Sciences du sport: Ă  vos marques, prĂȘtes...

Page 45

THÉRAPIE DE L’ALCOOLISME

Des chercheurs lausannois ont testĂ© pendant quatre ans aux urgences une thĂ©rapie motivationnelle contre la dĂ©pendance Ă  l’alcool. Elle doit aider de jeunes buveurs. Texte  Florian Fisch

AprĂšs un excĂšs d’alcool, de jeunes adultes se retrouvent Ă  maintes reprises aux urgences oĂč ils doivent ĂȘtre traitĂ©s pour une intoxication aiguĂ« ou suite Ă  un accident. D’aprĂšs Addiction Suisse, l’abus d’alcool est responsable de plus de 10% des dĂ©cĂšs dans cette tranche d’ñge. Comme pratiquement aucun des jeunes ne dĂ©cide de suivre une thĂ©rapie, les chercheurs se sont intĂ©ressĂ©s Ă  leur prise en charge aux urgences. Actuellement, l’intervention brĂšve y est populaire, soit un entretien motivationnel menĂ© par un spĂ©cialiste sans leçon de morale avec la patiente, lors duquel est examinĂ© avec elle si elle dĂ©sire modifier son mode de vie et, si oui, les mesures concrĂštes qu’elle souhaite prendre Ă  cette fin. Les rĂ©sultats de ces interventions brĂšves motivationnelles ne permettent toutefois pas de savoir si elles rĂ©duisent rĂ©ellement les excĂšs d’alcool. Analyser les effets d’une thĂ©rapie aussi complexe n’est pas aisĂ©. Jacques Gaume, du Centre hospitalier universitaire lausannois (CHUV) et son Ă©quipe ont toutefois relevĂ© le dĂ©fi et ont conçu une Ă©tude en collaboration avec le service des urgences.

Florian Fisch est codirecteur de la rĂ©daction d’Horizons.

Photo: Marius Eckert

Pas de prĂȘche aprĂšs une beuverie

biliser le nombre d’épisodes de binge drinking Ă  un niveau plus bas», note Jacques Gaume. Le binge drinking (de binge: foire et drink: boire) est dĂ©fini comme la consommation rapide de plus de six verres d’alcool. Et pour qu’il y ait stabilisation, ces Ă©pisodes doivent avoir diminuĂ© mĂȘme douze mois aprĂšs l’intervention. Les personnes ayant reçu un conseil bref standard ont eu en moyenne 3,4 Ă©pisodes de consommation excessive au cours du premier mois aprĂšs l’intervention, mais ce chiffre est passĂ© Ă  5,1 au douziĂšme mois. Avec la thĂ©rapie motivationnelle, l’augmentation Ă©tait bien plus faible: de 3,7 Ă©pisodes au cours du premier mois Ă  seulement 4,1 au cours du douziĂšme mois. Les rĂ©sultats n’ont pas encore Ă©tĂ© publiĂ©s. Erik von Elm, directeur de l’antenne suisse de la Cochrane Collaboration, qui s’engage pour un systĂšme de santĂ© basĂ© sur les Ă©vidences, salue cependant l’approche systĂ©mique de cette Ă©tude. Et rappelle que la publication des rĂ©sultats, indĂ©pendamment de ce qu’ils montrent, devrait «toutefois dĂ©jĂ  ĂȘtre la norme depuis des annĂ©es». Le fait que l’étude dure depuis 2016 indique aussi qu’elle est menĂ©e de maniĂšre trĂšs minutieuse. Pour Erik Von Elm, «une recherche clinique bien conduite prend du temps, mais les subventions calculĂ©es de façon serrĂ©e ne permettent pas toujours de s’en laisser suffisamment. Alors, on doit faire des coupes.»

Comparaison avec et sans empathie La premiĂšre question qui s’est posĂ©e: Ă  quelle intervention devrait-on comparer la nouvelle approche: «En gĂ©nĂ©ral, il n’y a pas de traitement de l’alcoolisme dans les services d’urgence, note Jacques Gaume. A Lausanne, nous avons un modĂšle de base avec un court conseil et une recommandation pour une thĂ©rapie spĂ©cialisĂ©e.» Le dĂ©roulement prĂ©cis varie en fonction de la charge de travail. Pour qu’une comparaison judicieuse soit possible, il a toutefois fallu uniformiser le traitement standard en vue de l’étude. Cela permet de clairement diffĂ©rencier les deux types d’intervention. «Pour ce faire, nous avons dĂ» enlever du modĂšle de base tout ce qui a trait Ă  l’empathie.» Dans le cas d’une brĂšve intervention motivationnelle, l’empathie joue par contre un rĂŽle central: tout d’abord, une relation est Ă©tablie entre la thĂ©rapeute et le patient. Il s’agit d’apprĂ©hender le problĂšme ensemble, sans confrontation. Ensuite, les possibilitĂ©s d’amĂ©liorer la situation sont discutĂ©es conjointement. Et dans une troisiĂšme phase, les prochaines Ă©tapes que souhaite franchir le patient sont planifiĂ©es le plus concrĂštement possible. Il reçoit Ă©galement un rĂ©sumĂ© Ă©crit de l’intervention et, s’il le souhaite, la thĂ©rapeute appelle le patient pour prendre des nouvelles de sa situation et de son Ă©volution aprĂšs une semaine, un mois et trois mois. Le schĂ©ma de discussion trĂšs Ă©laborĂ© a Ă©tĂ© testĂ© sur dix patients dans le cadre d’une Ă©tude prĂ©liminaire, avant d’ĂȘtre optimisĂ©. Le protocole d’étude exact a Ă©tĂ© publiĂ© ensuite. Puis l’étude proprement dite a recrutĂ© 344 patients au total et les a rĂ©partis alĂ©atoirement en deux groupes: conseils standards brefs sans empathie ou brĂšve intervention motivationnelle. Les donnĂ©es ne sont pas encore entiĂšrement Ă©valuĂ©es, mais le rĂ©- Aux urgences pour Ă©briĂ©tĂ©: une thĂ©rapie qui renonce Ă  moraliser sultat principal est dĂ©jĂ  Ă©tabli. «Cela fonctionne. Nous avons pu sta- pourrait apporter une solution.

Septembre 2021 45


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Sciences du sport: Ă  vos marques, prĂȘtes... by SNSF - Issuu