dĂ©clinent en un arcen-ciel rayonnant et infiniment nuancĂ© de couleurs, de goĂ»ts et de saveurs. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas de vin volcanique au singulier, mais une grande diversitĂ©.

...malgrĂ© de grandes variations, il y a nĂ©anmoins quelques caractĂ©ristiques qui apparaissent avec suffisamment de rĂ©gularitĂ© dans les vins issus de sols volcaniques (mĂȘme si elles ne leur sont pas exclusives) pour conduire Ă  des conclusions anecdotiques, sinon rigoureusement scientifiques. Ces caractĂ©ristiques dessinent grossiĂšrement le tableau qui est ensuite complĂ©tĂ© par les infinies subtilitĂ©s de chaque rĂ©gion, de chaque vin et de chaque millĂ©sime.

Tout d’abord, les vins issus de sols volcaniques se caractĂ©risent par une qualitĂ© gustative commune, parfois due Ă  une forte aciditĂ©, presque toujours Ă  une salinitĂ© palpable, parfois aux deux. Les sels minĂ©raux impliquant des Ă©lĂ©ments prĂ©sents dans le vin, comme le potassium, le magnĂ©sium et le calcium, ainsi que leurs partenaires molĂ©culaires dĂ©rivĂ©s de l’acide, comme le chlorure, le sulfate et le carbonate, ont Ă©tĂ© mis en cause (bien que dans les vignobles de bord de mer, il s’agisse souvent d’un simple chlorure de sodium provenant des embruns marins, et non des sols). Les sels minĂ©raux peuvent Ă©galement expliquer le goĂ»t vague, mais agrĂ©ablement amer, que l’on trouve dans certains vins.

Le deuxiÚme est leur caractÚre savoureux. Les vins volcaniques sont fruités, bien sûr, mais ils sont souvent accompagnés, voire dominés, par des arÎmes non fruités dans les gammes de saveurs terreuses et herbacées,

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Le sol Terra Rossa de Coonawarra Dr. Alex Maltman, John Szabo Ms et Alice Feiring

ainsi que par les nuances couvertes par le terme magnifiquement utile et multidimensionnel de minéralité et par toutes ses définitions variées. La minéralité et les vins volcaniques vont de pair.

Les meilleurs exemples, comme tous les grands vins, semblent avoir une autre dimension, ou du moins une dimension diffĂ©rente, une sorte de densitĂ© commune qui ne peut provenir que d’un vĂ©ritable extrait dans le vin, et non de l’alcool ou du glycĂ©rol, ou simplement des tanins et de l’acide. C’est une sorte de gravitĂ© en apesanteur, intense, lourde comme une plume, ferme mais transparente, comme un bouclier impĂ©nĂ©trable et invisible de saveurs qui sortent de nulle part mais ne s’imposent pas, elles sont juste lĂ  et vous devez les contourner avec votre langue. Elle peut ĂȘtre granuleuse, salĂ©e, dure, peut-ĂȘtre mĂȘme dĂ©sagrĂ©able pour certains, mais indĂ©niable.

Bien entendu, le terme “terre volcanique” n’est que lĂ©gĂšrement plus descriptif que le terme “fromage”. Le fromage est fabriquĂ© Ă  partir de lait, tandis que la terre volcanique est issue de matĂ©riaux volcaniques. Il existe des centaines de types de sols diffĂ©rents que l’on peut qualifier de volcaniques, mĂȘme si l’on s’en tient Ă  ma dĂ©finition relativement limitĂ©e. Dans des endroits Ă©vidents comme le VĂ©suve, l’Etna, Santorin ou les Ăźles de MacaronĂ©sie - des endroits formĂ©s par des volcans - la nature volcanique de la terre est incontestable. Mais mĂȘme lĂ , la composition du sol varie Ă©tonnamment. MĂȘme les laves pures prĂ©sentent des variations de couleur en technicolor. Leur Ăąge varie de quelques jours Ă  des dizaines de

millions (milliards) d’annĂ©es et leur structure chimique et physique est diffĂ©rente, allant de la roche pure au sable volcanique ou Ă  l’argile ancienne altĂ©rĂ©e. Ce n’est que la pointe du volcan. Je n’ai mĂȘme pas mentionnĂ© l’interfĂ©rence de l’homme sur la chimie et la structure des sols.

Il faudrait un livre entier (ou deux) pour dĂ©crire toutes les catĂ©gories possibles de sols volcaniques et l’impact qu’ils ont sur le caractĂšre du vin !

ASI Ă  Alex Maltman : Les vignerons ont longtemps cherchĂ© des sols adaptĂ©s aux diffĂ©rents cĂ©pages. Il y a de belles histoires de viticulteurs comme Josh Jensen en Californie qui ont cherchĂ© du calcaire, par exemple, pour cultiver du chardonnay et du pinot noir. Pensez-vous qu’ils se sont peut-ĂȘtre trompĂ©s dans leur approche ? Se pourrait-il que l’allĂ©geance historique au sol ait donnĂ© aux viticulteurs et aux sommeliers une vision romantique, plutĂŽt que scientifique, de la relation entre le sol et le profil aromatique d’un vin ?

AM : Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Par exemple, j’ai sous les yeux un tableau (que j’ai souvent vu reproduit) qui comporte des colonnes pour diffĂ©rents cĂ©pages et des lignes pour des sols particuliers. Certaines cases sont cochĂ©es en gras pour indiquer les combinaisons “prĂ©fĂ©rĂ©es” - Syrah et granit par exemple - tandis que d’autres cases sont vides, ce qui indique vraisemblablement les combinaisons Ă  Ă©viter. Il semble donc que l’on dise que pour produire de la Syrah de qualitĂ©, il faut des sols granitiques.

Mais tout cela, comme le suggùre votre question, n’est-il pas simplement

le reflet de certains sites europĂ©ens classiques, en l’occurrence la syrah qui prospĂšre sur les sols granitiques cĂ©lĂšbres du RhĂŽne septentrional ? Cela ne tient pas. La syrah s’épanouit et donne des vins superlatifs sur des sols non granitiques du RhĂŽne septentrional : la CĂŽte RĂŽtie n’est pas granitique et l’Hermitage a des sols autres que granitiques. Et inversement, Condrieu est composĂ© de granit mais n’est pas plantĂ© de syrah.

Ailleurs, mĂȘme en France, cela ne fonctionne pas (par exemple, le Gamay sur les sols granitiques du Beaujolais). Les vignes de syrah prospĂšrent Ă©videmment sur les sols granitiques des rĂ©gions de Swartland et de Paarl en Afrique du Sud, par exemple, mais elles prospĂšrent Ă©galement dans la rĂ©gion de Barossa en Australie, de Hawkes Bay en Nouvelle-ZĂ©lande et de la vallĂ©e de Yakima dans l’État de Washington, oĂč il n’y a pas de granit. Les vignobles des contreforts de la Sierra, en Californie, sont fiers de leurs sols granitiques, mais ici, c’est le Zinfandel qui domine. Etc., etc., avec des arguments exactement similaires pour les autres soi-disant combinaisons idĂ©ales.

Et pendant tout ce temps, il y a cet â€œĂ©lĂ©phant dans la piĂšce” dont on ne parle pas, Ă  savoir les porte-greffes de la vigne. AprĂšs tout, ce n’est pas le Pinot Noir, par exemple, qui interagit avec le sol, mais les racines rĂ©sistantes aux pathogĂšnes sur lesquelles il aura Ă©tĂ© greffĂ©, presque certainement d’espĂšces diffĂ©rentes. Mais je ne vois pas les sommeliers s’enthousiasmer pour 1103 Paulsen, AXR1, 41B, 161-49 Couderc.

“Il faudrait un livre entier (ou deux) pour dĂ©crire toutes les catĂ©gories possibles de sols volcaniques et l’impact qu’ils ont sur le caractĂšre du vin !”
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– John Szabo MS
AVRIL 2023 ASI MAGAZINE UNE DISCUSSION AVEC
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Dr. Alex Maltman, John Szabo Ms et Alice Feiring

Sommeliers, our heroes

CHATEAU DE BEAUCASTEL
“competition of the Best Sommelier of the World, Paris February 2023”

Dans une discussion qui se concentre si fortement sur la science du sol, ellemĂȘme un Ă©lĂ©ment constitutif de la nature, il peut ĂȘtre surprenant de constater le peu de place accordĂ©e Ă  la façon dont un vin est Ă©laborĂ© et Ă  son rapport avec la discussion en cours. La question de l’impact du sol ne sert-elle Ă  rien si les pratiques de vinification et d’élevage ne sont pas naturelles ? Des levures cultivĂ©es aux nombreux additifs potentiels qui masquent et altĂšrent le goĂ»t, l’argument est-il muet si la mĂ©thodologie n’est pas interventionniste et non manipulatrice ?

Le sol : une approche naturelle

Alice Feiring

Pour Alice Feiring, c’est un sujet qui tient Ă  cƓur. “Le terroir peut ĂȘtre influencĂ© par l’agriculture, le climat et l’intervention de l’homme. Cependant, la base est la seule constante que l’on ne peut nier. Pour qu’un vin transmette cette magie que nous appelons terroir, la vinification doit ĂȘtre aussi libre que possible d’ingrĂ©dients et de procĂ©dĂ©s. MĂȘme sans ajouts, il suffit de choisir la mĂ©thode de vinification, c’est-Ă -dire la rafle, l’extraction, la tempĂ©rature, l’élevage, l’ajout ou non de soufre, pour que le vinificateur dispose d’une multitude de variables et d’options avec lesquelles jouer.

Alice Feiring ne prĂ©tend pas ĂȘtre une scientifique mais, comme elle le dit ellemĂȘme, “quelqu’un qui prĂ©tend Ă  la connaissance empirique”. Si elle reconnaĂźt que le sol n’a pas d’incidence sur l’arĂŽme ou la saveur, elle dĂ©clare : “Je pense qu’il a une incidence sur la texture, en influençant la nature verticale ou horizontale de la sensation en bouche. Il m’arrive aussi de penser ou de ressentir de la salinitĂ©, bien que cela soit plus compliquĂ© car la salinitĂ© peut provenir d’un certain nombre d’autres facteurs. Ceci est soutenu par la recherche du scientifique Benoit Marsan....ConsidĂ©rer le vin uniquement d’un point de vue scientifique, c’est considĂ©rer l’art uniquement par le biais de l’analyse. Le vin a le pouvoir d’avoir un impact Ă©motionnel et expliquer son existence uniquement par la science limite son immense pouvoir de connexion avec les gens, le moment, et un peu de je ne sais quoi”.

Si le sol est Ă  la “racine” (jeu de mots voulu) du caractĂšre du terroir, et la vinification naturelle un moyen de faire entendre sa voix dans un vin, il est certain que le porte-greffe doit aussi jouer un rĂŽle. Alice Feiring dĂ©clare : “Je peux m’avancer et dire que le choix du porte-greffe a un impact Ă©norme sur le vin, principalement liĂ© au rendement et Ă  la rĂ©tention d’eau, Ă  l’absorption d’azote et de potassium... plus qu’à la saveur et Ă  la rĂ©sistance aux maladies. C’est peut-ĂȘtre la raison pour laquelle les vignes franches de pied, bien enracinĂ©es, lorsque c’est possible, sont le Saint Graal, un lien direct avec le sol”.

Alice Feiring avec
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AVRIL 2023 ASI MAGAZINE UNE DISCUSSION
Dr. Alex Maltman, John Szabo Ms et Alice Feiring
AVEC
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Terroir sans filtre :

Si le sol est la voix du terroir, cette voix s’affaiblit-elle, voire se perd-elle, si les raisins ne sont pas cultivĂ©s sur leurs propres racines ? Pour le viticulteur bordelais LoĂŻc Pasquet, propriĂ©taire du Liber Pater (le vin le plus cher du monde), c’est le cas. Sa dĂ©cision de planter des vignes non greffĂ©es repose sur le dĂ©sir de produire des vins de Bordeaux tels qu’ils Ă©taient Ă©laborĂ©s dans le passĂ©, mais aussi sur la conviction que le greffage sur des porte-greffes amĂ©ricains masque le terroir. Comme il le dit, “si vous pouvez ĂȘtre non greffĂ©, vous avez le meilleur message du terroir parce que vous n’avez pas de filtre”. LoĂŻc Pasquet reconnaĂźt que, dans certains endroits, il n’y a pas de choix, mais dans le sien, il y en a un.

Francisco Figueiredo ne travaille Ă©galement qu’avec des vignes franches de pied. Contrairement Ă  LoĂŻc Pasquet, qui a dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi de revenir Ă  une Ă©poque oĂč les vignes greffĂ©es Ă©taient la norme Ă  Bordeaux, Franceisco Figueiredo travaille dans une rĂ©gion, l’AOC Colares au Portugal, qui n’a jamais eu besoin de greffer, car son sol sablonneux l’a longtemps protĂ©gĂ©e du flĂ©au du phylloxĂ©ra. Francisco Figueiredo, qui est vigneron et viticulteur de l’Adega Regional de Colares, la coopĂ©rative locale, a grandi Ă  Lisbonne et se rappelle avoir aidĂ© son pĂšre Ă  faire du vin maison Ă  partir du Ramisco de Colares. Aujourd’hui adulte, il est responsable de la majeure partie de la production de la petite AOC situĂ©e dans les limites de la ville de Lisbonne, bien qu’il soit de plus en plus rejoint par une nouvelle gĂ©nĂ©ration de viticulteurs basĂ©s Ă  Lisbonne qui cherchent Ă  redonner Ă  Colares sa gloire d’antan.

En ce qui concerne sa dĂ©cision de crĂ©er le projet Liber Pater, LoĂŻc Pasquet explique que lorsqu’il a lancĂ© son projet en 2004, “nous (Bordeaux) avions perdu, Ă  cause du phylloxĂ©ra, beaucoup de cĂ©pages indigĂšnes et le goĂ»t du vin de Bordeaux. Aujourd’hui, Ă  Bordeaux, nous (les autres viticulteurs bordelais) produisons un vin qui ressemble Ă  une soupe. Au dĂ©but du projet, je me suis demandĂ© quel Ă©tait le goĂ»t du vin avant le phylloxĂ©ra. Si nous comparons le Bordeaux d’aujourd’hui Ă  celui de 1855, l’époque de la classification, le goĂ»t du vin d’aujourd’hui n’est pas le mĂȘme que celui d’alors. Aujourd’hui, il n’y a plus de cĂ©pages autochtones, il n’y a plus de francs de pied. Tout a changĂ©. Je me suis dit “si je replante le vignoble comme il Ă©tait avant le phylloxĂ©ra, peut-ĂȘtre qu’on pourra retrouver un goĂ»t trĂšs ancien”.... Avant le phylloxĂ©ra, on parlait de Bordeaux comme d’un grand vin. Aujourd’hui, lorsque nous parlons de Bordeaux, nous disons qu’il est corsĂ©, alcoolisĂ©,

les francs de pied sont-ils le Saint-Graal de la viticulture ?
LoĂŻc Pasquet
“Je me suis dit « si je replante le vignoble comme il Ă©tait avant le phylloxĂ©ra, peutĂȘtre qu’on pourra retrouver un goĂ»t trĂšs ancien”.... Avant le phylloxĂ©ra, on parlait de Bordeaux comme d’un grand vin.”
14 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
– Loïc Pasquet
Terroir sans filtre : les francs de pied sont-ils le Saint-Graal de la viticulture ?

extrait, etc.... Nous devons retrouver le bon vin de Bordeaux. En fait, le Bordeaux peut ĂȘtre totalement diffĂ©rent (plus lĂ©ger, plus frais) et trĂšs bon. C’est pourquoi j’ai tout replantĂ© non greffĂ©â€.

Dans l’AOC Colares, une mince bande de terre situĂ©e sur la cĂŽte atlantique, prĂšs de Sintra, Ă  l’extrĂ©mitĂ© ouest de Lisbonne, peu de choses ont changĂ©. Il n’y a jamais eu de modification des cĂ©pages qui y sont plantĂ©s. Le cĂ©page autochtone Ramisco, qui n’est cultivĂ© que dans l’AOC Colares, est l’un des rares cĂ©pages vinifera d’Europe Ă  n’avoir jamais Ă©tĂ© greffĂ© sur un portegreffe amĂ©ricain. Si les sommeliers recherchent actuellement l’authenticitĂ© dans leurs sĂ©lections de vins, cela n’a pas toujours Ă©tĂ© le cas. La faible teneur en alcool, l’aciditĂ© Ă©levĂ©e et les tanins fermes des vins rouges de Colares n’étaient pas populaires dans les annĂ©es 1980, 1990 et mĂȘme au dĂ©but des annĂ©es 2000. ParallĂšlement Ă  la demande croissante de transformation des vignobles en lotissements, la production de Ramisco s’est rĂ©duite Ă  des volumes minuscules. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, l’appellation Colares DOC a atteint son niveau le plus bas, avec

environ 12 hectares de vignes. Alors que les sommeliers et les consommateurs de vin se tournent vers des styles plus frais, le Colares est de plus en plus demandé.

Francisco Figueiredo se demande si le caractĂšre particulier des vins de Colares est dĂ» au fait qu’il s’agit de vignes non greffĂ©es. Il explique que le Ramisco “doit offrir des notes fruitĂ©es subtiles telles que la cerise acide ou la griotte, ainsi qu’un certain caractĂšre balsamique, des tons boisĂ©s, une note iodĂ©e fumĂ©e, des tons de terre et de feuilles sĂšches en bouche, en combinaison avec une aciditĂ© trĂšs fraĂźche et un caractĂšre salĂ©, ce qui est assez rare dans les vins rouges”. Cette salinitĂ© provient des vignobles, qui se trouvent parfois Ă  100 mĂštres de l’ocĂ©an. Elle provient du microclimat. Une partie peut provenir du sol, qui Ă©tait Ă  un moment donnĂ© sous la mer, mais je pense que ce caractĂšre est surtout le rĂ©sultat de l’influence de l’ocĂ©an Atlantique sur les raisins eux-mĂȘmes.

Francisco Figueiredo (Photo : Lucas FrazĂŁo) Vignes Ă  Colares
“Alors que les sommeliers et les consommateurs de vin se tournent vers des styles plus frais, le Colares est de plus en plus demandĂ©.”
15 Terroir sans
Saint-Graal de
viticulture
AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ARTICLE DU FOND
– Francisco Figueiredo
filtre : les francs de pied sont-ils le
la
?

LoĂŻc Pasquet est plus dĂ©monstratif dans ses rĂ©flexions sur les vignes enracinĂ©es, en ce qui concerne le Bordeaux. Il dĂ©clare : “Si vous plantez des vignes non greffĂ©es, vous avez la meilleure façon de communiquer le message de votre terroir. C’est pourquoi il Ă©tait trĂšs important pour moi de replanter ces variĂ©tĂ©s sur un bon sol, sur leur propre porte-greffe (francs de pied)”. M. Pater prĂ©cise qu’il ne serait pas possible de planter du Merlot dans des graviers ou du Cabernet Sauvignon dans de l’argile, s’ils Ă©taient sur leurs propres portegreffes. Il explique que le greffage sur des porte-greffes amĂ©ricains permet aux viticulteurs de planter n’importe oĂč, mais que la motivation n’est pas d’exprimer le terroir, mais d’exprimer le caractĂšre variĂ©tal, et qu’en les mĂ©langeant, on obtient une sorte de soupe variĂ©tale. “Si vous voulez faire de la soupe variĂ©tale, c’est facile. Vous greffez, puis vous dites que je veux 80 % de merlot, parce qu’il est corsĂ©, qu’il a de l’alcool, qu’il a du sucre. Ensuite, on dit qu’il faut 10 % de cabernet sauvignon pour ajouter de la structure. C’est comme ajouter des pommes de terre et des carottes Ă  la soupe. Ensuite, vous dites que vous voulez du piquant, alors vous ajoutez 10 % de petit verdot. On peut faire ce vin n’importe oĂč. Le message du terroir est unique, car il s’agit de votre terroir. Vous seul pouvez produire le vin (qui reflĂšte votre terroir). C’est pourquoi il est important de replanter de bonnes variĂ©tĂ©s, sur de bons sols, en utilisant des francs de pied. C’est pour cela que je n’ai pas de Merlot ou de Cabernet Franc, parce que je n’ai pas d’argile et je n’ai pas de calcaire”.

Parmi les cépages historiques uniques que Loïc Pasquet a plantés, en plus du cabernet sauvignon, on trouve le manchin (Tarney Coulant), le Castet, le Saint Macaire, la Pardotte, le Prunelard, le Camaralet et le Lauzet.

Fait remarquable, il plante également à une densité de 20 000 pieds par hectare, une pratique courante au XIXÚme siÚcle.

Quant Ă  la crainte de voir le phylloxĂ©ra apparaĂźtre dans ses vignobles, il n’est pas inquiet car il dispose d’une terre arable composĂ©e de gravier et de sable. Ce qui l’inquiĂšte, c’est “la loi, parce que la loi ne permet pas d’utiliser les variĂ©tĂ©s indigĂšnes”. Pour ne parler que de Bordeaux, l’appellation ne sert qu’à faire du vin industriel. L’appellation n’est pas intĂ©ressante, parce qu’il n’y a pas de libertĂ©. Il est impossible d’utiliser des variĂ©tĂ©s indigĂšnes. Actuellement, c’est juste un goĂ»t de Merlot et de Cabernet Sauvignon. J’ai besoin d’avoir le goĂ»t du terroir, et pour cela j’ai besoin des cĂ©pages autochtones. Je suis fier d’ĂȘtre labellisĂ© Vin de France parce que je suis libre, et ĂȘtre libre, c’est ce qu’il y a de mieux “.

En ce qui concerne la question des pratiques viticoles et de la vinification par rapport Ă  l’expression du terroir, LoĂŻc Pasquet dit “pour moi, le choix est de ne pas greffer. La greffe est un filtre. La technique dans le vignoble pourrait ĂȘtre biologique ou biodynamique. Pour ĂȘtre honnĂȘte, je n’ai jamais compris la biodynamie. Je n’ai qu’un seul dieu et je n’ai pas assez de temps Ă  leur consacrer. Si je devais aussi traiter Steiner comme un dieu, je n’aurais pas le temps. Ce qui importe en fin de compte, c’est de maintenir la vie dans le sol. Nous sommes bien sĂ»r naturels puisque nous n’utilisons pas de soufre dans la cave. Nous pouvons dire que nous sommes naturels, mais nous sommes plus, nous sommes tout. Nous voulons faire du vin comme avant.

Leonardo Da Vinci “il est difficile de faire quelque chose de facile”. Nous travaillons beaucoup dans la vigne pour ne rien faire dans la cave. Je ne

suis pas vinificateur. Je suis vigneron. Je ne fais rien. Je suis juste lĂ  pour aider la nature Ă  faire le vin.

LoĂŻc Pasquet est l’un des principaux membres de Francs de Pied, une association de grands vignerons qui croient en l’authenticitĂ© de la saveur créée par les vignes non greffĂ©es. Parmi les autres producteurs notables, on trouve notamment l’Allemand Egon MĂŒller, le Bourguignon Thibault Liger-Belair, le Campanien Feudi San Gregorio et le Champenois Alexandre Chartogne.

Plantation de vignes Ă  Colares
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Terroir sans filtre : les francs de pied sont-ils le Saint-Graal de la viticulture ? 16 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
“Je suis fier d’ĂȘtre labellisĂ© Vin de France parce que je suis libre, et ĂȘtre libre, c’est ce qu’il y a de mieux.”
LoĂŻc Pasquet

LA RÉVOLUTION VITICOLE EN MOLDAVIE : SOUTENUE PAR LA DURABILITÉ ET LA DIVERSITÉ DES TERROIRS

La Moldavie a une histoire millĂ©naire dans le domaine de la viticulture, un climat idĂ©al, de nombreux types de sols diffĂ©rents et une gamme attrayante de cĂ©pages indigĂšnes et internationaux. Malheureusement, pendant la collectivisation de l’ùre soviĂ©tique, l’industrie viticole moldave a rĂ©gressĂ©. Il a fallu un certain temps pour se ressaisir aprĂšs la chute du rideau de fer, et bien que de nouvelles caves aient ouvert leurs portes et que la qualitĂ© se soit amĂ©liorĂ©e, ce n’est qu’il y a une dizaine d’annĂ©es que la rĂ©volution viticole a vĂ©ritablement commencĂ©. En 2013, l’Office national du vin et de la vigne a ouvert ses portes dans le cadre d’un partenariat public-privĂ© et, depuis, 500 millions de dollars ont Ă©tĂ© investis dans le secteur. Le nombre de caves est passĂ© Ă  200, dont soixante petits producteurs, et 40 caves accueillent dĂ©sormais des touristes, contre quatre en 2012. Les exportations au-delĂ  des anciens marchĂ©s post-soviĂ©tiques ont triplĂ© au cours de la derniĂšre dĂ©cennie. Aujourd’hui, la Moldavie est le 20e producteur mondial de vin et le 14e exportateur. Plus important encore, la qualitĂ© s’est amĂ©liorĂ©e, comme en tĂ©moignent les plus de 5 000 mĂ©dailles remportĂ©es lors de concours internationaux. Mais ce n’est qu’un dĂ©but. D’énormes efforts sont dĂ©ployĂ©s dans les vignobles afin de cultiver les raisins idĂ©aux. Le vin de Moldavie a optĂ© pour la durabilitĂ©, ce que l’ensemble du secteur vitivinicole s’est engagĂ© Ă  faire en 2023. Les caves travaillent Ă©galement beaucoup pour augmenter les mĂ©langes de raisins locaux et de variĂ©tĂ©s locales et internationales, ce qui constitue la force particuliĂšre de la Moldavie en matiĂšre de vinification.

La Moldavie compte trois rĂ©gions d’indication gĂ©ographique protĂ©gĂ©e (IGP) : IGP CODRU, IGP ȘTEFAN VODĂ et IGP VALUL LUI TRAIAN. L’IGP CODRU a un relief caractĂ©risĂ© par une forte fragmentation des pentes avec des degrĂ©s d’inclinaison variables et est reprĂ©sentĂ©e de maniĂšre Ă©gale par tous les types d’exposition des pentes. Les vignobles de la rĂ©gion viticole de l’IGP “Codru” sont situĂ©s aux altitudes les plus Ă©levĂ©es du pays, atteignant jusqu’à 400 m, et les pentes sont principalement orientĂ©es vers le sud-ouest et l’est. La structure du sol est essentielle pour la qualitĂ© du vin et des produits de la vigne. Les sols de la rĂ©gion IGP “Codru” sont principalement constituĂ©s de chernozems (sols noirs), Ă  hauteur de 62 %, et de sols carbonatĂ©s, Ă  hauteur de 21 %. L’IGP ȘTEFAN VODĂ prĂ©sente un relief moyennement fragmentĂ©, avec des vallĂ©es profondes et des pentes de diffĂ©rents degrĂ©s d’inclinaison. Les pentes d’une longueur moyenne de 200-400 mĂštres et d’un angle d’inclinaison de 3°-5° prĂ©dominent ici.

L’altitude de la rĂ©gion de ȘTEFAN VODĂ est caractĂ©risĂ©e par une variation de 7,0 mĂštres Ă  290,7 mĂštres au-dessus du niveau de la mer, et 73% de la superficie totale se situe dans les limites des pentes de 1° Ă  10°, oĂč les pentes de 1° Ă  5° prĂ©dominent. Le territoire de la rĂ©gion se trouve dans la zone naturelle de l’Europe de l’Est et de la MĂ©diterranĂ©e de la silvosteppe avec le chĂȘne pubescent et de la steppe xĂ©rophile avec le chaume - l’herbe Ă  aiguilles, la barbe, l’herbe et l’absinthe autrichienne.

Les rĂ©gions viticoles de Moldavie offrent un terroir et un profil aromatique uniques qui les distinguent dans le monde du vin. L’histoire unique de la Moldavie et la nouvelle gĂ©nĂ©ration de viticulteurs ambitieux contribuent au potentiel du pays Ă  devenir un acteur majeur de l’industrie vinicole mondiale.

Somms et sol

Les sommeliers ont des opinions différentes sur le rÎle que joue le sol dans les caractéristiques de leurs vins préférés. Nous avons demandé à trois sommeliers, originaires de différents continents et représentant des points de vue divers, de nous faire part de leur point de vue sur le sol.

Reeze Choi est le fondateur d’une sociĂ©tĂ© de services de sommellerie et de conseil en vin, connue sous le nom de Somm’s Philosophy. Il est titulaire du diplĂŽme d’or de l’ASI, est un advanced sommelier de la Court of Master Sommeliers et un Ă©ducateur certifiĂ© du WSET. Reeze a terminĂ© troisiĂšme au concours du Meilleur Sommelier du Monde 2023 de l’ASI Ă  Paris, a Ă©tĂ© premier au concours du Meilleur Sommelier d’Asie & OcĂ©anie 2018 de l’ASI et a remportĂ© quatre fois le titre de Meilleur Sommelier de Chine.

Romain Iltis a obtenu le titre de Meilleur Sommelier de France en 2012, et en 2015 celui de Meilleur Ouvrier de France, dans la catégorie sommellerie. Né en Alsace, il a été formé au lycée hÎtelier Alexandre Dumas, à Illkirch-Graffenstaden, et a commencé sa carriÚre auprÚs du chef Alain Ducasse. Depuis 2015, il occupe le poste de chef sommelier à la Villa René Lalique, 2 étoiles Michelin à Wingen-sur-Moder.

Heather Rankin est cofondatrice et copropriĂ©taire d’Obladee, un bar Ă  vin qui met l’accent sur les vins naturels et durables Ă  Halifax, en Nouvelle-Écosse, au Canada. CertifiĂ©e par l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels, elle est rĂ©guliĂšrement juge pour les National Wine Awards of Canada et participe Ă  de nombreux concours et jurys provinciaux.

ASI : Selon vous, comment le terroir s’exprime-t-il dans un vin ? Reeze Choi (RC) : C’est l’une des questions les plus dĂ©licates dans le monde du vin. En Ɠnologie, deux opinions prĂ©valent. Certains affirment que les vignes absorbent certains minĂ©raux prĂ©sents dans le sol et que ces minĂ©raux dĂ©terminent le caractĂšre du vin. L’autre opinion veut que le sol influence la façon dont les raisins poussent, ce qui Ă  son tour façonne le caractĂšre du vin. N’étant pas un spĂ©cialiste du vin, je ne vais pas m’étendre sur l’influence du sol sur le vin. Mais si l’on observe les nuances de caractĂšre et de style des

Reeze Choi
“Pour le sommelier que je suis, la mĂ©thode de production importe moins que la qualitĂ© gustative du vin.”
Somms et sol 18 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
– Reeze Choi

vins issus du mĂȘme raisin et cultivĂ©s dans deux rĂ©gions voisines, on peut ĂȘtre sĂ»r que le sol a un impact considĂ©rable sur la façon dont un vin naĂźt. Le Barolo et le Barbaresco se trouvent tous deux dans le nordouest de l’Italie. Les vins de ces deux rĂ©gions sont produits Ă  partir de 100 % de Nebbiolo et ont tendance Ă  ĂȘtre moins influencĂ©s par le chĂȘne. Nous savons que le Barolo et le Barbaresco ont des combinaisons de sols diffĂ©rentes et que cette diffĂ©rence contribue aux caractĂ©ristiques dissemblables de leurs vins. Le Barolo a un sol beaucoup plus ancien, d’oĂč un vin plus structurĂ©, tandis que le sol du Barbaresco contient plus de nutriments, ce qui donne au vin un arĂŽme plus floral et un style plus facile et plus accessible, avec moins de tannins. Le sol peut s’exprimer de maniĂšre plus directe dans d’autres cas. Par exemple, le caractĂšre fumĂ© et salĂ© du Koshu et du Carricante est dĂ» Ă  l’influence d’un sol volcanique ; le silex et la note de roche du Riesling cultivĂ© sur de l’ardoise sont Ă©galement prĂ©sents.

Romain Iltis (RI) : J’ai la chance d’habiter en Alsace oĂč il y a toutes sortes de sols diffĂ©rents, ce qui me permet de faire des comparaisons. Personnellement, je pense que le terroir s’exprime en bouche par la texture de l’aciditĂ© sur la langue. Pourquoi l’aciditĂ© est-elle importante ? Parce que l’aciditĂ© est prĂ©sente pendant toute la durĂ©e de vie d’un vin. Elle est comme le squelette du vin, sa structure, et elle est prĂ©sente pendant toute l’existence du vin. En outre, l’aciditĂ© est principalement responsable de l’élĂ©vation du goĂ»t du vin... c’est comme lorsque vous ajoutez un acide Ă  une sauce, il en rehausse la salinitĂ©. Lorsque vous vous concentrez sur l’aciditĂ© d’un vin, vous vous apercevez qu’il a une texture qui reflĂšte le sol. Par exemple, elle sera vive si les vignes sont cultivĂ©es sur du granit et tendre si elles sont cultivĂ©es sur du calcaire. Elle constitue un point commun lorsque l’on essaie des vins issus d’un mĂȘme terroir, mais Ă©laborĂ©s par des producteurs diffĂ©rents ou de millĂ©simes diffĂ©rents.

Heather Rankin (HR) : Je pense que le sol s’exprime dans le vin Ă  travers la rĂ©ponse de la vigne Ă  ce sol. Par exemple, une vigne vigoureuse plantĂ©e dans un sol limoneux trĂšs fertile peut produire un vin plus lĂ©ger et lĂ©gĂšrement diluĂ©, alors qu’une vigne plantĂ©e dans un sol qui retient la chaleur, comme le granit, peut donner des raisins plus mĂ»rs et un vin plus corsĂ©. Je ne suis pas sĂ»re que nous “goĂ»tions” le calcaire (ou le gravier ou l’ardoise) dans un vin, mais nous goĂ»tons plutĂŽt les rĂ©sultats de l’effet que le sol a eu sur les raisins et, en fin de compte, sur le vin. Le sol est trĂšs complexe et va au-delĂ  de simples types d’argile, de sable ou de craie, par exemple. Il englobe des Ă©lĂ©ments tels que la structure, la profondeur, le pH, la tempĂ©rature, le contenu microbien, la fertilitĂ©, etc. Toutes ces facettes se combinent pour dĂ©terminer les types de raisins qui peuvent pousser, leur qualitĂ© et l’expression ou les caractĂ©ristiques uniques que prendront ces raisins (et, en fin de compte, le vin).

ASI : Le sol est-il le principal facteur contribuant au goĂ»t du lieu ou l’un des nombreux facteurs contribuant au caractĂšre “terroir” d’un vin ?

RC : Le sol est un facteur important pour le goĂ»t d’un lieu, certes, mais tout aussi important pour la survie de la vigne. En plus de donner certaines caractĂ©ristiques au vin, le type de sol dĂ©termine Ă©galement si la culture de la vigne est possible dans certains climats plus rudes. Par exemple, l’ardoise de la Moselle retient et libĂšre la chaleur pendant les nuits froides pour permettre la maturation ; la craie aide Ă  retenir l’eau dans les rĂ©gions plus sĂšches comme la Champagne ; un sol mieux drainĂ©, comme le gravier, facilite la concentration du vin dans le MĂ©doc.

RI : Le sol est important, mais ce n’est pas le seul facteur. Le climat, c’est-Ă dire la quantitĂ© de pluie et de soleil, est tout aussi important car il dĂ©finit le potentiel agronomique de la vigne. Le viticulteur joue Ă©galement un rĂŽle important dans ce jeu. Il est le chef d’orchestre tandis que le raisin est l’instrument de musique. C’est Ă  lui de dĂ©cider quel raisin il va planter, de dĂ©terminer le niveau de maturitĂ© auquel il va rĂ©colter, la maturation du vin et bien d’autres choses encore. Toutes ces dĂ©cisions leur permettent d’exprimer le terroir. Un vigneron m’a dit un jour que les choix faits par le vigneron ne changeaient pas le sol, mais son expression dans le vin.

19 Somms et sol AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ARTICLE DU FOND
Heather Rankin

HR : Le sol n’est qu’un Ă©lĂ©ment de l’environnement naturel dans lequel un vin est produit. La topographie et le climat sont Ă©galement des Ă©lĂ©ments clĂ©s qui contribuent au sentiment d’appartenance d’un vin. Ces trois Ă©lĂ©ments travaillent souvent ensemble (plutĂŽt qu’indĂ©pendamment) pour soutenir la vigne et transmettre le terroir. Par exemple, les cĂ©lĂšbres sols ardoisiers de la Moselle sont connus pour leur excellent drainage et leur capacitĂ© Ă  retenir la chaleur - deux Ă©lĂ©ments essentiels pour un Riesling de haut niveau, mais les sols seuls ne garantissent pas le succĂšs de la vigne ou la capacitĂ© du vin Ă  exprimer le terroir. Les vignobles en pente raide de la rĂ©gion placent les vignes dans une position optimale pour une exposition maximale au soleil, et la proximitĂ© de la riviĂšre apporte une lumiĂšre rĂ©flĂ©chie supplĂ©mentaire ainsi qu’un climat tempĂ©rĂ©. Ces trois Ă©lĂ©ments - sol, topographie, climatcontribuent Ă  l’expression du terroir du vin.

ASI : Quel est le rĂŽle de la mĂ©thode de production ? L’influence du sol et du terroir ne peut-elle ĂȘtre exprimĂ©e que par des mĂ©thodes naturelles ou les vins conventionnels peuvent-ils Ă©galement exprimer le caractĂšre du sol et du terroir ?

RC : À mon avis, “exprimer le caractĂšre du sol” et “exprimer le terroir” sont deux choses diffĂ©rentes. Si le terroir est dĂ©fini par le climat, le sol, la topographie - des caractĂ©ristiques de l’environnement naturel -, je considĂšre que l’intervention humaine est Ă©galement un facteur important. La façon dont les hommes cultivent le sol a Ă©galement une incidence sur le terroir. Ainsi, le terroir ne reflĂšte pas seulement les caractĂ©ristiques du sol en soi, mais aussi la culture. Certains vins conventionnels bien connus l’illustrent bien : par exemple, les arĂŽmes “classiques” de Bordeaux sont plus marquĂ©s dans les vins conventionnels que dans les vins naturels. En ce sens, on peut dire que les vins conventionnels expriment encore mieux le terroir. Je pense que les mĂ©thodes naturelles et les vins conventionnels reprĂ©sentent des philosophies diffĂ©rentes de la nature et de la culture, et donc des

maniĂšres diffĂ©rentes de prĂ©senter les caractĂ©ristiques du sol et du terroir. Pour le sommelier que je suis, la mĂ©thode de production importe moins que la qualitĂ© gustative du vin. RI : Il est difficile de donner un avis tranchĂ©. Certains vins conventionnels sont merveilleux, ils expriment vraiment le terroir, mais la plupart du temps ils ont besoin de vieillir pour que le terroir se rĂ©vĂšle. Cela dit, je pense que l’on a une expression moins filtrĂ©e du terroir quand on utilise des mĂ©thodes bio ou biodynamiques.

HR : Je pense qu’il est gĂ©nĂ©ralement admis que l’agriculture conventionnelle et non durable limite la capacitĂ© du sol Ă  se rĂ©gĂ©nĂ©rer et Ă  rester en bonne santĂ© au fil du temps. Je ne pense pas qu’il soit exagĂ©rĂ© de suggĂ©rer qu’un sol moins sain aurait plus de mal Ă  soutenir la vigne et que le vin aurait plus de mal Ă  exprimer le caractĂšre du terroir. Les mĂ©thodes d’agriculture durable qui favorisent la santĂ© microbienne des sols sont susceptibles de mieux soutenir la vigne et, de la mĂȘme maniĂšre, de permettre une expression plus claire du terroir. Dans le chai, on pourrait affirmer qu’un vin fermentĂ© avec des levures indigĂšnes provenant de l’environnement local exprime mieux le terroir qu’un vin fermentĂ© avec des levures cultivĂ©es, et que tout ce qui est ajoutĂ© (ou enlevĂ©) au vin peut “masquer” ou dĂ©former le caractĂšre original du terroir. Mais les mĂ©thodes naturelles ne garantissent pas l’expression du terroir. Si le vin est trop volatil ou trop oxydĂ© (par exemple), l’expression du terroir peut Ă©galement ĂȘtre bloquĂ©e. En gĂ©nĂ©ral, je pense qu’un vin fait intentionnellement et avec soin par un entraĂźneur compĂ©tent intĂ©ressĂ© par la communication du terroir est ce qui est important - plutĂŽt que de savoir si le vin a Ă©tĂ© fait complĂštement “naturellement” ou non.

ASI : Avez-vous un sol préféré ou une combinaison de sol et de cépage préférée ?

RC : J’ai dĂ©couvert que j’aimais beaucoup la sensation que le sol calcaire donne Ă  certains vins blancs. Il confĂšre aux vins, en particulier Ă  ceux qui sont produits dans le cadre

Romain Iltis
“Le viticulteur joue Ă©galement un rĂŽle important dans ce jeu. Il est le chef d’orchestre tandis que le raisin est l’instrument de musique.”
Somms et sol 20 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
– Romain Iltis

d’une vinification rĂ©ductrice, un joli ton rocailleux, fumĂ© et savoureux. Le Domaine Follin-Arbelet, Corton Clos Blanche 2014 et le Domaine Leflaive Bourgogne Blanc 2004 sont deux des vins qui illustrent le mieux ces caractĂ©ristiques et que j’ai apprĂ©ciĂ©s rĂ©cemment.

RI : J’avoue que j’aime le riesling cultivĂ© sur un sol grĂ©seux. C’est une combinaison qui apporte de la linĂ©aritĂ©, une puretĂ© d’aciditĂ© et une texture granuleuse qui se traduit plus par une expression dans les gencives qu’au nez. Je trouve aussi qu’il apporte un caractĂšre salin en fin de bouche et des arĂŽmes de pierre chaude. En ce qui concerne les vins rouges, j’aime le grenache cultivĂ© sur un sol schisteux. Le schiste apporte au vin des tanins raffinĂ©s, une texture veloutĂ©e, de la fraĂźcheur, mais avec un caractĂšre brĂ»lĂ© en fin de bouche. Un accord parfait avec les viandes rĂŽties.

HR : Le Teroldego, cultivĂ© sur les contreforts des Dolomites dans la rĂ©gion alpine du Trentin HautAdige, Ă  l’extrĂȘme nord de l’Italie, est l’un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s. Le sol

est une composition unique de dolomite (carbonate de calcium et de magnĂ©sium, Ă©galement connu sous le nom de calcaire magnĂ©sien) qui donne aux montagnes une couleur rose-corail cristalline qui rĂ©fracte la lumiĂšre du soleil sur les vignes. Le Teroldego est originaire de la rĂ©gion du Trentin et est apparentĂ© Ă  la Syrah. Comme la Syrah, il est trĂšs colorĂ©, avec des tanins fermes, une aciditĂ© vive, et des arĂŽmes de mĂ»re, de poivre et de terre. Ces vins sont d’une intensitĂ© et d’une fraĂźcheur peu communes, probablement dues Ă  la combinaison unique du sol, de l’altitude et du climat de la rĂ©gion.

“Je pense qu’un vin fait intentionnellement et avec soin par un entraĂźneur compĂ©tent intĂ©ressĂ© par la communication du terroir est ce qui est important.”
21 Somms et sol AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ARTICLE DU FOND
– Heather Rankin

Fondation GĂ©rard Basset de l’ASI

Sharrol Mukendi-Klaas est la premiĂšre laurĂ©ate de la bourse de sommellerie de la Fondation GĂ©rard Basset de l’ASI

Fondation GĂ©rard Basset de l’ASI 22 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND

Sharrol Mukendi-Klaas ne s’attendait pas Ă  entrer dans le monde du vin. En fait, Sharrol Mukendi-Klass a grandi loin de la culture du vin, au sens propre comme au sens figurĂ©. ÉlevĂ©e dans la petite ville de Klerksdorp, dans la province sud-africaine du Nord-Ouest, loin des vignobles du Cap-Occidental, Sharrol Mukendi-Klass raconte : “Je voyais le vin comme une boisson pour les gens qui avaient de l’argent. Une boisson de paillettes et de glamour”.

L’idĂ©e de vivre du vin, sans parler de le boire, Ă©tait encore plus farfelue. Elle explique : “Travailler dans un restaurant est le moyen le plus facile pour quelqu’un qui n’a pas de compĂ©tences particuliĂšres de trouver un emploi en Afrique du Sud. Je suis devenue serveuse par nĂ©cessitĂ©, pour gagner ma vie. Je suis tout de suite tombĂ©e amoureuse de l’interaction que j’avais avec les clients lorsqu’il s’agissait de les servir. Expliquer les diffĂ©rentes saveurs des plats me permettait de devenir une sorte de poĂšte. En mĂȘme temps, nous recevions une formation de base qui nous apprenait comment les vins se mariaient avec les plats, ce qui nous permettait de mieux vendre”.

Selon RomanĂ© Basset, c’est justement cette orientation client qui a permis Ă  “Sharrol de se distinguer auprĂšs des juges. Ce que j’ai le plus admirĂ©, c’est l’importance qu’elle accorde Ă  l’expĂ©rience des clients lorsqu’elle les sert. Elle aime interagir avec eux, partager ses connaissances et s’assurer qu’ils choisissent un vin qu’ils apprĂ©cieront. Cela me rappelle l’insistance de papa (GĂ©rard Basset) sur le fait qu’un sommelier doit aimer les gens autant qu’il aime le vin”.

Sharrol Mukendi-Klass est la premiĂšre laurĂ©ate de la bourse de sommellerie de la Fondation GĂ©rard Basset de l’ASI. Nina Basset a dĂ©clarĂ© : “Je suis personnellement ravie que nous ayons créé cette bourse en collaboration avec l’ASI, notamment parce que l’ASI a jouĂ© un rĂŽle trĂšs important dans l’orientation de la carriĂšre de GĂ©rard. Il est donc tout Ă  fait appropriĂ© de s’associer Ă  l’ASI pour aider Ă  façonner et Ă  amĂ©liorer la carriĂšre de Sharrol dans le domaine du vin, ainsi que celle de nombreux autres futurs boursiers”.

La bourse est nĂ©e d’une discussion entre la fondation, dirigĂ©e par RomanĂ© et Nina Basset, et la Commission DiversitĂ© & Inclusion de l’ASI. Ensemble, ils ont dĂ©cidĂ© qu’une bourse centrĂ©e sur l’Afrique, dont la culture de la sommellerie se dĂ©veloppe rapidement, mais qui est encore sous-reprĂ©sentĂ©e dans le monde du vin international, aurait le plus grand impact pour montrer que la sommellerie est une profession vĂ©ritablement mondiale. C’est pourquoi la fondation s’est associĂ©e Ă  l’ASI et Ă  l’AcadĂ©mie des sommeliers de Jean-Vincent Ridon pour dĂ©velopper et mettre en Ɠuvre le programme de bourses d’études. RomanĂ© Basset explique la dĂ©cision de s’associer Ă  JV Ridon : “Sa grande expĂ©rience du travail en sommellerie en Afrique, ainsi que sa carriĂšre dans l’enseignement et son rĂ©seau international de contacts, nous ont permis d’ĂȘtre sĂ»rs que la laurĂ©ate recevrait un programme de premier ordre qui la mettra certainement Ă  l’épreuve, mais qui dĂ©veloppera aussi considĂ©rablement ses compĂ©tences et ses connaissances”.

Ce sera un grand pas en avant pour Sharrol Mukendi-Klaas qui dĂ©clare Ă  propos de cette opportunitĂ© : “J’ai l’intention d’utiliser l’éducation que je reçois de la Sommelier Academy pour inspirer les sommeliĂšres en herbe en Afrique du Sud et dans le reste de l’Afrique. Je sais qu’aprĂšs avoir dĂ©couvert mon parcours dans l’industrie du vin et de l’hĂŽtellerie et vu le chemin parcouru, elles pourront Ă©galement se projeter dans une carriĂšre, et une carriĂšre rĂ©ussie, dans ce domaine. Si l’on y croit et que l’on travaille dur, tout est possible”.

Pour ce qui est de l’avenir, Sharrol Mukendi-Klaas se voit comme juge du vin et “directement impliquĂ©e dans l’AcadĂ©mie sud-africaine de sommellerie, oĂč je peux partager mon expĂ©rience et enseigner aux femmes sommeliers en devenir”.

“J’ai l’intention d’utiliser l’éducation que je reçois de la Sommelier Academy pour inspirer les sommeliĂšres en herbe en Afrique du Sud et dans le reste de l’Afrique.”
Sharrol Mukendi-Klaas
23 Fondation GĂ©rard Basset de l’ASI AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ARTICLE DU FOND

COMMENT RESTAURER LES SOLS VITICOLES ?

C’est la question que Vinexposium a posĂ©e Ă  Emmanuel Bourguignon, docteur en microbiologie et Ă©cologie du sol, ainsi que directeur associĂ© au Laboratoire d’Analyses Microbiologiques des Sols (LAMS).

Alors que les sols vivants constituent le patrimoine aux fondements mĂȘmes de la notion de terroir, gage d’authenticitĂ©, de typicitĂ© et de qualitĂ© des vins ; la crise climatique continue d’amplifier les consĂ©quences de la gestion irrĂ©guliĂšre des terres viticoles Ă  l’échelle mondiale.

Face Ă  cette urgence, Vinexposium rĂ©affirme son engagement auprĂšs de celles et ceux qui alertent, qui Ă©laborent de nouvelles solutions et qui ouvrent la voie. Rassembler les forces et les paroles lors des Ă©vĂ©nements du groupe Ă  travers le monde (Wine Paris & Vinexpo Paris, Vinexpo Asia, 
) pour accĂ©lĂ©rer et faciliter le changement. Telle est la revendication du premier organisateur mondial d’évĂ©nements dĂ©diĂ©s aux vins et spiritueux.

Comment restaurer les sols viticoles ?

Le niveau de dĂ©gradation des sols viticoles est trĂšs disparate selon les rĂ©gions, les modes de viticulture et leur historique. Les vignobles ayant les sols les plus dĂ©gradĂ©s, sont fortement exposĂ©s Ă  l’érosion, la compaction, la perte d’humus, la perte d’activitĂ© microbienne et les pollutions chroniques. Ces sols-lĂ  peuvent ĂȘtre, tout de mĂȘme, restaurĂ©s, aggradĂ©s, redynamisĂ©s afin de leur permettre de retrouver toutes leurs fonctionnalitĂ©s et leur capacitĂ© Ă  hĂ©berger une biodiversitĂ© foisonnante assurant une nutrition qualitative de la vigne. La vĂ©ritable question est plutĂŽt combien de temps faut-il pour restaurer ces sols? Selon leur niveau de dĂ©gradation et le climat oĂč ils se trouvent, cela peut prendre plus de dix ans voire, plus de 20 ans pour les cas les plus extrĂȘmes. Heureusement, il y a depuis plusieurs annĂ©es une importante Ă©volution du monde viticole avec une sensibilitĂ© croissante vis-Ă -vis du sol. Les pratiques vertueuses, basĂ©es sur les principes de l’agro-Ă©cologie se multiplient dans les vignobles.

Quel est le rĂŽle Ă  jour des sommeliĂšres et des sommeliers ?

Cette profession joue un rĂŽle central, les femmes et les hommes qui exercent ce mĂ©tier permettent de faire dĂ©couvrir et d’initier les gens Ă  cette boisson extraordinaire qu’est le vin. Ils doivent se former Ă  comprendre pourquoi et comment une viticulture respectueuse des sols, respectueuse du terroir et de la biodiversitĂ© permet l’obtention de raisins plus qualitatifs, plus concentrĂ©s, plus complexes, empreint d’une forte typicitĂ©. Ces mĂȘmes raisins, mis entre de bonnes mains seront Ă  l’origine de vins vibrant de vie et d’énergie, des vins de haut lieu, des vins uniques portant en eux la complexitĂ© des interactions entre l’homme, la vigne, le monde microbien et un terroir. Les acteurs de ce mĂ©tier doivent Ă  mon sens ĂȘtre engagĂ©s pour aider le grand public Ă  comprendre l’importance de consommer des vins dont la production n’a pas Ă©tĂ© nĂ©faste pour l’environnement, les sols, la biodiversitĂ© et l’humanitĂ©. Certains diront par les temps qui courent et les enjeux gĂ©opolitiques actuels que le vin, contrairement au pain et au riz, est un produit de luxe qui n’est pas vital Ă  nos sociĂ©tĂ©s, argument recevable qui nous impose une gĂ©nĂ©ralisation des pratiques viticoles vertueuses, les sommeliers sont en premiĂšre ligne pour expliquer cela Ă  leurs clients. Il existe de plus en plus de domaines viticoles de dimension modeste, dans des appellations dites « modestes » mais dont le travail est absolument exemplaire tant au niveau du respect des sols que de la qualitĂ© de leur vin, les sommeliers doivent aussi ĂȘtre moteur dans la mise en lumiĂšre de ces artisans de la vigne car ils exercent souvent la viticulture de demain.

A retrouver sur

Scannez le QR code pour Ă©couter l’épisode complet du podcast « Wines of The Future » produit par Vinexposium, avec Emmanuel Bourguignon.

La portée croissante du DiplÎme ASI

Le diplĂŽme de l’ASI est de plus en plus considĂ©rĂ© comme l’un des sommets de la sommellerie. Lorsque le premier examen a Ă©tĂ© proposĂ© en 2012, seul un petit nombre d’associations membres de l’ASI y participait. Aujourd’hui, un peu plus d’une dĂ©cennie plus tard, des sommeliers du monde entier y participent chaque annĂ©e. L’objectif ultime, selon MichĂšle ChantĂŽme, coordinatrice de la Commission Examens de l’ASI et ambassadrice de l’ASI, â€œĂ©tait et est toujours d’harmoniser le niveau de sommellerie dans le plus grand nombre de pays possible”.

Devenir sommelier ASI, en ayant rĂ©ussi le trĂšs exigeant examen du diplĂŽme, c’est faire partie de l’élite mondiale et pouvoir prouver ses capacitĂ©s et son talent partout dans le monde. C’est une rĂ©fĂ©rence de haut niveau sur le plan personnel. Et pour les associations, c’est un plus indĂ©niable de pouvoir offrir cette opportunitĂ© Ă  leurs membres.

Selon Michùle Chantîme, “le fait que de plus en plus d’associations nationales organisent cet examen,

y compris les membres observateurs, montre qu’il y a un rĂ©el besoin de reconnaissance de la part des sommeliers. De plus, de nombreuses nationalitĂ©s sont reprĂ©sentĂ©es, et donc diffĂ©rentes cultures, ce qui donne au diplĂŽme un caractĂšre diversifiĂ© et inclusif”.

La Commission Examens de Certification de l’ASI prĂ©pare Ă©galement un protocole pour les personnes handicapĂ©es. Cette annĂ©e, un candidat malentendant a passĂ© l’examen. Pour cela, la commission a adaptĂ© le temps allouĂ© Ă  certaines Ă©preuves, tout en maintenant un haut niveau d’exigence dans les Ă©preuves Ă©crites et les autres tĂąches pratiques.

“Je pense que les prĂ©sidents des associations nationales sont heureux de profiter de notre offre car, en plus de leur donner un examen “clĂ© en main”, nous les guidons par le biais d’une hotline sur WhatsApp au moment de l’examen et des instructions et conseils trĂšs prĂ©cis leur sont Ă©galement fournis avant le jour de l’examen”, prĂ©cise MichĂšle ChantĂŽme.

Les membres de la Commission elle-mĂȘme, dirigĂ©e par un Meilleur Sommelier du Monde, Giuseppe Vaccarini, reprĂ©sentent diffĂ©rents pays dont l’Afrique du Sud, l’Estonie, la GrĂšce, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Maroc, les Pays-Bas, le RoyaumeUni et le Venezuela, ce qui assure diversitĂ© et neutralitĂ© tant dans la prĂ©paration des Ă©preuves que dans leur Ă©valuation.

GrĂące au DiplĂŽme et aux examens de Certification 1 et 2, l’ASI encourage les sommeliers du monde entier Ă  amĂ©liorer leurs compĂ©tences et les associations Ă  les former. Il existe une forte demande de cours, en particulier de la part des associations qui ne sont pas Ă©quipĂ©es pour les dispenser. Les Bootcamps rĂ©pondent en partie Ă  cette attente en proposant des cours de maĂźtre, chaque annĂ©e sur un continent diffĂ©rent. Bien que la portĂ©e globale soit limitĂ©e, il s’agit dĂ©jĂ  d’un Ă©norme pas en avant.

25 La portĂ©e croissante du DiplĂŽme ASI AVRIL 2023 ASI MAGAZINE NOTRE ÉQUIPE

la terre

De nombreux sommeliers se réfÚrent à la notion française de terroir et au lien entre le sol, les vignes et, en fin de compte, le verre. ASI a demandé à des sommeliers quelle était leur combinaison de terre et de vin préférée.

L’une des formations du sol en viticulture qui me fascine souvent est le granit. Non seulement il me rappelle mon pays d’origine, l’Afrique du Sud, avec les spectaculaires affleurements granitiques de Paarl et de Stellenbosch, mais il reprĂ©sente aussi le terroir de nombreux vins que j’apprĂ©cie profondĂ©ment Ă  titre personnel. Je pense Ă  des rĂ©gions comme le Beaujolais, le Portugal (DĂŁo et certaines parties du Douro), la Galice (oĂč mĂȘme les piquets des vignes sont en granit) et les crus du RhĂŽne septentrional - en particulier la cĂ©lĂšbre colline de l’Hermitage.

Le granit est une formation rocheuse ignĂ©e qui prĂ©sente une certaine juxtaposition. D’une part, il est trĂšs riche en minĂ©raux, notamment en potassium, mĂȘme s’il n’est pas toujours disponible pour les vignes. D’autre part, elle n’offre pas beaucoup de rĂ©tention d’eau sous sa forme brute. Je suis sĂ»r que tous ceux qui ont un comptoir en granit dans leur cuisine se demandent comment les vignes peuvent pousser sur un matĂ©riau aussi robuste. En effet, cela peut s’avĂ©rer

difficile. À moins d’une dĂ©composition complĂšte et d’une prĂ©sence suffisante de matiĂšre organique, ce n’est pas un sol particuliĂšrement luxuriant. Sur les sols granitiques, les vignes doivent souvent faire preuve de combativitĂ© et plonger leurs racines en profondeur. Et cela s’avĂšre souvent payant, avec une qualitĂ© de fruit qui mĂ©rite l’admiration.

Je trouve gĂ©nĂ©ralement que les vins issus de sols granitiques prĂ©sentent une prĂ©cision, une fraĂźcheur et un caractĂšre floral particuliers. Les cĂ©pages noirs tels que le gamay noir, le shiraz et le cinsaut ont tendance Ă  mieux exprimer ces nuances. Je suis Ă©galement convaincu que le Chenin Blanc issu de vieilles vignes sur des sols granitiques en Afrique du Sud est trĂšs prometteur. Ils valent vraiment la peine d’ĂȘtre recherchĂ©s ! Ce sont souvent mes vins de prĂ©dilection, ceux qui me font du bien lorsque je suis coincĂ© entre le marteau et l’enclume (mauvais jeu de mots) et que j’ai besoin de me rappeler la valeur de la combativitĂ© dans les situations difficiles !

Le sommelier : Jo Wessels, Afrique du Sud

Le sol : le granit

26 J’aime la terre ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
“Je trouve gĂ©nĂ©ralement que les vins issus de sols granitiques prĂ©sentent une prĂ©cision, une fraĂźcheur et un caractĂšre floral particuliers.”

Le Banyuls est l’un de mes terroirs prĂ©fĂ©rĂ©s. L’AOP Banyuls, qui comprend les communes de Collioure, Port-Vendres, Banyuls-SurMer et CerbĂšre Banyuls, est nichĂ©e entre la MĂ©diterranĂ©e d’un cĂŽtĂ© et les PyrĂ©nĂ©es de l’autre, l’Espagne n’étant qu’à une courte distance en voiture. Ici, les vignes sont plantĂ©es sur des pentes abruptes (souvent jusqu’à 45 degrĂ©s) dans les sols d’ardoise noire uniques de la rĂ©gion. Ces pentes traĂźtresses, qui semblent plonger directement dans la mer, ainsi que le sol, rendent la culture de la vigne difficile et amĂšnent la flore locale Ă  creuser profondĂ©ment, parfois jusqu’à 15 mĂštres, Ă  la recherche d’eau et de nutriments.

Les sols d’ardoise noire sont euxmĂȘmes d’origine marine, datant de 300 millions d’annĂ©es. Ils sont riches en matiĂšre organique et en hydrocarbures, ce qui explique leur couleur foncĂ©e. Les vignes qui poussent sur ces sols doivent en outre faire face Ă  de fortes pluies au

printemps et Ă  l’automne, ainsi qu’à des tempĂ©ratures caniculaires et Ă  la sĂ©cheresse en Ă©tĂ©. Ces sols et ce climat feraient fuir bien des cĂ©pages, mais pas le Grenache, le monarque de Banyuls. Le Grenache s’est habituĂ© Ă  l’environnement inhospitalier de Banyuls, n’obtenant un peu de rĂ©pit de la chaleur torride que grĂące Ă  la Tramontane, le fameux vent mĂ©diterranĂ©en qui rafraĂźchit et aide Ă  maintenir les vignes en bonne santĂ©.

Tous ces Ă©lĂ©ments font de Banyuls un terroir trĂšs particulier, oĂč l’effort annuel des vignerons, qui comprend la taille, la gestion du couvert vĂ©gĂ©tal et les vendanges, toutes effectuĂ©es Ă  la main, est rĂ©compensĂ© par des vins doux naturels d’une qualitĂ© indĂ©niable. Les trĂšs faibles rendements, dus Ă  la richesse des vieilles vignes combinĂ©e Ă  la pauvretĂ© du sol en ardoises noires, confĂšrent Ă  ces vins une Ă©tonnante concentration aromatique. Les vins doux ne sont pas les seuls Ă  en bĂ©nĂ©ficier. Les vins secs produits sous l’AOP Collioure

sont Ă©galement fabuleux. Ces vins issus de vignes cultivĂ©es sur les sols locaux d’ardoises noires rĂ©vĂšlent toujours un bel Ă©quilibre en bouche, alliant une superbe fraĂźcheur Ă  des tanins souples et soyeux. Le nez des vins peut ĂȘtre variĂ©, jonglant entre les fruits noirs mĂ»rs et confiturĂ©s, la rĂ©glisse et les Ă©pices douces.

Bref, le terroir de Banyuls vous séduira par ses paysages, son sol et le goût de ses vins !

Marylou Javault La sommeliĂšre : Marylou Javault, France Le terroir : Black Slate, Banyuls
27 J’aime la terre AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ARTICLE DU FOND
“L’effort annuel des vignerons, qui comprend la taille, la gestion du couvert vĂ©gĂ©tal et les vendanges, toutes effectuĂ©es Ă  la main, est rĂ©compensĂ© par des vins doux naturels d’une qualitĂ© indĂ©niable.”

Le sol graveleux du MĂ©doc a quelque chose de particulier. Il offre au cabernet sauvignon de la rive gauche de Bordeaux une immense quantitĂ© d’énergie dans le vin, en particulier Ă  Pauillac qui est l’un des meilleurs endroits pour cultiver ce cĂ©page. Lorsque j’ai visitĂ© le chĂąteau de Pauillac, la qualitĂ© du vin Ă©tait

exceptionnelle. Cependant, l’un des secrets les mieux gardĂ©s est que le cabernet sauvignon peut ĂȘtre l’un des vins les plus avantageux. Les vins Ă  base de cabernet sauvignon cultivĂ©s sur des graviers prĂ©sentent une trĂšs grande qualitĂ© tout au long de leur Ă©volution, avec de belles notes de cassis, de bois de cĂšdre et de violette.

Kevin Lu Le sommelier : Kevin Lu, Taïwan Le sol : Graves, Médoc
28 J’aime la terre ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ARTICLE DU FOND
Sols graveleux du Médoc

LancĂ©e par Symington Family Estates en 2020, l’école du porto enseigne depuis aux professionnels et aux amateurs du vin ce qu’est cette catĂ©gorie, dissipe les idĂ©es fausses, sĂ©duit les papilles et rehausse le profil du porto, tant Ă  l’intĂ©rieur qu’à l’extĂ©rieur de l’industrie.

L’annĂ©e derniĂšre, le Douro Somm Camp, un camp d’entraĂźnement Ă©ducatif basĂ© dans la vallĂ©e du Douro, a Ă©tĂ© inaugurĂ© pour la premiĂšre fois. Il reviendra cette annĂ©e entre le 3 et le 6 juillet. Outre un nouveau programme d’évĂ©nements, de dĂ©gustations et d’activitĂ©s, l’édition de cette annĂ©e accueillera Ă©galement des sommeliers amĂ©ricains et asiatiques, en plus de ceux venus de toute l’Europe.

Les sommeliers participants auront l’occasion de visiter plusieurs propriĂ©tĂ©s historiques du Douro, d’assister Ă  des dĂ©gustations et Ă  des cours de maĂźtre, de faire connaissance avec les personnes qui se cachent derriĂšre le vin, notamment les vignerons, les viticulteurs et les vendeurs, et d’avoir accĂšs aux coulisses du processus de vinification dans le Douro.

Bien que de nombreux dĂ©tails du programme soient gardĂ©s secrets, nous avons appris que le camp d’entraĂźnement comprendra une classe de maĂźtre sur le changement climatique dans la rĂ©gion, un dĂźner Ă  la Factory House historique de Porto et une visite de l’emblĂ©matique Quinta do VesĂșvio dans le Douro supĂ©rieur - l’un des derniers domaines de porto Vintage oĂč l’on foule encore les raisins Ă  pied.

“Nous sommes ravis d’accueillir Ă  Porto et dans le Douro un autre groupe de jeunes sommeliers prometteurs venus du monde entier. En partageant notre amour pour cette rĂ©gion et les vins qu’elle produit, nous espĂ©rons leur offrir une riche expĂ©rience d’apprentissage qu’ils pourront ramener chez eux et partager avec d’autres.”

LE CAMP DOURO SOMM EST DE RETOUR : LE CAMP D’ENTRAÎNEMENT IMMERSIF DE L’ÉCOLE DE PORTO EST DE RETOUR POUR UNE DEUXIÈME ANNÉE !
Rob Symington, producteur de porto de cinquiÚme génération, a déclaré :

Les Super Somms discutent de l’Intelligence Artificielle dans la cave

ClĂ©ment Robert est responsable de l’achat des boissons et des vins pour les Birley Clubs, un ensemble de clubs privĂ©s situĂ©s Ă  Londres, en Angleterre.

Ronan Sayburn est Master Sommelier, ancien laurĂ©at du concours britannique du meilleur sommelier de l’annĂ©e et a reprĂ©sentĂ© Ă  deux reprises le Royaume-Uni au concours du meilleur sommelier d’Europe de l’ASI. Il a Ă©tĂ© chef sommelier et sommelier consultant dans de nombreux restaurants prestigieux du Royaume-Uni.

Sylvain Nicolas a commencĂ© sa carriĂšre de sommelier en tant qu’apprenti de Philippe Faure-Brac, Meilleur Sommelier du Monde ASI 1992. Depuis 2008, Sylvain est chef sommelier du restaurant Guy Savoy Ă  la Monnaie de Paris.

Pour de nombreux sommeliers, le passage quotidien, hebdomadaire ou mensuel au sous-sol pour compter les bouteilles est une routine redoutĂ©e. Rares sont les sommeliers qui se dĂ©lectent de la tĂąche souvent pĂ©nible de compter les Ă©tiquettes. C’est le cas de ClĂ©ment Robert, responsable de l’achat des boissons et des vins pour les Birley Clubs, un ensemble de clubs privĂ©s de Londres, en Angleterre. MalgrĂ© sa relative jeunesse, ClĂ©ment Robert, 37 ans, se souvient d’une Ă©poque “pas si lointaine, oĂč l’on faisait l’inventaire au stylo sur papier avant de transfĂ©rer les informations sur une feuille de calcul Excel”. Plus rĂ©cemment, ils disposaient d’un logiciel fonctionnel qui leur permettait de passer, d’envoyer et de recevoir des commandes, mais ce n’était pas tout Ă  fait l’outil spĂ©cifique dont ils avaient besoin pour leur activitĂ©. Si de nombreux grands restaurants et groupes de restauration tels que The Birley Clubs ont optĂ© pour des solutions technologiques, tous ne considĂšrent pas ces systĂšmes comme une solution. C’est le cas de Sylvain Nicolas, du restaurant Guy Savoy Ă  Paris, qui prĂ©fĂšre conserver une approche pratique, au sens littĂ©ral du terme.

Les systĂšmes de gestion des stocks, tels qu’Alfred Technologies, permettent aux sommeliers de numĂ©riser leurs commandes et de faciliter la validation des stocks reçus, d’enregistrer facilement les livraisons et d’ajouter automatiquement les crĂ©ances Ă  l’inventaire. Il permet Ă©galement aux sommeliers d’avoir toujours une vue en temps rĂ©el des niveaux de stock. Guy Doucet, d’Alfred Technologies, explique : “notre Ă©quipe d’experts travaille sans relĂąche pour proposer la meilleure solution qui aide les gĂ©rants d’établissements et les sommeliers Ă  contrĂŽler leurs opĂ©rations et Ă  concentrer leurs efforts sur des tĂąches

30 Les Super Somms discutent de l’Intelligence Artificielle dans la cave ASI MAGAZINE AVRIL 2023 DISCUSSION TECHNIQUE

vĂ©ritablement crĂ©atrices de valeur, en consacrant leur temps Ă  l’aspect le plus important de leurs activitĂ©s quotidiennes, leurs clients. Les sommeliers qui mettent en Ɠuvre Alfred ont certainement un atout dans leur poche, en Ă©liminant le processus fastidieux d’inventaire pĂ©riodique, tout en augmentant les marges bĂ©nĂ©ficiaires de maniĂšre significative.” Des sentiments partagĂ©s par Rajat Parr, un dĂ©fenseur du travail de Doucet, qui dĂ©clare : “Alfred change la donne au moment oĂč la restauration en a le plus besoin. Cette application de gestion, alimentĂ©e par l’intelligence artificielle, aide votre restaurant Ă  ĂȘtre plus rentable, facilite les tĂąches ennuyeuses et fastidieuses et vous redonne du temps pour ĂȘtre avec vos clients.”

Alors que beaucoup voient la valeur de la rĂ©duction des heures de travail et d’autres avantages de la technologie, Sylvain Nicolas ne veut pas risquer de perdre le lien physique avec les bouteilles. Sa carte des vins comprend environ 1 300 rĂ©fĂ©rences, soit 24 000 bouteilles, conservĂ©es dans deux caves - une cave de travail au restaurant et une grande cave de vieillissement situĂ©e Ă  l’extĂ©rieur du restaurant - cette derniĂšre Ă©tant gĂ©rĂ©e par une tierce partie extĂ©rieure au restaurant. Comme il le dit en tant que chef sommelier, “il est important d’ĂȘtre connectĂ© Ă  l’inventaire des vins, il est important de toucher les bouteilles, de les regarder, car on peut voir l’évolution, le changement de

volume dans la bouteille, des choses qu’un ordinateur ne peut pas faire”.

Il y a six mois, ClĂ©ment Robert a franchi une Ă©tape supplĂ©mentaire en rĂ©volutionnant son systĂšme de gestion des stocks en y ajoutant la IDFR (identification par radiofrĂ©quence). Cela lui permet d’étiqueter chaque bouteille dĂšs son arrivĂ©e avec sa propre identification. Un scanner enregistre le prix unitaire et, en quelques minutes, la bouteille est enregistrĂ©e dans le stock. L’ajout de la IDRF permet Ă  l’entreprise de suivre en temps rĂ©el le mouvement de chaque bouteille, car les caves peuvent ĂȘtre situĂ©es Ă  l’extĂ©rieur, de l’autre cĂŽtĂ© d’une rue par exemple, ou mĂȘme un site individuel peut abriter plusieurs restaurants, ce qui permet de savoir oĂč se trouve le vin dans le complexe. Le fait de savoir oĂč le vin se dĂ©place au sein de leur complexe s’est avĂ©rĂ© une aubaine logistique pour leur entreprise extrĂȘmement complexe et imbriquĂ©e.

Ronan Sayburn MS, dĂ©clare Ă  propos de l’introduction d’un systĂšme de gestion des vins sur mesure installĂ© au 67 Pall Mall : “La nouvelle technologie a permis d’éliminer une grande partie des erreurs humaines dues Ă  la fatigue des sommeliers qui

“Notre Ă©quipe d’experts travaille sans relĂąche pour proposer la meilleure solution qui aide les gĂ©rants d’établissements et les sommeliers Ă  contrĂŽler leurs opĂ©rations.”
– Guy Doucet, Alfred Technologies
Clement Robert Ronan Sayburn Sylvain Nicolas
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Guy Doucet Les Super Somms discutent de l’Intelligence Artificielle dans la cave

faisaient les stocks Ă  deux heures du matin, aprĂšs une garde, en reliant nos vins Ă  un systĂšme de point de vente utilisant des puces IDRF et des codes-barres. Elle a Ă©galement permis d’identifier les erreurs, par exemple si un Chassagne 1er Cru Les Caillerets a Ă©tĂ© servi Ă  un client au lieu d’un Chenevottes 1er Cru”.

Sylvain Nicolas, quant Ă  lui, n’est pas dĂ©couragĂ©. Bien qu’il ait envisagĂ© d’introduire un systĂšme d’inventaire informatisĂ©, il dit “nous n’avons pas Ă©tĂ© convaincus de changer notre systĂšme, car ce que nous faisons fonctionne bien pour nous”. Son systĂšme repose toujours sur le fait qu’il passe des commandes quotidiennes Ă  la cave de vieillissement pour remplir la cave du restaurant, ce qui, selon lui, lui donne une comprĂ©hension de son stock que ne peut avoir un systĂšme informatisĂ©. Quant Ă  la question des pertes potentielles, l’ensemble du stock fait l’objet d’un inventaire trimestriel et d’un audit afin de garantir la responsabilitĂ©, la traçabilitĂ© et la rentabilitĂ© du programme vinicole.

Pour d’autres, les systĂšmes numĂ©riques n’apportent pas seulement la tranquillitĂ© d’esprit, mais aussi de rĂ©els avantages Ă©conomiques. ClĂ©ment Robert explique que le systĂšme permet d’économiser jusqu’à 20 heures de travail par site, soit 150 heures par mois pour l’ensemble des opĂ©rations, en rĂ©duisant le temps passĂ© Ă  compter les stocks. Ronan Sayburn partage cet avis : “Au 67 Pall Mall, nous pouvions faire l’inventaire d’une carte des vins de 5 000 rĂ©fĂ©rences en quelques heures Ă  l’aide de codesbarres et d’un scanner manuel, et reconfirmer les emplacements dans la cave. Cela nous a Ă©galement permis de suivre les tendances des prix de vente moyens, des styles de vin, etc.

En fait, s’agit-il de choisir entre la modernitĂ© et la tradition ou la comptabilitĂ© par rapport Ă  la connaissance intime de chacun ? La rĂ©ponse aux vĂ©ritables avantages d’un systĂšme de gestion des stocks peut dĂ©pendre du sommelier qui gĂšre la carte et dans les besoins spĂ©cifiques du restaurant.

32 Les Super Somms discutent de l’Intelligence Artificielle dans la cave ASI MAGAZINE AVRIL 2023 DISCUSSION TECHNIQUE
“Le fait de savoir oĂč le vin se dĂ©place au sein de leur complexe s’est avĂ©rĂ© une aubaine logistique pour leur entreprise extrĂȘmement complexe et imbriquĂ©e.”

Vignobles de haute altitude en Argentine

L’Argentine est mondialement connue pour ses vignobles de haute altitude oĂč sont produits des vins concentrĂ©s et Ă©lĂ©gants, des vins aux caractĂ©ristiques propres et aux styles variĂ©s, comparables aux meilleurs du monde.

Les vallĂ©es de CalchaquĂ­es sont un systĂšme de vallĂ©es et de montagnes du nord-ouest du pays qui s’étend sur 270 km du nord au sud, traversant les provinces de Salta, TucumĂĄn et Catamarca. Elle concentre certains des vignobles les plus hauts du monde, culminant entre 1 700 et 3 100 mĂštres audessus du niveau de la mer, ce qui reprĂ©sente 2 % des vignobles plantĂ©s en Argentine.

Cette rĂ©gion est dĂ©limitĂ©e par les sierras de Quilmes Ă  l’ouest et d’Aconquija Ă  l’est, ce qui conditionne le climat en empĂȘchant les masses d’humiditĂ© de pĂ©nĂ©trer dans la vallĂ©e, gĂ©nĂ©rant ainsi un climat dĂ©sertique/continental. L’ariditĂ© et la raretĂ© des prĂ©cipitations (200 mm par an) rendent indispensable l’utilisation de l’irrigation avec de l’eau de fonte pure provenant de la montagne.

En altitude, la tempĂ©rature moyenne est plus basse puisqu’elle diminue d’environ un degrĂ© tous les 100 m de dĂ©nivelĂ©. Cela signifie que les processus de la vigne sont lents et progressifs, ce qui permet d’obtenir des raisins de grande qualitĂ©.

L’altitude favorise Ă©galement l’amplitude thermique, ce qui permet aux plantes de travailler pendant la journĂ©e et de se reposer et de rĂ©cupĂ©rer pendant la nuit, en particulier pendant les chaudes journĂ©es d’étĂ© qui prĂ©cĂšdent les vendanges.

L’altitude dĂ©termine Ă©galement l’intensitĂ© du rayonnement UV. Plus la couche atmosphĂ©rique que les rayons du soleil doivent traverser est mince, plus le rayonnement UV est Ă©levĂ©. Cela gĂ©nĂšre une rĂ©action physiologique chez la plante, qui dĂ©veloppe des peaux plus Ă©paisses pour se protĂ©ger, crĂ©ant ainsi une plus grande concentration de polyphĂ©nols.

Les principaux aspects du vin proviennent de la peau, notamment la couleur, les arĂŽmes et les tanins. Ceci, associĂ© Ă  une viticulture de prĂ©cision qui recherche le point optimal de maturitĂ© pour la rĂ©colte, permet d’obtenir des vins avec de la personnalitĂ© et de l’élĂ©gance, concentrĂ©s mais subtils, des vins mĂ©morables Ă  boire aujourd’hui ou Ă  conserver pendant des annĂ©es.

Faites-moi un accord !

Cépages autochtones, cuisine autochtone

Àl’heure oĂč le monde du vin revient aux cĂ©pages indigĂšnes et les recherche, il est logique que l’on assiste Ă  un retour similaire aux accords traditionnels qui reflĂštent l’unisson de la vigne et de la nourriture, enracinĂ©s dans un goĂ»t authentique du lieu. Nous avons demandĂ© Ă  deux sommeliers de pays aux traditions viticoles ancestrales de nous faire part de leurs recommandations en matiĂšre d’accords mets et vins indigĂšnes.

Le sommelier : Jaba Dzimistarishvili

Le cépage : Saperavi

L’accord : Porc Lagaza de KakhĂ©tie avec une demiglace aux baies, prĂ©parĂ©e par le chef Levan Kobiashvili

À propos du cĂ©page : La GĂ©orgie compte quelque 525 variĂ©tĂ©s de raisins indigĂšnes, dont 60 % sont des blancs et 40 % des rouges. Le saperavi, qui se traduit littĂ©ralement par “donner de la couleur”, se distingue parmi les cĂ©pages rouges, car c’est l’un des rares cĂ©pages dont les pigments (anthocyanes) se trouvent non seulement dans la peau, mais aussi Ă  l’intĂ©rieur du raisin. Ce raisin est Ă  l’origine de vins produits dans des appellations cĂ©lĂšbres telles que Mukuzan, Kashmi Saperavi, Kvareli pour les vins secs et Akhasheni et Kindzmarauli pour les vins mi-doux.

Lorsqu’il est transformĂ© en vin rouge sec, le Saperavi a un potentiel de vieillissement Ă©tonnant et offre des arĂŽmes et des saveurs rappelant la mĂ»re, la prune noire, la cerise et le poivre noir. Il peut Ă©galement ĂȘtre vieilli en fĂ»ts de chĂȘne ou en Qvevri.

A propos de l’accord : Quel que soit le lieu de vieillissement, nous obtenons un vin merveilleusement gastronomique qui se marie parfaitement avec la cuisine gĂ©orgienne. Le Saperavi Ă©tant considĂ©rĂ© comme un cĂ©page kakhĂšte, j’ai choisi d’associer les vins issus de ce cĂ©page Ă  la cuisine kakhĂšte, qui offre un large choix de plats Ă  base de viande.

Cépages autochtones, cuisine autochtone 34 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 FAITES-MOI UN ACCORD !
Jaba Dzimistarishvili

Le Lagaza, une race de porc kakhĂšte, est nourri aux glands de la forĂȘt, ce qui confĂšre Ă  la viande un goĂ»t unique. Pour prĂ©parer ce plat, le chef Levan Kobiashvili fait rĂŽtir des porcelets lagaza et assaisonne la viande, qui est tendre et moelleuse, avec une demi-glace aux baies, Ă©picĂ©e Ă  la cannelle et Ă  l’anis Ă©toilĂ©. Le plat est accompagnĂ© d’une purĂ©e de pommes de terre agrĂ©mentĂ©e de truffes de KakhĂ©tie et d’une adjika de Gurian (une sauce de l’ouest de la GĂ©orgie Ă  base de noix et de poivrons verts) qui apporte une douce chaleur.

Ce plat se marie parfaitement avec un vin issu de Saperavi Ă©laborĂ© selon la mĂ©thode traditionnelle, c’estĂ -dire qu’il est fermentĂ© sur le chacha (marc) et conservĂ© dans le Qvevri pendant 6 mois. Les tanins du Saperavi neutraliseront parfaitement le gras du porc. Les saveurs du cĂ©page sont Ă©galement intensifiĂ©es par la sauce aux baies et la garniture Ă  la truffe se prĂ©sente dĂ©licatement. Les amateurs de plats Ă©picĂ©s apprĂ©cieront l’adjika de Gurian, car l’arĂŽme de poivre noir, caractĂ©ristique du Saperavi, associĂ© Ă  l’adjika, crĂ©e un feu d’artifice culinaire en bouche.

Le sommelier :

Sotiris Neophytidis

Le cépage : Promara

L’accord : Asperges sautĂ©es Ă  l’Ɠuf et Ă  la tomate

À propos du cĂ©page :

Soyons honnĂȘtes : lorsque quelqu’un entend parler de Chypre en termes de vin, la premiĂšre chose qui lui vient Ă  l’esprit est le Commandaria, Ă©laborĂ© Ă  partir de Xynisteri et de Mavro. Ces deux cĂ©pages sont les plus plantĂ©s sur l’üle.

Cependant, l’un des nouveaux cĂ©pages blancs qui mĂ©rite d’ĂȘtre mentionnĂ© est le Promara. Le Promara est un cĂ©page blanc Ă  peau Ă©paisse et, comme son nom l’indique, c’est le raisin qui mĂ»rit le plus tĂŽt Ă  Chypre. En tant que tel, il nĂ©cessite beaucoup de soins pour maintenir sa structure acide. Il n’occupe actuellement qu’environ un pour cent de l’ensemble du vignoble chypriote. RĂ©flĂ©chissez donc Ă  la faiblesse de sa production dans le contexte mondial et Ă  la raison pour laquelle il est si rare et si spĂ©cial.

A propos de l’accord :

L’un des plats les plus cĂ©lĂšbres et les plus traditionnels de Chypre est l’asperge sautĂ©e avec un Ɠuf et une tomate. L’amertume des asperges sera combinĂ©e aux composĂ©s phĂ©noliques du Promara, l’Ɠuf apportera le corps nĂ©cessaire et la tomate soulignera l’aciditĂ© vive de ce raisin.

35 Cépages autochtones, cuisine autochtone AVRIL 2023 ASI MAGAZINE FAITES-MOI UN ACCORD !
Sotiris Neophytidis

Les voies de la distinction en sommellerie

Le parcours pour ĂȘtre reconnu comme un sommelier d’élite et un expert en vin peut emprunter de nombreuses voies. Au sommet, il y a le diplĂŽme ASI Gold, le Master of Wine et la distinction de Master Sommelier. Chacune de ces distinctions comporte ses propres dĂ©fis et rĂ©compenses. Nous avons demandĂ© Ă  Monica Neral, ASI Diploma Gold, Doug Frost, Master of Wine (et Master Sommelier), et Eric Zwiebel Gold ASI Sommelier et Master Sommelier de nous Ă©clairer sur leur chemin vers l’excellence en matiĂšre de sommellerie.

Monica Neral est originaire de Rijeka, en Croatie, mais elle a passĂ© 17 ans en Italie. Elle y a obtenu des diplĂŽmes en langues et littĂ©ratures Ă©trangĂšres et est tombĂ©e amoureuse du monde du vin. Elle est sommeliĂšre, titulaire du WSET Level 3 award in wines, et la seule femme en Croatie Ă  avoir obtenu le Gold Diploma de l’ASI. Elle a Ă©galement terminĂ© troisiĂšme des championnats nationaux de sommellerie croate de 2021 et 2022.

AprĂšs avoir travaillĂ© dans plusieurs hĂŽtels de luxe au fil des ans, elle s’est rĂ©cemment lancĂ©e dans l’entrepreneuriat avec l’ouverture de VINNER. GrĂące Ă  VINNER, Monika organise des ateliers sur le vin, des cours Ă©ducatifs et des visites guidĂ©es dans le but de partager ses connaissances, en fusionnant de maniĂšre unique et professionnelle les deux plus grandes passions de sa vie : les langues et le vin. L’ASI a interrogĂ© Monica sur le chemin qu’elle a parcouru pour devenir laurĂ©ate du DiplĂŽme Or de l’ASI.

ASI : Avez-vous toujours aspirĂ© Ă  faire carriĂšre dans le vin et l’hĂŽtellerie ?

Monika Neral (MN) : Une carriĂšre dans le vin et l’hĂŽtellerie est arrivĂ©e par hasard, au bon moment, alors que je faisais une pause entre mes Ă©tudes en 2017. Cela n’a jamais fait partie de mes plans, mais les meilleures choses arrivent spontanĂ©ment. C’est ce que la vie m’a appris. Cela m’a prise par surprise, et c’est rapidement devenu un amour, puis un travail.

ASI : Le fait d’avoir Ă©tudiĂ© pour obtenir d’autres certifications vous a-t-il aidĂ©e Ă  vous prĂ©parer Ă  l’examen du diplĂŽme ASI ?

MN : Oui, j’ai obtenu le niveau 3 du WSET dans le domaine des vins, ce qui a constituĂ© une Ă©tape importante dans ma formation, car cela m’a ouvert un monde complĂštement nouveau. Avant cela, j’analysais le vin uniquement en tant que produit final. Ensuite, j’ai commencĂ© Ă  comprendre le processus qui mĂšne au

“En ce sens, je peux dire que le diplĂŽme de l’ASI est beaucoup plus inclusif et complet parce qu’il prend en considĂ©ration plus de compĂ©tences qu’un sommelier devrait avoir.”
Monika Neal
Les voies de la distinction en sommellerie 36 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ASI ÉDUCATION

produit final : ce qui se passe dans le vignoble, sur la vigne, l’importance du terroir, l’intervention humaine dans les chais et de nombreux aspects que j’ignorais auparavant. Par consĂ©quent, la formation WSET a Ă©largi mes connaissances Ă  bien des Ă©gards et m’a dĂ©finitivement aidĂ©e Ă  prĂ©parer le diplĂŽme de l’ASI.

ASI : Les études pour le DiplÎme ASI vous ont-elles aidée à vous préparer à la compétition, et vice-versa ?

MN : J’ai participĂ© deux fois au championnat national de sommellerie croate et j’ai terminĂ© Ă  chaque fois Ă  la troisiĂšme place. J’ai passĂ© l’examen du diplĂŽme de l’ASI aprĂšs le premier concours. Cela m’a beaucoup aidĂ©e car j’ai acquis une conscience de moi-mĂȘme qui m’a permis de gĂ©rer le stress du diplĂŽme. Et aussi la prĂ©paration Ă  l’examen du diplĂŽme a Ă©tĂ© si intense qu’en 2022, je me suis sentie motivĂ©e pour participer Ă  nouveau au championnat et j’ai une fois de plus obtenu un trĂšs bon rĂ©sultat.

ASI : Quelle a Ă©tĂ© la partie la plus difficile de l’examen du diplĂŽme ?

MN : La partie la plus difficile de l’examen du diplĂŽme a Ă©tĂ© la gestion du stress devant le comitĂ© pendant les tĂąches pratiques telles que l’accord mets et vins, la vente d’une bouteille de vin et la dĂ©cantation. Je pense que l’on peut apprendre Ă  gĂ©rer le stress en acquĂ©rant de l’expĂ©rience sur scĂšne mais, avant cela, il faut travailler sur son contrĂŽle interne avec des exercices de respiration, de mĂ©ditation ou en faisant des choses qui nous calment et nous permettent de mieux nous comprendre.

ASI : L’ASI est une association mondiale reprĂ©sentant des pays qui produisent un large Ă©ventail de boissons. Cela se reflĂšte-t-il davantage dans l’examen du diplĂŽme ASI que dans d’autres certifications ?

MN : Comme je n’ai pas tentĂ© l’examen du Master Sommelier, je ne peux que comparer le diplĂŽme ASI avec la certification WSET qui comprend une partie thĂ©orique et la description de la dĂ©gustation de vin, mais pas d’examen pratique. En

ce sens, je peux dire que le diplĂŽme de l’ASI est beaucoup plus inclusif et complet parce qu’il prend en considĂ©ration plus de compĂ©tences qu’un sommelier devrait avoir : thĂ©orie, dĂ©gustation et pratique. En outre, il implique la connaissance non seulement du vin, mais aussi des spiritueux, des biĂšres, du cafĂ©, du thĂ©, des cigares, etc. alors que le WSET est principalement axĂ© sur le vin. Je peux Ă©galement dire que c’était incroyablement stimulant et complexe, car les questions exigeaient non seulement une connaissance plus approfondie d’un Ă©ventail plus large et plus diversifiĂ© de boissons, mais aussi des rĂ©ponses extrĂȘmement prĂ©cises. Le fait d’avoir obtenu la mention Gold me donne la confiance nĂ©cessaire pour continuer Ă  obtenir les certifications WSET Diploma et MS.

ASI : Comment envisagez-vous l’aide que le diplîme ASI apportera à votre carriùre ?

MN : Le diplĂŽme de l’ASI a Ă©tĂ© une grande rĂ©ussite pour moi et une Ă©norme satisfaction. J’étais dĂ©finitivement plus consciente de mes connaissances lorsque j’ai reçu les rĂ©sultats et je peux dire que j’étais fiĂšre de moi. Il s’agit d’une certification

trĂšs importante qui m’ouvrira de nombreuses “portes” au cours de ma carriĂšre, mais cela ne signifie pas que le processus d’apprentissage est terminĂ©, ce n’est qu’un point de dĂ©part dans mon parcours. J’espĂšre Ă©galement que cette rĂ©ussite sera un exemple et une source d’inspiration pour d’autres femmes qui souhaitent s’impliquer davantage dans l’industrie du vin et concourir au plus haut niveau de la profession de sommelier.

Le Master of Wine du Midwest

Doug Frost est prĂ©sident de la BUSA (Best USA Sommelier Association), PDG de Echolands Winery, Master of Wine et Master Sommelier, ainsi qu’auteur et consultant en vin basĂ© Ă  Kansas City, dans le Missouri. Doug Frost est l’une des trois personnes au monde Ă  dĂ©tenir simultanĂ©ment les titres de Master of Wine et de Master Sommelier, ayant obtenu son MS en 1991 et son MW en 1993. Nous avons interrogĂ© Doug sur son expĂ©rience du programme Master of Wine.

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distinction
sommellerie

ASI : Vous avez grandi Ă  une Ă©poque et dans un endroit, Kansas City, que l’on n’associe pas instinctivement Ă  la culture du vin. Comment quelqu’un se dĂ©couvre-t-il une passion pour le vin Ă  une Ă©poque oĂč la consommation de vins fins n’en Ă©tait qu’à ses dĂ©buts aux États-Unis, et dans le Midwest plus encore qu’en Californie ?

Doug Frost (DF) : J’ai commencĂ© par faire la plonge dans l’arriĂšre-boutique d’un steakhouse d’une petite ville du Kansas, Ă  l’ñge de 14 ans. C’était un endroit vraiment bizarre, mais j’aimais bien la folie qui rĂ©gnait dans l’arriĂšreboutique en plein samedi soir. AprĂšs l’universitĂ©, j’ai commencĂ© Ă  travailler dans un restaurant “chic” pour payer quelques factures et, dĂšs le premier week-end, j’ai gagnĂ© un concours de vente de vin. Le sommelier s’est dit que je devais m’y connaĂźtre en vin (je l’avais clairement trompĂ©, lui et les clients) et m’a invitĂ© Ă  une dĂ©gustation. C’était dans les annĂ©es 1970 et tout le monde jetait un billet de vingt dollars sur la table, puis nous buvions un premier cru de Bordeaux. J’ai Ă©tĂ© sĂ©duit. Kansas City Ă©tait alors une ville d’environ un million d’habitants et il y avait beaucoup de vins sĂ©rieux Ă  trouver, mais pas beaucoup de gens qui essayaient de les acheter.

ASI : Vous avez obtenu votre MS en 1991, qu’est-ce qui vous a poussĂ© par la suite Ă  vouloir Ă©galement obtenir le titre de MW ?

DF : À vrai dire, j’ai essayĂ© d’entrer dans le programme MW au milieu des annĂ©es 80, mais je suis devenu directeur des ventes au niveau national pour une sociĂ©tĂ© de vente en gros et je n’avais plus le temps de m’occuper de mes affaires. En 1989, j’ai pu m’y remettre et, alors que je m’apprĂȘtais Ă  passer mon premier examen de MW, un ami m’a parlĂ© du programme de MS. Je n’avais aucune idĂ©e de ce que c’était, mais les restaurants coulent dans mes veines et, quinze jours aprĂšs, je suis allĂ© passer l’examen avancĂ© (on pouvait s’en tirer Ă  bon compte Ă  l’époque).

À ma grande surprise, je l’ai rĂ©ussi et j’ai donc fini par faire en mĂȘme temps Master of Wine et Master Sommelier, de 1989 Ă  1993.

ASI : Lorsque les gens vous demandent quelle est la différence entre Master Sommelier et Master of Wine, que leur répondez-vous ?

DF : Le MS est un examen de service. Le MW est un examen de rĂ©daction. En plaisantant Ă  moitiĂ©, je pourrais dire que le MS est large d’un kilomĂštre et profond de quelques centimĂštres et que le MW est large de quelques mĂštres et profond d’un kilomĂštre. Il y a un diagramme de Venn Ă  tout cela, bien sĂ»r, mais c’est vraiment la façon dont vous prĂ©sentez les informations Ă  l’examinateur qui fait la diffĂ©rence.

ASI : Pensez-vous que le fait d’avoir le titre de Master Sommelier et d’avoir vĂ©cu l’expĂ©rience de passer ces examens vous a aidĂ© pour les examens de Master of Wine ?

DF : Comme je l’ai dit, ça s’est fait plus ou moins simultanĂ©ment, mais chaque examen a Ă©tĂ©, d’une certaine maniĂšre, utile Ă  l’autre. L’étendue de l’examen de la CMS m’a donnĂ© plus d’idĂ©es et d’exemples pour l’examen de MW, et la profondeur de l’examen de MW m’a aidĂ© Ă  Ă©tayer mes idĂ©es et mes rĂ©ponses pour la CMS. Et une dĂ©gustation Ă  l’aveugle reste une dĂ©gustation Ă  l’aveugle, quelle que soit la maniĂšre dont on vous demande de formuler vos rĂ©ponses et vos preuves.

ASI : Quelle a été la partie la plus difficile du programme de Master of Wine ?

DF : La partie dĂ©gustation est certainement plus difficile pour beaucoup que la thĂ©orie. J’ai rĂ©ussi la thĂ©orie la premiĂšre fois, mais il m’a fallu deux tentatives pour rĂ©ussir la dĂ©gustation. Je crois fermement que le travail de dĂ©gustation Ă  l’aveugle que j’ai fait dans le cadre du MS a alimentĂ© et renforcĂ© ma dĂ©gustation Ă  l’aveugle dans le cadre du MW. Je conseille aux candidats au MW d’étudier le format de la CMS pour se prĂ©parer.

ASI : Quels mots d’inspiration donneriez-vous à quelqu’un qui essaie actuellement de devenir

Master of Wine ?

DF : Vous devez Ă©crire selon une norme qui est britannique par nature. Étudier la rĂ©daction d’essais courts et supprimer tous les mots superflus. RĂ©diger comme si vous Ă©criviez un mĂ©moire juridique ou un document de recherche mĂ©dicale. Pour ce qui est de la dĂ©gustation, il faut procĂ©der de la mĂȘme maniĂšre Ă  chaque fois. Les dĂ©gustateurs qui rĂ©ussiront sont ceux qui font preuve d’une prĂ©cision quasi militaire dans leur forme et leur processus.

Les voies de la distinction en sommellerie 38 ASI MAGAZINE AVRIL 2023 ASI ÉDUCATION
“À ma grande surprise, je l’ai rĂ©ussi et j’ai donc fini par faire en mĂȘme temps Master of Wine et Master Sommelier, de 1989 Ă  1993.”

ASI : Ayant grandi en Alsace, entourĂ© de vignobles et de grands restaurants, n’avez-vous jamais envisagĂ© de ne pas faire carriĂšre dans le vin ou l’hĂŽtellerie ?

Eric Zwiebel (EZ) : J’ai cela dans le sang. Mes parents tenaient un restaurant. Mon pĂšre Ă©tait le chef cuisinier et ma mĂšre travaillait en salle. Le jour oĂč j’ai annoncĂ© Ă  mon pĂšre que je souhaitais travailler dans un restaurant, il a Ă©tĂ© trĂšs contrariĂ© car il pensait qu’ils (mes parents) avaient travaillĂ© trĂšs dur pour nous offrir, Ă  ma sƓur et Ă  moi, un meilleur avenir. Il n’en revenait pas. Il m’a dit : “Nous avons travaillĂ© si dur toute notre vie et maintenant tu as dĂ©cidĂ© de faire les mĂȘmes erreurs que moi”. Mais en grandissant Ă  RibeauvillĂ©, en Alsace, le vin faisait partie de mon ADN, alors j’ai dĂ©cidĂ© de travailler dans ce domaine.

ASI : Décrivez comment votre carriÚre dans le vin a commencé ?

EZ : J’ai commencĂ© Ă  travailler dans les cuisines, mais je dĂ©testais cela, alors je suis passĂ© Ă  l’accueil. J’ai commencĂ© dans un restaurant local avec une forte tradition gastronomique, mais qui n’avait pas d’étoile Michelin. Le chef sommelier, le directeur du

Master Sommelier : une étape dans le voyage

Eric Zwiebel est titulaire du DiplĂŽme Or de l’ASI et du titre de Master Sommelier. Il a reprĂ©sentĂ© l’Angleterre et la France Ă  de nombreuses reprises lors de concours de sommellerie. Il travaille actuellement comme directeur des vins au Samling, Ă  Windermere, en Angleterre. Nous avons interrogĂ© Eric sur son parcours dans l’enseignement du vin, et plus particuliĂšrement sur son titre de maĂźtre-sommelier.

restaurant et le propriĂ©taire Ă©taient trĂšs impliquĂ©s dans le vin. Le premier jour, mon pĂšre m’a accompagnĂ© et m’a dit qu’il serait bon d’apprendre le vin ici, car cela pourrait me donner l’occasion de faire quelque chose d’un peu spĂ©cial et diffĂ©rent Ă  l’avenir. J’y ai fait un apprentissage de deux ans.

Ensuite, mon pĂšre m’a amenĂ© Ă  l’Auberge de l’ll, oĂč officiait Serge Dubs. J’y ai travaillĂ© comme commis sommelier. Pour ĂȘtre honnĂȘte, je n’ai pas eu beaucoup d’occasions d’entrer en contact avec Serge. MĂȘme s’il ne m’a pas formĂ©, il a Ă©tĂ© la premiĂšre grande influence sur ma carriĂšre dans le vin. Un jour, Serge servait un groupe de 16 personnes et je l’écoutais dĂ©crire le vin aux clients. Tout d’un coup, j’ai compris et je me suis dit que c’était quelque chose que je pouvais faire. En mĂȘme temps, j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit par le fait qu’en tant que sommelier se promenant dans le restaurant, les clients vous considĂšrent comme quelqu’un qui a des connaissances. Ils vous regardent comme quelqu’un qu’ils veulent rencontrer, car ils veulent que vous leur transmettiez votre savoir. J’avais dĂ©sormais le “virus” de la sommellerie. AprĂšs une annĂ©e

passĂ©e Ă  L’Auberge de L’Ill, j’ai su que je voulais absolument devenir sommelier.

À ce stade, j’avais tout appris sans avoir suivi d’études formelles. Pour acquĂ©rir plus d’expĂ©rience, j’ai dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Paris oĂč j’ai travaillĂ© avec Olivier Poussier pendant environ six mois avant d’aller travailler dans divers restaurants Ă©toilĂ©s de la ville. Ces diffĂ©rentes expĂ©riences m’ont permis d’apprendre de plus en plus. À cette Ă©poque, je ne faisais pas de concours, car je ne voulais pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une simple encyclopĂ©die du vin.

À 24 ans, j’ai dĂ©cidĂ© d’aller en Angleterre, oĂč j’ai rencontrĂ© GĂ©rard Basset, et les choses ont changĂ©. À cette Ă©poque (1997), GĂ©rard Ă©tait cĂ©lĂšbre, ayant dĂ©jĂ  remportĂ© le titre de Meilleur Sommelier d’Europe. J’ai commencĂ© Ă  travailler pour lui. L’expĂ©rience en Angleterre a tout changĂ© pour moi. Je pense qu’en France, des sommeliers comme GĂ©rard et moi n’avaient pas toujours l’impression d’ĂȘtre assez bons. Soudain, en Angleterre, j’ai appris que les gens vous apprĂ©ciaient. C’était trĂšs gratifiant.

Eric Zwiebel
39 Les voies de la distinction en sommellerie AVRIL 2023 ASI MAGAZINE ASI ÉDUCATION
“Le MS n’est qu’une Ă©tape dans un long voyage. C’est un peu comme la cerise sur le gĂąteau, car vous vous rendez compte que ce pour quoi vous avez travaillĂ© a Ă©tĂ© reconnu.”

GĂ©rard et moi parlions beaucoup. J’adore parler et GĂ©rard aussi. Nous Ă©changions des idĂ©es. J’aimais son approche de la sommellerie. Il parlait aussi de ses expĂ©riences, notamment des concours de sommellerie. Il a dĂ©crit la maniĂšre dont il s’est formĂ©. N’oubliez pas qu’à cette Ă©poque, il n’était pas facile de trouver des connaissances. GĂ©rard m’a incitĂ© Ă  participer Ă  des concours et Ă  me lancer des dĂ©fis.

Avec le recul, je peux dire que Serge m’a aidĂ© Ă  dĂ©couvrir ce que je voulais faire. GrĂące Ă  GĂ©rard, j’ai dĂ©couvert ce que je voulais devenir”.

ASI : Comment a commencé votre parcours pour devenir Master Sommelier ?

EZ : Cela a commencĂ© en Angleterre. En sortant de France, en tant que sommelier travaillant avec des chefs cĂ©lĂšbres, ma connaissance du vin Ă©tait bonne mais pas spĂ©ciale. C’est GĂ©rard qui m’a encouragĂ© Ă  passer les examens du WSET, Ă  participer Ă  des concours et Ă  Ă©tudier Ă  la “Court”, pour finalement obtenir le titre de MS. Je peux dire que tout ce que j’ai fait pour amĂ©liorer ma carriĂšre, c’est grĂące Ă  GĂ©rard. J’ai travaillĂ© cinq ans avec lui. C’était une pĂ©riode merveilleuse. Bien sĂ»r, il ne m’a pas seulement inspirĂ©, il a inspirĂ© et aidĂ© beaucoup de sommeliers. GĂ©rard, avec son groupe d’hĂŽtels HĂŽtel du Vin, a vraiment changĂ© la culture de la sommellerie en Angleterre.

ASI : Comment appliquez-vous votre titre de MS dans votre vie quotidienne ?

EZ : La façon dont j’utilise mon titre de Master Sommelier est Ă©galement un peu inspirĂ©e par GĂ©rard. Je suis l’un des rares MS Ă  travailler encore sur le terrain, mĂȘme si mon nouveau travail va m’amener Ă  acheter des vins pour des clients privĂ©s. Il m’a Ă©galement incitĂ© Ă  comprendre que le titre de MS n’est pas une question de personne. En bref, ce titre a Ă©tĂ© un plus, mais la philosophie que j’ai maintenant est que mon travail consiste Ă  aider les autres dans leur cheminement. Comme un Sensei dans les arts martiaux, il est de mon devoir de transmettre mes connaissances.

ASI : Quels mots d’inspiration donneriez-vous à quelqu’un qui essaie de devenir MS ?

EZ : Pour ĂȘtre franc, mon voyage ne s’arrĂȘte jamais. Le MS n’est qu’une Ă©tape dans un long voyage. C’est un peu comme la cerise sur le gĂąteau, car vous vous rendez compte que ce pour quoi vous avez travaillĂ© a Ă©tĂ© reconnu. Depuis, j’ai participĂ© Ă  de nombreux concours de sommellerie : j’ai remportĂ© le titre de Meilleur Sommelier d’Angleterre en 2004, j’ai participĂ© deux fois Ă  la finale du concours du Meilleur Sommelier d’Europe, j’ai terminĂ© Ă  la quatriĂšme place du concours du Meilleur Sommelier du Monde de l’ASI en 2013 et j’ai terminĂ© deuxiĂšme en 2007 en affrontant GĂ©rard Basset, Paolo Basso et le vainqueur Andreas Larsson en

finale. MalgrĂ© tout, je vous conseille de continuer. MĂȘme si j’arrĂȘte la compĂ©tition, je suis aujourd’hui viceprĂ©sident de l’UK Sommelier Academy et membre de son comitĂ© technique, et je continue Ă  former d’autres personnes.

Lorsque j’ai passĂ© mon diplĂŽme ASI, j’ai reçu l’Or. J’ai utilisĂ© cette expĂ©rience pour me prĂ©parer Ă  concourir pour le titre de Meilleur Sommelier du Monde Ă  Anvers. Je dirais qu’aujourd’hui, le diplĂŽme de l’ASI est un trĂšs bon examen. Il devrait ĂȘtre davantage reconnu, car je pense que la certification ASI est trĂšs stimulante et trĂšs complĂšte, puisqu’elle implique Ă©galement d’autres compĂ©tences telles que l’accord mets et vins. Elle est trĂšs rĂ©aliste par rapport Ă  ce que nous faisons, et elle est Ă©galement trĂšs internationale. Il ne faut pas oublier que le “MS” est trĂšs axĂ© sur le vin, alors que le diplĂŽme de l’ASI est plus large et plus inclusif. Je trouve qu’il prĂ©pare mieux Ă  la compĂ©tition. Le diplĂŽme de l’ASI a Ă©tĂ©, en fin de compte, un nouveau pas en avant dans mon parcours, un pas que je suis trĂšs fier d’avoir accompli. Je suis impatient de voir ses progrĂšs, car je pense que le diplĂŽme de l’ASI apporte une nouvelle Ă©nergie et qu’il est trĂšs positif pour notre industrie.

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voies de la distinction en sommellerie

Nouvelles de nos membres

Vinexpo America et Drinks

America: unir le monde du vin et des autres boissons

Vinexposium, l’organisateur de Vinexpo America, a une fois de plus rĂ©uni le monde des boissons alcooliques pendant deux jours le mois dernier Ă  New York. OrganisĂ©s en tandem avec Drinks America, ces Ă©vĂ©nements combinĂ©s mettent en avant le vin, les spiritueux, la biĂšre, le sakĂ©, les boissons prĂȘtes Ă  boire, ainsi que d’autres produits et services connexes. Gabriela Pozo, prĂ©sidente de l’Association Ă©quatorienne des sommeliers et PDG de MUZE Ecuadorian Chocolate, ainsi que l’association Best USA Sommelier, ont Ă©tĂ© invitĂ©es Ă  prĂ©senter un sĂ©minaire sur l’association du chocolat et des vins effervescents Ă  Vinexpo America Ă  New York. Au cours de ce sĂ©minaire, certains des chocolats les plus dĂ©licieux du monde ont Ă©tĂ© servis et associĂ©s Ă  des vins reprĂ©sentant les styles de vins effervescents les plus cĂ©lĂšbres du monde afin de dĂ©terminer les meilleurs accords.

Début de la saison des concours au Canada

L’Association canadienne des sommeliers professionnels (CAPS) a entamĂ© sa route vers Halifax, oĂč se dĂ©roulera le concours du Meilleur Sommelier du Canada 2023. Justin Madol, sommelier au Don Alfonso 1890 Ă  Toronto, a remportĂ© le concours du Meilleur Sommelier d’Ontario Ă  la fin de l’annĂ©e 2022, tandis que Kelcie Jones, directrice des vins de l’établissement Ă©toilĂ© Burdock & Co. a rĂ©cemment remportĂ© le titre de Meilleur Sommelier de Colombie-Britannique. Le duo sera rejoint par des reprĂ©sentants des associations de l’Alberta, du Manitoba, du QuĂ©bec et de l’Atlantique, ainsi que par d’autres anciens champions rĂ©gionaux, lors du concours du Meilleur Sommelier du Canada qui se dĂ©roulera du 12 au 15 novembre Ă  Halifax, sous la direction de Mark DeWolf, rĂ©dacteur en chef du magazine ASI et ancien prĂ©sident de la CAPS.

Nouveaux champions sommeliers en Scandinavie

Le mois dernier, Emma Ziemann a remportĂ© pour la troisiĂšme fois le championnat suĂ©dois de sommellerie. La finale opposait quatre candidats, contre trois habituellement, Ă  la suite d’une demi-finale trĂšs serrĂ©e. C’est Emma Ziemann qui est arrivĂ©e en tĂȘte, Albert Wendensten terminant deuxiĂšme et Elliot Björkman troisiĂšme.

La victoire d’Emma Ziemann suit de prĂšs celle de Nikolai Haram Svorte, qui a remportĂ©, lui, le titre de Meilleur Sommelier de NorvĂšge lors d’un concours organisĂ© Ă  l’hĂŽtel Bristol d’Oslo en janvier. Haram Svorte a battu Kristoffer Aga et Sander Johnsson en finale. Filmon Fitsum, de l’hĂŽtel Britannia Ă  Trondheim, a remportĂ© le prix du vin junior lors d’un Ă©vĂ©nement organisĂ© au mĂȘme moment.

Kelcie Jones
41 AVRIL 2023 ASI MAGAZINE NOUVELLES DE NOS MEMBRES
Emma Ziemann

4-5 JUILLET 2023

AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale de l’ASI Ă  Helsinki, Finlande

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