ĂCONOMIE Facebook, dirigĂ© en Afrique par la Sud-Africaine Nunu Ntshingila (24e), suit la mĂȘme tendance, mĂȘme si son projet de cĂąble 2Africa, prĂ©vu pour faire le tour du continent, est moins avancĂ©. Amazon Web Services (AWS), dirigĂ© en Afrique subsaharienne par lâĂthiopienne Amrote Abdella (19e), ex-directrice rĂ©gionale de Microsoft, poursuit lui aussi son renforcement sur le continent depuis lâannonce, en 2020, de lâouverture de ses services pour lâAfrique depuis Cape Town, oĂč il emploie dĂ©jĂ plus de 4000 personnes. Comme pour les start-up, ce classement met aussi en valeur lâintĂ©rĂȘt des investisseurs pour le potentiel des opĂ©rateurs dâinfrastructures africains. Premier lâan dernier, Strive Masiyiwa (8e) a poursuivi la restructuration de ses activitĂ©s en crĂ©ant le holding Cassava Technologies pour y loger ses projets les plus innovants (lire pp. 126-128). Ă la tĂȘte de Teraco Data Environments, le Sud-Africain Jan Hnizdo (15e) devrait, lui, voir son entreprise accĂ©lĂ©rer sa croissance grĂące Ă la prise de contrĂŽle de lâamĂ©ricain Digital Reality. AnnoncĂ© au
dĂ©but de janvier, le deal, qui valorise le leader africain des data centers Ă 3,5 milliards de dollars, devrait ĂȘtre entĂ©rinĂ© dâici Ă la fin de juin. Cette opĂ©ration suit de quelques mois lâacquisition de MainOne, leader des services de connectivitĂ© en Afrique de lâOuest, par un autre amĂ©ricain, Equinix, pour 320 millions de dollars. Lâacheteur, en conservant la NigĂ©riane Funke Opeke (17e) au poste de DG de sa nouvelle filiale, confirme la rĂ©putation de la dirigeante, qui a profondĂ©ment fait Ă©voluer son entreprise créée au dĂ©part pour gĂ©rer un cĂąble sous-marin.
Essor du e-commerce
JA a également voulu souligner la montée en puissance du e-commerce africain. Aux cÎtés des pionniers de Jumia, Jérémy Hodara et Sacha Poignonnec (23es), le Nigérian Onyekachi Izukanne (21e), fondateur de TradeDepot, intÚgre le classement aprÚs le rachat en février de son concurrent ghanéen Green Lion contre un chÚque de 110 millions de dollars.
Le dilemme Flutterwave Dans lâenquĂȘte publiĂ©e le 12 mars sur son mĂ©dia West Africa Weekly, le journaliste nigĂ©rian David Hundeyin, par ailleurs ex-collaborateur de The Africa Report, met en cause, documents Ă lâappui, la gouvernance de la start-up Flutterwave. AprĂšs avoir levĂ© 250 millions de dollars au dĂ©but de 2022, celle-ci est actuellement la plus importante valorisation du continent (3 milliards de dollars). Les accusations sont sĂ©rieuses et visent son cofondateur et directeur gĂ©nĂ©ral Olugbenga Agboola (surnommĂ© GB dans lâunivers de la tech). Lâarticle dĂ©nonce un dĂ©lit dâinitiĂ© (le journaliste utilise le terme dâinsider trading), du harcĂšlement moral et sexuel Ă lâĂ©gard de plusieurs collaboratrices, ainsi que des pratiques commerciales frauduleuses. Sans nous prononcer sur la vĂ©racitĂ© de ses allĂ©gations, plusieurs Ă©lĂ©ments portĂ©s Ă notre connaissance nous ont poussĂ© Ă ne pas inclure lâentrepreneur dans notre classement cette annĂ©e. Cela ne disqualifie en rien la qualitĂ© des services apportĂ©s par la sociĂ©tĂ© et le rĂŽle de locomotive quâelle a jouĂ© pour la tech africaine ces derniĂšres annĂ©es. La premiĂšre accusation est relative Ă lâidentitĂ© fictive que GB aurait utilisĂ©e en 2016 pour sâarroger 10 % de participation supplĂ©mentaire dans la sociĂ©tĂ© créée avec Adeleke Adekoya et Iyinlowula Aboyeji. DĂ©sormais Ă la tĂȘte de la sociĂ©tĂ© de capital-risque Future Africa, ce dernier a confirmĂ© le 16 avril auprĂšs du media TechCabal â dont lui-mĂȘme et Flutterwave sont actionnaires â que GB avait bien mentionnĂ©
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JEUNE AFRIQUE â N° 3112 â MAI 2022
NommĂ©e en octobre 2021 CEO de Takealot, la Sud-Africaine Mamongae Mahlare (22e) bĂ©nĂ©ficie, elle, de la performance de la filiale de Naspers, qui pourrait ĂȘtre le premier acteur du secteur Ă atteindre son point dâĂ©quilibre. Et parce que la plateforme dâe-commerce Ă©gyptienne Brimore a levĂ© 25 millions de dollars en fĂ©vrier, son CEO, Mohamed Abdulaziz, figure aussi dans notre classement, Ă la 28e position. Pour finir, il faut aussi attirer lâattention sur la diversitĂ© des jeunes pousses qui parviennent Ă lever des fonds : si les reprĂ©sentants de la fintech trustent le haut du panier, les douze derniers mois ont vu la confirmation de lâintĂ©rĂȘt portĂ© au spĂ©cialiste de lâĂ©ducation Andela, dont le fondateur occupe le 11e rang, ainsi que la percĂ©e des start-up dans les secteurs de la santĂ©, de la logistique et mĂȘme des jeux vidĂ©o avec, pour la premiĂšre fois pour un Ă©diteur africain, un tour de table de 20 millions de dollars Ă mettre au crĂ©dit de Lucy Hoffman (29e), cofondatrice de Carry1st.
Ă ses associĂ©s quâun certain « Greg », directeur technique de la start-up, devait rĂ©cupĂ©rer 10 % de la sociĂ©tĂ©.« AprĂšs un certain temps, on a compris ce quâil sâĂ©tait passĂ©. Ă ce moment-lĂ , cela nâavait plus dâimportance. Nous [Aboyeji et le troisiĂšme cofondateur Adeleke Adekoya] avions dĂ©jĂ signĂ© des accords, et jâai dĂ©cidĂ© de passer Ă autre chose » , a confiĂ© Iyinowula Aboyeji au mĂ©dia nigĂ©rian. En parallĂšle, les jours qui ont suivi la publication de lâarticle, « Iyin » Aboyeji, sur les rĂ©seaux sociaux, nâa eu de cesse, de dĂ©fendre fermement sa rĂ©putation et celle de sa fintech tout en affirmant par ailleurs ne plus possĂ©der aucune action de Flutterwave. La deuxiĂšme allĂ©gation qui a motivĂ© notre dĂ©cision est liĂ©e au fait quâOlugbenga Agboola aurait poussĂ© certains de ses collaborateurs et investisseurs Ă revendre leurs actions Ă un prix plus bas que le marchĂ©, parfois bien en-dessous de leur vĂ©ritable valeur selon lâenquĂȘte journalistique. Outre les tĂ©moignages avancĂ©s dans lâarticle de David Hundeyin, un investisseur un temps proche de Flutterwave nous a confirmĂ© auprĂšs de lâexistence de ce genre de pratiques. ContactĂ© par Jeune Afrique, le directeur gĂ©nĂ©ral de la licorne nâa pas donnĂ© suite. Dans un mail interne relayĂ© le 20 avril par le site amĂ©ricain TechCrunch, le principal intĂ©ressĂ© a affirmĂ© quâune partie des accusations contenues dans lâenquĂȘte Ă©tait fausse, tout en admettant que certains des points soulevĂ©s avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© « signalĂ©s, Ă©tudiĂ©s et traitĂ©s par la direction », sans toutefois prĂ©ciser lesquels. Quentin Velluet