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American Journal of Humanities and Social Sciences Research (AJHSSR) 2023
from DYNAMIQUE DE LA SOLIDARITE FAMILIALE FACE A LA GESTION DE LONGUE DUREE DU VIH/SIDA AU VINGTET-UNIEME
III. RESULTATS
a. Des perceptions socio-sanitaires du VIH/Sida à la production du système de relation intrafamiliale post-désignation du statut sérologique chez le malade i. Confidentialité du statut sérologique et processus de gestion VIH/Sida en milieu familial La qualité du système de relations sociales observée entre les personnes vivant avec le VIH/Sida et les divers membres de leurs familles participe à produire cette catégorie d’acteurs qui décide de maintenir la confidentialité de leur séropositivité De fait, ce sous-groupe social est engendré par l’influence de leurs perceptions antérieures à l’avènement précoce et de la gestion pérenne de cette affection en rapport avec la crainte des restrictions voire des probables transformations dans leurs habitudes de vie ordinaires. C’est dire que, l’orientation du regard social antérieur, de portée générale, sur le statut sérologique connait un grand bouleversement quand l’acteur prend lui-même conscience qu’il doit vivre sa propre expérience personnelle du VIH/Sida au moment où la biomédecine en désigne physiologiquement les signes cliniques chez lui ou dans son organisme. Sur cette base, certaines personnes dès l’annonce de leur diagnostic renoncent à divulguer le statut de leur nouvel état de santé aux membres de leur famille en vue d’assurer dans la continuité la dynamique normale de leur parcours de vie et réduire les crises identitaires comme des effets corolaires. Car, selon elles, le VIH/Sida reste socialement dévalorisant du fait des nombreux jugements de valeur que la majeure partie des populations associent à ses causes et à ses conséquences (sociales, sanitaires, hygiéniques, économiques, psychologiques…) au regard des incertitudes ou des suspicions sur son mode de déclenchement et detransmission mais aussi sur son développement insidieux, complexe et chronique depuis son avènement jusqu’à ce jour. J. Pierret (op cit) atteste leurs perceptions sur le VIH/Sida en ces mots : Face à une maladie stigmatisée : maintenir le secret. En effet pour elle, avant même que l'on connaisse les manifestations et les répercussions du sida au niveau individuel et collectif, il a été présenté, en particulier par la presse, comme une « punition divine », « la nouvelle lèpre » ou « la malédiction des temps modernes »
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Ainsi, ces acteurs soutiennent qu’ils gardent toujours le contact avec l’ensemble des membres de leur espace social, juste parce qu’ils continuent de maintenir en secret leur statut sérologique jusqu’à présent Cependant, cette stratégie qu’ils ont mise en place pour pérenniser la communion avec leur environnement reste précaire malgré qu’elle sous-tend l’objectif du maintien de la consolidation ou du renforcement du lien familial antérieur à la maladie en l’état. Aussi, si la grande majorité des enquêtés dit être toujours en contact avec leurs familles, elle redoute, en revanche, le jour où leur statut sérologique sera su de tous. C'est en ce sens que cette femme rencontrée à Adjamé s’est confiée à travers ce récit : « … j’ai fait un choix difficile… je n'ai pas fait l'annonce à la grande famille sauf à un sure que personne ne connait… donc rien n'a changé entre ma famille et moi… car, je n'ai informé personne à côté de moi sur mon statut sérologique, pour aller à l'essentiel c’est-àdire vivre tranquillement… donc, ils ne connaissent pas mon statut, c’est le moyen le plus sûr, selon moi, d'éviter tous les ennuis… Mais, je sais que le jour ils l’apprendre ça ne sera pas facile et tout risque de changer entre nous… ».
Par ailleurs, nombre d’acteurs vivant avec le VIH/Sida construisent leur argumentaire explicatif qui justifie le choix de garder en secret leur statut sérologique face à leurs proches à partir de cette réalité pour ne pas attirer leur attention sur eux et surtout éviter le plus longtemps possible d’en être victimes. En outre, la peur des « railleries » et la crainte de l'exclusion à la vie communautaire sont autant de raisons avancées par les malades pour rendre compte de leur refus d’annoncer à leurs familles qu’ils sont malades. La perception de cette habitante (séropositive) de Bingerville atteste cela :
«
…selon moi s'ils savent, ils ne vont pas m'accepter, selon leurs dires, pendant nos causeries quand j’essaie d’avoir leur point de vue sur sida et les personnes qui vivent avec ça… »
Les situations de discrimination ou de stigmatisation restent, de façon générale, répandu en contexte familial chez les personnes vivant avec le VIH/Sida.
ii. Décèlement du statut sérologique et processus de gestion du VIH/Sida dans l’espace
familial
Pour les malades du VIH/Sida être en contact avec sa famille ne signifie pas forcément une garantie pour continuer à construire d’excellentes relations avec celle-ci. Et, même si ce phénomène social ne constitue pas un fait nouveau (qualifié souvent de normal) dans les systèmes de relations humaines (entre familles, amis, collègues, groupes de pairs…), il y a que de nombreux enquêtés le reconnaissent mais, ils associent leurs expériences personnelles actuelles à leur statut sérologique qui influence le bon fonctionnement de leur quotidien au sein de leurs diverses communautés d’appartenance. D’où l’observation générale qui laisse constater l'isolement des personnes vivant avec le VIH/Sida et justifier par un acteur malade interviewé à Anyama, lorsqu’il affirme ceci :
« Parce que je suis malade… on me traite tout le temps de sidéen… ».
Ce, malgré les nombreuses années écoulées depuis l’annonce de leur statut sérologique par les centres spécialisés de dépistage et qu’ils ont porté cette difficile information, selon eux, à la connaissance de l’ensemble des membres de leurs entourages respectifs. Cette réalité sociale est illustrée par le témoignage de cet enquêté recueillis à Koumassi :
« ma famille m'accuse d'être à l'origine de mon mal et me rejette jusqu’à aujourd’hui ».
Ces dires sont renchéris par cette autre séropositive questionnée dans la commune d’Abobo quand elle affirme : « quand ils ont appris ma sérologie, ils ont fini par tous me rejeter les six mois qui ont suivi le diagnostic ».
Par ailleurs, la rupture des relations sociales au sein du dispositif familial peut-être aussi une réaction d'auto-défense ou d’autoprotection face à une mauvaise appréhension voire une représentation erronée de leurs nouvelles habitudes de vie indissociable à une dynamique de carrière socio-sanitaire post-diagnostique imposer par une certaine adhérence à l’observance thérapeutique engendrée en fonction des objectifs d’une gestion efficiente de cette affection au VIH/Sida. Cette logique est appuyée par les propos d’un malade vivant dans la commune de Port-Bouët :
« parce que pour eux, ce mal, dont je souffre, est une malédiction de Dieu… ».
Un autre malade appartenant à groupe de pairs corrobore ce mode de pensée en se confiant à travers ces termes :
« … ils ne savent pas ce que c'est que d'être malade et être séropositif… et ils inventent des histoires de sorts pour nous faire plus souffrir… ».
La méfiance est aussi une source de tension (prétexte d’abandon) entre les personnes vivant avec le VIH/Sida et les différents membres de leurs familles. Cette facette de leur vécu quotidien est développée dans l’entrevue enregistrée à Marcory auprès d’une jeune dame qui en a subi l’expérience :
« …depuis qu'ils savent que j’ai le VIH/Sida, il y a un changement… ils refusent de causer avec moi… ils ont peur de m’approcher car ils craignent que je sois la source de leur éventuelle contamination… c'est donc dans un rapport d'hypocrisie qu’on vit chez nous ici ».
Cette réalité peut alors légitiment participer à la construction des diverses interrogations sur les cas de discrimination et de stigmatisation observés chez les personnes vivant avec le VIH/Sida b. Dynamique de la solidarité familiale au cours du processus de prise en charge des malades du VIH/Sida i. Insuffisances de la solidarité familiale et vécu quotidien du malade
Le regard social porté sur le VIH/Sida depuis son avènement dans les années 1980 jusqu’à ce jour influence encore le rapport à cette maladie Autrement dit, les perceptions sociales, que cette affection émergente de la fin du vingtième siècle a suscité, continuent de déconstruire le système de sociabilitécommunautairevis-à-vis des personnes qui en sont affectées à travers la pérennisation du développement des sentiments de discrimination et de stigmatisation. Ce type de sentiment est régulièrement dénoncé par les personnes vivant avec le VIH/Sida. Selon elles,le long processus de la gestion socio-sanitaire de cette pandémie est entravégénéralement par le dérèglement des affects du fait de l’imprévisibilité quasiquotidienne des proches. Celles-ci estiment qu’elles en sont constamment victimes au sein de leurs cellules familiales respectives. Cela reste manifeste dans le déroulement de leur parcours vie post-diagnostic de leurséropositivité dont les témoignages ont été observés au cours des investigations menées sur cette question dans l’ensemble des treize communes du district d’Abidjan. Ainsi, un membre de cette catégorie de personnes en témoigne, dans la commune de Songon avec ces dires :
« …à la maison, mes parents lavent le verre que je touche ils ne mangent plus avec moi… ».
Une autre malade ajoute ceci pour illustrer dans le même sens ce sentiment et le rapport malade/entourage au sein de la sphère familiale : ii. Contribution de la solidarité familiale au processus de la longue gestion du VIH/Sida
« tout ce que je touche est tout de suite mis à l'écart par les gens de ma famille… ».
Ces constats traduisent une certaine méfiance voire un évitement dans les rapports à la maladie et aux malades. Cela semble se pérenniser malgré les longues années d’existence du VIH/Sida et les nombreuses sensibilisations réalisées l’état, les ONG, les groupes de pairs… pour amener tous acteurs (malades, familles, amis, collègues, employeurs…) associés à la gestion de cette pandémie à reconstruire continuellement leurs perceptions et rapports vis-à-vis des personnes qui en sont victimes En d’autres termes, ce procédé avait pour butde les accompagner efficacement dans leurs processus d’accommodation ou d’adaptation sociale dans le temps. Le sentiment de crainte développé face au risque de contagion du VIH/Sida tel que manifesté par leurs entourages immédiats constitue un facteur qui favorise, selon certains enquêtés, le dysfonctionnement de l’appareil familial et influence leur niveau d’adhérence aux objectifs thérapeutiques assignés à la gestion durable de cette maladie Cela réduire dans une certaine manière la réciprocité de collaboration au regard du système de relation en place face à la cohabitation. Cette situation peut participer à renforcer la crise de confiance intrafamiliale tout en reléguant au second plan la sociabilité communautaire dont la nécessité demeure indispensable pour la reconstruction de la trajectoire sociale du malade.
L’intervention familiale dont bénéficie le proche malade au cours du processus de gestion de longue durée du VIH/Sida, qu’il subit, se structure le plus souvent au tour de l’assistance à la prise des médicaments voire de l’observance thérapeutique. Pour certains membres de ce sous-groupe d’acteurs affectés par cette grave pandémie émergente à forte létalité ébranlant tous les systèmes de santé publique du monde en place au vingtième siècle estiment que cet acte de sociabilité aux finalités thérapeutiques provient de leur cellule familiale, lorsqu’elle a connaissance de la précarité de leur situation socio-sanitaire. De fait, la qualité de la solidarité familiale à l’égard d’un membre atteint du VIH/Sida peut évidemment se mesurer à travers les caractéristiques des activités de traitements, de soins mais aussi de soutien moral, spirituel ou religieux… iii. Contribution des acteurs sociaux extrafamiliaux à la longue gestion du VIH/Sida
A cet effet, certains malades disent qu’ils reçoivent des contributions familiales pour faciliter leurs dépenses en soins de santé. Ils sont pris en charge, du point de vue alimentaire, par leurs familles. La situation financière des malades rencontrés au cours de la présente prospective demeure certes préoccupante malgré parfois leur longue expérience sociale vécue avec le VIH/Sida, mais l’intervention de la solidarité famille semble atténuer le niveau de leur souffrance quotidienne. De fait, ils bénéficient constamment d'une assistance financière de leurs familles quand le besoin est manifeste. Cela participe à les aider de manière régulière, selon leurs affirmations, à se prendre eux-mêmes en charge financièrement face à la gestion sans fin de cette pandémie mondiale. Comme il est constaté, les familles sont un atout, un rempart essentiel dans la gestion de l’épreuve complexe et critique du VIH/Sida, en particulier dans la contribution aux dépenses de santé des personnes qui en souffrent. Plus exactement, au départ, lorsque les membres de la famille du malade sont effectivement informés, dans la plupart des cas, ils adhèrent à l’avènement inopiné de la mise à l’épreuve difficile que constitue le choc à l’annonce subi par l’acteur nouvellement désigné souffrant du VIH/Sida en compatissant avec lui face la triste réalité de la positivité de son statut sérologique avérée.
En outre, relativement au soutien moral et spirituel, cet acteur bénéficie donc, dès la prise de conscience de son diagnostic et après l’avoir divulgué au sein de son espace social immédiat, d’un réconfort voire d’un soutien moral ou émotionnel de tous. Les moments détresse impliquent généralement une grande référence à Dieu comme moyen de réconfort. Ainsi, la présente étude dans le district d’Abidjan permet d’observer que nombre de malades affirment bénéficier d'un soutien spirituel. Aussi, la pratique religieuse est très répandue chez les malades du VIH/Sida. Une part importante de ce soutien spirituel vient donc des conjoints, des guides spirituels, des frères membres de leur communauté religieuse (chrétienne, musulmane…). Par ailleurs ces souffrants du VIH/Sida qui bénéficient d'un soutien spirituel, ils estiment que cela a été possible par l’entremise leur famille qui a joué le rôle de facilitateur dans l’annonce à la communauté religieuse. Toutefois, il convient de retenir que les malades ayant jugé utile, pour des raisons qui leur sont propres, de ne pas tenir informer leurs entourages (famille, membres de leur religion d’appartenance...) ne jouissent bien évidemment pas de la manifestation de cette composante des affects face à la précarité de leur situation sociosanitaire engendrée par l’irruption imprévue du VIH/Sida dans la progression de leur parcours de vie. Aussi, ils disent assumer seules leurs dépenses de santé, sans aucune aide quelconque extérieure car, ils persistent à toujours garder jusqu’à la « fin de leur vie en secret l’existence de leur séropositivité ».
Pour remédier aux divers besoins socio-sanitaire parfois imprévisibles de l’évènement critique que constitue cette épreuve complexe du VIH/Sida, d’autres acteurs extra-familiaux y participent en termes de compensations selon qu’ils soient urgent ou pas pour les malades. Cela permet surtout d’éviter que la gestion sans fin de cette affection constitue un obstacle durable à l’expression de la solidarité entre membre d’une mêmefamille. Les œuvres des acteurs extra-familiaux peuvent notamment s’observer à travers la socialité orchestrée par les organisations non gouvernementales, les groupes de pairs ou les associations de lutte contre le VIH/Sida, les assistants sociaux …comme offre de service aux souffrants sous forme de sensibilisation, éducation thérapeutique, aide financière et matériel, soutien psychologique…
Les associations de malades et autres ONG de lutte contre le VIH/Sida sont conscientes de cette réalité sociosanitaire et agissent dans ce sens pour raffermir leurs rapports de confiance aux personnes souffrantes dans le déroulement de leur suivi médical. Les caractéristiques de la qualité des prestations précisément l’accueil, les conseils, le respect de la personne humaine… sont autant de facteurs favorables pour ces acteurs vulnérables à toujours recourir à leurs services de bienfaisances sur le long terme.
Par ailleurs, l'un des aspects les plus importants de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/Sida est le suivi médical qui influence la distribution de leurs ressources économiques. De ce fait, l'assistance financière de ces organisme extrafamiliaux (associations de groupes de pairs et ONG en lutte contre le VIH/Sida) à des implications multiformes : elle va de la contribution aux dépenses de santé à l'appui financier pour une activité génératrice de revenu. Ainsi, ces associations de groupes de pairs et les ONG en lutte contre le VIH/Sida interviennent remarquablement dans l'assistance financière aux personnes souffrantes, quasiment au même titre que leurs familles et les faisant oublier parfois les insuffisances des contributions socio-sanitaires de leurs employeurs voire de l'État. Elles constituent un nécessaire soutien pour ces personnes et leurs familles face à la réalisation de cette interminable et difficile activité de gestion de la maladie engendrée par le caractère chronique du VIH/Sida. De surcroit, elle continue de soumettre à rude épreuve les recherches biomédicales envisagent y remédier définitivement malgré les avancées technologiques de dernières générations employées dans ce domaine scientifique. Pour le moment, la biomédecine suggère d’apprendre réellement à vivre avec sa