Sept visions prospectives pour le Grand Genève

Page 10

tentation de faire une simple projection de l’existant, de prolonger les tendances climatiques, consumĂ©ristes, sociales ou environnementales actuelles, de dramatiser ces phĂ©nomĂšnes en cours qui paralysent l’action, tant l’effondrement paraĂźt imminent. Ensuite la formalisation d’un grand projet qui, par la sĂ©duction des images, prĂ©tendrait rĂ©soudre les crises Ă  venir sur le territoire. À l’analyse, on constate que les sept rĂ©ponses restent Ă  un niveau conceptuel, ce qui est peut-ĂȘtre l’approche la plus correcte Ă  l’aune de tout le savoir qui a Ă©tĂ© embrassĂ© par cette immense Ă©tude.

Cette consultation produit un foisonnement de rĂ©flexions, de pistes d’action qui mĂȘlent la nĂ©cessitĂ© d’inflĂ©chir la trajectoire actuelle et l’adaptation Ă  des changements qui sont dĂ© l uvre. ci, l urgence d une prise de conscience ne doit pas forcĂ©ment impliquer une rĂ©volution qui Ă©radiquerait tout ce qui a fait le ciment de nos domaines de compĂ©tence. Il s’agit plutĂŽt de retrouver le liant qui a de tout temps mis en lumi re les valeurs humaines, dans ces arts appliquĂ©s qui font le quotidien des mandataires du monde du bĂąti. La conception architecturale a eu ses pĂ©riodes de rupture le mur romain versus la colonne grecque, la perspective versus l agrĂ©gation moyen geuse, le ouvement moderne versus l cole des eaux- rts, etc. mais elle a aussi connu des moments de continuum ou de lĂ©g res variations Ă  l’intĂ©rieur d’une pĂ©riode forte. C’est aux confins de ces articulations subtiles que se situe le moment prĂ©sent. La question climatique, sujet sociĂ©tal devenu trĂšs Ă©pidermique pour d’aucuns, peut faire craindre le retour d’un combat entre les Anciens et les Modernes, comme celui qui a enflammĂ© les joutes scripturales corbusĂ©ennes au dĂ©but du siĂšcle passĂ©. Toutes les crises offrent des opportunitĂ©s de remise en cause qui stimulent la crĂ©ativitĂ© et l’adaptabilitĂ© de nos sociĂ©tĂ©s. De la mĂȘme maniĂšre que nos prĂ©dĂ©cesseurs ont su assimiler l’invention du mĂ©tal et du bĂ©ton armĂ© dans la construction pour donner de nouvelles rĂ©ponses constructives, par exemple, au problĂšme du logement, il s’agit peut-ĂȘtre dans un proche avenir de ne plus raisonner uniquement en mĂštres carrĂ©s ou mĂštres cubes qui gĂ©nĂšrent des coĂ»ts, des ratios, des plans financiers, des plannings de chantier. Il nous faut au contraire inscrire dans « l’histoire du projet » une composante dans laquelle la matiĂšre, qui est le fondement de nos professions, ne soit plus seulement gĂ©nĂ©ratrice de Stimmung, de lumiĂšre et d’ombre, mais Ă©galement de ressources, d’énergie ou de rĂ©utilisation et de recyclage. À l’image des ingĂ©nieurs du siĂšcle passĂ©, la pensĂ©e profonde sur l’économie de la matiĂšre peut ĂȘtre la source de nouvelles formes, loin des normes et des marges qui font les beaux jours de la consommation effrĂ©nĂ©e qui a caractĂ©risĂ© ce passage de millĂ©naire.

L’architecture est une pensĂ©e De ces approches doit Ă©clore l’ébauche, encore sous-jacente, d’une nouvelle Ă©criture architecturale et constructive. L’inventivitĂ© se nourrit souvent de la contrainte et cette consultation dĂ©montre qu’il demeure pour les professionnels un monde d explorations mener. insi, le sol, celui qui a ancrĂ© l assise de visions paysag res

Konrad Witz, La PĂȘche miraculeuse, 1444 (dĂ©tail)

17

16

Rupture et continuité de la pratique

dans une conception qui en rĂ©f re au territorio celui de ittorio regotti ou de Luigi nozzi ou encore au parti architectural , porte certainement en lui une autre valeur que celle de seul support gĂ©otechnique des fondations de l’ouvrage bĂąti. uant la densification exigible, elle implique de mettre en avant l espace public comme bien le plus prĂ©cieux l intĂ©rieur d un environnement b ti o la question de la fronti re paysag re se retrouve partout. our l aborder, les architectes doivent utiliser tous leurs sens 3, dans un paradigme Ă©mergent Ă  inventer. Il s’agit donc d’évoluer ensemble pour affirmer des positions et non de se retrancher derriĂšre des postures intenables, pour aller vers un avenir qu’à l’unisson les Ă©quipes mandatĂ©es souhaitent partageable. C’est assurĂ©ment l’une des seules conditions pour qu’une communautĂ© habitante puisse cohabiter dans un territoire rĂ©duit, mais dont la beautĂ© gĂ©ographique n’est plus Ă  redire depuis que onrad itz l a immortalisĂ©e, un our de 1 , dans son tableau La PĂȘche miraculeuse. ne uvre qui peut re devenir le symbole de ce partage pour les dĂ©cennies venir et tre l image d une sociĂ©tĂ© organique, mouvante, qui peut se distendre, se rassembler .4 ■

1

2

3 4

Alain Berset, « Alexandre Jollien dialoguant avec Alain Berset : â€č Dans cette crise, on peut tisser le lien de la fraternitĂ© â€ș », le temps.ch, publiĂ© jeudi 24 dĂ©cembre 2020, consultĂ© le 4 janvier 2021 Josep Ramoneda, « Qu’est-ce que la ville ? », in Jean Dethier et Alain Guiheux (dir.), La Ville, art et architecture en Europe, 1870-1993, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1994, p. 15 GĂŒnther Vogt, « Les frontiĂšres du paysage », TRACÉS 11/2020, p. 25 Alain Berset, op. cit.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Sept visions prospectives pour le Grand Genève by espazium.ch - Issuu