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CULTURE
LIVRES
ANNE GRUWEZ, L’INDOMPTABLE Hyper-médiatisée depuis le documentaire belge «Ni juge ni soumise», doublement primée aux César et aux Magritte 2019, la juge d’instruction Anne Gruwez sort un livre qui ne passe rien sous silence. Adeptes du politiquement correct, passez votre chemin! Par Aurélia Dejond
Vous avez constamment l’air de bonne humeur, paravent ou trait de personnalité ?
Anne Gruwez est ravie. « Parler avec vous sera une récréation entre la rédaction de deux rapports d’expertise. En plus, vous avez une belle voix qui chante, donc ça va, c’est agréable, j’aime bien. Je vais mettre mes pieds sur le bureau, je serai plus à l’aise… On est mieux comme ça, non ? » Cash « pour être comprise de tous », la Bruxelloise aime appeler un chat un chat. Formules qui flinguent, mots qui dézinguent, francparler déconcertant et humour bien à elle, la pétillante sexagénaire a l’habitude de répondre du tac au tac, sans fards ni artifices. Véritable phénomène du Barreau, cette folle de boucles d’oreilles est avant tout une humaniste hors normes. Autant dire une perle rare. Depuis la sortie de Tais-toi !, elle enchaîne interviews
Mon métier me permet de varier les plaisirs ! Plaisir des rencontres, d’approcher le cœur de l’humain, d’apprendre à le cerner, le décoder, plaisir ensuite d’enquêter et de saisir chaque nuance d’une personne, de mettre à jour ses contradictions et apprendre, sans cesse, de tous ces êtres qui défilent dans mon bureau. Ce sont avant tout des humains, j’aime les gens, même ceux qui s’abritent derrière leur façade de malfrat ou de voyou. Quant à mon humeur, je suis comme ça. Je fais d’ailleurs partie des membres de la Ligue des optimistes, j’aime trouver le meilleur chez chacun. S’intéresser à l’autre en profondeur est crucial. Comme juge d’instruction, je suis le réceptacle de ce qui a foiré, mais il y a forcément du bon en la personne, quoi qu’elle ait fait.
Ce livre compile vécu et réflexions sur la société actuelle. Une façon de désacraliser la justice?
C’est une sorte d’immersion, en effet. Le livre, comme le documentaire, rendent la justice moins opaque et permettent de la voir sous un autre angle. Ça l’humanise, ça lui fait du bien, ainsi qu’au public. Il a besoin de se la réapproprier, qu’il cesse de la fantasmer ! Dans votre ouvrage, vous remettez en cause le terme « féminicide »…
Les mots catégorisent, stigmatisent et emprisonnent. Or, nous en avons toute une palette à disposition. On tue un être humain et tuer un homme a la même valeur que tuer une femme. Une femme n’est pas tuée parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle est physiquement plus faible que l’homme. Il s’agit donc d’un homicide sur une personne plus vulnérable, je refuse de nommer ça un féminicide, quitte à ce que ça paraisse non politiquement correct. Tais-toi ! Si la justice m’était comptée…, éd.Racine, 20 €.
SERGE ANTON. PRESSE.
et séances de dédicaces. « Mon tourbillon de la vie du moment, chacun a son heure de gloire », sourit-elle en fredonnant Jeanne Moreau.