Fokus Entrepreneur

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PANEL D’EXPERTS CONTEXTE

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Comment booster l’entrepreneuriat en Belgique? Pour que l’entrepreneuriat se dĂ©veloppe dans un pays, il faut que les conditions soient rĂ©unies en faveur de cette Ă©volution. Des freins majeurs peuvent apparaĂźtre et condamner progressivement ce climat favorable. Qu’en est-il en Belgique?

ROLAND GILLET. Professeur à l’ULB (Solvay)

CORENTIN MINNE. Founding partner de Pareto

DIMITRI BAUTERS. Directeur Régional Bruxelles-Wallonie de la Banque J.Van Breda & C°

Comment qualifier l’environnement dans lequel baigne le dĂ©veloppement de l’entrepreneuriat belge en 2020? « Pour la plupart des sociĂ©tĂ©s, c’est flou. On a le sentiment gĂ©nĂ©ral qu’il y a beaucoup d’aides qui existent et on ne sait pas par oĂč et comment commencer. Soit on a quelqu’un de spĂ©cialisĂ© dans son entreprise qui se charge de toutes les primes existantes, soit on passe Ă  cĂŽtĂ©. Il y a Ă©galement un autre problĂšme: la complexitĂ© du systĂšme. La rĂ©gionalisation n’arrange rien car les rĂ©gions entrent souvent en compĂ©tition entre elles. Ce qui engendre une rĂ©conciliation difficile entre le monde administratif/politique et le monde praticopratique dans lequel vit l’entrepreneur. Et ceux qui trinquent le plus ce sont souvent les PME qui n’ont personne en interne pour s’occuper de ces questions. »

« D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le tax shift opĂ©rĂ© ces derniĂšres annĂ©es par le gouvernement a permis un allĂšgement de la fiscalitĂ© sur le travail, au niveau des salariĂ©s et des entreprises. Avec l’idĂ©e de favoriser davantage les petites entreprises que les grandes. Des mesures en matiĂšres de cotisations sociales et de premier emploi ont notamment Ă©tĂ© activĂ©es. Toutefois, cette volontĂ© fĂ©dĂ©rale a Ă©tĂ© relayĂ©e de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e au niveau des rĂ©gions, ce qui crĂ©e des difficultĂ©s concernant la crĂ©ation de politiques cohĂ©rentes. Il est Ă©vident que l’on pourrait encore faire davantage, mais Ă©tant donnĂ© les contraintes budgĂ©taires, les marges de manƓuvres restent tĂ©nues. »

« Il y a plusieurs niveaux d’incertitude notamment au niveau politique. Le gouvernement Michel avait instaurĂ© une diminution de l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s ce qui Ă©tait prometteur pour l’emploi et au niveau patrimonial. Mais la question est : quid du programme politique de demain ? Il reste aussi les lourdeurs administratives comme l’octroi de permis par exemple. Ou encore, le coup Ă©nergĂ©tique. Enfin, les incertitudes apparaissent aussi au niveau gĂ©opolitique mondial et climatique. Tout ça peut faire changer les dĂ©cisions et inciter Ă  la prudence. Par contre, au niveau des possibilitĂ©s de financement, les taux sont bas. Donc propices Ă  l’investissement. »

Existe-t-il des aides en Europe pour booster l’entrepreneuriat? « Ça va dĂ©pendre du secteur ou de la rĂ©gion dans laquelle on se trouve. Certaines enveloppes peuvent aussi ĂȘtre allouĂ©es afin de soutenir des types d’activitĂ© bien particuliers. Bruxelles n’étant pas une rĂ©gion en crise, les sociĂ©tĂ©s gĂ©nĂ©ralistes situĂ©es-lĂ  ont eu accĂšs Ă  ces aides. Et puis il reste toujours cette complexitĂ© du systĂšme et de la communication qui entoure ces aides. Depuis 10 ans, je n’ai jamais reçu une information directe au sujet d’une quelconque aide. Si je voulais en bĂ©nĂ©ficier, j’aurais dĂ» ĂȘtre pragmatique. C’est dommage parce que ça existe. Certaines entreprises qui rĂ©pondent systĂ©matiquement aux appels d’offre de la commission EuropĂ©enne en ont mĂȘme fait leur business. »

« Il y a eu tout d’abord le plan Juncker qui voulait renforcer l’investissement au niveau des entreprises. La Belgique y a d’ailleurs largement souscrit, mĂȘme si la sĂ©lection des investissements retenus fait toujours l’objet de nĂ©gociations au niveau rĂ©gional. Il y a Ă  prĂ©sent le Green Deal: avec mille milliards qui devraient ĂȘtre dĂ©gagĂ©s. L’idĂ©e est principalement de mettre en place des mesures qui permettraient d’atteindre la neutralitĂ© climatique d’ici 2050. Ce plan europĂ©en vise Ă©galement Ă  dĂ©velopper ou renforcer des secteurs porteurs dĂ©diĂ©s Ă  cette problĂ©matique. L’ampleur des moyens est ici nettement plus significative que par le passĂ©. »

« Il existe toute une sĂ©rie d’aides mais il y a un manque de connaissance des possibilitĂ©s offertes. Les relais et l’accĂšs Ă  l’information ne sont pas aisĂ©s. La Banque EuropĂ©enne d’Investissement peut notamment fournir des aides pour les crĂ©dits ainsi que les fonds FEDER pour diffĂ©rentes structures. Il existe plein de possibilitĂ©s mais on ne sait pas comment elles sont structurĂ©es. Quid donc de l’efficacitĂ© de ces aides et de l’utilisation de ces ressources? Sont-elles optimales? D’un autre cĂŽtĂ©, cette complexitĂ© a un avantage : on voit des entreprises qui naissent et dont le but est de dĂ©tricoter tout ça. »

À quoi reconnaĂźt-on un environnement bĂ©nĂ©fique au dĂ©veloppement de l’entrepreneuriat? « Plus un univers fiscal est changeant et variable, moins les gens vont entreprendre. Si les rĂšgles qui sont applicables le sont encore dans 3 ans, c’est rassurant. Dans notre domaine, on conseille des placements financiers mais l’incertitude qui pĂšse sur la taxation des placements n’aide pas par exemple. CrĂ©er cette incertitude, c’est un frein pour l’entrepreneuriat. Il faut ĂȘtre clair au niveau de la sauce fiscale Ă  laquelle on va ĂȘtre mangĂ©. Mais c’est aussi une question d’éducation. Celui qui a Ă©tĂ© Ă  l’universitĂ©, qui a Ă©tĂ© confrontĂ© au milieu entrepreneurial trĂšs tĂŽt va avoir beaucoup moins peur de se lancer. Il faudrait donc augmenter des formations et encourager les Ă©changes entre gĂ©nĂ©rations visant Ă  encadrer les jeunes qui se lancent. »

« Il faut pouvoir encourager ceux qui dĂ©cident de crĂ©er ou de faire croĂźtre leur sociĂ©tĂ©. L’entrepreneur qui dĂ©cide de financer sa sociĂ©tĂ© par fonds propres et d’y rĂ©investir ses bĂ©nĂ©fices par la suite, au lieu de s’endetter, devrait y ĂȘtre davantage incitĂ© fiscalement. D’autant plus quand les statistiques montrent qu’une entreprise a plus de probabilitĂ© de pĂ©ricliter dans les trois Ă  cinq premiĂšres annĂ©es de sa crĂ©ation. En outre, il est Ă©galement important de ne pas tout concentrer sur quelques secteurs porteurs d’avenir comme le digital. Les autres secteurs, comme l’artisanat, mĂ©ritent Ă©galement une attention quant Ă  leur dĂ©veloppement et ne doivent surtout pas se sentir laissĂ©s-pour-compte. »

« L’entrepreneur doit avoir confiance en l’avenir, en la stabilitĂ© fiscale Ă  court terme et Ă  moyen terme. Il faut aussi un climat social favorable. La crĂ©ation de nouveaux marchĂ©s donne des opportunitĂ©s. La formation des jeunes Ă  l’entrepreneuriat peut aussi faciliter cet environnement. Il faut donner envie aux jeunes d’entreprendre et de prendre ça en main. Il faut oser montrer les rĂ©ussites et en ĂȘtre fier, surtout en Wallonie. On doit redorer l’image et redonner confiance aux entrepreneurs. On doit aussi avoir un plan clair pour l’entrepreneur. Son entreprise doit s’épanouir, mais lui aussi doit pouvoir s’épanouir personnellement. »

TEXTE BASTIEN CRANINX


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