
27 minute read
WTF?
COMMENT ICO EST PASSÉ DE JEUNE CADRE DYNAMIQUE À ROI DU BUZZ
Sourire en coin, ICO s’installe dans le paysage urbain avec un redoutable plan marketing. Dopé à l’ironie, son premier album infiltre les réseaux sociaux. Intitulé Petit con, il flirte gentiment avec le rap. Pourtant, l’histoire d’amour est encore récente. « Ma culture musicale s’est développée tardivement », confie l’artiste de 26 ans. «Pour moi, le déclic est arrivé avec Stromae... » Avant de se métamorphoser en ICO (prononcez «Aille-Ko»), Salim Elakkari écoutait donc très peu de musique. En revanche, il en jouait beaucoup. « À 9 ans, mes parents m’ont inscrit au conservatoire. » Il y apprend le piano qui, de fil en aiguille, l’amène à la production. Dès 2016, ICO apparaît ainsi dans les crédits de Selfocracy, le premier album de Loïc Nottet. « En studio, je suis à l’aise. Au chant, c’est une autre histoire. Je dois encore travailler ma voix. » Modulée à l’aide du logiciel Auto-Tune, celle-ci est pourtant au centre de morceaux rigolos, diffusés au comptegouttes sur les réseaux sociaux. Entre punchlines humoristiques et beats décalés, ICO devient rapidement un phénomène You Tube. «Dès que tu commences à faire le buzz, des gens te proposent des contrats», raconte-t-il. « Mais moi, je n’avais besoin de rien. J’avais un toit, une voiture de fonction, un costume et une cravate.» Jeune cadre dynamique, le Bruxellois est alors consultant IT finance. « Sans cela, j’aurais sans doute signé n’importe quoi dès le premier jour… » Après mûres réflexions, ICO s’entoure du management de Roméo Elvis et se lance dans le métier en publiant de petites vidéos. En solo ou accompagné de JeanJass et Caballero, ICO squatte YouTube via ses chan sons-sketchs qui, en deux minutes, accumulent les millions de vues. « Je mise sur des formats courts », explique-t-il. « Les jeunes qui m’écoutent n’ont pas de temps à perdre. » L’album d’ICO turbine à l’autodérision et l’humour acide. À tel point que Petit con soulève une véritable question de société : peut-on rire de tout ? « J’en suis persuadé. Cela dit, j’ai laissé quelques maquettes dans les tiroirs. Les gens n’étaient pas prêts. » Dans un monde sensible aux revendications féministes, le morceau Dédicace prend ainsi le risque de gambader en territoire miné. « Si Damso avait chanté ce morceau, il aurait été lynché sur la place publique. Dans la bouche d’un autre, mes paroles « Si Damso avait chanté ce morceau, il aurait été lynché sur la place publique »
ne passeraient pas. Mais j’ai créé un personnage de ‘Petit con’ qui, avec le sourire, peut se permettre des écarts de conduite. Tous mes textes sont à prendre au second degré. Sinon, ça devient imbuvable. » Amusant, mais pas seulement, ICO se la joue 13 Reasons Why sur le tube Stéphanie, évoquant suicide, harcèlement et dérapages adolescents sous un refrain entêtant. Dans Caramel, ICO évoque sa couleur de peau, mais aussi son parcours scolaire. Diplômé de la Solvay Business School, et maîtrisant cinq langues, le garçon envisage ses chansons sous un angle commercial. En studio ou derrière le micro, ICO se voit en P.-D.G. d’une jeune start-up, connaît sa marchandise et appréhende parfaitement sa cible. Fin stratège, il multiplie les placements de produits en citant de grandes marques dans ses chansons. «J’aurais tort de me priver. Il n’y a pas un seul gros mot dans mes morceaux. En plus, j’enregistre des millions de vues sur les réseaux sociaux. Si les multinationales veulent en être la prochaine fois, elles viendront m’offrir un maillot aussi sponsorisé que celui d’un coureur du Tour de France. » Aujourd’hui, ICO écoute attentivement les dernières sorties hip-hop et R&B. « Je consomme de la musique pour décoder les succès de Nekfeu, PNL ou Ninho. Quand on vend de la musique, il est impératif de comprendre les logiques du marché. » NICOLAS ALSTEEN
ICO 7/2, 20.00, Ancienne Belgique, www.anciennebelgique.be
Lubna Azabal retrouve les projecteurs

FR Le lien entre Joaquin Phoenix, Nabil Ben Yadir, Denis Villeneuve, André Téchiné, Tony Gatlif et Park Chan-wook est Bruxelles, et répond au nom de Lubna Azabal. Elle brille dans le rôle principal du nouveau film d’art et d’essai marocain Adam. — NIELS RUËLL
Ces dernières années, on a pu voir Lubna Azabal à l’œuvre dans Mary Magdalene aux côtés de Joaquin Phoenix, dans la deuxième saison de la série policière belge La Trêve et dans The Little Drummer Girl, une mini-série que le styliste coréen Park Chan-wook a tournée pour la BBC. Il y a exacte ment un an, elle remportait son troisième Magritte pour sa contribution à Tueurs du réalisateur et ancien gangster François Troukens. Mais pour apprécier le jeu de la Bruxelloise à sa juste valeur et se rendre compte à quel point elle est photogénique, il faut aller voir Adam. Le premier film de la Marocaine Maryam Touzani, sélectionné au Festival de Cannes, est un drame sobre, intime et pertinent. Azabal joue le rôle d’une boulangère dans la médina de Casablanca qui tente de s’occuper d’une jeune femme enceinte non mariée et qui en craint les consé quences.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre personnage intrigant ? LUBNA AZABAL: Abla est une jeune veuve qui élève sa gamine toute seule. Ce n’est pas le décès de son mari qui l’a coupée du monde mais le fait qu’on lui a enlevé le droit de faire son deuil. Elle n’a pas pu accompagner son mari jusqu’à sa tombe. Elle n’a pas pu le pleurer, l’embrasser, lui dire au revoir. C’est culturel. Dans la religion musulmane, la femme n’a pas le droit d’accompa gner un défunt. C’est strictement interdit et cela a meurtri Abla. Elle était terriblement amoureuse de cet homme. C’était un mariage d’amour, ce qui est rare dans ces pays-là. Elle est tellement blessée qu’elle a fermé les portes à son monde. Elle s’est isolée dans sa maison et tient sa boulangerie pour pouvoir vivre et éduquer sa fille.
Qu’est-ce qui fait d’Adam un film fort? AZABAL: Le film aborde le tabou de la mère célibataire dans les pays musulmans. Une femme doit toujours être chapeautée par un homme: son frère, son père, son mari. Si elle ne se remarie pas, normalement elle revient dans sa famille. C’est louche si elle reste seule. Je ne sais pas pourquoi mais on a peur qu’une femme s’épa nouisse. Maryam Touzani réussit à parler de l’intimité de ces deux femmes, de leurs douleurs en évitant les sujets. On ne parle pas de l’islam dans le film ! On parle de l’intime qui devient universel. Le film me fait penser à l’univers de Federico García Lorca. Je pense à son drame La Maison de Bernarda Alba où les gens enferment leurs douleurs derrière les murs et n’en parlent pas.
Les images sont souvent d’une beauté pittoresque par leur simplicité. AZABAL: En effet. Le travail de la directrice de la photographie Virginie Surdej est fantastique et efficace. Elle reste avec les personnages sans chercher l’effet. À plusieurs moments, ça me fait penser au peintre Vermeer.
On parle peu mais on montre beaucoup. C’est à cela que l’on reconnaît les bons films. Plus d’une fois, vous ne dites presque rien, mais nous pouvons lire dans vos pensées lorsque vous pétrissez la pâte. AZABAL: Le corps s’exprime. La façon dont je travaille ma pâte reflète ce qui se passe à l’intérieur de mon personnage. J’ai dû m’exercer pendant trois semaines avec une coach. Je ne peux plus voir de la pâte (rires). C’est super dur! Je peux vous assurer que vous ne voulez pas de coup de poing de la femme qui m’a coachée. C’est Cassius Clay.
Répondez franchement : cela vous a-t-il fait plaisir de pouvoir porter de nouveau un film ? AZABAL: Je ne vais pas mentir: Adam m’a fait extrêmement plaisir. On ne trouve pas toutes les semaines de beaux rôles pour femmes. Il n’y en a pas tant que ça. Pour les mecs, il y en a à gogo. J’exclus les rôles où les femmes sont des faire-valoir ou doivent montrer leur cul.
Est-ce que les gens vous reconnaissent dans la rue depuis La Trêve ? AZABAL: Dans les rues, on ne me reconnaît jamais. Vous ne pouvez pas vous imaginer comme ça m’arrange. Je n’ai aucune idée de l’impact de La Trêve. Après les trois Magritte que j’ai gagnés pour Incendies, La Marche et Tueurs, la Belgique commence enfin à savoir qui je suis.
Combien de nationalités avez-vous endossées pour vos rôles ? AZABAL: Oh là là ! Beaucoup en tout cas. J’ai fait des Juives séfarades, des Grecques, des Maro caines, des Espagnoles, des Palestiniennes, des

Belges, des Françaises… C’est l’avantage d’être méditerranéenne.
Vous naviguez d’André Téchiné à Tony Gatlif, Ralph Fiennes, Ridley Scott, en passant par Nabil Ben Yadir, Nadir Moknèche, Hany Abu-Assad et Bas Devos. On ne peut pas faire de carrière de cinéma plus éclectique. AZABAL: Je ne fais rien pour. Pour Mary Magdalene, le réalisateur Garth Davis m’a contactée. Pour la série The Little Drummer Girl, c’est Park Chan-wook qui m’a contactée. Les réalisateurs pensent que je corresponds à leur univers et me contactent. J’ai la chance que deux, trois films ont parcouru le monde. On m’appelle de partout mais c’est à chaque fois surprenant pour moi aussi. Je savais que j’allais avoir un tout petit rôle dans Hellhole de Bas Devos mais je me fiche de l’épaisseur du rôle. Je fonctionne à l’anglaise: un rôle est ce qu’on en fait. Si le scénario me plaît, ça ne me dérange pas de jouer celui qui ouvre et ferme la porte. Je ne suis pas une orgueilleuse. Il faut avoir un peu de chance. Le métier fonctionne par le désir de l’autre. C’est con à dire, c’est même dommage mais on te prend si on t’aime et on ne te prend pas si on ne t’aime pas.
Je dirais que c’est plus cruel que con. AZABAL: C’est extrêmement cruel. Ça peut être très violent. Surtout pour les femmes. À trente ans, on ne veut plus de toi. Et puis, on s’étonne que tout le monde utilise du botox. C’est difficile

de durer. Moi, j’ai la chance de pouvoir m’évader. Je ne reste pas accrochée à un type de cinéma.
Comment l’esthète coréen Park Chan-wook a-t-il eu vent de vous ? AZABAL: Il avait vu Paradise Now (film d’ Hany Abu-Assad sur des auteurs d’attentats-suicides palestiniens, nominé aux Oscars, NDLR) et Incendies (film canadien de Denis Villeneuve, nominé aux Oscars, NDLR). J’ai eu droit à un Skype avec lui. Il ne me demandait pas de casting. « Je serais enchanté si tu acceptes le rôle. C’est dix jours de tournage », disait-il. Bien sûr que j’ai accepté. C’est mon rêve de rencontrer des génies comme lui. Rencontrer des personnes, c’est mon kif. Ça fait partie du plaisir que j’ai dans mon métier. Je ne joue qu’un petit rôle dans Mary Mag dalene mais j’ai quand même passé trois semaines avec Joaquin Phoenix. On est devenu des potes. On fumait des clopes, on buvait des coups. Je rencontre l’être humain avant l’acteur. Humaine ment, c’est un mec génial. C’est pour des instants comme ça que j’aime ce métier.
Jouer la comédie est votre métier, mais acceptez-vous parfois des propositions pour l’aventure et la possibilité de découvrir d’autres pays et d’autres cultures ? AZABAL: Il y a de ça. Ça me permet de m’évader dans ma tête. La réalité m’ennuie terriblement. Elle m’angoisse. Et quand je m’ennuie, je fais des conneries (rires). Donc je préfère m’évader. Je n’ai
Abla, le personnage interprété par Lubna Azabal dans Adam, parle peu. Mais ses silences en disent long.
« La réalité m’ennuie terriblement. Et quand je m’ennuie, je fais des conneries. Donc je préfère m’évader. »
pas accepté Paradise Now pour le script. Il me plaisait mais j’y voyais surtout une opportunité. Je voulais voir la Palestine et rencontrer les Palestiniens. Est-ce con? Je ne savais pas que le film serait nominé pour les Oscars. On fait des films pour être au plus proche des humains. On s’inspire des gens et des vies qui existent. Vous êtes dans le métier depuis une vingtaine d’années. Que feriez-vous autrement si vous pouviez tout recommencer ? AZABAL: Je ne regrette pas de m’être lancée dans le cinéma mais je ferais quand même deux, trois changements. J’aurais dû avoir une meilleure compréhension du métier un peu plus tôt. Il y a plein de pièges qu’il faut éviter et cela peut freiner votre carrière. Si j’avais été mieux encadrée, j’aurais pu faire plus de choses qui me plaisent vraiment. J’ai voulu arrêter 206 fois. Vous parlez des beaux projets mais j’ai fait plein de trucs parce qu’il faut manger et payer les impôts - merci, la Belgique! Parfois, ça m’a rendue malheureuse. Ça fait mal quand on est passionné par le cinéma mais qu’on se retrouve dans des films qui déçoivent. Il y a des moments où l’on se dit: merde, qu’est-ce que je fais ici? Tout n’est pas joli. L’année passée, je me suis mise à faire du théâtre au théâtre de La Colline à Paris avec Wajdi Mouawad. Mon SMS lui disait: « Wajdi, je ne manque pas de travail, mais je manque de beaux textes. »
« Je vis dans mes valises », m’avez-vous confié il y a quelques années. Est-ce que Bruxelles est toujours votre point de chute ? AZABAL: Il y a un truc qui s’appelle la vieillesse. Vieillesse et intermittent du spectacle, ça ne va pas du tout ensemble. Je ne suis pas sûre de faire ce métier encore longtemps - on n’en sait rien, c’est comme du sable mouvant. Dieu merci, il y a encore des projets mais que m’arrivera-t-il demain? On n’a pas toutes une carrière à la Catherine Deneuve ou Meryl Streep. Ce sont des exceptions. Donc j’ai suivi le conseil de ma mère et j’ai acheté un appartement à Bruxelles. Avec un prêt de 25ans sur ma tête, mais soit. Si je n’ai pas de quoi manger plus tard, au moins je saurais où dormir. Le conseil de ma mère. Il y a quelques années, je m’en foutais complète ment. Maintenant plus. J’ai un pied-à-terre à Paris, une location, mais j’ai choisi Bruxelles parce que je suis très famille et ma famille vit ici: mes sœurs, mes petits neveux et mes parents qui vieillissent. J’ai besoin d’être près d’eux. J’aime savoir qu’il ne me faut que cinq minutes pour arriver chez mes parents. J’ai besoin de ma bulle parce que le monde du cinéma est un cactus.
N L Wat hebben Joaquin Phoenix, Nabil Ben Yadir, Denis Villeneuve, André Téchiné, Tony Gatlif en Park Chan-wook gemeen? Ze werkten allen samen met Lubna Azabal. Nu schittert de Brusselse actrice in de hoofdrol van het Marokkaanse arthousedrama Adam.
E N What do Joaquin Phoenix, Nabil Ben Yadir, Denis Villeneuve, André Téchiné, Tony Gatlif, and Park Chan-wook have in common? They have all collaborated with Lubna Azabal. The Brussels actress is now starring in the lead role of the Moroccan art house drama Adam.
Bureaucratie en bullshitjobs
NL Absurd theater voor kinderen en volwassenen vanaf zes jaar? Welkom in Tribunal. Makers Katrien Valckenaers en Maxim Storms: “Er zijn zoveel regels zonder duidelijk nut, zowel op een familiefeest als in bedrijven of het Vlaams Parlement.” — MICHAËL BELLON FOTO: HELEEN RODIERS
Wij zijn fan van Maxim Storms en Katrien Valckenaers. De jonge, kleurrijke, uitbundig murmelen de en onberekenbaar absurde theatermakers die samen Ballet Dommage vormen, gooiden eerder hoge ogen met het alom geprezen Klutserkrakkekilililokatastrof, en zaten ook samen in de spetterende verfbom Bonte nacht van Tuning People. Nu gaan ze in Bronks in première met hun nieuwe zesplusservoorstelling Tribunal, waarvoor ze samen op het podium staan met Hendrik Van Doorn en Lieselotte De Keyzer. Maar als we in hun buurt komen voor het interview duiken ze eerst nog snel weg achter de toog van de foyer. Om nog snel af te spreken wat ze ons gaan wijsmaken, of omdat ze terugdeinzen voor de hoge verwachtingen na Klutserkrakkekilililokatas trof? Maxim Storms: (Aarzelt) “Hoge verwachtingen? Die stellen we onszelf natuurlijk ook. Je moet bij elke voorstelling op zoek naar een nieuw universum en iets nieuws om te vertellen.”
Maar omwille van planning, promotie en subsidies moet je tegenwoordig al twee jaar op voorhand een titel hebben voor dat nieuwe universum. Is Tribunal nog een beetje van toepassing? KATRIEN VALCKENAERS: Toch ongeveer. Van welk idee waren we ook alweer vertrokken? (Tot Maxim) Wat hadden we daarnet gezegd? Een eerste thema was in ieder geval bureaucratie. Iedereen wordt wel op een of andere manier geconfronteerd met formulie ren, dossiers, klassementen en systemen waar je jezelf volledig in kan verliezen. Daarnaast had ik ook een frappante Nederlandse documentaire gezien over bullshitjobs. Ongeveer een op de drie werknemers zegt zelf dat zijn of haar job bullshit is en niets bijdraagt aan de maat schappij. Veel grote bedrijven vinden almaar nieuwe titels en jobomschrijvingen uit voor functies als account manager of communica tion strategy processor. Zelfs bij bedrijven die pakjes bezorgen, zie je dat op het aantal mensen dat de pakjes echt moet bezorgen wordt bespaard, terwijl de hogere functies, die in die bedrijven met vergaderingen, processen en powerpoints bezig zijn, almaar uitgebreid worden. De vraag is hoeveel nut al die figuren eigenlijk hebben. Impliciet sluipt er zo ook wat politiek in de voorstelling, in de zin dat we soms het gevoel hebben dat niet alleen in bedrijven maar ook in de politiek ofwel heel bruuske beslissingen worden genomen, zonder overleg… MAXIM STORMS: … ofwel heel veel beslissingen juist extreem lang worden uitgesteld of ‘on hold’ gezet. Ook in Tribunal kom je terecht in een wereld waar er heel veel te doen is om niets. Het gaat om het soort bedrijvigheid dat heel belangrijk lijkt, maar in heel veel situaties geen duidelijk resultaat oplevert. VALCKENAERS: Dat klinkt misschien als een thema voor volwassenen, maar kinderen worden ook in schoolverband of in de
MAXIM STORMS: “Het is niet zo dat we door de besparingen op cultuur nu een kwade voorstelling hebben gemaakt. Dit thema hield ons al bezig”
familie geconfronteerd met regels waarvan het nut niet altijd duidelijk is. Iedereen in de familie een hand gaan geven, heeft ook iets absurds. Kinderen die hun ouders horen babbelen over het werk of hen altijd maar achter die laptop zien zitten, vragen zich af waarover dat allemaal gaat. En soms hebben ze gelijk dat het ook best wat minder kan. Als je als kind naar het journaal kijkt, of als volwassene naar een kinderachtige ruzie in de gemeentepolitiek, of weer eens zo’n inefficiënte vergadering, dan vraag je je soms af waarmee we eigenlijk bezig zijn.
Hoe brengen jullie die bedenkingen naar de scène? STORMS: Eerst wilden we die figuren als clichématige machtige mensen neerzetten die ook zo gekleed waren, maar het is interessanter om de kleinmenselijkheid te laten zien door eerder knullige figuren een hogere functie te geven waar ze vervolgens het slachtoffer van worden. Als ze op een gegeven moment struikelen of een kortslui ting krijgen in hun hoofd, moeten ze toch blijven voortdoen. Want zodra je zelf toegeeft dat het systeem waarin je meedraait niet deugt, stort je eigen wereld ook in elkaar. VALCKENAERS: We spelen op een relatief klein speelvlak waar het publiek rond zit. De kijker volgt een werkdag van vier mensen die volgens een bepaald schema van afspraken, regels en rituelen verloopt. Er zijn vergader momenten en heel veel fysieke momenten, maar ook heel veel vertragingen. Het publiek observeert als getuigen in een tribunaal hoe wij te werk gaan, zoals het publiek bij een gemeenteraad naar de zitting kan gaan kijken. De personages zijn zich vaak bewust van dat publiek, maar vergeten het soms. En wat op het spel staat, is het in stand houden van het systeem. Het publiek kan zich daarbij betrokken voelen, maar het kan ook de onmacht gewaar worden die ontstaat als je er op televisie getuige van bent hoe hogere instanties soms geen hol uitvoeren of drastische beslissingen nemen waar je niets meer aan kan veranderen.
Wat jullie vertellen, doet een beetje denken aan de ervaringen van de podiumkunste naars die tijdens de protesten tegen de besparingen in de cultuursector de debatten in het Vlaams Parlement bijwoonden.
Maxim Storms en Katrien Valckenaers (beiden rechts op de foto) gaan een absurdistische strijd aan met de ratrace

BRONKS & BALLET DOMMAGE: TRIBUNAL (6+) 7/2 (open repetitie), 8 > 12/2, Bronks, www.bronks.be
THEATER
VALCKENAERS: Inderdaad. Wij stonden buiten te protesteren toen onze collega’s binnen in de tribune zaten. Wij waren ook gechoqueerd, maar niet echt verrast door de gang van zaken. Toch sluipt die zaak zeker niet letterlijk in onze voorstelling, net zoals het ook geen letterlijke satire op Donald Trump is. STORMS: Het is niet zo dat we door de besparingen in de cultuursector nu een kwade voorstelling hebben gemaakt. We waren al met dit thema bezig voor dat nieuws er kwam. Het is zelfs geen negatieve voorstelling. Je voelt ook liefde voor de personages.
Slaag je er als kunstenaar niet beter in om te ontsnappen aan de surrealistische ratrace? VALCKENAERS: Ik heb het gevoel dat we allemaal op een bepaalde manier deel zijn van het systeem. Ook in de kunsten moet alles steeds meetbaarder zijn. Prestaties worden gemeten in cijfers en publieksaan tallen, en je moet jezelf elke keer opnieuw bewijzen. Ik hoop zelfs dat dat systeem op een dag een keer in elkaar stuikt, en dat we met z’n allen kunnen toegeven dat het echt niet werkt. Dat burn-outs of woedeuitbar stingen onvermijdelijk zijn in een systeem dat niet gelukkig maakt. STORMS: Daarstraks had je het over de druk na Klutserkrakkekilililokatastrof. Als theatermaker moet je tijdens het creatiepro ces van het ene stuk inderdaad ook al bezig zijn met wat je daarna gaat doen. Dat is niet altijd bevorderlijk voor de creativiteit, en er dreigt ook concurrentie met collega’s te ontstaan.
Een geluk dat jullie absurde theater wel aansluiting lijkt te vinden bij onze complexe en frustrerende tijden. STORMS: Absurditeit is een fijne vorm om iets over vandaag te vertellen. Hoe absurd het soms is wat we spelen, het is altijd herken baar. Onze figuren zijn grotesk, maar je ziet ze ook om je heen. In die zin is Tribunal geen aanklacht, maar eerder een observatie en een weergave van de wereld. Een beetje in de trant van wat Jacques Tati of Franz Kafka deden.
F R Les jeunes metteurs en scène exubérants et absurdes derrière le Ballet Dommage présentent en première Tribunal, leur nouvelle création pour les six ans et plus, à voir au Bronks.
E N The young, colourful, exuberant, and absurd theatre-makers who together form Ballet Dommage, are premièring Tribunal, their new production for over-sixes, at Bronks.
THÉÂTRE
Touché-Goûté

© JEREMY MEYSEN
Dans Pourama Pourama, le metteur en scène et acteur basé à Bruxelles Gurshad Shaheman invite le spectateur non pas seulement à écouter son histoire, mais aussi à la toucher, à la goûter et à la négocier. « Je me nourris de ce que les gens me donnent ». — SOPHIE SOUKIAS
Tout spectacle n’est-il pas la promesse d’une expérience hors du commun, la réjouissance annoncée d’un moment de partage unique entre le créateur et ses spectateurs ? Certes, mais dans la bouche de Gurshad Shaheman, ces belles paroles, trop souvent vidées de leur saveur, prennent tout leur sens. Dans l’inclassable Pourama Pourama, tryptique autofictionnel de quatre heures et demie, le performeur français d’origine iranienne, installé en Belgique depuis 2014 - «les manifestations en France contre la loi du mariage pour tous m’étaient devenues insupportables », embarque ses spectateurs dans une aventure intime, drôle et sensible où ils sont constamment sollicités: pour insuffler au protagoniste, Gurshad Shaheman lui-même, l’énergie de son jeu, goûter les mets iraniens qu’il leur a concoctés avec amour ou encore entrer dans la confidence dans le décor de sa chambre à coucher. Complice, le public traverse, entre Iran et Occident, les différents stades de la construction intime de l’auteur, de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte.
Dans votre spectacle vous posez votre regard sur votre parcours depuis le plus jeune âge, sur vos parents et l’influence de ces derniers sur la construction de votre identité. Ce travail sur vous-même avait-il déjà été fait en amont de l’écriture ou est-ce le spectacle qui a permis la réflexion ? GURSHAD SHAHEMAN : J’ai commencé à écrire Touch Me en 2012 (la première partie du spectacle, NDLR) où j’avais imaginé ce dispositif où je raconte comment ma relation à mon corps s’est construite par rapport à la
qu’avec toute la machinerie du théâtre, on ne parvenait pas à créer cette émotion simple d’être juste face à quelqu’un. Ça a vraiment remis en cause toute ma conception du théâtre.
Est-ce qu’on a tendance à oublier que le théâtre est la forme par excellence qui permet l’ap proche sensorielle ? Impossible au cinéma de toucher les personnages à l’écran. SHAHEMAN : Ce qui est important quand on a choisi le théâtre comme outil, c’est de faire autre chose que des narrations qui sont «télévisuables». Il faut penser la place du public et le sortir de l’écoute passive. Je ne prends pas pour autant mes spectateurs par la main, ils sont libres de ne pas participer. Mais, en tout cas, les conditions sont réunies pour qu’ils vivent quelque chose hors du commun et qu’on partage un moment privilégié. Le théâtre est un rituel qui n’est pas le cas du cinéma. Au théâtre, il y a une idée de communion, d’un moment qu’on vit ensemble qui est nettement plus important.

Le rituel renvoie à la deuxième partie de votre spectacle, Taste me, où vous invitez les specta teurs à déguster votre plat préféré, cuisiné en live par vos soins, selon une recette de votre maman. SHAHEMAN : Ma scène, c’est chez moi et je cherche à inviter les gens chez moi. Ce repas va aussi avoir un rôle dans l’intrigue car chaque dispositif est en résonance avec ce qui est raconté. Il s’agit ici de l’espace de ma mère. Chaque spectacle est donc différent et imprévisible. SHAHEMAN : Oui, ça me plaît énormément. Je me nourris aussi de ce que les gens me donnent, la manière qu’ils ont de me toucher, d’interagir avec moi, c’est à chaque fois une aventure, pour le spectateur et pour moi aussi.
Avec Pourama Pourama, vous signez une performance ultra-physique étirée sur quatre heures trente de spectacle. Comment est-ce qu’on se prépare à un tel don de soi ? SHAHEMAN : C’est vrai que je cuisine et que je sers 80 assiettes en talons de 8 centimètres (rires). Cela étant dit, le corps intègre les rythmes. C’est comme mettre un vêtement qu’on aime bien. Il y a quelque chose d’extrê mement agréable que de retraverser ce rituel chaque soir. Physiquement, je me laisse une liberté très grande qui fait que, du coup, ça n’est pas fatigant.
«En quoi est-il plus honorable de tarifer son savoir-faire intellectuel que de tarifer son savoir-faire sensuel ?»
relation que j’avais avec mon père, parce que c’est lui posait les interdits à la maison quand j’étais enfant. Les spectateurs devaient me toucher pour faire avancer le récit et le relancer. Pendant le processus de création, j’ai senti la nécessité de commencer une thérapie en parallèle parce que je ne voulais pas que le théâtre fasse office de travail sur soi.
Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer une forme de théâtre aussi intime et personnelle ? SHAHEMAN : À un moment donné, je trouvais que les outils du théâtre ne me suffisaient plus. J’étais à New York à cette époque-là et il y avait la rétrospective de Marina Abramovic au MoMA. Elle-même était au rez-de-chaussée, assise huit heures par jour à une table, et les spectateurs pouvaient s’asseoir en face d’elle et la regarder dans les yeux. C’était bouleversant. Je me disais que c’était quand même incroyable Dans le chapitre final du spectacle, Trade Me, vous abordez un épisode de votre vie où vous avez monnayé votre corps. Aujourd’hui, lorsque vous vous donnez sur scène en tant qu’acteur, et que les gens paient pour venir vous voir, est-ce une autre manière de marchandiser votre personne ? SHAHEMAN : Tout à fait. Je pose la question de savoir en quoi il est plus honorable de tarifer son savoir-faire intellectuel plutôt que de tarifer son savoir-faire sensuel. Il y a cette espèce de primauté de l’esprit sur le corps qui m’a toujours semblé un peu artificielle. Dans cette troisième partie, je mets le spectateur face à la question de savoir s’il va obéir ou non à ce qui lui est demandé. Parce que dans la relation tarifée, c’est toujours la question qui se pose. Dois-je obéir à une injonction parce que l’autre me paie ? Vous êtes associé depuis peu aux Tanneurs. Quelle sera votre première pièce produite entre les murs de ce théâtre ? SHAHEMAN : Mon ambition au départ était de faire un portrait de la jeunesse aujourd’hui à Bruxelles avant de me focaliser sur les jeunes en rupture familiale, qui ont en commun d’être partis de la maison très tôt. Après avoir retourné ma propre vie dans tous les sens, et après avoir retranscrit le récit de jeunes réfugiés syriens et irakiens dans le cadre de mon spectacle Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète, je voulais aller à la rencontre d’autres histoires et amener les jeunes à écrire eux-mêmes des bouts de leur vie. Nous créons Silent Disco au fil d’ateliers aux Tanneurs et la pièce sera présentée au mois d’avril.
N L In Pourama Pourama nodigt de Frans-Iraanse en in Brussel wonende theatermaker Gurshad Shaheman de kijker uit om niet alleen naar zijn verhaal te luisteren, maar ook om het aan te raken, het te proeven en ermee in interactie te treden.
E N In Pourama Pourama, Gurshad Shaheman, a French-Iranian theatre-maker who is based in Brussels, not only invites the viewer to listen to his story, but also to touch it, taste it, and interact with it. BRUZZ | STORIES

Although Noah Vanden Abeele doesn’t have millions of streams yet, his piano universe continues to expand from his apartment in Forest. — TOM ZONDERMAN ○ FOTO: HELEEN RODIERS
It is a box within a box,” Noah Vanden Abeele says about the small workspace in his apartment. You would be able to hear the monk parakeets singing in the park in the distance, were it not for the fact that Vanden Abeele’s studio is hyper insulated. A false floor, a false ceiling, double doors, and double windows: no sound enters here, and no sound leaves. “I don’t want to bother anybody,” the Brussels pianist says. “Even when my girlfriend (the painter Sophie Caironi, tz) is working in her studio next door, she can barely hear me.” There is normally also a bed squeezed between the “
instruments and sound equipment, but Vanden Abeele has stowed it away in order to receive us. “It is quite tight, yes. But you have to make sacrifices to live in Brussels. And sleeping here is very quiet, of course.” Vanden Abeele grew up in Ellezelles, a small village on the border between Flanders and Wallonia, just south of Renaix. He stayed in Brussels after completing his studies here and has lived here for the past twenty years. “It took me a long time to feel completely at home in Brussels. I was looking for an identity and couldn’t find it. I now realize that what makes Brussels special is that it has no fixed identity. And that is what makes me so happy here now.” With his 2018 debut Universe, Vanden Abeele carved out a niche between the “neoclassical” of artists like Max Richter and Joep Beving. The only difference is that he doesn’t have millions of streams yet. “Piano playlists are fine and I understand why people need them. It brings a certain rest to their hectic lives. My girlfriend plays those playlists too. (Laughs) But you have to be careful that you don’t start making music that is tailored to those lists. The most important thing is that it is your own. I rarely listened to that kind of music, by the way. When I was a teenager, I would prefer The Prodigy or Korn.” (Laughs)
LA DOUCEUR DE LA VIE Vanden Abeele fell in love with the piano when he was a four-year-old sprout. “My grandparents had a piano and whenever we visited them, I would start improvising on it. I remember my parents lifting me onto the stool because I was too short to see the keys.” His mother enrolled him in music school when he was eight. “It was an adjustment. I had always just played whatever came into my head, and I was suddenly confronted with those little dots. (Laughs) I had lots of impro vised pieces in my head, but I didn’t dare to play them there because I thought they were too intimate.”