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Le désalignement vente – marketing, vecteur historique de la contreperformance commerciale

01 Le désalignement vente – marketing, vecteur historique de la contreperformance commerciale

Si le désalignement des équipes vente et marketing perdure depuis plusieurs décennies, son impact s’est vu exacerbé par l’émergence d’un persona de super-acheteur B2B, à la fois mieux informé, mieux outillé, plus autonome et plus exigeant. A mesure que l’écart se creuse entre l’attente du prospect et la valeur apportée par le commercial, la force de vente subit une relative éviction du parcours à la faveur d’une documentation en selfservice. Dans les cas extrêmes, les commerciaux sont relégués à un rôle de faiseurs de devis et de négociateurs de prix. Cette variable exogène, celle de l’émergence de ce nouveau persona d’acheteur, est aggravée par les points d’inefficacité internes et caractéristiques du désalignement entre les équipes vente et marketing. Décryptage…

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Les commerciaux passent trop de temps sur des tâches périphériques à la vente

De toutes les prérogatives des responsables commerciaux, l’optimisation du temps de la force de vente est sans doute celle qui conditionne le plus l’atteinte des objectifs au sens large. D’ailleurs, le temps effectif passé à la vente est un indicateur de performance intéressant, dans la mesure où il 1renseigne sur le coût d’opportunité et le manque à gagner que peut engendrer un manque d’organisation dans l’équipe commerciale. Malgré la digitalisation de la fonction commerciale et la multiplication des outils de pilotage et de reporting, l’optimisation du poste de travail des commerciaux reste un défi majeur pour les responsables. Aujourd’hui, seuls 22,9

% des commerciaux disposent d’un système

structuré de gestion du temps, soit 5 points de moins qu’il y a cinq ans, et ils ne passent plus que 17,9 % de leur temps de travail sur leur CRM (- 0,3 % en cinq ans)1. Ce constat engendre une cascade de conséquences sur le temps alloué à la vente à proprement parler. Les chiffres varient d’une étude à l’autre, mais la tendance est claire :

• Selon Forbes, 64,8% du temps des

commerciaux est passé sur des activités

qui ne génèrent pas de revenus. Dans une semaine de 40 heures, les commerciaux passent donc, en moyenne, 26 heures sur des tâches périphériques à la vente ; • De son côté, McKinsey estime que les commerciaux passent, en moyenne, la moitié

de leur journée sur des tâches autres que la vente effective ;

• Selon SalesFunnel, 65% des responsables

des ventes estiment que leurs commerciaux passent trop de temps sur des activités «

non liées à la vente » ; • Selon Seismic, seul 39% du temps des

commerciaux est alloué aux interactions

avec les clients et les prospects. Le coût de cette problématique d’optimisation du temps de vente est tout simplement exorbitant. Selon Forbes, les entreprises américaines dépensent, en moyenne, 68 352 $ par an et par commercial pour des tâches indirectement liées à la vente. Nous pouvons aisément extrapoler cette conclusion sur l’Hexagone, où le coût de la ressource commerciale s’alourdit à la faveur de la pénurie des profils estimée à 200 000 postes à pourvoir par le cabinet Michael Page. Mais que fait un commercial lorsqu’il « ne vend pas » ?

Contenu marketing à destination des commerciaux : la grande désorganisation

Que fait un commercial lorsqu’il n’est pas en rendez-vous ? Selon Seismic, les commerciaux passent, en moyenne, 30 heures par mois à rechercher (ou créer) du contenu de vente. HubSpot renchérit : 40% des commerciaux créent leur propre contenu, « faute de mieux ». Finalement, deux tiers des contenus créés pour le marketing à destination des commerciaux restent inutilisés. Deux hypothèses peuvent expliquer ce constat : • Le matériel de vente ne répond pas à leurs besoins ; • Le matériel de vente n’est pas (techniquement) accessible.

Quoi qu’il en soit, les responsables commerciaux semblent incapables de diagnostiquer le problème. « Les entreprises sont incapables de déterminer s’il s’agit d’un problème d’accessibilité du contenu, ou si le matériel de vente est tout simplement sans intérêt pour les commerciaux », peut-on lire dans un rapport signé VentureBeat.com. Une étude réalisée par DataDwell.com estime toutefois que 28 % des contenus de vente ne sont pas accessibles aux commerciaux. En cause : les arborescences sans fil conducteur, des problèmes dans le partage des droits d’accès aux différents Drives, des contenus indisponibles hors ligne, des fichiers aux appellations peu explicites, etc. Avant même d’évoquer le fond des contenus, l’organisation archaïque du stockage entame le taux d’utilisation du matériel de vente créé par le marketing. En effet, comment utiliser un contenu qu’on ne trouve pas, ou dont on ne connaît pas l’existence ? Pour illustrer cette problématique, Forrester a créé le « Content Usage Chart », une pyramide qui cartographie l’utilisation des contenus de vente par les commerciaux : • 60% des contenus créés à l’échelle par le marketing sont utilisés moins de 10 fois par les commerciaux ; • 25% des contenus sont utilisés entre 10 et 99 fois par la force de vente ; • 12% des contenus sont utilisés entre 100 et 999 fois par les commerciaux ; • Seuls 3% des contenus sont utilisés plus de 1 000 fois par la force de vente.

An All-Too-Typical Content Usage Chart

> 1 000 3%

100 to 99

10 to 99 12%

25%

< 10 60%

La pyramide d’utilisation du contenu de vente par les commerciaux (Forbes)

Les entreprises qui investissent massivement dans la qualité du contenu de vente sans régler cette problématique d’accessibilité accusent des pertes sèches considérables. Des études de cas, des infographies, des vidéos et des ebooks qui ont coûté plusieurs centaines, voire milliers d’euros, se retrouvent parfois dans un dossier orphelin, avec un nom de fichier cryptique. C’est sans doute l’un des volets les plus coûteux du désalignement entre les équipes vente et marketing.

La technologie a longtemps négligé la vente au profit du marketing

« Après une longue hibernation, la SalesTech se déchaîne », titrait BtoB Leaders dans une chronique datée du 14 avril 2022. Historiquement, la technologie s’est d’abord saisie des problématiques du haut de l’entonnoir, suivant d’ailleurs le même cheminement que les leads. Les marketeurs ont pu compter sur des outils d’automatisation, de reporting, de création et de diffusion de contenus et même d’assistance par l’IA tout au long des deux dernières décennies, là où les commerciaux ont dû se contenter du CRM. Sur Google, le mot-clé « MarTech » ne retourne pas moins de 18,3 millions de résultats, alors que « SalesTech » n’en produit que 2,4 millions, soit près de 8 fois moins. Ce déséquilibre technologique a sans doute contribué au désalignement entre les équipes vente et marketing… mais la donne semble changer. Avec des outils de visioconférence orientés « vente », des plateformes de Sales Intelligence et de Sales Engagement, des outils conversationnels et surtout des solutions de Sales Enablement, le commercial va (enfin) pouvoir mobiliser la technologie au service de ses hard skills et soft skills.

Les commerciaux, mal outillés face au « superacheteur B2B »

Le monde du B2B a assisté à l’émergence d’un nouveau persona d’acheteur bien avant la pandémie, qui n’aura finalement joué qu’un rôle d’accélérateur. Une étude ambitieuse réalisée par Accenture a dressé le portrait-robot de ce prospect d’un nouveau genre : • Plus prudent. Comme à chaque crise, les achats sont rationalisés. La décision devient collégiale (6 à 10 personnes impliquées selon McKinsey), et le cycle d’achat s’allonge pour sécuriser la décision.

• Plus « social ». Désormais, 61% des projets d’achat B2B commencent sur le web, et 58% des acheteurs incluent les réseaux sociaux et les plateformes d’avis dans leur parcours. • Plus exigeant. Il attend du commercial un accompagnement personnalisé, avec un argumentaire chiffré porté par des cas clients, des comparatifs, des projections, etc. A bien des égards, c’est un acheteur « augmenté » et ultra-exigeant qui rencontre un commercial pauvrement alimenté en contenus et qui manque de temps pour personnaliser son approche. Ce constat est confirmé par une étude Allego qui explique que les commerciaux ne sont pas en

mesure de répondre à plus de 40% des questions

posées par les acheteurs au sujet du produit commercialisé.

Conséquence : éviction du commercial d’une partie du parcours d’achat

Logiquement, la performance du commercial manqueradevaleurajoutéeetd’accompagnement personnalisé, l’évinçant progressivement du parcours d’achat. Selon Accenture, l’acheteur réalise déjà 57% à 68%

de son parcours d’achat avant d’initier le premier contact avec un ou plusieurs fournisseur(s)

envisagé(s). Il préfère consommer des contenus techniques et pédagogiques plutôt que de confier cette mission au commercial. In fine, 92% des

acheteurs B2B estiment que « les commerciaux ne

représentent plus des partenaires de confiance », les reléguant parfois au rôle de « négociateurs de prix » ou de « faiseurs de devis ». Pour paraphraser une étude signée DemandGen, les acheteurs B2B « ont pris les clés du camion » pour piloter plus de 83% du parcours d’achat, depuis la consolidation du besoin jusqu’à l’évaluation rigoureuse des fournisseurs. L’autonomie de l’acheteur est l’indéniable conséquence de l’inadéquation entre ses attentes et l’offre de service des commerciaux. Pour autant, elle n’est pas de tout repos, et semble davantage subie que voulue. Par exemple, l’abondance des contenus d’aide à la décision est jugée « déstabilisante » par la moitié des acheteurs B2B sondés par Gartner. Ils doivent rechercher, lire, trier, hiérarchiser et contextualiser des contenus plus ou moins pointus dans un laps de temps relativement court. « En réalité, de nombreux acheteurs B2B ne sont pas autonomes et n’ont aucun intérêt à le devenir ». Pour qu’il puisse reprendre sa place dans le cycle d’achat et regagner son pouvoir d’influence sur la décision, le commercial doit pouvoir compter sur du matériel de vente de qualité, accessible et pertinent, mais aussi des outils performants pour l’accompagner avant, pendant et après le rendezvous. Et c’est tout l’objet du Sales Enablement.

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