PORTRAIT
La nomade sĂ©dentarisĂ©e spĂ©cialiste des migrations La sociologue Oana Ciobanu Ă©tudie les migrants ĂągĂ©s. Cette Roumaine Ă©tablie Ă GenĂšve aprĂšs un parcours acadĂ©mique aux quatre coins de lâEurope se revendique elle-mĂȘme migrante. Texteâ Martine Brocardâ Photoâ Mathilda Olmi
Elle a beau avoir gravi rapidement les Ă©chelons de la hiĂ©rarchie acadĂ©mique, la Roumaine Oana Ciobanu nâen dĂ©mord pas: elle est une migrante, un point, câest tout. Pas une «travailleuse mobile hautement qualifiĂ©e», comme elle lâa parfois entendu. «Migrant, ce nâest pas nĂ©gatif», assĂšne-t-elle. La sociologue, qui vient dâĂȘtre nommĂ©e professeure Ă la Haute Ă©cole de travail social et de la santĂ© Ă Lausanne (HETSL), connaĂźt exactement la portĂ©e de ce terme. Elle Ă©tudie les migrations depuis prĂšs de vingt ans. «Avec un groupe dâĂ©tudiants de lâUniversitĂ© de Bucarest, nous voulions faire du terrain, raconte la chercheuse Ă lâaccent chantant. Notre professeur Dumitru Sandu nous a donc emmenĂ©s dans deux villages roumains pour Ă©tudier entre autres lâimpact de la migration sur le dĂ©veloppement de la communautĂ©.» LâexpĂ©rience est mĂ©morable. «Nous logions au-dessus dâune station-service et nous faisions du porte-Ă -porte», se souvient la quadragĂ©naire. Avec le recul, elle voit ce premier terrain comme un «moment initiatique». «Jâai adorĂ© les interactions avec les personnes interviewĂ©es. Dumitru Sandu nous a enseignĂ© comment minimiser notre impact sur la conversation, câĂ©tait extraordinairement formateur.» TrĂšs organisĂ©e, la chercheuse a prĂ©parĂ© plusieurs feuilles de notes pour lâinterview. Elle sâen dĂ©tache toutefois aisĂ©ment pour se consacrer Ă son interlocuteur. Toujours plus Ă lâouest Par la suite, lâĂ©tudiante originaire de Constanta sur la mer Noire ne lĂąchera plus le thĂšme de la migration. «Jâignore pourquoi cela mâintĂ©resse tant, avoue-t-elle. Jâen suis sortie une fois et jây suis vite revenue.» Hasard ou destin, une fois son bachelor en poche, elle devient migrante elle-mĂȘme. Ses Ă©tudes la poussent Ă partir toujours plus loin et plus Ă lâouest. Dâabord Ă Budapest, puis Ă Hambourg, Edimbourg, GenĂšve et Lisbonne. «Chaque annĂ©e, en automne, je migrais», sâamuse-t-elle.
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