Sciences du sport: Ă  vos marques, prĂȘtes...

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DOSSIER: LE SPORT AU LABORATOIRE

Une discipline en culottes courtes En Suisse, les sciences du sport ne constituent une discipline scientifique indĂ©pendante que depuis deux dĂ©cennies. MalgrĂ© l’intĂ©rĂȘt accru pour ce champ d’études qui traite de nombreuses questions actuelles, l’acadĂ©mie et le sport ont de la peine Ă  se rapprocher. Texte  Julia Richter

Le terme de sport vient du latin disportare, se disperser. Jusqu’au XIXe siĂšcle, les loisirs sportifs Ă©taient en effet gĂ©nĂ©ralement rĂ©servĂ©s Ă  l’élite, la seule qui avait du temps Ă  y consacrer. Ce n’est qu’aprĂšs que de larges couches de la population eurent obtenu des horaires de travail, des loisirs et des vacances rĂ©glementĂ©s que le sport gagna en importance en tant que phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ©. Les scientifiques vont aussi tarder Ă  s’intĂ©resser au sport. «A ce jour, il subsiste en Suisse une distance entre le monde acadĂ©mique et le sport», constate Achim Conzelmann, professeur de sciences du sport Ă  l’UniversitĂ© de Berne. «Souvent prĂ©vaut l’opinion que le savoir pratique suffit Ă  rĂ©soudre les problĂšmes dans le domaine du sport.» Cela montre que l’activitĂ© physique Ă©tait et reste souvent considĂ©rĂ©e comme un complĂ©ment Ă  l’activitĂ© mentale, mais pas comme un domaine qui requiert lui-mĂȘme une activitĂ© mentale. A leurs dĂ©buts, les sciences du sport Ă©taient ainsi trĂšs orientĂ©es sur la pratique et servaient principalement Ă  former des enseignants de gymnastique pour les Ă©coles. En 1922, l’UniversitĂ© de BĂąle est la premiĂšre de Suisse Ă  proposer une formation d’enseignant de sport. L’enseignement pratique Ă©tait alors complĂ©tĂ© par des considĂ©rations scientifiques relatives au sport et Ă  l’activitĂ© physique, qui n’étaient toutefois pas considĂ©rĂ©es comme une discipline acadĂ©mique Ă  part entiĂšre, mais rattachĂ©es Ă  la FacultĂ© de mĂ©decine. «La formation faisait la part belle Ă  la pĂ©dagogie, Ă  la didactique et aux cours pratiques de sport. La recherche aurait impliquĂ© davantage de ressources et des investissements correspondants», afAchim Conzelmann, firme Uwe PĂŒhse, directeur du UniversitĂ© de Berne DĂ©partement du sport, de l’activitĂ© physique et de la santĂ© Ă  l’UniversitĂ© de BĂąle. «L’universitĂ© n’était pas prĂȘte Ă  dĂ©bloquer des fonds pour cela Ă  une Ă©poque de moyens financiers limitĂ©s.» MĂȘme en 1992, date de la fondation de l’Institut du sport Ă  BĂąle, la recherche restera plutĂŽt dans l’ombre. «Elle se faisait le soir et le week-end. Il n’existait pas du tout de corps intermĂ©diaire acadĂ©mique», se souvient Uwe PĂŒhse, qui occupait l’un des deux postes Ă  plein temps lors de la

«A ce jour, il subsiste une distance entre le monde académique et le sport en Suisse.»

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crĂ©ation de l’institut et qui Ă©tait donc aux premiĂšres loges lorsqu’il a fallu Ă©tablir les sciences du sport en tant que discipline scientifique autonome – un dĂ©fi. De la gymnastique pour les dĂ©fenses immunitaires De plus, la marge de manƓuvre en matiĂšre de formation des enseignantes en sport Ă©tait Ă©galement limitĂ©e dans les diverses hautes Ă©coles. «Au XXe siĂšcle, la gymnastique Ă©tait la seule matiĂšre scolaire prescrite par la ConfĂ©dĂ©ration alors que pour le reste, les cantons Ă©taient souverains», explique Christian Koller, historien et directeur des Archives sociales suisses, qui a beaucoup Ă©crit sur l’histoire des sciences du sport en Suisse. Les universitĂ©s formaient donc des professeurs de gymnastique pour le compte de la ConfĂ©dĂ©ration, avec des diplĂŽmes signĂ©s par le Conseil fĂ©dĂ©ral et non pas par le dĂ©canat comme dans d’autres disciplines. «A la fin du XIXe siĂšcle, le sport Ă©tait considĂ©rĂ© comme un moyen de renforcer l’armĂ©e», explique Christian Koller. Cela s’est notamment reflĂ©tĂ© dans le fait que le DĂ©partement militaire fĂ©dĂ©ral de l’époque Ă©tait responsable de la reconnaissance des diplĂŽmes et que la formation des enseignants de gymnastique Ă  l’ETH Ă©tait rattachĂ©e aux sciences militaires. Les diplĂŽmes fĂ©dĂ©raux des maĂźtres de gymnastique et de sport ont Ă©tĂ© abrogĂ©s en 2005 et remplacĂ©s par des diplĂŽmes de bachelor et de master, ce qui a entraĂźnĂ© une rĂ©orientation de la branche. Ce changement de systĂšme a permis une exploration scientifique plus approfondie du domaine du sport et a contribuĂ© Ă  en faire une discipline acadĂ©mique Ă  part entiĂšre en Suisse. «Avant cela, l’étude scientifique du sport se limitait Ă  des domaines spĂ©cifiques comme la biomĂ©canique ou des disciplines mĂ©dicales», indique Christina Spengler, vice-prĂ©sidente de la SociĂ©tĂ© suisse des sciences du sport et professeure de sciences du mouvement Ă  l’ETH Zurich. Au cours de la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, l’importance du sport s’est Ă©galement affirmĂ©e dans la sociĂ©tĂ©. Cette Ă©volution a de plus jouĂ© un rĂŽle de premier plan dans l’institutionnalisation rĂ©ussie des sciences du sport dans les universitĂ©s. Cela s’est notamment traduit par l’ancrage de l’article relatif au sport dans la Constitution fĂ©dĂ©rale de 1970, par l’adoption de la loi sur l’encouragement du sport et, en 1998, par la crĂ©ation de l’Office fĂ©dĂ©ral du sport (Ofspo) Ă  Macolin. Cette derniĂšre Ă©tape n’est pas anodine, puisqu’en sa qualitĂ© d’office fĂ©dĂ©ral, il alloue des fonds de


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