THĂRAPIE DE LâALCOOLISME
Des chercheurs lausannois ont testĂ© pendant quatre ans aux urgences une thĂ©rapie motivationnelle contre la dĂ©pendance Ă lâalcool. Elle doit aider de jeunes buveurs. Texteâ Florian Fisch
AprĂšs un excĂšs dâalcool, de jeunes adultes se retrouvent Ă maintes reprises aux urgences oĂč ils doivent ĂȘtre traitĂ©s pour une intoxication aiguĂ« ou suite Ă un accident. DâaprĂšs Addiction Suisse, lâabus dâalcool est responsable de plus de 10% des dĂ©cĂšs dans cette tranche dâĂąge. Comme pratiquement aucun des jeunes ne dĂ©cide de suivre une thĂ©rapie, les chercheurs se sont intĂ©ressĂ©s Ă leur prise en charge aux urgences. Actuellement, lâintervention brĂšve y est populaire, soit un entretien motivationnel menĂ© par un spĂ©cialiste sans leçon de morale avec la patiente, lors duquel est examinĂ© avec elle si elle dĂ©sire modifier son mode de vie et, si oui, les mesures concrĂštes quâelle souhaite prendre Ă cette fin. Les rĂ©sultats de ces interventions brĂšves motivationnelles ne permettent toutefois pas de savoir si elles rĂ©duisent rĂ©ellement les excĂšs dâalcool. Analyser les effets dâune thĂ©rapie aussi complexe nâest pas aisĂ©. Jacques Gaume, du Centre hospitalier universitaire lausannois (CHUV) et son Ă©quipe ont toutefois relevĂ© le dĂ©fi et ont conçu une Ă©tude en collaboration avec le service des urgences.
Florian Fisch est codirecteur de la rĂ©daction dâHorizons.
Photo: Marius Eckert
Pas de prĂȘche aprĂšs une beuverie
biliser le nombre dâĂ©pisodes de binge drinking Ă un niveau plus bas», note Jacques Gaume. Le binge drinking (de binge: foire et drink: boire) est dĂ©fini comme la consommation rapide de plus de six verres dâalcool. Et pour quâil y ait stabilisation, ces Ă©pisodes doivent avoir diminuĂ© mĂȘme douze mois aprĂšs lâintervention. Les personnes ayant reçu un conseil bref standard ont eu en moyenne 3,4 Ă©pisodes de consommation excessive au cours du premier mois aprĂšs lâintervention, mais ce chiffre est passĂ© Ă 5,1 au douziĂšme mois. Avec la thĂ©rapie motivationnelle, lâaugmentation Ă©tait bien plus faible: de 3,7 Ă©pisodes au cours du premier mois Ă seulement 4,1 au cours du douziĂšme mois. Les rĂ©sultats nâont pas encore Ă©tĂ© publiĂ©s. Erik von Elm, directeur de lâantenne suisse de la Cochrane Collaboration, qui sâengage pour un systĂšme de santĂ© basĂ© sur les Ă©vidences, salue cependant lâapproche systĂ©mique de cette Ă©tude. Et rappelle que la publication des rĂ©sultats, indĂ©pendamment de ce quâils montrent, devrait «toutefois dĂ©jĂ ĂȘtre la norme depuis des annĂ©es». Le fait que lâĂ©tude dure depuis 2016 indique aussi quâelle est menĂ©e de maniĂšre trĂšs minutieuse. Pour Erik Von Elm, «une recherche clinique bien conduite prend du temps, mais les subventions calculĂ©es de façon serrĂ©e ne permettent pas toujours de sâen laisser suffisamment. Alors, on doit faire des coupes.»
Comparaison avec et sans empathie La premiĂšre question qui sâest posĂ©e: Ă quelle intervention devrait-on comparer la nouvelle approche: «En gĂ©nĂ©ral, il nây a pas de traitement de lâalcoolisme dans les services dâurgence, note Jacques Gaume. A Lausanne, nous avons un modĂšle de base avec un court conseil et une recommandation pour une thĂ©rapie spĂ©cialisĂ©e.» Le dĂ©roulement prĂ©cis varie en fonction de la charge de travail. Pour quâune comparaison judicieuse soit possible, il a toutefois fallu uniformiser le traitement standard en vue de lâĂ©tude. Cela permet de clairement diffĂ©rencier les deux types dâintervention. «Pour ce faire, nous avons dĂ» enlever du modĂšle de base tout ce qui a trait Ă lâempathie.» Dans le cas dâune brĂšve intervention motivationnelle, lâempathie joue par contre un rĂŽle central: tout dâabord, une relation est Ă©tablie entre la thĂ©rapeute et le patient. Il sâagit dâapprĂ©hender le problĂšme ensemble, sans confrontation. Ensuite, les possibilitĂ©s dâamĂ©liorer la situation sont discutĂ©es conjointement. Et dans une troisiĂšme phase, les prochaines Ă©tapes que souhaite franchir le patient sont planifiĂ©es le plus concrĂštement possible. Il reçoit Ă©galement un rĂ©sumĂ© Ă©crit de lâintervention et, sâil le souhaite, la thĂ©rapeute appelle le patient pour prendre des nouvelles de sa situation et de son Ă©volution aprĂšs une semaine, un mois et trois mois. Le schĂ©ma de discussion trĂšs Ă©laborĂ© a Ă©tĂ© testĂ© sur dix patients dans le cadre dâune Ă©tude prĂ©liminaire, avant dâĂȘtre optimisĂ©. Le protocole dâĂ©tude exact a Ă©tĂ© publiĂ© ensuite. Puis lâĂ©tude proprement dite a recrutĂ© 344 patients au total et les a rĂ©partis alĂ©atoirement en deux groupes: conseils standards brefs sans empathie ou brĂšve intervention motivationnelle. Les donnĂ©es ne sont pas encore entiĂšrement Ă©valuĂ©es, mais le rĂ©- Aux urgences pour Ă©briĂ©tĂ©: une thĂ©rapie qui renonce Ă moraliser sultat principal est dĂ©jĂ Ă©tabli. «Cela fonctionne. Nous avons pu sta- pourrait apporter une solution.
Septembre 2021 45